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La chambre était grande et luxueuse, riche en dorure et avec des sièges, des coffres, des armoires... le tout finement ouvragé. Un petit paravent pour permettre aux femmes élégantes de se changer, était décoré de scènes de chasses. Et, bien sûr, un immense lit à baldaquin. Le tout dans des tons marron, rouge et or. Pas de doute, cet endroit était aussi riche que les intérieurs de la famille de Faëlis !
Par contre, seule la faible lumière du dehors l'éclairait, et il n'y avait aucune trace de Dame Neolia. Il n'osait pas l'appeler, de crainte que quelqu'un d'autre l'entende... Il chercha donc autour de lui... jusqu'à ce qu'un bras lui enserre le cou. Il réagit à la vitesse de l'éclaire et se dégagea avant de prendre du champ et de se retourner, prêt à se battre. La seule arme qu'il avait emmenée, sa petite arbalète de poing, était parée à tirer. Un gloussement l'interrompit :
« Je t'ai fait peur ? »
Il se détendit avec un soupir frémissant :
« Ma Dame, ça aurait pu mal tourner ! »
« Tu te surestimes... » sourit-elle en allant allumer une petite lampe à huile qui diffusa une lumière chaude à côté du lit.
Elle était vêtue d'une robe ynorienne, appelé kimono si Faëlis avait bonne mémoire. Elle se retourna vers lui et sourit :
« Allons, je suis lasse de devoir toujours être digne. Une petite plaisanterie ne fait pas de mal, hein ? Sinon, j'applaudis à ton sens du théâtral. Cette tenue te rend encore plus séduisant ! »
Elle s'approcha et, d'un geste vif, elle retira le foulard.
« Sauf que je préfère voir ton visage ! Alors, tu as perdu ta langue ? »
L'elfe sourit à son tour :
« C'est un grand honneur, ma Dame... mais je me demande... pourquoi ? Nous nous connaissons à peine... »
Elle revint vers le lit, prit un bout de papier et y dessina un symbole. Un genre d'étoile fortement ramifiée, et lui montra. Il resta immobile, incertain de la conduite à tenir. Cela sembla suffisant à la belle qui secoua la tête :
« Tu n'es donc pas l'un des nôtres... Ce symbole représente un flocon de neige vu avec une loupe puissante. As-tu entendu parler de Yuia ? »
Le jeune homme sursauta. Il la regarda grimper élégamment sur son lit et s'y installer, à genoux. Il s'approcha, irrésistiblement attiré.
« Ma mère m'a dit une fois... que j'étais protégé de Gaia et de Yuia... mais j'ignore ce qu'une déesse frigide aurait à faire de moi ! »
Neolia laissa échapper un petit rire.
« Ne blasphème pas, je te pris... et sache que Yuia est la déesse de la beauté, en plus d'être la déesse de la glace ! Le flocon de neige est le symbole de sa perfection qui est à la fois pure et sophistiquée. »
La déesse de la beauté ? Voilà donc l'explication... Assurément, c'était une déesse qui lui convenait ! Quel malheur qu'il n'en ait pas entendu parler avant.
Il était maintenant tout près de Neolia. Il sentit sa respiration s'accélérer. À la douce lumière de la lampe, elle semblait plus belle que jamais. Il croisa son regard... ses longs cils et son regard fort, et néanmoins plus doux que ce qu'il connaissait. Il y avait en elle un intérêt évident, mais aussi autre chose. Elle était détendue, heureuse...
« J'ai tant de questions... Pourquoi... »
Elle le fit taire d'un doigt sur les lèvres.
« Je sais... mais viens. Nous aurons bien des occasions de parler plus tard... »
Il s'engagea sur le lit et retira sa tunique. Torse nu, il se laissa pousser doucement jusqu'à être étendu sur le dos. L'archère entreprit de le caresser. D'une manière étrange... elle écartait largement le pouce et posait la main contre un muscle, puis contre le visage... cela rappelait furieusement les mesures de madame Boissant ! Le cœur battant la chamade, il tendit une main et retroussa le bas de la robe pour caresser une jambe fine et satinée.
« Que faites-vous ? »
« Je te mesure... Pour voir à quoi ressemble le parangon des elfes... Nous sommes comme ça, moi et... mes amis... nous voulons découvrir les secrets de la beauté que dispense notre déesse. »
Faëlis avait l'impression qu'il allait devenir fou. Chaque contact intensifiait son désir, et il lui fallait toute la maîtrise longuement acquise avec toutes ses maîtresses pour ne pas sauter sauvagement pour son amante.
« Le... le parangon des elfes ? »
« Décidément, tu as beaucoup à apprendre... Hum... oui, tes proportions sont vraiment proches des estimations de perfection elfiques... »
La main veloutée descendit plus bas et... mesura une région qui était plus longue que d'habitude. Faëlis laissa échapper un halètement de surprise.
« Hum... enfin, ta famille s'est emballée, à ce niveau, tu dépasses tous les standards ! Mais bon, je suppose que pour une famille de débauchés, la longueur est tout ce qui compte, hein ? »
Il bondit pour la saisir à bras le corps. Impossible de résister plus longtemps !
« Je vais te montrer ce que m'a appris ma famille de débauché ! » rit-il.
Il retira le kimono en quelques gestes et la retourna sur le dos. Là, ils firent longuement l'amour. Ce fut un instant à la fois éternel et trop bref, pendant lequel il s'abandonna corps et âme, ne cherchant rien d'autre qu'à s'unir à la belle, encore et encore. À chaque mouvement, il les rapprochait tous deux de l'extase. La tension montait, encore et encore... interminable et désirable... jusqu'à ce qu'ils se relâchent, comblés de plaisir.
Il se laissa retomber sur le côté, trempé de sueur. Elle semblait elle-même rompue, mais ses yeux étrécis de plaisir en disaient long sur ce qu'elle ressentait. Il s'accouda à côté d'elle et sourit en écartant une mèche de cheveux noirs, collée sur son front.
« Alors... satisfaite ? »
Elle sourit tendrement.
« Oui. »
« Alors... pourquoi ? »
Elle se releva à demi, et rejeta ses cheveux en arrière. Elle reprenait vite ses forces ! Pas étonnant. Il aurait été déçu de la voir déjà épuisée.
« Mon mari ne voit en moi qu'un signe de richesse. Oh, il est très gentil, et me comble à tous les niveaux... sauf au lit. C'est un piètre amant, et de toute façon, il s'intéresse plus au luxe et à l'argent. »
Elle rit, mais avec une pointe d'amertume :
« Mon mari doit être le seul homme de la ville à ne pas me désirer outre mesure ! »
Cela expliquait bien des choses, en effet. Cela dit, s'il était content de lui avoir donné du plaisir. Elle le méritait amplement ! Mais cela ne répondait pas à tout.
« C'est pour ça que vous vénérez la déesse de la beauté ? Pour trouver des amants ? »
« Non... Les adeptes du cristal de neige m'ont approché car ils estimaient que j'étais proche du parangon des humains. J'ai tout de suite adhéré à leurs idées. Depuis mon enfance, on me dit que je suis belle, et de ce fait destinée à être vendue pour une alliance politique ou financière. Je me suis toujours demandé ce qu'était cette étrange notion de beauté. Bénédiction ? Malédiction ? Je me suis toujours considéré comme normal, pourquoi tout le monde me trouve belle ? Je l'ignore, mais j'espère le découvrir... »
« Et qu'est-ce qu'un... parangon ? »
« Les hommes et les femmes qui présentent les proportions parfaites au sein de leurs peuples. Ils sont la clé. Des individus presque universellement reconnus comme beaux, et qui, par conséquent, sont autant d'indices précieux sur la beauté de Yuia. J'espère que tu ne m'en veux pas de t'avoir mesuré, mais sache que ceci nous éclairera beaucoup sur ce qu'est la beauté chez les elfes. »
« Qu'est-ce qui te fait dire que je serais le parangon des elfes ? » demanda Faëlis avec curiosité.
Il n'en doutait pas lui-même, mais se l'entendre confirmer l'intéressait au plus haut point.
« Ta famille est un exemple pour les adeptes du cristal de neige. Elle réalise sur elle-même une opération de sélection, créant des elfes toujours plus beaux, les croisant entre eux... »
Elle sourit en voyant le visage incrédule du jeune homme.
« Oui, je vois que tu l'ignorais... mais tu es toi-même le produit de générations et de générations de sélections vers ce que les chefs de ta famille considèrent comme un archétype de beauté. J'ignore s'ils te considèrent comme l'aboutissement de leur recherche ou simplement une étape. Il est difficile de se renseigner sur eux. Mais des quelques adeptes dans ta famille, nous avons appris que ta naissance à fait grand bruit... »
Faëlis se laissa retomber. Alors c'était ça, sa vie ? Sélectionné comme une bête d’élevage ? Même s'il était fier du résultat, il ne pouvait s'empêcher de trouver ça... dégouttant. Neolia se blottit contre lui et recommença à le caresser.
« Allons... ne laisse pas de sombres pensées te tourmenter, et profite de ta chance ! »
Ses mains dessinaient doucement le contour de ses muscles, mais le désir tardait à revenir. Il la regarda dans les yeux et lança :
« Tu m'utilises... comme ils m'ont tous utilisé... »
« Crois-tu que je ne comprends pas ce que tu ressens ? Je te rappelle que j'ai été vendue pour rapporter un accord commercial lucratif à ma famille. »
Faëlis hocha la tête. Ce n'était pas agréable pour autant. Mais après tout, il comprenait maintenant ce bonheur sincère qu'il avait vu dans ses yeux, au début. Elle l'utilisait, mais comment lui reprocher de chercher... à vivre, tout simplement ? Il l'enlaça et l'embrassa doucement. Après leurs premiers ébats fougueux, les suivants furent doux et tendres, presque timides. À la fin, comblée de nouveau, Neolia poussa un long gémissement avant de se laisser retomber.
« Tu es vraiment infatigable... »
« Et ça ne fait que commencer. »
Malgré sa beauté incontestable, il découvrit bientôt qu'elle n'avait rien d'une experte dans les jeux de l'amour. Cela le rassurait. Il avait moins le sentiment d'être dominé ! Ce n'était qu'une illusion, bien sûr. Elle était forte, riche, maîtresse d'une maison puissante... sans parler d'être la meilleure archère de la ville ! Peu de femmes avaient réussi à ce point à le rendre fou de désir, à lui faire perdre le contrôle, tout en le convaincant que c'était ce qui pouvait lui arriver de mieux. Elle brisait son orgueil, et il en redemandait.
Il lui parla de son souhait de parler au roi, contrarié par l'absence de réponse du palais, et elle lui répondit avec un regard hautain :
« Tu auras ton invitation. »
Avant de le chevaucher et de l'emmener jusqu'aux étoiles. Il l'embrassa et elle répondit. Il lui montra comment trouver les points de plaisir de son partenaire et la fit gémir de plaisir. Oui, il était vraiment chanceux. Il avait une maîtresse de talent en archerie et une élève studieuse dans les arts de l'amour.
Au bout d'un temps indéterminé, une main toqua à la porte.
« Ma Dame, votre mari est rentré et vient directement dans votre chambre ! »
Un instant de panique. Neolia alluma une tige d’encens pour masque l'odeur de sueur révélatrice. Déjà fort expérimenté à cet exercice, l'elfe bondit dans ses vêtements, mais un peu tard.
« Faites le sortir quelques minutes, ça suffira ! »
« Compte sur moi ! »
Faëlis se jeta sous le lit. La porte s'ouvrit à cet instant et il vit deux pieds entrer.
« Ma chère, dans quel état vous voilà ! »
Neolia gémit d'une voix faible :
« Ah, mon époux, je crois que le dernier repas m'a chamboulé l'estomac... »
« Voulez-vous que j'aille chercher un médecin ? »
« Non, inutile... venez, promenons-nous un peu dans les couloirs, prendre l'air me fera le plus grand bien... »
Elle s'habilla tandis que Faëlis maintenait une respiration aussi douce que possible pour être inaudible. Ce n'était pas facile. Il était encore essoufflé de ses ébats ! Il sentait qu'approchait une inspiration puissante et incontrôlable. Mais il devait résister... aussi longtemps que possible. Finalement, deux paires de pieds s'éloignèrent et il put reprendre son souffle.
Il sortit de sous le lit et se glissa vers la fenêtre. Sortit et le referma comme il put de l'extérieur. D'ici, il tait facile de descendre jusqu'à la rue, en terminant par un bond agile. Puis, il s'enfuit, invisible dans la nuit. Invisible, alors que ses yeux brillaient de bonheur. Quelle journée ! Elle resterait sans nul doute longtemps dans sa mémoire. Et il ne doutait pas qu'il retrouverait prochainement sa nouvelle maîtresse. Elle l'utilisait pour trouver le bonheur, il l'utilisait pour monter vers la noblesse de Kendra Kâr... juste échange dont ils avaient tous les deux conscience. Une sincérité qui achevait de les rapprocher, surtout maintenant qu'il savait que leurs destins étaient bien proches.
Deux êtres portant la bénédiction et la malédiction de Yuia.
(Mère... combien de secrets me caches-tu encore ?)
Le lendemain, il recevait son invitation au palais.
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L'homme de toutes les femmes, la femme de tous les hommes Lampadaire officiel de la quête 32Le thème de Faëlis
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