Le départ
C'est une maison avantageusement située entre la forge d'Argaie et le quartier commerçant de Kendra Kâr. A l'avant, elle donne sur une des artères principales de la ville et de nombreux badauds s'y promènent. La cheminée de la forge est encore visible mais n'est plus utilisée depuis bien longtemps, en effet, il y a des années que le propriétaire des lieux n'officie plus comme mestre-fêvre et le bâtiment a été reconvertie en comptoir de commerce afin que Onerd Daller puisse y recevoir ses partenaires et gérer son consortium d'armurerie. L'arrière de la battisse est plus commun et ne se distingue pas vraiment des habitations avoisinantes, Onerd y habite avec sa femme et son fils unique. Une lourde porte de chêne offre un accès dans la petite rue résidentielle.
C'est par cette porte que sort Liam, fils unique de la famille. Il portait ce jour là une chemise légère et colorée en lin ainsi qu'un simple pantalon de chanvre. Sa lourde épée attachée dans son dos ainsi que son baluchon par dessus l'épaule indiquent qu'il est sur le point de partir. Cela ne fait pourtant à peine une semaine qu'il est revenu, c'est court mais une semaine à rêver de voyage, c'est déjà beaucoup trop long. Après avoir fait ses au revoir à ses parents, promis à sa mère d'être prudent, à son père d'être brave et à nouveau à sa mère d'être prudent, il était temps de refermer la porte en chêne et de s'éloigner de ce quartier familier pour aller découvrir le monde. Liam la poussa sans hésitation.
Il aurait voulu partir aussi vite que possible, sans savoir vraiment ou à vrai dire. A l'est le comté de Shory lui semblait trop calme même si le privilège seul de découvrir une ville hobbit devait surement valoir le voyage. Les autres options étant le comté de Bouhen ou le Duché des Montagnes, Liam avait conclu qu'il laisserait le premier travail qu'il pourrait trouver lui dicter le chemin. Et s'il ne trouvait pas de travail immédiatement alors il embarquerait sur un chariot afin de s'épargner un voyage à pied trop fatiguant à son gout.
Il s'éloigna de son quartier pour tenter sa chance sur une première piste. Parmi ses vieux amis, la plupart faisait du commerce ; rien d'étonnant à cela, si Kendra Kâr est aussi puissante c'est parce qu'elle est une puissance commerciale avant d'être une puissance militaire. Avec un peu de chance, l'un d'eux pourrait lui indiquer une cargaison à escorter ou un riche marchand à accompagner en voyage. Il se dirigea donc vers le quartier marchand avec bon espoir d'y dégoter quelque travail rémunéré.
Sur le chemin il rencontra une tête connue, Tormi, fils d'Argaïe qui tient la plus grosse forge du quartier. Nos pères faisant affaire ensemble très souvent, c'est un ami de longue date. A son habitude, il a sa mandoline à la main et, dans les nuages, fredonne un air sans prêter attention à sa compagne qui s'adresse à lui sur un ton de reproche. Liam reconnu tout de suite les cheveux légèrement bouclés de Violaine, assistante à la forge et devina que plus que des reproches, Tormi devait subir un véritable sermon. Car la damoiselle a toujours été un modèle d'efficacité à la forge ce qui l'oppose totalement à Tormi et sa nonchalance. Comme elle est son ainée de quelques années, elle ne s'est jamais faite prier pour le rappeler à l'ordre.
*Celui là ne changera jamais, je pourrais partir 10 ans qu'il ne serait toujours pas forgeron au grand malheur de son père et qu'il trainerait toujours la même mandoline. Enfin, je suppose qu'il faut que j'aille à son secours*- Tormi!L'autre se tira de sa rêverie pour se tourner vers le jeune homme, curieux d'avoir entendu son nom. En le reconnaissant, il sourit amicalement.
- Liam!- Amène donc ton violon par ici! Cela fait longtemps que tu ne m'as pas cassé les oreilles avec. Bonjour Violaine, ajouta-t-il lorsque le couple se rapprocha
- Bonjour Liam, je vois que tu as pris ton arme au cas ou les armées d'Oaxaca jaillissent des égouts de la ville. C'est prudent! répondit-elle d'un ton ironique.
D'ailleurs tu devrais changer ce coupe-choux émoussé, passe à la forge si tu veux une arme digne de ce nom. Je suis désolé mais le jeune maître et moi-même sommes attendus par maître Argaïe.Énervée aujourd’hui... Liam s'entendait plutôt bien avec Violaine pendant un moment mais lorsqu'il avait refusé de reprendre le commerce familiale ou d'apprendre le métier de forgeron, l'assistante d'Argaïe l'avait rangé dans le même sac que Tormi, celui des enfants ingrats qui dédaignent les opportunités offertes par leurs parents.
Liam lança un regard interrogateur à son ami qui se contenta de lever les yeux aux ciel en soupirant. De sa jolie voix douce, il ajouta
- Malheureusement oui, il semblerait que mon cher père soit devenu sénile et ne puisse même plus aiguiser une bêche de paysan sans mon aide. A moins qu'il n'ait toujours pas renoncé à me faire reprendre la forge un jour ou l'autre.- Ne parlez pas comme ça de votre père, il se donne du mal pour vous transmettre le métier, si seulement vous vouliez bien vous investir un peu.- Tu peux garder tes sarcasmes Violaine, si je me promène armé c'est que je pars aujourd'hui. Et qui sait si je croiserais les armées d'Oaxaca quand je serais dans le Duché des Montagnes- Comment? Déjà?! s'exclama Tormi,
mais tu es revenue de Tulorim depuis à peine une semaine, ne me dis pas que tu repars à la guerre aussi vite?- Non bien sur, j'ai quitté l'armée, la hiérarchie ne me plaisait pas vraiment. Vous n'avez vraiment pas le temps de manger un morceau?- Et bien... commença Violaine
- Bien sur que si! la coupa Tormi.
On ne sait même pas quand on te reverra, mon père se débrouillera seul avec son bout de métal. Viens donc rue de Nosveris, il y a une nouvelle auberge très sympa tenu par une Pohélissoise, je vous invite.Ainsi ce fut décidé malgré les grommellements désapprobateurs de Violaine. Liam était content qu'elle ne conteste pas plus que ça, car il l'aimait bien dans le fond et leur retard allait surement leur attirer les foudres d'Argaïe, chose qu'elle n'aurait pas risqué pour n'importe qui. Sur le chemin il leur raconta ou il comptait aller, il leur dit qu'il pensait aller voir Vodil qui avait travaillé quelques mois pour son père avant de juger le secteur des armes trop bouché, il s'était depuis lancé dans les transports de caravanes. Violaine l'interrompit aussitôt
- Je le connais, il est parti sur Imiftil dans la ville de Yarthiss pour ouvrir un comptoir.Liam et Tormi acquiescèrent, un comptoir à Yarthiss n'était pas une mauvaise idée, les Kendrans évitaient de commercer avec les Whiels s'ils avaient le choix, installer un compatriote dans le port concurrent avait toutes les chances de s'avérer lucratif. Liam enregistra l'information, il ne doutait pas d'un jour voyager vers Imiftil et cela pourrait toujours s’avérer utile à l'avenir. Évidemment pour le moment c'était embêtant. Il lui restait évidemment la milice qui aurait surement un travail quelconque mais pour une mission à l’extérieur de la ville, ils allaient surement préférer quelqu'un qui avait déjà travaillé avec eux. Pendant que Liam réfléchissait à ces options, Tormi poussa la porte de l'auberge.
L’intérieur n'était pas très grand et on Liam soupçonna que les éloges de Tormi visait la serveuse plutôt que la nourriture car il la reluquait d'un air rêveur.
Violaine l'air irrité par le joli-cœur continua de converser avec Liam à propos de l'actualité à Kendra Kar, une cargaison de bois blanc qui serait arrivé par bateau la veille était censé être envoyé par chariots à Bouhen. sans quitter des yeux sa belle Pohélissoise, Tormi la taquina arguant que son expertise toute nouvelle à propos du commerce du bois avait surement à voir avec un certain marin aux cheveux bruns bouclés avec lequel il l'avait surpris. Violaine rougit pour confirmer. Liam quant à lui se contenta d'enregistrer l'information et se promit de se renseigner.
Après un repas rapidement avalé, ses deux amis furent obligé de s'éclipser rapidement, ils étaient toujours attendus à la forge. Ils se quittèrent sur une poignée de main et se promettant de se revoir aussi tôt que possible. Ces politesses sonnaient un peu creuses pour Liam qui ambitionnait justement de partir le plus longtemps possible mais il s'y prêta tout de même avec un sourire, il est surement agréable de se savoir attendu chez soi pendant qu'on vadrouille à travers le monde.
En les quittant, Liam se dirigea donc directement vers le marché pour se renseigner sur cette cargaison de bois ou sur tout autre emploi susceptible de l'éloigner de la capitale.