Immobile, je n'entends guère que des sons plus ou moins déformés. Malgré ma fatigue, je m'efforce de demeurer patient, même lorsque Hekell s'arrête un long moment. D'un coup, je le sens se raidir et me prépare instinctivement à prendre mon envol si jamais la cape bouge trop vite. De longs instants s'écoulent avant que l'elfe sombre ne se remette en route. À sa démarche, je le devine emprunter des escaliers, et à grandes enjambées en prime ! J'ignore à quoi il pense, mais il a apparemment oublié que je suis là ! Heureusement que j'ai l'estomac solide ! Je perçois vaguement le grincement du bois mais ne bouge pas d'une plume, attendant que le mouvement se stabilise.
Bientôt, la voix du colosse sombre se fait entendre, m'invitant à sortir. Je me surprends à hésiter une fraction de seconde au moment de rompre le contact. Pendant que le shaakt retire sa cape, je déploie mes ailes et m'élève un peu. La pièce se trouve sous les combles, avec une lucarne donnant sur la rue. Sans un mot, je m'en approche, vérifiant pouvoir l'actionner facilement. Cela me laisse une voie de sortie supplémentaire, ce qui me rassure un brin. Non pas que je doute des intentions de mon camarade, mais mieux vaut rester prudent. Sous mon casque, je lui jette un regard tandis qu'il s'installe. La chambre est double. Deux lits, deux tables de chevet, deux bougies et un meuble sur lequel repose une large vasque. Avant de m'en rendre compte, je me suis posé sur ledit meuble et ai ôté ma protection de tête.
Tout en la gardant sous le bras, j'avise le shaakt. Un brin moqueur, je décide de lui lancer une petite pique.
"
Rappelle-moi d'amener un coussin ou une sangle la prochaine fois que j'emprunte le convoi Hekell. "
Levant un peu la main, je la plonge dans l'eau claire mise à disposition. La fraicheur m'appelle, et l'idée de me décrasser prend rapidement le dessus. Sans la moindre patience, je retire vivement mon plastron et ma tenue, me retrouvant bientôt sans la moindre once de tissu pour me couvrir. Baissant les yeux, j'examine la cicatrice que j'ai du bas des côtes jusqu'au milieu de l'abdomen, la lissant du pouce. Ramassant les pièces de cuir, je les tapote un peu pour en faire choir la poussière puis les repose. Donnant un coup d'aile, je recueille de l'eau dans mes mains et m'en asperge le visage sans ménagement. Recommençant mon geste, je tourne brièvement la tête vers le géant sombre.
J'aperçois un bout de papier et m'en désintéresse aussitôt, reprenant du précieux liquide clair pour m'en asperger le torse puis la tignasse. J'ai encore la sensation d'avoir des cendres collées à la peau.
"
Pas fâché de retirer cette crasse."
Par moments, je jette un oeil au shaakt, juste pour m'assurer qu'il ne s'est pas simplement assoupi. Ce n'est pas qu'il serait vexant que je parle dans le vide, mais il me faudrait fermer moi-même la porte à clé. L'image du semi-elfe devant l'auberge me revient et me fait froncer les sourcils.
(
Non, ce doit être une coïncidence... Mais mieux vaut ne pas trainer à Kendra Kâr plus que nécessaire. )
Sur ce, je m'asperge de nouveau d'eau, laissant échapper un souffle satisfait.