<<<Les alentours du palais royal. Le quartier chic. La maison de mes parents ne se démarque pas des autres. Une imposante villa, faite principalement de marbre avec un jardin entre deux autres imposantes villas, principalement faites de marbre avec un jardin. Ils ont sans doute le même jardinier. Je pousse la porte de la clôture et m'engage sur le chemin pavé jusqu'à l'entrée de la villa et toque poliment. Le majordome m'ouvre, me salue. Je lui souris et lui indique que je trouverai mon chemin tout seul. Direction la cuisine, pièce occupée une grande partie du temps par ma mère que j'y retrouve sans surprise. Je l'embrasse sur la joue. Agréablement surprise de me voir, elle me pose les ennuyantes questions habituelles au quels je réponds d'un air faussement intéressé.
" Il est dans son bureau ? "Demandais-je d'un air innocent après qu'elle ai finie de me raconter les rumeurs du voisinage. Par pure courtoisie, en réalité. Evidemment qu'il était dans son bureau. Il ne le quitte que rarement, comme ma mère quitte rarement la cuisine ce qui au fil des années donnent un homme expert en paperasse et une femme experte en cuisine.
" Oui. Toujours le nez dans ses livres de comptes. " Me répond-elle en riant.
(Ne t'en fais pas mère. Bientôt, il ne les regardera plus.)Je feins un rire et sors de la pièce pour entrer dans le couloir. Décoration banale, quelques peintures aux murs, un tapis au sol, quelques plantes. Dans un coin, une jeune femme de ménage est tellement concentré à déloger une toile d'araignée qu'elle ne m'aperçoit même pas. Je prends les escaliers, tapotant sur la rambarde en montant les marches, attirant l'attention de la domestique qui me salue poliment un peu gênée. J'incline la tête tout en continuant mon ascension. Prends à droite et passe devant la bibliothèque. J'ai lu quantité de livres quand j'habitais encore ici mais il me faudrait encore plusieurs années pour lire tout ce que contiennent ces étagères. Juste à côté, le bureau. Je frappe poliment et patiente que mon père m'indique d'entrer de sa voix forte et de son ton certain.
J'entre et me tient droit face à mon géniteur. Une copie physique de moi-même mais en plus âgé. Plus fier aussi, il se tient comme celui qui a tout réussi et qui réussira encore beaucoup de choses, assis à son bureau d'acajou, un livre de compte faisant trois fois la taille du mien devant lui. Une plume dans sa main droite et un boulier à proximité de sa main gauche. Pas d'autres meubles dans la pièce. Pourquoi s'embêter quand une deuxième porte donne directement dans la bibliothèque et une troisième dans un débarras où il entasse ses grimoires pleins de chiffres des années précédentes. Une pièce qui serait parfaite pour mon autel.
" Ah. C'est toi. "" Oui père. Je venais prendre de vos nouvelles. "" Tout va bien comme tu vois. "Il étend ses bras, englobant physiquement tout ce qui démontre sa richesse dans cette pièce mais, mentalement c'est sa maison, sa santé, sa famille et son commerce qu'il s'apprête à serrer dans ses bras en riant.
" Et toi ton petit stand ? "Je sais qu'il ne cherche pas à m'humilier ou me rabaisser. Pourtant mon masque amusé cache un regard noir et une grimace d'irritation.
" J'envisage de m'agrandir. "" Ah, c'est intéressant. "Nous y voilà, passant du père au commerçant. Il pose sa plume, joint ses mains et les poses devant lui sur son bureau. Ce serait presque s'il m'invitait à m'asseoir pour le convaincre de participer pour qu'il se fasse un peu de monnaie.
(Tu vas être une pièce maîtresse de mon agrandissement, ne t'en fais pas...)Je m'installe, jouant le jeu. Posant mes bras sur les accoudoirs rembourrés, une posture ouverte aux négociations. Nous le savons tous les deux.
" Tu veux peut-être que je t'aide financièrement ? Mais tu connais mon crédo. "" Les affaires sont les affaires. La famille c'est la famille. "Il hoche la tête, satisfait. Pas de cadeau à un potentiel concurrent. Je prends un air désintéressé, tapotant du bout du doigt sur l'accoudoir.
" Ce serait plus facile mais je devrais pouvoir m'en sortir avec mon propre budget. "" Oh vraiment ? "Ce chacal sait visiblement que je suis loin d'avoir les moyens. Sans doute l'oeuvre de maudites fouine qui fouillent dans les comptes du marché. Ne pas perdre contenance. Je garde un air assuré.
" J'ai dû me séparer de certains objets de valeur mais c'est pour la bonne cause. "Je conclue avec un rire. Mon père grimace un instant et plisse un œil. Il n'a pas l'air convaincu. Je tourne la tête vers la fenêtre, observant dehors et tente de dévier le sujet de conversation.
" Vous ne sortez plus de votre bureau ? "Surpris, il suit mon regard, pointant le nez vers l'extérieur.
" Peu ces temps-ci. Je suis sur un gros dossier. "Je hausse les sourcils, ce à quoi il rétorque par un ricanement.
" Mais c'est confidentiel pour l'instant. "Je n'insiste pas, je le montre en montrant mes paumes, un sourire aux lèvres. Il reprend.
" Mais tu devrais revenir demain pour dîner avec ta charmante femme. "" Elle s'occupera du dessert. "" Formidable. "" On devrait aussi se refaire une partie de chasse à l'occasion. Il sourit. Sans doute le souvenir des moments que nous avions passés ensemble quand il m'emmenait à la chasse enfant. Il se contente d'incliner la tête en guise de réponse. Je l'incline à mon tour et me lève avant de sortir du bureau.
J'avoue être un peu déçu. Je n'ai rien appris d'intéressant mais j'ai créé deux occasions. Une, proche. Trop proche sûrement et extrêmement risquée. Le dîner. Je pourrais revoir la théorie de l'empoisonnement mais ça m'oblige à m'y pencher toute la nuit. Je ne pense pas avoir de livre chez moi sur les poisons ni même sur les plantes qui pourraient me servir. Je m'arrête devant la porte de la bibliothèque et décide d'y entrer. Peut-être qu'ici je peux trouver des solutions.
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