Il s'installa dans une petite ruelle sombre et miteuse. Là, il s'adossa au mur et ferma un instant les yeux pour savourer ce pur instant de bonheur. Aujourd'hui était un grand jour ! Il allait apprendre beaucoup de la magie ! Il avait bien envi de tout étaler par terre pour admirer ses possessions mais il n'osait pas, de peur que quelqu'un les fauche ou que de l'eau tombe subitement des toits et n'efface tous les parchemins d'un coup.
Il se contenta donc de sortir une bouteille de fluide et la fit tourner un instant dans sa main. Puis, il la déboucha et fit couler l'étrange substance dans sa bouche. Aussitôt, la sensation se mort glacée revint. Ce n'était que la deuxième fois qu'il sentait ça mais il avait déjà l'impression d'être dans un environnement familier. Les ombres s'insinuaient en lui, faisant naître dans son esprit des images de vices inimaginables.
Azra était doté d'un sens moral plus développé qu'il n'y paraissait.
Il se sentait un peu choqué par la facilité avec laquelle il avait frappé Kalhyndra. Il se sentait coupable de la mort de tout ses amis, même s'il restait convaincu que, sans leur sacrifice parfois forcé, il serait mort lui même. Mais par dessus tout, il s'interdisait des tas de choses qui auraient pu se résumer ainsi : il s'empêchait de faire du mal aux gens alors qu'il en rêvait.
Mais maintenant, dans son esprit, les fluides de l'ombre faisaient naître des images étranges et malsaines et il s'y vautrait avec plaisir. Ce n'était pas réel, c'était ses rêves, il pouvait y faire tout ce qu'il voulait. Aussi bien frapper des gens dans la rue que s'imaginer au milieu des coussins avec un harem de jeunes filles dociles qui ne pensaient qu'a satisfaire ses moindres désirs.
Il s'abandonna donc à ces rêveries, montrant les dents tout en se délectant de plaisirs qu'il jugeait lui même interdits.
Il rouvrit les yeux. Regarda autour de lui. Tout cela avait été tellement fugace... Il était de retour dans la ruelle miteuse alors que les rêves avaient à peine commencé... Il fut tenté de boire la deuxième bouteille. Ça avait été plus fort que la fois précédente, et surtout plus agréable ! Peut-être que ce serait encore mieux la fois suivante ?
Il rougit. Quel pervers il faisait ! S'abandonner à des plaisirs coupables ! C'était à croire que les fluides cherchaient le moyen de le corrompre le plus efficacement... Plus que jamais, il se sentit dégouté par lui-même.
Mais Chandakar intervint :
(Il faut tout de même que tu saches que ces substances sont dangereuses. Si tu bois la deuxième fiole maintenant, cela pourrait avoir des conséquences néfastes...)Cela acheva de convaincre le garçon. Avec un air dégouté, il arrêta sa main qui s'était déjà posée sur la deuxième fiole sans qu'il lui ai demandé. À la place, il la dirigea vers un parchemin.
Il le sortit donc de sa sacoche et entreprit de le lire.
Encore une fois, il devait surtout déchiffrer. Il s'agissait du parchemin de 'force des ténèbres'. Le parchemin expliquait en effet comment les ombres pouvaient s'infiltrer dans le corps d'une ou plusieurs cibles et saper leur énergie avant de revenir sur le lanceur pour la lui donner. C'était prometteur.
Il déchiffra donc les écritures, faisant un effort pour s'intéresser même à la partie théorique. S'il voulait devenir un grand jeteur de sort capable de comprendre la nature de son lien avec Chandakar, la théorie était encore plus importante que la pratique...
Lorsqu'il estima avoir saisit l'essentiel, il passa au sortilège en lui même et appela ses fluides. Submergé par une froideur mortifère, il grinça des dents et laissa le pouvoir s'imprimer dans son esprit. Il sentit qu'il devait jeter ses ombres sur les muscles de l'adversaire, qu'elles s'y accrochent et... parasitent des petites choses. Elles emportaient et protégeaient ce qui faisait fonctionner les muscles et le rapportaient comme des chiens fidèles à leur maître.
Les ombres bouillonnèrent sur sa peau, et une certaines quantité s'en échappa. Il se laissa aller contre le mur. Il était certain, à présent, de savoir comment faire pour lancer le sortilège.
La nuit était-elle tombé si vite ? Un soir glauque étendait son linceul sur la ville. Il ne fallait pas tarder, vite... Il entreprit de lire le deuxième parchemin. Il s'agissait de la 'main des ténèbres'. Ici, c'était une attaque fluidique toute simple. Les fluides de l'ombre de tendaient sous une forme visible ou invisible pour faire du mal à la cible.
Azra avait du mal à lire dans l'obscurité mais il insistait, incapable de dire pourquoi il y arrivait alors que son cerveau lui disait clairement qu'il faisait trop sombre.
La voix sifflante, il murmura la méthode de lancement du sortilège pour bien s'en imprégner. Si quelqu'un était passé par là, il aurait eu l'impression d'une sombre goule marmonnant des imprécations maudites. Les fluides couraient sur son corps comme jamais et Chandakar laissait échapper dans son esprit une mélopée lancinante qui exprimait la joie du pouvoir retrouvé.
Oui, il récupérait enfin des pouvoirs qu'il n'aurait jamais dû perdre et le monde entier allait en trembler !
(Je suis Azra ! Et nul ne peut me contenir, ni me maîtriser !)Il balança le tête d'un côté à l'autre, puis se releva en gloussant vers le ciel empli de nuages qui versaient toutes les larmes des dieux. Des nuages tourmentés qui grondaient et gémissaient des menaces à la face du destin.
Crachant des flots d'ombres qui le noyaient dans une brume de plus en plus importante, Azra termina de lire de parchemin et tout le reste lui vint naturellement. Une main des ténèbres incontrôlées salua l'apprentissage et envoya rouler un tonneau.
(iiiiaaAAAaarnnet samiliariiiiiiiIII suuuuucOOOOOOtaaaresssss iiiiiiiiiii) chantait Chandakar.
(Arrête ! suppliait la petite voix qu'il avait déjà entendu.
C'est trop, tu n'es pas encore prêt pour une telle débauche de magie !)Mais il l'entendait à peine.
Le bracelet, se chargeait de nuages noirs et vibrait tandis que sa puissance grandissait.
Il avait tiré le troisième parchemin, celui de 'hantise'. Les mots de tordaient, les lettres fuyaient son doigt qui les parcouraient dans une tentative pour les lire. Certaines, plus courageuses, venaient tenter de le mordre.
Il n'aurait jamais réussi à lire le parchemin s'il ne l'avait pas déjà un peu connu grâce à Fingolfin, car les choses se compliquaient. Il avait du mal à distinguer les écritures sur ce papier aussi rouge que les feuilles des arbres.
(Détresse et souffrance, nuit d'arrogance, siffle le vent tel le serpent, dors le sombre en attendant son avènement...)Une main glacée se posa sur son épaule et Azra se retourna avec terreur vers la face grimaçante dont les yeux cherchaient les sarments de la vie en lui pour les subtiliser.
Des spectres fous invoqués par le sortilège du parchemin se manifestaient dans leur rage ténébreuse. Ils n'avaient pas l'air d'humains. Ils avaient les formes que la magie noire leur avait donnée, des formes grimaçantes et menaçantes. Les poings d'Azra volèrent mais ne firent rien d'autre que les traverser.
Hurlant comme un dément, le garçon s'enfuit vers son salut. Il déboucha dans la rue et, sans faire attention au fait que les spectres, mal invoqués, avaient déjà disparu, descendit la rue à toute allure.
Les fêtards