[Contenu violent et explicite]Le loup et l'agneau
Mes deux mains se rejoignent. Entre elles, mon journal se ferme, pressant l'encre et le sang qui ornent les pages les unes contre les autres. Je regarde la couverture une dernière fois, passant lentement mon index ensanglanté le long de la reliure de cuir. Je n'en ai plus aucune utilité désormais. Tout ce que je souhaite, c'est qu'on le retrouve. S'il doit passer dans les mains d'un autre, je veux qu'il lui souffle la voie que j'ai choisi, qu'il lui murmure comme elle est belle et merveilleuse. Hélas, si seulement davantage de ces imbéciles savaient lire...
Alors que je tente de me relever avec difficulté, ma blessure me lance à nouveau. La main droite pressée contre la hanche, je tente inutilement de stopper ou au moins ralentir le sang qui s'échappe, grappillant quelques précieuses minutes de vie supplémentaires. Mon coude frappe contre la caisse de bois à mes côtés, renversant son contenu contre le mur de pierre dans un fracas à réveiller les morts. Je me rattrape sur une autre surface de justesse, manquant de m'écraser face contre terre dans la douleur.
Quelle soirée... J'ai le souffle court, irrégulier et la bouche tapissée de sang, perturbant ma respiration comme un lépreux proche de la mort. Je ne peux que tousser et me racler la gorge, crachant une gerbe ensanglantée qui vient s'ajouter à la quantité non négligeable qui se trouve déjà sur mes vêtements qui collent contre ma plaie. Ils ne me servent plus à rien, inutile de se cacher davantage quand la mort elle-même vous recherche. Je me débarrasse du superflu, jetant ma tunique et mon cache-visage dans une flaque nauséabonde, songeant à l'image que j'aurais une fois que la vie m'aura quitté. Si je dois m'en aller, alors autant le faire en spectacle.
De la même manière qu'un clochard qui fouille dans les poubelles, je vide mon sac de son contenu et m'empare de ma tenue de travail, laissant le conteneur tomber au sol. Songeur, je fixe un court instant
le masque que j'ai moi-même confectionné. En un mot, horrible. Mais je laisse le choix aux bienheureux qui passent sous ma main experte : mon visage est-il plus agréable à regarder ? Rares sont ceux qui ont pu me répondre la langue percée par un crochet.
"Qui... QUI VA LA ?!"(Une voix d'homme. Tiens donc. Jeune avec ça. Je pensais être seul dans cet endroit. Sûrement quelqu'un qui a entendu le bruit de tout à l'heure. Quelqu'un qui aurait très certainement dû rester au lit ce soir...)La silhouette s'affine peu à peu, une petite lueur dans les mains. Sa torche éclairant à peine la zone autour d'elle, la peur l'oblige à avancer à tâtons dans une respiration mêlant effroi et incertitude. Je me délecte de son malheur, stoïque au milieu du passage, attendant avec impatience le moment de l'inévitable rencontre.
"Y'A QUELQU'UN ?! MONTREZ-VOUS !!!"(Oui... Tremble de peur... Ce que tu m'excites, à suer comme un porc prêt à être découpé... Je vais tellement te tourner le cou. Avance encore... Trouve-moi. Je veux lire l'horreur sur ton visage, cette sensation quand tu sais pertinemment que tu vas mourir...)Les quelques secondes de marche qui nous séparent sont finalement écoulées et le bas de mon corps entre dans la clarté de sa lumière artificielle, stoppant brusquement son avancée dans un petit cri de surprise. Instantanément, les tâches de sang sur mon tablier l'interpellent et l'obligent à brailler des ordres qui sont loin de refléter ce qu'il ressent à cet instant précis.
"BOUGEZ PAS ! QU'EST-CE QUE VOUS FOUTEZ A CÔTE DE CHEZ MOI AUSSI TARD ??!! RÉPONDEZ !!!"Sa main tenant la torche tremble, l'obligeant à rajuster sa prise sur celle-ci avant de l'avancer à bout de bras pour dévoiler la partie supérieure de mon corps. Et maintenant, j'apparais à lui dans mon entièreté. Il me voit, me regarde de ses yeux presque exorbités et ne peut retenir un pas de retrait, sans quitter mon masque du regard.
"C'EST QUOI CE TRUC ?! POURQUOI VOUS ÊTES DÉGUISÉ ?! RÉPONDEZ BON SANG !""SSSHHHHhhhhhhh.... C'est fini, c'est terminé..."Il se mord les lèvres, comme pour obéir, comme pour s'empêcher de hurler. Pourtant, je le sens prêt à éclater au moindre moment, prêt à s'enfuir vers la rue principale en lâchant sa lumière comme un dératé. Cette peur... Hmmm.... Je me délecte. Voyons jusqu'où il est capable de résister.
Un pas.
"J'AI DIS BOUGEZ-PAS !"Deux pas.
"VOUS M'ECOUTEZ BORDEL ?! RECULEZ !!!"Trois pas.
"HAAAAAAAAA !!!"C'est le moment. Je m'élance à sa poursuite, si l'on peut en appeler une ainsi. En à peine quelques mètres, je plonge sur lui, recouvrant la totalité de son corps et l'écrasant à terre. Le temps qu'il comprenne ce qu'il se passe, je réagis instantanément et couvre sa bouche de mes mains encore sanglantes, l'empêchant d'hurler encore une fois. C'est là que commence le régal.
Il est difficile pour une homme de moins d'une vingtaine d'années de se libérer de l'étreinte d'un autre ayant presque le double de son âge. Certes, je suis loin d'être aussi fort qu'un athlète, mais une proie juvénile comme celle-ci, c'est un met rare et précieux. Alors qu'il tente de se débattre, ma seconde main vient se placer à l'arrière de son crâne. Comme s'il venait de comprendre ce qu'il allait lui arriver, le braillard grogna davantage, mais en vain. Ma prise était bien trop certaine, il n'allait que pouvoir sentir et contempler.
Mes deux mains se mirent à tourner alors que mes yeux se fermèrent pour apprécier le moment à son paroxysme. Hurlant de plus belle, je resserrais davantage, presque pour l'écraser entre mes paumes. Vint le moment où son cou se mit à bloquer, signifiant que l'articulation avait atteint sa limite. Connaissant trop bien ce signal, il n'en fallu pas plus pour presser davantage d'un léger coup sec et la nature opéra.
*CRAC*
Plus de bruit. Plus de braillement sourd. Plus un geste. Amorphe, la vie venait de quitter le corps tout chaud, encore pressé contre moi. Allongé à terre, la tête morte posée sur mon torse, je prend le temps qu'il me faut pour apprécier le moment au maximum. Cependant, l'adrénaline redescendit rapidement, m'obligeant à reprendre conscience de ma blessure au flanc. Il va falloir s'en occuper au plus vite...
"HAAAaaaaaa.... Quelle ville de merde..."Le destin continue...