<La taverne du paladin>Lorsque je me trouvai, dans les rues je fus tout d'abord surprise par la pluie torrentielle qui s'abattit sur moi. A gauche, Willow était poursuivit par un Lyikor, mais il était déjà bien trop loin pour que je puisse le rattraper. En face en revanche, Alex courait vers un Lyikor face à deux enfants. Les enfants hurlaient et se collaient l'un à l'autre, tandis que le loup leur faisait face, épée à la main. Alex profita que la montagne de muscles soit de dos, et tirant profit de son élan, il bondit sur le monstre et lui décrocha un coup de poing. La bête sembla ne rien sentir, et se retourna vers mon ami. Tout en courant vers les deux combattants, je fis signe aux enfants de s'enfuir, qui s'exécutèrent, apeurés.
Je cherchai des gardes du regard, paniquée. Mais en vain : La rue était déserte a part mon ami et la bête. D'autres Lyikors avaient du faire diversion... Nous devions pour l'instant nous en sortir sans aide.
A quelques mètres des rivaux, je m'arrêtai et sortis mon arc. Je tirai une flèche de mon carquois et la plaçais. Fermant la paupière droite je visai le Bratien. L'excitation et l'angoisse du combat m'empêchaient de me concentrer. Pas moyen de viser correctement, mon bras tremblait beaucoup trop : je n'avais ni l'expérience du combat, ni le sang froid nécessaires pour réaliser un tir précis, et je risquai de toucher mon ami. Alex dégaina son épée juste à temps pour parer une attaque du Lyikor. Le loup était bien meilleur épéiste, c'était indéniable. Alex para de justesse encore une attaque, puis une autre, et tomba dans la feinte de son adversaire : les épées glissèrent l'une sur l'autre dans un bruit métallique et strident, et l'épée de la bête entailla le bras de mon ami. Je devais réagir : je fronçai les sourcils de concentration, prête à tirer. Mais je n'y arrivai toujours pas. Tant pis, je visai grossièrement et tirai avec instinct.
La flèche passa au ras de la cuisse musclée de l'animal, qui baissa sa garde pour regarder dans ma direction. Alex profita de l'occasion pour le désarmer, et donna un coup de pied dans son épée pour la faire voler plus loin. Se rendant compte de ce geste, le lyikor poussa un gémissement de colère. Je profitai de ce moment sans offensive pour sauter sur le monstre, m'accrochais à son cou, et tentais de plaquer mes mains sur les yeux de la brute, mais il gesticulait pour se débarrasser de moi. Il m'attrapa de ses énormes mains poilues et me jeta au sol.
Je sentis une vive douleur dans la nuque et le bras. Avais-je hurlé? Je ne me souviens plus. J'étais étendue sur les pavés, seule avec cette souffrance. Pendant un instant tout fut noir, mais peu après j'ouvris à nouveau les yeux. Alex avait été désarmé, et essayait d'esquiver les coups de son rival, en donnant un ça ou là, mais sans grand succès. Ses attaques avaient déjà ralenti, et ses esquives se faisaient de justesse, il n'allait pas tenir longtemps. Je me levais, oubliant la douleur à la nuque et au bras, et tournai en rond autour des deux adversaires. Avec ma petite dague, je lacérais la cuisse de l'animal qui ne tarda pas à me suivre pour m'attaquer. Je me mis à courir, toujours en rond, dérapant sur les pavés mouillés par cette pluie diluvienne. Le Lyikor tentait de me suivre mais dérapait aussi, et ne me rattrapait donc pas.
Je jetai un regard en direction de mon ami : il s'enfuyait en courant! Il m'abandonnait face à ce monstre! Le lâche! Il me laissait avec la mort! La douleur dans ma nuque se réveilla telle un éclair et se fit plus intense qu'avant. Mon avant-bras m'élança. La souffrance eut raison de moi, je ne gérai plus mon équilibre et après avoir piétiné dans le vide je tombais contre les pavés. La bête me saisit, et plaça son visage en face du mien en se moquant de moi. Je secouai les jambes autant que je pouvais, tentais de me défaire de son emprise en secouant mon buste, mais pas moyen, la bête me tenait fermement à au moins 1 mètre 50 du sol. Lorsqu'il m'avait soulevée, quelque chose était tombé de ma poche, et dans un bruit métallique s'était éclaté contre les pavés. Je jetai un coup d'œil. C'était l'étrange objet doré au bout d'une chaine que j'avais trouvé et complètement oublié! En tombant, il s'était ouvert, découvrant un cadran. C'était donc une montre.
Alors que je fixai l'objet, toujours soulevée du sol par le Lyikor, ma douleur s'atténuait un peu, et sans comprendre pourquoi, je me sentais... étrange... Comme si la fatigue s'évaporait. Par magie. Voyant que je fixai le sol, la bête baissa également les yeux. J'en profitai pour battre l'air des jambes, et lançais mon pied droit. Il heurta la poitrine de l'animal, qui poussa un râle de douleur. Je profitai de sa confusion pour mordre sa main de toutes mes forces, enfonçant mes incisives dans cette peau poilue dure comme du cuir, comme si j'avais voulu arracher sa chair par la seule force de ma mâchoire. Grognant à nouveau sous la souffrance de sa main en sang, il me laissa tomber au sol.
Je me réceptionnais tant bien que mal de cette chute et récupérai en vitesse ma montre à gousset. Le monstre se pencha vers moi, bien décidé à en en finir. Il approcha ses énormes mains velues dont une ensanglantée dans ma direction, le regard cruel, un sourire narquois sur ses babines, découvrant une de ses canines jaune ivoire. J'avais à nouveau trop mal dans la nuque et au bras pour bouger. C'est tout, c'était la fin. Rassemblant mes dernières forces, je hurlai :
« ALEX !! » tout en fermant les yeux et les poings de toutes mes forces.
Lorsque je ré-ouvris les paupières en direction du monstre, une énorme poutre s'abattit sur lui, fracassant sa tête dans un impressionnant POC. Le lyikor poussa un cri, et tomba à la renverse. Derrière lui, Alex, poutre en main, me regardait, livide.
« Tu.. Tu l'as... tué ?» Bégayai-je, paniquée.
Le jeune Kendran regarda autour de nous, et constatant que la ruelle semblait déserte, il répondit agressivement.
« Non... Je... Je crois qu'il est juste assommé. Aide moi à bouger le corps. Allez, dépêche toi ! »Je l'aidai a tirer le corps du loup dans une petite ruelle en cul-de-sac. La tache était ardue, nous étions fatigués et blessés par ce combat, et le Lyikor était très lourd et imposant. Par chance, les pavés mouillés facilitaient un peu la traction de la bête. Après moult efforts, nous parvînmes enfin à cacher la bête assommée.
La respiration saccadée, je m'agenouillai au sol en respirant bruyamment. J'étais encore essoufflée par le combat, ma nuque me tordait de douleur et mon bras m'élançait douloureusement. Je sentais la fièvre de la douleur battre dans mes tempes, mon pouls résonnait dans mon bras. J'étais encore paniquée par cet affrontement, et pourtant cette sensation m'exaltai. Une adrénaline délicieuse parcourait mon corps, je balançais entre douleur et enivrement. Je dégoulinais d'eau, mes cheveux étaient plaqués sur mon crâne, et le froid de cette pluie torrentielle soulageait légèrement mes douleurs. Alex s'accroupit à mes cotés, le bras en sang.
Il soupira lentement, et conclut dans un sourire charmant :
« Tu as très bien combattu »Il récupéra son épée, cacha celle du lyikor et inclina la tête vers le ciel en fermant les yeux, profitant de cette pluie folle qui résonnait sur les pavés, et rebondissait sur son visage.
<Les rues de Kendra Kar>