« …Première leçon. »
Althan regarda Kal droit dans les yeux, lisant dans son âme de son regard d’argent. Comme toujours, le jeune homme se sentait tout nu devant ce regard inquisiteur qui le transperçait. Kal avait souvent éprouvé cette impression sauf que… c’était différent. Kal avait mal. Il avait l’impression d’avoir quelque chose de très lourd posé sur sa poitrine, compressant son cœur et ses poumons, l’empêchant de respirer normalement. L’air autour de lui semblait plus dense, plus lourd… oppressant. Le corps de Kal tremblait comme une feuille et sa raison lui criait de bouger, de courir le plus loin possible de… de cet homme. Cette étrange aura émanait d’Althan et créait en Kal un sentiment vieux, très vieux. Cherchant dans ses souvenirs, il se souvint du jour où Althan l’avait surpris en train de voler. C’était de la Peur…
Les tremblements de Kal ne s’arrêtait pas, la pression sur son thorax s’accentuait et… Altan sourit. Comme s’il s’éveillait d’un rêve, l’étreinte immatérielle cessa et la peur s’en alla, éphémère. Continuant de sourire devant le visage décomposé de son apprentie, l’assassin prit la parole :
« Kal, as-tu ressenti la panique ? L'effroi ?... As-tu ressenti le meurtre plané au-dessus de ta tête ? »
Panique, effroi, oui… ces mots traduisait bien ce que Kal avait ressentit mais ce qu’Althan lui disait. Le meurtre qui plane au-dessus de sa tête… Kal ne comprenait rien ou plutôt, il était étonné. Jamais Il ne se serait douté que la mort lui ferait si peur. Il acquiesça tout doucement sans quitter son maître des yeux. Le sourire d’Althan disparut soudain lorsqu’il reprit la parole :
« Je veux que tu obtiennes un résultat similaire. Pour y parvenir, tu dois être fermement décidé à tuer, tout ton esprit doit être concentré sur cet objectif. Tuer la personne qui est en face de toi. Aucune question ne doit te traverser l'esprit, en un clin d'œil tu dois savoir comment mettre fin aux jours de celui sur qui tu as posé ton regard. On doit pouvoir ressentir tes pulsions meurtrières... »
(Mes pulsions meurtrières.. c’était donc ça. Pouvoir créer la peur chez l’autre, l’immobiliser sans utiliser la force physique. Impressionnant… Il faut que j’arrive à le faire aussi.)
Sentant la détermination qui émanait de son élève, Athan fit volte face et commença à marcher. Kal, sans réfléchir, se mit à le suivre, attendant que son tuteur l’informe de ce qui allait suivre. Sa patience fut, comme toujours, récompensée. Althan parla tout en continuant sa marche :
« Savais-tu qu'un ermite vit dans cette forêt ? Allons lui rendre une visite et tu pourras t'exercer. Concentre-toi sur la route. »
(Un ermite qui allait me permettre de m’entrainer… d’accord. Bon, Althan veut que je commence à me concentrer.)
Alors qu’il suivait Althan, Kal commença à se remémorer ses souvenirs de chasse, de son état d’esprit avant de tuer… Il lui fallait reprendre tout ça. Pouvoir, en un instant, passer dans cet état où l’on ressentirait ses envies de meurtre.
(Tuer ? cela ne me dérange pas. Au contraire, j’ai beaucoup aimer mettre fin au jours des bêtes que je chassais mais là… un être humain. Une bête qui réfléchit et qui saura peut être ce battre. Intéressant.)
L’idée de devenir un assassin commençait à plaire à Kal qui se pourlécha les lèvres en pensant à ses futures victimes. Sentant le plaisir de son élève, un imperceptible sourire se dessina sur le figure d’Althan. L’herbe s’écrasait sous les pieds de Kal dont l’esprit était focalisé sur une chose. Le meurtre. Tuer, comment tuer, vouloir tuer. Tout cela passait et repassait dans l’esprit de l’apprentie assassin et il essayait de toutes ses forces de faire émaner ces sentiments de son corps… Il n’y arrivait pas. Il avait beau essayait, il ne ressentait rien de spéciale. Le Maître et l’apprentie marchaient depuis plus d’une demi-heure quand soudain, Althan se retourna pour parler :
« Je sens ta concentration, je sais que tu t’y mets de tout ton cœur et que tu n’y arrives pas. Réfléchis. Qu’est ce qui était différent lorsque que je t’ai fait ressentir mon aura meurtrière ? »
Althan regarda intensément le jeune homme qui était en intense réflexion.
(Qu’est ce qui était différent ? Qu’est ce qui était différent ?! Je ne comprends pas…)
Kal tomba à genoux, terrifié à l’idée de décevoir son tuteur. Encore une fois, il rassembla ses envie de meurtre, se concentra, focalisa son esprit sur comment supprimer quelqu’un… Frapper, trancher, ouvrir, meurtrir, assommer, égorger… Un bruissement retentit à la gauche de Kal. Un lapin jaillit. Croisa le regard de l’apprentie. Se figea, une fraction de seconde. Ses poils se hérissèrent.
Etonné, Kal se relâcha et la petite bête décampa. Intuition instantanée, compréhension.
(Voilà ! Il manquait quelqu’un, quelque chose… Il faut une cible pour que mes pulsions aient un quelconque effet.)
Un grand sourire barra son visage et Althan continua. Voyant que son maître s’en allait, Kal se leva pour se précipiter à sa suite. Pour continuer à s’entraîner, Kal commença à observer ce qui l’entourait pour trouver une cible. Une multitude de chênes et de pins encerclaient l’étrange couple d’humains. Tous se ressemblaient et l’air était saturé de leurs parfums. Malgré cela, Althan avait l’air de parfaitement connaître le chemin qui les mènerait à l’ermite. Kal aperçu soudain un bouloum qui glapissait. Focalisant son esprit sur l’animal, Kal envoya toutes ses pensées meurtrières vers lui, imaginant toutes les moyens de lui ôter la vie. L’animale se pétrifia, de légers tremblements le parcouraient et son regard se tourna vers l’humain. Kal voulut s’approcher pour accomplir son désir mais, à peine eut il esquissé le moindre geste pour fondre sur sa proie que le bouloum fut libérer de son sort. Il s’enfuit aussi vite qu’une souris, disparaissant entre les arbres et laissant un sentiment amer dans la gorge du jeune homme. Kal avait l’impression qu’on lui avait enlevé la nourriture de la bouche. Désir inaccompli, déception.
(M…merde. Je… j’ai perdu ma concentration au moment où j’ai commencé à bouger.)
Se traitant de tous les noms, le jeune humain était humilié. Althan n’avait bien sûr rien raté de la scène mais fit comme si rien ne s’était passé. Il continua et Kal fut obligé de se remettre en route. Ça faisait maintenant plus d’une heure qu’ils marchaient quand ils débouchèrent sur une petite clairière. Au centre de la clairière, une maison… extraordinaire. Kal s’était imaginé que l’ermite vivait dans une cabane déglingué… pas dans ça ! Une immense roche… non, un cristal. La lumière du soleil explosait à son contact, diffractant un millier de teintes irréelles.
Beauté absolue, Lieu défiant l’imagination, Pur.
Kal avait l’impression de redevenir enfant, les larmes coulaient sur son visage émerveillé tandis que son cœur était serré par l’émotion. Althan lui laissa le temps d’apprécier le spectacle. Cet endroit devait être le résultat d’un incroyable événement géologique. Convergence, divergence… qui aurait pu le dire. Il était certain, par contre, que les dieux en étaient à l’origine tant c’était beau. La clairière aussi était invraisemblable, entièrement couverte de petits cristaux qui jaillissait du sol, elle était aussi belle que le… comment nommer une telle chose. Comme s’il lisait dans ses pensées, Althan dit :
« On nomme cet endroit la caverne du maître. Seul les personnes qui connaissent son existence et qui y sont déjà venus peuvent la trouver et y emmener d’autre. »
Kal restait mué et buvait les paroles de son tuteur. Amusé par l’air ébahi de son élève, Althan sourit puis dis :
« Tu vois l’entrée ? Vas-y. »
Sans un mot, Kal s’avança. Passant au milieu des cristaux, il avait l’impression d’être… régénéré. Il était bien, parfaitement bien. Au fur et à mesure qu’il avançait, la caverne du maître grandissait, comme si il avait mal jugé sa taille et celle de la clairière. En effet, arrivé près de l’anfractuosité qui semblait être l’entrée, le cristal, qui avait l’air de faire dans les cinq mètres lorsqu’il était au début de la clairière, mesurait près de trente mètres de haut et autant de large. L’entrée qui de loin avait l’air d’une petite saillie était devenue une énorme brèche dans la paroi. Kal déglutit avant de franchir le seuil de la caverne.
A peine avait il fait quelques pas que la montagne s’était refermée derrière lui, laissant les ténèbres l’engloutir. Malgré cela, Kal n’avait pas peur. C’était Althan qui l’avait mené jusque ici. Si il avait peur, s’aurait été parce qu’il n’avait pas confiance en son maître or ça lui était impossible. Gardant son calme, Kal s’assit au sol en croisa les jambes, attendant que quelque chose arrive. Soudain, l’homme eut l’impression que l’obscurité se refermait sur lui, qu’elle l’écrasait, le broyait. Son cœur cessa de battre... transpercer, sa tête se décolla de son cou, sa jugulaire fut tranchée, son plexus écrasé… En une fraction de seconde, toutes ces images avaient parcouru son esprit. Il était mort… une fois, deux fois, une infinité de fois. Son cœur cognait si fort contre sa poitrine qu’il avait mal et ses dents s’entrechoquaient violemment. Malgré cela, il put se contraindre au calme. Il avait vécu quelque chose de semblable très peu de temps avant. C’était les pulsions meurtrières de quelqu’un. Quelqu’un de beaucoup plus dangereux qu’Althan… Une voix naquit du noir absolu :
« Oh, quel étonnant apprenti. »
L’aura meurtrière se retira et Kal put reprendre le contrôle de son corps. Une lueur apparut, au loin et la même voix retentit de nouveau… dans l’esprit de Kal.
(Viens jeune apprenti… suis le feu follet d’Ethernia…)
Kal se leva et se dirigea vers la lueur. Elle semblait si proche mais à peine Kal avait il l’impression de l’avoir atteinte qu’elle disparaissait pour apparaître un peu plus loin. Après une vingtaine de mètre, l’homme trébucha contre un rebord… un rebord droit, parallèle au sol. Une marche.
(Que tes mouvements sont disgracieux… tu ne sais même pas te déplacer dans les ténèbres. On va avoir beaucoup de travail à faire. Malgré cela, tu as du potentiel. Allez continue, suis mon feu follet, monte me voir.)
Kal, faisant abstraction de toutes pensées, continua à suivre la lueur, gravissant les marches qu’il devinait être de cristal. Il glissa de nombreuses fois, tomba, sentit son corps se meurtrir au contact du sol. Au bout d’un temps indéterminé, Kal put rattraper la lueur. Elle éclairait une porte de cristal lisse comme la surface d’un lac. Il n’y avait ni poignet, ni serrure. Mu par une intuition, Kal toqua :
« Pousse la porte et entre mon enfant. »
Kal avait déjà compris que le fameux ermite était une femme mais encore une fois, il avait préjugé qu’elle serait assez vieille. D’où son étonnement quand, après avoir franchi le seuil de la pièce, il vit une femme qui ne devait pas avoir plus d’une trentaine d’années. Elle était entourée par une dizaine de feu follets qui l’éclairaient… Le reste de la pièce restait dans la pénombre, comme si les feu follets n’émettaient leurs lumières que pour leur maîtresse. La femme était d’une beauté à couper le souffle. Des formes parfaites, un visage élancé encadré par une crinière de cheveux argentés allant à merveille avec ses yeux dorés. Des oreilles pointues jaillissaient de part et d’autre de sa tête et son teint cadavérique s’alliait parfaitement avec ses lèvres vermeilles :
« Ethernia je suppose ? »
Devant la beauté de la femme, il n’avait pus s’empêcher de lancer cette réplique de dragueur à deux Yus. Malgré le manque de classe de cette phrase, la femme sourit, ferma les yeux, les rouvrit en croisant le regard de Kal. Elle lut en lui comme dans un livre ouvert… Kal était épouvanté, son intimité était mise à nue, il le savait et il ne pouvait rien y faire. Affolé, il tomba à genoux et prit sa tête entre ses mains. Même Althan ne le regardait pas avec tant d’intensité. Soudain, l’impression disparut et il put lever la tête vers la femme qui lui dit :
« Mignon mais beaucoup trop jeune. Je ne partage pas ce genre d’activité avec des gamins qui sortent à peine de la puberté. Bien jeune apprenti, tu as raison, je suis Ethernia, celle qui a formé ton maître et bien d’autres. Je suis aussi la maîtresse de cet endroit et la détentrice des arcanes de l’assassinat. Maintenant, présente-toi. »
Humilié à mort, Kal aurait voulu se trouver à des lieux de là. Malheureusement, il ne pouvait pas. Impressionné par les dires de la femme, il oublia son ridicule pour se re-concentré sur ce qu’il était venu faire. Il répondit à son injonction:
« Je me nomme Kal, je suis l’apprenti d’Althan et orphelin depuis toujours. Althan m’a recueilli voilà sept ans et m’a révélé aujourd’hui qu’il allait me former. »
Amusé par mon sérieux, la maîtresse des lieux gloussa avant de répondre :
« Très bien. Par contre, ce n’était pas aujourd’hui qu’il a commencé à te former. En réalité, il te l’a révélé il y a plusieurs jours ou peut être bien que c’était il y a quelques minutes…. »
Kal ne comprenait plus rien aux dires de la femme. Plusieurs jours, quelques minutes ? Ça ne faisait même pas une heure qu’il devait l’avoir quitté... Devant son visage décomposé, Ethernia s’expliqua :
« En ces lieux, le temps ne s’écoule pas de la même façon. Ainsi, pendant que tu suivais mon feu follet pour venir ici, plusieurs jours se sont écoulés dehors. Ou peut être pas d’ailleurs. Selon les désires de Zewen, le temps peux s’accélérer ou ralentir lorsque l’on se trouve dans mon antre. Passons ces futiles détails. Pourquoi donc ton maître t’as t’il envoyé ici ? »
(Futiles détails ?! Une caverne où le temps s’écoule d’une autre manière… un détail… d’accord.)
« -Je… Il m’a dit de venir ici pour… m’exercer. Il m’a dit que je devais apprendre à maîtriser mes pulsions meurtrières. Je… Je me suis un peu entraîné en chemin. -Eh bien, montres moi les résultats de ton entraînement. »
Ethernia voulait donc que Kal relâche ses pulsions meurtrières sur elle. Obéissant, il se concentra sur elle, passa son regard sur sa gorge, sur ses veines, pensant à comment il pourrait les trancher. S’imagina en train de la mutiler, de lui ouvrir le corps de part en part. Il concentra l’aura la plus forte possible. Elle se contenta de bailler en disant :
« Bon, tu commences ? »
Abasourdi par sa réplique, sa concentration s’envola. Il y avait pourtant mis toutes les forces de son esprit. Affichant un air de détresse absolu, Kal ne comprenait rien. Ça avait pourtant marché sur le bouloum et le lapin. Réalisant qu’il avait essayé, le maître assassin parla :
« Je vois, j’ai vaguement sentit le picotement de ton aura. Je ne pensais pas que c’était ça, excuse moi de t’avoir dis de commencer, tu as dû penser que je me moquais de toi. J’oubliais que tu étais à peine en train d’apprendre. Bon, comment t’expliquer ce qui ne va pas… Quand tu veux dégager faire ressentir tes pulsions meurtrières, tu ne dois pas t’imaginer que tu es en train de tuer. Tu dois tuer. Tu dois tendre ton esprit vers ta cible et comme si tu avançais vers elle et ton esprit doit l’attaquer. Bien sûr, tu ne lui feras rien physiquement mais, les dommages psychiques peuvent être très importants. Allez, tu vas commencer par tendre ton esprit vers moi. Quand tu y arriveras bien, nous commencerons la seconde phase de l’entraînement. »
(Tendre mon esprit… qu’est ce qu’elle veut dire ? je… Althan avait dit qu’il fallait se concentrer sur sa cible et… il n’avait pas continué. Il m’a directement envoyé ici. C’est elle qui va vraiment m’apprendre. Très bien, il faut que j’oublie ce que j’ai fait dans la forêt… il faut que je suive ses instructions à la lettre pour progresser le plus vite possible. Althan sera fière de moi !)
Après ce court monologue intérieure, Kal se re-demanda qu’est ce qu’Ethernia voulait dire par tendre son esprit. Elle le regardait droit dans les yeux et semblait attendre que l’apprenti assassin fasse un essai. Soutenant son regard, Kal, fermement décidé à apprendre, se concentra sur elle, entièrement. Il pensait que pour tendre son esprit, il faudrait qu’il puisse le faire jaillir hors de son corps. Du moins partie. Il essaya. Se focalisa entièrement sur la femme en faisant abstraction de tout ce qui l’entourait. Il se força tellement que ses yeux sortaient un peu de ses orbites. Malgré ça, il n’obtenait aucun résultat alors que plusieurs minutes s’étaient écoulées. Pourtant, il s’acharna, tant et si bien qu’il avait mal au crâne mais… il sentait quelque chose. Il avait ressenti un changement, lent, mais certain. Son… son esprit. Non, c’était… esprit ne définissait pas assez bien cette chose. C’était… son aura. Il commençait à comprendre. Kal percevait désormais cette couche invisible et immatérielle qui enveloppait son corps. Grâce à sa ténacité, il avait réussi à la mouvoir, très légèrement, mais assez pour en prendre conscience. L’aura avait une certaine épaisseur et, alors que Kal continuait à la tendre vers Ethernia, il se rendit compte que la couche s’affinait alors qu’elle s’étendait en un minuscule filin, pointant droit devant lui. Ainsi, il ne pourrait sûrement pas l’envoyer jusqu’à la maître assassin mais, au moment où il envisagea d’avancer, il ressentit l’aura d’Ethernia.
Aussi énorme que la montagne, Aussi puissante qu’un fauve, Invincible.
Kal frissonna de peur quand il contacta l’aura de la femme. Il avait l’impression d’être un insecte en train d’essayer de parler à un géant. L’aura du maître était monstrueuse. Le fil d’aura de Kal était encore à près de huit mètres d’Ethernia quand il avait touché son aura. Sans vraiment comprendre pourquoi, le fait qu’Ethernia ait une aura aussi grande signifiait qu’elle était vraiment forte. Par le lien spirituel établit entre eux, Kal perçut l’approbation du maître assassin et comprit qu’il avait réussi la première phase de l’entraînement.
Alors qu’il rompait le contact, il fut envahi par une émotion nouvelle. Il était heureux mais… à un point incroyable. Le seul souvenir qui pouvait s’y assimiler était le moment où Althan l’avait recueilli. Euphorie. Ethernia, apercevant le large sourire qui se dessinait sur la bouche de l’apprenti, fut amusé. Elle lui laissa le temps d’apprécier sa réussite avant de parler :
« Bien. Je te félicite. La première phase ne t’a prise que trois heures. Ne prends pas un air si surpris. Tu étais si concentré que tu n’as pas pus voir le temps passé. C’est un très bon temps pour une première fois. Maintenant, nous allons passer à la seconde phase de l’entraînement. »
Prenant son temps et se délectant de l’attention qu’avait le jeune homme, Ethernia marqua une courte pause avant continuer :
« Lorsque que tu es arrivé dans ma grotte, tu as entendu ma voix dans ta tête n’est ce pas ? Pour faire ça, j’avais tendu mon esprit vers toi mais tu ne pourras pas réussir cet exercice pour le moment. Transmettre des mots en tendant son esprit est très complexe ; en plus ta force psychique est très faible. Par contre, le but de cette seconde phase d’entraînement s’y assimile mais est beaucoup plus simple. Tu devras transmettre tes émotions, tes désirs, comme tu le faisais tout à l’heure mais, par le lien d’esprit qui nous liera. L’entraînement après cela sera clos, tu n’auras plus qu’à t’exercer. Jusqu’à que tendre ton esprit soit aussi naturel qu’utiliser n’importe lequel des membres de ton corps mais, tu n’y es pas encore.... Allez, viens, montre moi tes pulsions meurtrières. »
A la fin de sa tirade, elle s’installa confortablement sur des coussins… qui étaient apparus comme par magie. Kal n’avait pas remarqué ça. A peine Ethernia avait elle fini de dispenser ses instructions qu’il s’était recentré sur son aura. Il la faisait bouger de façon imperceptible, essayait de s’habituer à cette nouvelle aptitude qui était à la fois un membre et un sens. Il la palpait, la sentait autour de lui, arrivait à définir ses limites. Lorsqu’il se sentit un peu plus habitué à ça, il tendit son aura vers Ethernia. Elle s’allongeait, tout de doucement, sans presque aucune différence de vitesse avec le première essai. Pourtant Kal pensait avoir compris le truc… Le fil d’aura parcouru la même distance qu’avant pour contacter à nouveau celle de l’assassin. Maintenant sa concentration, il soutint le lien avec toute la force de son esprit avant de commencer. Faire ressentir à Ethernia toutes ses pulsions meurtrières, assez pour qu’elle soit lésée par cela et, que dans le cas d’un adversaire normal, ça déclenche chez lui beaucoup de dégâts psychologiques, que ça donne à Kal l’initiative pour lui ôter la vie.
A peine Kal avait t’il essayait de transmettre ses intentions que le pont entre les esprits s’était coupé. Kal surpris, réessaya. Il recréa le contact mais, malgré le fait qu’il se soit concentré pour que le contact ne rompe pas, il échoua à nouveau au moment où il voulait envoyer ses intentions de meurtre. Il ne comprenait pas. Que faisait-il de mal… Il s’assit en tailleur puis recommença, cette fois en essayant de ressentir tout les subtilités de l’aura. Alors qu’il recréait contact, il commença à sentir quelque chose. Une impression, vague. Il lui semblait qu’au moment ou son aura touchait celle de la femme, elle était comme… enlisée, empêtrée. Il envisagea que c’était dû à l’immensité de l’aura d’Ethernia et déduit de cette théorie que ce qu’il voulait transmettre par le lien était rejeté, comme si ça rencontrait un mur et, qu’après ça, le lien se coupait. C’était comme vouloir passer à travers une toile d’araignée particulièrement visqueuse…. Comme une toile d’araignée… toile d’araignée… Cette image lui donna une idée. Si l’aura, toile d’araignée, servait de bouclier à Ethernia. Alors, la sienne était comme une lance ou une épée qui tentait de passer à travers. Enfin, dans ce cas là ça serait plutôt une aiguille mais, une aiguille a plus de chance de passer à travers les mailles de cette toile qu’une arme massive. Il lui fallait allonger cette aiguille jusqu’à ce qu’elle puisse atteindre une couche d’aura moins dense qui ne rejetterait pas ses pulsions meurtrières. Modelant son lien comme travaillerait un sculpteur, soin, précision, patience.
Il transforma le fil en filament et le filament en cheveu qui s’enfonçait dans la jungle qu’était l’aura du maître assassin. Plus il l’affinait, plus il l’envoyait loin et Kal l’agrandit jusqu’à ce que l’aura qu’il l’entourait ne soit plus qu’un film fin qui lui faisait une seconde peau. Alors qu’il avait presque atteint l’extension maximale de son enveloppe psychique, il sentit un changement. Comme si, après avoir nagé dans un marécage, il atteignait de l’eau douce. Il y était. Une zone où l’aura ne rejetterait plus ses pulsions meurtrières. Sans se précipiter, Kal envoya ses émotions, ses sentiments, son envie de tuer la personne devant lui. Il s’imagina en train de lui taillader les veines et il envoya aussi le plaisir sadique créé par cette idée. Tout doucement, le visage de la femme qui était tout sourire se transforma en un rictus agacé, puis la colère lui fit froncer les sourcils et lorsque ses mains commencèrent à trembler légèrement elle se mit promptement debout. Apparemment, les pulsions meurtrières de Kal n’étaient pas assez fortes pour l’immobiliser. Kal continuait à semer son venir par le fil mais Ethernia se mit en mouvement. Elle joint ses mains comme pour une prière et cria, une fois. Une onde de choc psychique jaillie d’elle pour casser le lien avec son élève. Si violemment qu’il tomba à la renverse, effrayé.
Il se tourna le regard vers son le maître assassin, s’attendant à perdre la vie. Il n’était pas effrayé mais il trouvait dommage de mourir au début même de sa formation. Ethernia souriait :
« Bravo ! Tu as réussi la seconde phase finale de l’entraînement, et avec brio je dois dire. Je ne m’attendais tellement pas à ce que tu réussisses que j’ai été prise au dépourvu et tu as pu instiller une certaine… peur en moi. Ça n’était pas arrivé depuis longtemps. Bien, cet apprentissage est fini. Tu vas aller te reposer. Utiliser autant l’aura est épuisant même si tu n’en ressens encore pas les effets. Avant que tu y ailles, je vais te révéler deux, trois trucs intéressants. Tu as remarqué que mon aura est très grande. C’est parce qu’elle est très puissante. Je peux l’étendre beaucoup plus que toi et elle constitue une protection très efficace contre les autres auras car elle a une couche dense à l’extérieur. En combat réelle, même en manipulant mieux ton aura, tu n’aurais jamais pu m’atteindre. Je serai arrivé au corps à corps bien trop vite et t’aurai tué. Par contre, les personnes qui disposent d’une aura qui s’approche plus ou moins de la mienne sont… quasi-inexistantes. On pourrait sûrement les compter sur les doigts d’une main. Ce qui veut donc dire que la plupart des gens que tu croiseras pour le moment seront sensible à tes pulsions meurtrières. Voilà, c’était pour te rasséréner quand à l’utilité de cette faculté. Allez, va maintenant. Mon feu follet va te conduire à un lieu de repos. »
Le feu follet en question sortit par la porte que Kal venait d’ouvrir. Le jeune ferma la porte et le suivit. Ethernia, restée seule, se murmura :
« Quand même quel humain étrange Il dispose de la même capacité émotionnelle qu’une crevette et pourtant… neuf heures pour finir la seconde phase de l’entraînement. Impressionnant. »
La crevette était justement en train de suivre le feu follet dans les escaliers. Il ne voyait absolument rien et la fatigue commençait à se faire sentir, si bien qu’il se cassa la gueule deux trois fois en descendant les marches. La lueur finit par le conduire à une cavité où il trébucha contre une surélévation moelleuse. Pensant que c’était un matelas, il s’allongea dessus pour dormir. Il était content de lui. Ethernia l’avait félicité ce qui voulait dire que son maître sera fier de lui. Une doucereuse chaleur se répandit dans son corps tandis qu’il s’endormait et une dernière pensée traversa son esprit.
(Ethernia n’a pas parlé de ce que l’on allait faire demain… Sûrement un entraînement. Je me demande bien combien de temps je vais rester ici…)
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-Nous, assassins, ne rendons de culte qu’a Phaitos, le dieu de la mort.
-Pourquoi lui rendre un culte ? -Il est le dieu de la mort et nous la semons. Nous sommes ses envoyés.
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