En entendant les propos de la Garzoke, le chef de clan part dans un grand éclat de rire, les prenant pour une bonne plaisanterie ; son clan ne tarde pas à l'imiter, même si nombreux sont ceux qui n'ont rien entendu : peu importe, le petit garzok, toujours sautillant, s'empresse de répéter à la cantonade la répartie de Virina.

"Tu te crois utile ? Tu crois que tu peux te servir ? Tu vois tous ces guerriers ? Ils ont tous bravé le froid pour ramener un gibier ? Et ces femmes ont enfanté, s'occupent de préparer les repas, donnent de la force au clan. Et toi ? Tu n'as rien fait depuis des mois, pique-assiette. Tu es comme les charognards, qui viennent racler les carcasses. Dis moi, à quoi es-tu utile ? Peux-tu prouver que tu mérites cette viande ?"

En entendant les propos de la garzok, le chef de clan ne se retint aucunement pour rire à gorge déployée. Réaction fort compréhensible. Qui aurait cru qu’une vieille garzok décrépie pouvait s’avérer utile au sein d’un clan d’orque composé de vaillants guerriers, de femmes et d’enfants en pleines santés ? Mais les moqueries n’atteignirent point notre Virina, puisque celle-ci n’avait jamais accordé de crédits aux commentaires des autres à son égard.

Ayant terminé sa cuisse de poulet, la désormais vieille créature verte s’essuya la main sur ses vêtements avant de porter son regard sur le chef du clan.
Adoptant toujours cette position fière, le dos le plus droit que son corps lui permettait, elle répondit d’une voix ferme et déterminée.

« Une guerrière demeure toujours une guerrière, même à l’hiver de sa vie. Sa force est diminuée, mais son courage ne l’a jamais quittée. Lorsque les hommes sont partis à la chasse, elle veille à la sécurité des femmes et des enfants. Son atout, la surprise. Aucun ennemi ne se méfierait de la vieille femme, ce qui permettrait à cette dernière une plus grande liberté d’action. »

Tant de mots défilés l'un après l’autre sans interruption s’avéraient assez rares de la part de la garzok. Mais plutôt futée, elle se doutait que son sort était entre les mains du chef de clan. Pour sa survie, elle n’avait pas hésité à mentir, car bien qu’elle s’en sentait la capacité, elle n’avait jamais eu vraiment l’intention de protéger femmes et enfants du clan.
S’approchant du garzok de petite taille, elle rajouta:

« Je peux aussi remettre les petits effrontés à leur place. »

Ce disant, la botte de l’insolent calée dans sa main, la garzok lui flanqua un coup bien senti dans le ventre. Le but d’une telle action, le faire taire pour un petit moment, et lui faire comprendre qu’une guerrière demeure toujours une guerrière, peu importe l’âge.

Le grand garzok s'apprêtait à répondre à la remarque de son aînée sur l'utilité dans anciens au sein de la communauté, mais sa réponse encore en projet s'étouffe en un gargouillement de consternation lorsque Virina donne un coup de botte au petit vieux. Sur les traits du chef, le passage de l'amusement à la franche hostilité est instantané. A partir de l'épicentre constitué des trois protagonistes, un silence horrifié se diffuse, ceux ayant assisté à la scène murmurant de proches en proches une description des évènements. Les chants cessent et avec eux la liesse. Dans le cercle de yourte, l'ambiance devient aussi glaciale que la nuit d'hiver.

Le petit garzok est tombé dans la neige suite au coup, et se relève sans peine, avec beaucoup de dignité, époussetant son manteau de fourrure pour en chasser les flocons. Campé sur ses deux pieds, apparemment insensible au froid de celui qui est encore déchaussé, il sourit. Loin d'exprimer la bienveillance, la joie ou l'amusement, l'étirement de ses lèvres a quelque chose d'une menace, et ses traits recomposés, toujours aussi ridés, expriment quelque chose de bien différent que le rôle de bouffon bruyant qu'il a jusque là assumé.

Les mâles de la tribu ont glissé leurs mains vers les couteaux à leurs ceintures, ou les autres armes qu'ils portaient encore durant le festin. Ceux restés près des trophées se sont emparés des lances. La tension est palpable.

"Etre vieux, ce n'est pas être sage. Un moment de folie sans doute, ça arrive quand on n'a plus toute sa tête." explique le vieux garzok, plus pour apaiser la tension qu'autre chose, puis s'adressant plus spécifiquement à Virina, en rivant ses yeux dans les siens : "Excuse toi l'ancêtre, que tout le monde se détende, et qu'on puisse reprendre la fête."

Et si vous aviez la chance de repartir à zéro, répéteriez-vous les mêmes erreurs ? Voilà une question qui demande réflexion, tant soit peu que l’on veuille y répondre franchement. Pour Virina cependant, il n’y avait pas à réfléchir, elle ne se posa même pas la question. Sa vie, elle l’avait vécu pour elle, elle n’avait assouvi que ses envies, avait répondu essentiellement à ses besoins, sacrifiant des innocents s’ils s’aventuraient sur son chemin. Alors dans la mort, même si la réussite d’une épreuve était en jeu, elle n’imaginait pas se comporter autrement.

Par son comportement plutôt discutable, la vieille garzok se retrouva une fois de plus dans une situation délicate. Réagissant violemment aux provocations du garzok de petite taille accusant un certain âge, elle s’était attiré la foudre du clan tout entier. Virina n’avait d’ailleurs jamais compris le bien-fondé des excuses, pire encore elle ne s’était jamais questionnée à ce propos. Même si tous les mâles du clan avaient porté la main à leur arme, même si elle était loin de posséder tous ses moyens, même si la défaite était assurée, la guerrière n’obtempérerait point !

Elle ne quittait le petit être des yeux, croyant à une riposte de sa part. Elle eut bien lieu, mais différente des attentes de Virina. Il ne demandait point qu’elle l’affronte dans un combat singulier, mais plutôt qu’elle lui présentât des excuses.

Comme première réponse, la garzok laissa tomber la botte au pied de son propriétaire. Puis tout en le défiant du regard, elle donna sa réponse à la requête qu’on venait de lui faire.

« Non ! »

Elle préférait mourir debout que vivre à genou.

A la réponse de la garzok, un sourire amusé se dessine sur le visage du petit garzok. Jouant avec une des amulettes de métal cousues dans la fourrure de son manteau, il lève les mains pour inviter aux calmes les mâles du clan ; les armes prêtes à châtier l'impertinente s'abaissent, non sans quelques grognements.

"Ongrad, veille à ce que la fête reprenne. La chasse a été bonne, et il n'est pas question de priver le clan des réjouissances avec une exécution. Je me chargerai de ça."

"Vous avez entendu les gars ! On va la fêter cette chasse !"

Aidés par les bourrades du chef, les guerriers et chasseurs retournent vers les feux, et petit à petit, l'incident semble s'être évanoui dans les mémoires. Le petit garzok remet sa botte, et s'adresse à Virina :

"Allons faire quelques pas à l'écart, histoire de ne pas troubler les réjouissances avec des propos de veilles personnes."

Disant cela, il s'éloigne du camp, se frayant tant bien que mal un chemin dans la neige, sans un regard pour Virina.

Obstinée et tête brûlée, certainement, mais pas idiote pour autant. Virina s’aperçut, un peu tard, que ce garzok de taille nettement inférieure à la norme de sa race occupait une place importante dans ce clan de chasseur. Il lui avait suffi de lever la main, pour que ses hommes lui obéissent. S’il n’avait pas agi ainsi, les puissants orques dans la fleur de l’âge se seraient jetés sur la vieille créature verte et elle serait morte une fois de plus… Si cela pouvait être possible, bien entendu. Par contre, il faut préciser que même consciente du haut niveau hiérarchique du garzok insolent, elle n’aurait pas agi différemment.

L’orque apparemment plus sage qu’il n’était apparu au tout début, invita ses hommes à reprendre les festivités pendant qu’il s’entretiendrait avec la guerrière un peu à l’écart.

Penchant la tête à gauche, et puis à droite, scrutant l’homme de la tête au pied, Virina cherchait à comprendre le changement de comportement de ce vieux garzok. Puis, après réflexion, elle se dit qu’il serait plus simple de le suivre. Elle acquiesça donc à sa requête d’un signe de tête positif, le suivant à la trace, empruntant les mêmes sillons pour y déposer ses pieds.

Au but d'un moment, le vieux garzok s'arrête. Voilà les deux peaux vertes à bonne distance du camp pour discuter : encore assez près pour distinguer les dômes sombres des yourtes, voir les lueurs vacillantes des feux derrière les rideaux de flocons, percevoir lorsque la bourrasque se tourne vers eux le fumet des viandes rôties, mais tout de même assez loin pour qu'on ne les entende ni ne voie distinctement ce qui se trame entre ces deux anciens.

"Tu as sans doute des raisons, de bonnes raisons, pour être fière comme tu l'es, l'ancêtre. Mais personne n'est une île. Au coeur de l'hiver, sur la steppe, nous devons nous serrer les coudes, le clan est quelque chose d'important, de soudé. Le chef est le chef parce qu'il est fort - et relativement sage, je dois dire."

D'un geste de la main, il désigne le campement.

"Ces gens là comptent sur moi. Chacun se tient à sa place, et je dois assumer la mienne. Lutter contre des forces qui les dépassent, trouver les troupeaux, m'adresser aux dieux, veiller au respect de la tradition."

Un moment de silence, comme si soudain l'accablent le poids de ses responsabilité, et le garzok reprend.

"Un clan est un équilibre fragile, que je dois maintenir."

Soudain, une carapace de glaise commence à saisir les jambes de Virinia, puis monte jusqu'à son torse, coince ses bras. Bientôt, il n'y a plus que sa tête qui soit libre, mais avant qu'elle ait pu tenter le moindre mouvement, la glaise est devenue roche.

"Demain ils te trouveront, et ils se souviendront qu'on ne remet pas ma place en question ainsi."

Sans comprendre les raisons du vieux garzok, Virina l’avait suivi, quittant à regret la chaleur du feu de camp et les odeurs alléchantes des pièces de viande y cuisant. Ils étaient à bonne distance des yourtes lorsqu'il s’arrêta pour la regarder bien en face.
Mâle contre femelle, petit contre grande, grégaire contre solitaire, bavard contre avare de mots, deux vieilles taches vertes sur un blanc immaculé qui s'affrontaient du mieux qu'ils pouvaient. Il lui expliqua sa vision de la réalité, l'importance qu'il accordait à la vie de groupe. Virina comprenait parfaitement le sens de ses paroles, mais envisageait sa vie différemment. Son clan, elle l'avait quitté depuis son plus jeune âge, refusant d'être soumise, ne vivant que pour sa liberté. Deux garzok possédant des philosophies de vie opposées, différentes, sans que l'une ne soit meilleure que l'autre.
Le vieillard termina son discours par une phrase qui devait justifier le méfait qu'il était sur le point d'accomplir:

"Un clan est un équilibre fragile, que je dois maintenir."

Puis, à travers la neige blanche surgit un revêtement de glaise qui se saisit des pieds de Virina pour atteindre ses chevilles, ses mollets, et ses cuisses.
Possédant de relativement bons réflexes malgré son âge avancé, la guerrière se cabra, tenta de se déplacer, mais rien ne bougea, ses tentatives furent vaines. La boue très rapidement s’était muée en roche sans que la barbare ne réussisse à se dégager.

La maudite magie ! Le vieil orque avait piégé la guerrière en utilisant l'arme qu'elle redoutait le plus. Chez Virina, l'instinct de survie avait toujours été extrêmement fort et lui avait permis de survivre à bien des reprises. Une fois de plus, il intervint et prit le dessus sur sa peur des sorts.

Déterminé à s'en sortir indemne, la créature verte lança alors un puissant cri de rage.
Un cri animal, sauvage, de survie qui l'aidait à canaliser son énergie. D'autres auraient appelé à l’aide, mais pas Virina. Geste qui aurait été inutile puisque personne ne serait venu en aide à l'égoïste orque. Ce cri se voulait donc un cri de libération, un cri rappelant à tous ses muscles de se mobiliser.

De toutes ses forces, utilisant toutes ses cellules musculaires, la garzok, qui était dotée d’une impressionnante puissance, se débattait afin de se libérer du roc qui l’entravait à présent jusqu'au cou.

Butée, têtue, Virina n’allait pas mourir asphyxiée sous la roche, elle rendra l’âme avant lorsque son cœur épuisé flanchera d’avoir trop forcé. Jusqu’au dernier souffle, jusqu’à la dernière seconde, elle tentera de se libérer. Quitte à mourir une fois de plus, à retourner dans les enfers, à se rendre jusqu’à la porte pour retraverser le pont, emprisonnée dans ce cycle infernal. Mais jamais au grand jamais elle n’abandonnerait.

Les efforts de la garzoke, pour fougueux qu'ils sont, n'en demeurent pas moins vains : la pierre enferme la chair. Petit à petit la voilà qui grignote le visage, et le dernier regard de la barbare sera pour ces yeux bleus du sorcier, vissés au fond des siens, contemplant son agonie avec la froideur de celui qui accomplit son devoir. Et au dernier, moment, un clin d'oeil. L'instant d'après, la carapace s'est refermée autour de Virina. Cependant, elle n'a pas le temps de souffrir des affres de l'asphyxie qu'une pression se fait sentir sur sa nuque. La seconde d'après, voilà ses sens qui s'éteignent.

Pour se rallumer aussitôt, lorsqu'elle souhaitera rouvrir les yeux. Son corps sera à nouveau libre, libéré des ravages du temps, dénué de toutes blessures. A nouveau, la voilà sur une petite plate-forme de pierre, au milieu du néant, avec pour seule compagnie celle du sinari.

Et elle n’avait pas abandonné ! Petit à petit, la glaise remontait jusqu’à son visage, mais la guerrière refusait d’obtempérer. Mettant tous les muscles de son corps à profit, elle tentait vainement de se libérer. Et de l’autre côté de cette prison de pierre, se tenait fièrement le petit garzok, qui de son regard bleu glacial ne lâchait des yeux sa rivale. Il se permit même l’affront de cligner de l’œil tout juste avant que la boue termine son œuvre. Le trou se referma et l’enveloppe funèbre acheva son durcissement, mais la guerrière ne cessait de contracter ses muscles. Et avant que l’asphyxie n’arrive, une pression fut exercée sur sa nuque.

Plus rien.

Et puis tout.

Ses sens qui l’avaient abandonné un court moment revinrent à leur poste. Lorsqu’elle ouvrit les yeux, il n’y avait plus de roc, plus de neige, plus de garzok, et plus de vieillesse prématurée. La vieille barbare, pas si vieille que ça finalement, se trouvait aux côtés du vieux sinari sur la petite plateforme de pierre. Elle prit quelques secondes pour analyser la situation et regarder autour d’elle avant de se retourner vers le vieil hobbit :

« C’était le premier pont ? »

Une question qui n’en était pas vraiment une. Virina qui était loin d’être idiote avait compris qu’elle venait de vivre la première épreuve. Elle aurait bien préféré un vrai combat, mais ce n’était pas elle qui déterminait les règles dans cet enfer.

"C'était la première épreuve."

Le sinari a répondu avec une grande tranquillité, comme si tout ce qui s'est passé n'est rien d'autre qu'un élément de l'ordre des choses.

"Je suppose que vous souhaitez passer à la suite ?"

Le petit hobbit venait de confirmer les soupçons de la guerrière, elle venait de franchir le premier pont, la première épreuve. Elle ne pouvait faire de savants calculs, mais elle connaissait les bases de l’addition tant que la somme des nombres ne dépassait pas le chiffre dix, le nombre de ses doigts. D’autres qu’elles, d’une autre race sans doute, auraient questionné le sinari sur la teneur de cette épreuve, sur la raison d’un tel affrontement. Une autre aurait aussi voulu exprimer les sentiments ressentis pendant ce moment où la vieillesse l’avait envahi. Une autre aurait voulu tout ça, mais pas Virina. Sept moins un égalait six. Il lui restait six épreuves à surmonter, aussi bien passer à la suivante sans tarder.

« Oui ! » Se contenta-t-elle de répondre à la question du vieil homme. Oui, elle souhaitait passer à l’étape suivante.

"Si tel est ton choix..."

L'obscurité qui entoure la petite plate forme est soudainement envahie par un brouillard épais où transperce une lumière matinale, ni froid ni humide. Autour de la garzoke, il n'y a rien, si elle tend les bras, elle ne touchera rien, si elle décide d'avancer, le sol sera égal sous ses pas.

Puis le brouillard se dissipe. Virina se trouve en haut d'une colline dominant une vaste plaine. A sa droite, elle aperçoit au loin une chaîne de montagnes enneigées ; à sa gauche une épaisse forêt noire. Et autour d'elle, des centaines de guerriers, en rang ; c'est dans cette ligne qu'elle se retrouve debout. Ils sont presque au coude à coude, à peine entre eux l'espace pour tirer leur arme du fourreau, lever le bouclier, parer sans gêner ses compagnons, mais pas de quoi laisser passer un adversaire : ils forment un mur d'acier.

Toutes ses armes et son équipement ont disparu, et la voilà portant une armure semblable à toutes celles des soldats à ses côtés : lourdes plaques noire, cape rouge. Dans ses mains, elle a une longue lance, plus à même de briser une charge adverse que de servir en combat singulier ; à sa hanche droite bat une épée courte dans son fourreau, à sa hanche gauche une hache ; dans l'autre main un bouclier rond d'un mètre de diamètre, de bois renforcé de lames d'acier, légèrement bombé, que la garzoke tient par un brassard de cuir sur sa face interne.

Le silence est oppressant, et seul le vent le modère.

Sur la plaine, au loin, Virina voit émerger d'un brouillard qui n'a rien de naturel de longes colonnes de soldats, dont elle ne perçoit pour l'heure que l'éclat de pièces métallique dans le soleil qui lui chauffe le dos et des bannières colorées.

Guère plus bavard que Virina, quelques mots suffirent au sinari pour annoncer la poursuite des épreuves.

Aussitôt après apparut un brouillard épais dont seule la réconfortante lumière matinale parvenait à percer ici et là. Prudente, la guerrière avança d’à peine deux pas, ce qui lui suffit amplement pour constater que son poids avait considérablement augmenté. Intriguée, elle s’arrêta et n’eut à attendre longtemps pour comprendre puisque la brume se dissipa.

La guerrière ne se tenait plus debout sur un petit pont de pierre, mais tout en haut d’une colline surplombant une vaste plaine. À sa gauche dominait une épaisse forêt noire alors qu’à sa droite se distinguait au loin une chaîne de montagnes enneigées. Mais elle ne vit à peu près rien de tout ça puisqu’autre chose canalisait toute son attention : la présence de soldats à ses côtés et l’équipement dont elle était à présent dotée. Habillée d’une lourde armure d’acier, sous l’épais casque de même nature, la guerrière qui se sentait revivre souriait. À perte de vue, tant à sa gauche qu’à sa droite s’alignaient des centaines de soldats. En rang serré, bénéficiant à peine assez d’espace pour tirer leur arme ou lever leur bouclier, ils se tenaient là, attendant sûrement l’ordre pour lancer un assaut.

(Contre quoi ou qui allons-nous nous battre ? )

Pour l’orque, il n’y avait pas de doute, un combat allait ou devait avoir lieu. La question de l’heure était, de quoi auraient l’air leurs adversaires. Se préparant à une éventuelle attaque, Virina jaugea les armes qu’elle tenait dans chaque main, soupesant sa longue lance et son bouclier tout en les maniant dans les airs afin d’évaluer les mouvements qu’elle pourrait effectuer.

Prête plus que jamais à combattre, dotée d’une vision assez aiguisée, la barbare vit enfin émerger d’un brouillard, de longues colonnes de soldats. Le soleil lui réchauffant le dos, les pieds bien campés au sol, elle attendit de mieux les voir avant de se décider à les attaquer.

"Bon, vous savez tous pourquoi on est là. On va s'battre. On a ordre de t'nir la colline, et d'pas bouger. La coulée d'merde qu'vous voyez en bas, c'est d'la piétaille sans couilles. Ceux qui nous payent son pas mieux. Mais y payent ! Alors on tient c'te fichue colline, parc'que sans nous, ça s'ra la débâcle. Faites masse. Un putain d'roc sur l'quel y vont s'briser. Si y'en a un qui r'cule, vous l'savez, la dernière chose qu'il sentira, c'est ma hache lui broyer les côtes. Pour l'reste... Bah, vous connaissez l'boulot. Le crétin d'en face meurt, nous pas. Point.

Le discours du nain ayant émergé des rangs se veut simple, direct. Pas de réponse de la part des compagnons de Virina, qui accueillent les propos dans un silence de mort.

Un nouveau bruit se fait entendre. Une autre armée en marche, qui se positionne, sur les flancs de la troupe de soldats en armure noire. Impossible pour la garzoke de percevoir les troupes, il lui faudrait sortir du rang ; cependant, elle entend distinctement un échange derrière elle.

"J'espère que vos hommes feront le nécessaire, Capitaine."

"Nous serons à la hauteur de notre réputation, seigneur."

"Bien... Préparez-vous à encaisser le plus gros du choc. Ils voudront prendre la colline, et nous dominer, comme nous les dominons. Question de prestige. Ils ont beaucoup plus d'hommes à sacrifier que nous."

"Mais les miens l'emporteront en qualité. Ils ne prendront pas la position."

Un bruit formidable de bois se fait entendre, tandis qu'un bras envoie siffler dans l'air un énorme bloc de roche, droit vers les rangs ennemis. De la position surélevée, d'énormes machines de siège commencent à bombarder les premières lignes de l'armée dans la plaine.