<<< Oracle oniriqueVers Aliaénon
Après m’être renseigné auprès d’un garde croisé dans la rue, je me dirige en direction de la milice d’Oranan. Me voici donc à nouveau traversant les rues de la ville que j’ai déjà arpentées hier pendant mes achats d’équipement. Je me dirige en direction du centre de la capitale, passant à nouveau à côté de la demeure de la liseuse de rêves, qui m’arrache un nouveau frisson. L’animation commence à gagner les rues même s’il est encore facile de s’y déplacer. Je passe à côté du grand bâtiment du Conseil de la ville qui trône en son milieu et finit par trouver le bâtiment de la milice non loin de l’armurerie où j’ai acheté mon sabre. Le bâtiment est grand, plus grand que celui de Bouhen, est d’une sobriété toute oranaise : hormis le blason de la ville placée sur la façade, les ailes d’acier déployées sur fond vert, rien ne le distingue des bâtisses alentours.
Cela fait plusieurs semaines que j’ai quitté sur un coup de tête la milice de Bouhen et l’idée de pénétrer à nouveau dans un bâtiment militaire, ne m’enchante pas du tout. Non pas que l’objectif des milices ne soit pas louable, du moins sur le papier, mais mon expérience personnelle m’aura laissé un goût amer en bouche. Je ne garderai pas le moindre bon souvenir de ses trop nombreuses années passées à subir les réprimandes de mes supérieurs et les humiliations permanentes de mes « camarades ». Tout ça du fait de mon sang mêlé… La seule chose sur laquelle je ne peux cracher c’est qu’ils m’auront donnée quelques bases d’éducation et un entrainement militaire sommaire. En dehors de ça… Si, tous mes moments passés avec Théo sont les seuls bons souvenirs que j’ai emporté de Bouhen… Théo… Je me demande ce qu’il est devenu… Sûrement déjà haut placé dans les ordres militaires de Kendra-Kâr… Je secoue la tête. Ce n’est pas le moment de ressasser le passé, je dois aller de l’avant. Et ceci implique de rentrer dans ce bâtiment. Je franchis du coup le palier, sans autre tergiversation interne.
A l’intérieur de l’édifice j’interpelle un garde placé à l’entrée.
« La mission pour se rendre sur Aliaénon, c’est par où ? »
Le garde m’indique le chemin à suivre. Je m’exécute et atterrit dans une petite pièce au fond de laquelle se trouve un large escalier de pierre. Au centre, se trouve une large table sur laquelle est appuyée un homme qui me tourne le dos. Je me racle la gorge pour signaler ma présence et entame la conversation.
« Bonjour ! J’ai vu que vous engagiez des aventuriers pour une mission à Aliaénon. Je souhaite en faire partie. »
L’homme se retourne et me dévisage. Comme de nombreux Ynoriens que j’ai pu croiser depuis mon arrivée à la République, il m’est impossible de lui donner un âge, mais celui-ci ne doit pas être de la dernière pluie. Il porte ses cheveux rattachés en catogan et est vêtu d’une lourde armure. Ce doit être un haut gradé. Peut-être un capitaine. Il me dévisage de la tête aux pieds, détaillant mon allure de ses yeux perçants. Il est vrai qu’entre mes habits usés et ma nouvelle habitude de marcher pieds nus, je ne dois pas être bien impressionnant pour un homme de sa trempe. Après son examen visuel, l’homme m’adresse enfin la parole :
« Vous n’êtes pas le premier. Savez-vous au moins dans quoi vous vous embarquez mon garçon ? »
Son ton est presque condescendant, mais je décide de ne pas y prêter attention. J’essaie de rassembler tout ce que je possède de confiance et lui rétorque :
« Oui, j’ai vu vos affiches à l’auberge de la ville. Il s’agit de retrouver un de vos émissaires qui a disparu sur place. Un dénommé Naral Shaam... »
C’est tout ce que j’ai retenu de l’annonce. Je ne peux pas lui dire que les raisons qui me mènent vers ce pays inconnu me sont avant tout personnelles, de peur de ne pas pouvoir m’y rendre, si l’objectif principal de la milice n’est que secondaire pour moi. Le milicien se frotte le menton, m’évaluant à nouveau. Je reste stoïque devant son regard inquisiteur.
« Très bien comme vous le souhaitez. Sachez juste que vous ne vous embarquez pas pour une promenade de santé. Veuillez signer ce formulaire d’engagement ici. »
Je m’approche de la table et m’exécute. Je constate une pile de feuillets ressemblant fortement à celui que je suis en train de remplir.
« Vous avez mentionné d’autres aventuriers. Combien sont-ils ? »
« Une demi-douzaine. Certains n’en sont pas à la première visite sur ces terres inconnues. Ils sont déjà sur place, le Conseil a déjà dû les accueillir depuis le temps qu’ils sont partis d’ici. »
Ce pays étrange m’interpelle de plus en plus. Le Conseil d’Or ? Jamais entendu d’un pays ou d’une organisation sur Yuimen régi par un conseil de ce nom. Il me faudra donc tout apprendre et découvrir sur place. Une fois le formulaire signé et rendu je m’enquiers :
« Et comment fait-on pour nous y rendre ? Bateau ? Cheval ? Aynore ? »
Mon interlocuteur s’esclaffe.
« Vous n’avez pas réussi à tromper votre monde très longtemps, mon garçon ! Non, Aliaénon n’est pas présente sur Yuimen. Il s’agit d’un monde parallèle, en quelque sorte. Pour vous y rendre, vous devrez emprunter un portail fait de fluides spatiaux situé en haut de cette tour. »
Je déglutis. Voilà donc la raison pour laquelle je n’avais jamais entendu parlé d’Aliaénon jusqu’à présent… Je n’ai de toute façon plus le choix. Si je veux des réponses à mes questions je dois m’y rendre, quel que soit le moyen utilisé. De plus, l’injonction faite par la liseuse de rêve ne me donne pas envie de l’ignorer. Et puis, cela me fera de nouvelles aventures, expériences et histoires à raconter à Sarenrae à mon retour. Je fais un signe de tête pour signaler que j’ai compris les nouveaux enjeux. Le militaire m’indique l’escalier du fond de la pièce, vers lequel je me dirige alors.
« Bonne chance Yuiménien. »
Je ne réponds pas et commence à gravir les escaliers de pierres taillées. Après quelques minutes de marche, j’atteins enfin l’étage supérieur. Une large porte de pierre trône au centre de l’unique petite pièce. Celle-ci est gardée par deux miliciens lourdement armés. Le centre de la porte est vide mais en plissant légèrement les yeux je peux y distinguer un léger voile aqueux, à la fois calme et virevoltant, aux légers reflets irisés. Sûrement les fluides spatiaux dont parlait mon précédent interlocuteur… Je salue les deux hommes d’un mouvement de tête et m’approche du portail, prends une profonde inspiration et entre dans les fluides magiques.
>>>