Précédent : La fin de la fuiteAprès plusieurs jours d'inconscience, de la lumière commença à apparaître. Les paupières d'Hild peinaient à s'ouvrir. La lumière révéla un plafond blanc immaculé aux poutres apparentes.
( Encore en vie... La lutte continue... )Elle était allongée sur une natte en paille assez rudimentaire, avec pour couverture un léger tissu en lin.
" Bonjour. "Hild tourna la tête en sursaut et fit face à un jeune homme en uniforme. Grand et athlétique, il était assis sur un simple tabouret, le buste penché, les coudes sur les genoux et les mains jointes. Ses yeux ébène scrutaient Hild avec beaucoup d'attention. Une longue chevelure noire à moitié coiffée en chignon entourait son visage anguleux.
Bien que cet inconnu montrait un intérêt certain pour la jeune femme, celle-ci était plus inquiétée par quelque chose qui lui manquait. Elle regarda brièvement autour d'elle.
" Je me présente. Je suis ... "" Où est mon arc ? "Le jeune officier désigna de son doigt le mur derrière lui, où était appuyé l'arc en question.
Hild se dégagea rapidement de sa couverture, tentant d'atteindre sa précieuse arme. Mais l'athlète bondit sur elle, la plaquant sur la natte. Elle tenta de se débattre mais s'aperçut rapidement qu'il la maitrisait sans effort.
" S'il te plait, ne m'oblige pas à t'abimer plus que tu ne l'es déjà. Si tu es disposée à te calmer, je te relâche. Et lorsque tu auras répondu à mes questions, je te rendrai ton arc. On est d'accord ? "N'étant pas en position de négocier, elle acquiesça d'un hochement de tête. Le jeune homme relâcha alors sa prise. En se redressant, Hild remarqua que ses bras habituellement meurtris étaient bandés, ainsi que ses jambes. Ses pieds, eux qui lui faisaient souffrir le martyre, avaient également été soignés. Plus aucune douleur n'avait d'emprise sur elle, seulement un léger mal de crâne, certainement dû à la chute.
L'athlète se releva également, se racla la gorge et continua.
" Bien. Je reprends. Je me présente, Instructeur Idaï Chi Yukan, de la milice d'Oranan. On m'a chargé de t'interroger. Tout d'abord, quel est ton nom ? "Hild pris une seconde de réflexion, cherchant à juger le milicien de son regard perçant. Mais il fallait répondre, sa liberté et son arc étaient en jeu.
" Hild. "" Très bien, Hild. Comment t'es-tu enfuie d'Omyre ? "La jeune femme écarquilla les yeux de surprise. Comment pouvait-il savoir ? Elle n'avait divulgué que son nom.
" Mais... Comment ?... "" Ton état à ton arrivée à Oranan prouve que tu as eu une longue route, où tu n'as pas pu prendre de pause. Tu étais à pieds donc impossibilité de prendre un véhicule, soit par manque d'argent, soit pour te cacher. Les différentes blessures sur ton corps ont été faites par des fouets et des fers brulants à plusieurs reprises. Les différentes phases de cicatrisation montrent que les sévices étaient réguliers et depuis longtemps. Seuls les prisonniers de guerre ou les esclaves portent de telles marques. Tu portais une bure noire, caractéristique des fanatiques du Temple de Thimoros. Mais la marque du dragon d'Oaxaca sur ton omoplate est la preuve la plus flagrante : tu étais une esclave fanatique au Temple de Thimoros d'Omyre.
Seulement, je ne connais personne ayant réussi à s'enfuir de la Cité Noire. Je réitère ma question. Comment t'es-tu enfuie d'Omyre ? "La jeune femme fut désarçonnée face à ce raisonnement, révélateur d'un esprit logique et d'une intelligence remarquable, choses lui faisant défaut malgré elle.
" J'ai... Je me suis faite passée pour morte sur un tas de cadavres destiné à brûler à l'extérieur de la ville. Je me suis enfuie dès qu'il a atteint l'orée des Bois Sombres. "
L'instructeur se frotta le menton de ses doigts aux jointures saillantes.
" Rusé. Et courageux... quoiqu'un peu inconscient. Et si cela avait échoué ? "" Je serais morte, c'est tout. "Hild soutenait le regard du milicien avec force et conviction, comme pour le convaincre d'abréger son interrogatoire et lui rendre son arc. Mais il n'en avait pas fini avec elle.
" Pourquoi être venue à Oranan ? "Elle prit un instant pour réfléchir. Non pas qu'elle doutait de l'objet de sa venue mais la jeune femme cherchait ses mots pour s'adresser à Idaï Chi Yukan, qui la regardait, intrigué.
" C'est la seule ville dont je me souvienne. Je suis donc venue dans le but de m'endurcir, pour éviter que d'autres êtres ne subissent le même sort que le mien. "Interloqué, l'instructeur souleva un sourcil avant de pouffer comme une jeune demoiselle.
" Tu comptes éradiquer l'esclavagisme à toi seule ? On dit souvent que la cause de l'Homme est grande mais la tienne est gigantesque pour tes frêles épaules. "
" Alors c'est à moi de devenir forte afin d'avoir les épaules assez solides pour défendre cette cause et ceux qui la trouveront juste. "
À ces mots, Idaï Chi Yukan sourit, comme si c'était la réponse qu'il attendait.
" J'ai quelque chose à te proposer. "
" À quel propos ? "" Ta cause est louable et se mérite d'être défendue. Seulement, tu es bien trop chétive. Au sein de la milice, tu pourra t'endurcir et nous te proposerons des missions, durant laquelle tu pourra défendre ta cause. Oranan a besoin d'hommes et de femmes au courage à toute épreuve. Il faudra cependant être un peu plus disciplinée. Qu'en penses-tu ? "" Aurais-je l'occasion de retourner à Omyre ? "L'instructeur eut l'air surpris.
" Peu de miliciens ou même de gens en général cherchent à aller à Omyre. Encore moins d'y revenir. Mais il est possible qu'une de tes missions t'oblige à infiltrer cette cité. "" Très bien. Quand est-ce que je commence ? "" Oh la ! Tout d'abord, tu va te reposer. Je vais parler de toi à mes supérieurs et nous verrons ensuite. "
" Vous avez fini ?"" Et bien oui. "" Alors rendez moi mon arc. "La volonté ardente d'Hild quant à la récupération de cette arme sans grande valeur fit sourire Idaï Chi Yukan. Il se retourna et tendit l'arc à sa propriétaire. Elle le prit précieusement et se rallongea, l'arme posée contre elle. Et rassurée, elle se rendormit...
La matinée fut précieuse pour cette ancienne esclave, trop habituée aux coups dans le ventre en guise de réveil. Le contact du tissu était presque un luxe qu'Hild avait oublié après toutes ces années à embrasser la paille lacérante de sa cellule. La jeune femme profita quelques instants de son bonheur et s'extirpa des draps en direction d'un bol d'eau claire mis à sa disposition. Après un débarbouillage rudimentaire, Hild se sentit comme renaître de ses cendres, prête à commencer une journée sous le signe de la liberté. Une fois habillée, elle jugea qu'il était temps de se diriger vers la salle principale.
Errant quelques instants dans les couloirs de la Milice, la jeune femme parvint à atteindre le lieu de ressemblement des miliciens au repos ou en attente d'ordres de missions. Hild se dirigea vers l'instructeur Idaï Chi Yukan, les deux mains à plat sur une table jonchée de papiers ici et là, l'air sévère. Ce dernier ne la remarqua pas immédiatement et la demoiselle dût se manifester pour capter son attention.
" Je me suis assez reposée, je suis prête maintenant. "
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