Dans le chapitre précédent…Interarc : Lame & Faera
Chapitre III : La troisième solution
Précédant le milicien qui était de faction devant sa maison, une femme en robe verte entra dans le hall de la milice éclairé par des torches et où quatre râteliers d'armes et quelques tabourets formaient le mobilier. Sur l'un deux on pouvait voir le milicien de garde, sa lance appuyée contre le mur dans son dos. Evan restait dans la salle des gardes, Akihito ne souhaitant pas qu'il se montre pour l'instant. Le sergent avec lequel il s'était entretenu se présenta à la femme et l'invita à le suivre dans une pièce attenante, ce qu'elle refusa catégoriquement.
« Je veux voir mon fils !- Calmez vous madame, votre fils est actuellement en train d'être soigné, il a reçu des brûlures. Superficielles, mais douloureuses. Notre guérisseur n'aura pas de mal à le guérir, ne vous inquiétez pas.- Brûler ? Oh vous savez, il a l'habitude, il s'en remettra rapidement, déclara sans broncher la mère, sous le regard surpris et indigné du sergent et du milicien l'ayant escorté.
- Comment ça "habitué" ?- Il ne matrise pas sa magie donc quand il l'utilise, je lui fais plonger ses mains dans l'eau pour les éteindre.- De l'eau bouillante ? demanda le sergent, craignant la réponse qui arriva.
- Bouillante ? Non pas du tout vous exagérer ! Juste assez chaude pour que la douleur le dissuade de recommencer. »Akihito sentit ses articulations blanchir tellement il serrait fort ses poings.
(Elle annonce ça sans sourciller !) Le sergent semblait lui aussi sidérer par ses affirmations.
« Je vous demande pardon ?- Il faut croire que ça ne marche pas puisqu'il manifeste encore ses pouvoirs. Ou peut être qu'il s'est brûlé en entretenant le feu pour l'eau chaude. Donc vous voyez, il n'a rien de sérieux, je peux le voir maintenant ?- Il s'est brûlé en manifestant des flammes, il les a lui même plongés dans l'eau, intervint Akihito.
- Oh ? réagit la femme en apercevant le jeune homme.
Je lui avais pourtant dit que quand je n'étais pas là, il devait rester dans sa chambre. Décidément cet enfant n'est pas sage…- Sa chambre ?! Vous parlez de l'espèce de placard qui-- Taisez-vous monsieur Yoichi. Vous n'êtes pas un milicien, donc mesurez vos paroles ici, le réprimanda le sergent.
Madame, nous devrions avoir une petite discussion au sujet de votre fils, je ne crois pas que cette histoire d'eau chaude soit la meilleure façon de…- Depuis quand la milice s'occupe-t-elle de comment nous élevons nos enfants ? Je vous remercie d'avoir récupéré mon fils, maintenant laissez nous partir et retourner à votre travail, asséna de manière sidérante la mère.
(Elle est folle à lier !)- AAAH ! J'AI RECONNU TA VOIX MOA ! »Ouvrant avec fracas la porte dans laquelle il était entendu, Hiwa pénétra en trombe dans la pièce. Il darda un regard furieux vers la femme brune qui avait été sa compagne.
« Salope ! Bourreau d'enfant ! Tu n'auras plus la garde d'Evan !
- Hiwa ! Parce que tu crois que tu vas pouvoir le récupérer ? C'est mon enfant ! JE l'ai porté ! JE l'ai mis au monde ! JE l'ai nourri !
- Et TU l'as maltraité ! Tu es une honte pour toutes les mères d'Oranan ! répliqua le père en s'approchant d'un pas furieux vers la femme.
- Ah oui ?! Parce que tu crois que tu vaux mieux que moi ?! Espèce de… ! » hurla Mao en sortant des plis de sa robe verte une dague. C'est un violent coup de poing à la mâchoire de la part de son ex-conjoint qui la cueillit avant qu'elle n'ait pu faire quoi que ce soit. Sonnée, elle chuta à terre pendant que le milicien derrière elle l'immobilisait et confisquait la lame. L'autre milicien présent immobilisa quant à lui le père d'une clé de bras, alors que celui-ci assurait que tout allait bien et qu'il ne ferait rien de plus de dangereux. Dans le doute, il maintint sa prise en desserrant toutefois sa prise. - D'un geste de la tête, le sergent indiqua la pièce où se trouvait Evan et déclara
« Allons le chercher. » L'enchanteur entra dans la pièce et le sergent referma la porte derrière lui.
« De ce que vous avez vu chez elle, peut-on vraiment laisser l'enfant chez sa mère ? demanda à voix basse l'officier pour que l'enfant ne les entende pas.- Absolument pas Sergent. Cette mère n'a rien d'aimante.- C'est ce que je pensais aussi. La justice ynorienne nous donne la possibilité de changer la garde de l'enfant si la personne qui l'élève peut le transformer en quelqu'un de dangereux pour notre société. A ce rythme, cet enfant sera tout sauf stable. Qui sait quel genre de pyromancien malade il pourrait devenir si on le laissait grandir comme ça…
- Vous allez le laisser à son père ? demanda Akihito.
- Oui. Il paiera une amende pour son crime, mais nous serons cléments.- Merci ! Evan, vient, on va voir ton papa ! »Le petit garçon se leva et alla agripper le pantalon de Akihito, une oreille de son doudou dans la bouche. Tous les trois, ils revinrent dans le hall. Akihito remarqua que le milicien avait disparu avec la mère d'Evan, surement pour l'emmener voir le guérisseur. Le visage d'Hiwa s'illumina en voyant son fils et il se tourna dans sa direction.
« Mon fils ! Viens voir papa !
- Allez, Evan, rejoins ton papa, il est venu te chercher exprès pour toi ! dit Akihito en le poussant légèrement de la main dans son dos.
- … »Curieusement, le garçon ne semblait pas vouloir rejoindre son père. Pire encore, il avait l'air d'en avoir peur : Akihito sentit les doigts du garçon trembler et se resserrer autour du tissu de son pantalon.
(Je ne comprends pas, il a peur de son père aussi ? Non, ça doit être sa mère qu'il doit apercevoir qui le met dans cet état…) Le père haussa alors soudainement le ton et déclara d'une voix forte
« Allons jeune homme, du nerf ! Ton entrainement doit se poursuivre !
- Quel entrainement ? questionna l'enchanteur en plaçant d'instinct la main devant le garçon.
(Bordel, je la sens mal…)- Tu n'es pas un milicien, tu n'as rien à me dire !- Répondez à cette question Monsieur Hiwa, intervint le sergent qui semblait lui aussi voir que quelque chose n'allait pas.
- Son entrainement pour faire de lui un homme ! Je suis un homme de Weihl, il est normal d'entrainer les enfants chez nous pour en faire de vrais guerriers !- A son âge ? Conneries ! Il ne doit même pas avoir 6 ans ! J'ai moi aussi reçu la formation weilhnoise et elle n'a commencé qu'à mes 8 ans !- Et alors ? Je le forme juste en avance ! Regardez-le, si faible ! Sa mère l'a trop nourri, il est devenu gras ! Au pain sec et à l'eau pendant une dizaine de jours le remettront en bonne condition ! »Akihito et le sergent regardèrent l'enfant, incrédules. Il semblait avoir une corpulence tout à fait normal, voir même un peu maigre. Et son père le trouvait gros ?
« On reprendra l'entrainement là où on l'avait arrêté maintenant que ta mère ne sera plus là pour interrompre ! Maitrise de ton fluide, entrainement physique, course à pied, tout !- Mais c'est délirant ! Vous imposez ça à un enfant ? Votre enfant ?! » s'énerva Akihito un instant avant de remarquer un détail troublant. A chaque fois que le garçon regardait son père, il portait sa main gauche libre à son dos. Akihito se pencha à côté de lui et lui dit doucement
« Dis Evan, tu peux me montrer ton dos ? ». L'enfant ne répondit pas, les yeux fixés sur ceux de son père qui continuait l'énumération de son entrainement inhumain. Le jeune homme capta son regard et lui continua sur le même ton
« Tu sais que tu peux me faire confiance hein Evan ? - Mmmh…- Alors tu veux bien me montrer ton dos, juste une petite seconde ? C'est pour ton bien, promis je ne touche pas, d'accord ?- … Oui. »Le petit garçon releva alors un court instant sa tunique élimée et dévoila son dos à Akihito, dont le sang se glaça. Il se releva alors et interrompit le père dans son monologue.
« Monsieur, comment est-ce que vous gérez lorsque Evan ne veut pas participer à un entrainement ?
- Quand il manque un peu d'entrain ? Je lui donne un ou deux coups de fouet ou de corde de chanvre, ça le motive.- Et vous vous indignez que votre femme maltraite son enfant ? demanda le sergent qui n'en revenait pas.
- Elle essaye de ternir son potentiel en l'empêchant d'entraîner sa magie ! Elle ne voit pas le formidable guerrier mage qui sommeille en lui ! »(On nage en plein délire… Ils sont tous les deux aussi cinglés l'un que l'autre !)(Et pourtant, ce sont ses parents. Il doit bien vivre avec l'un des deux.)(Mais c'est impossible ! Ils vont tuer ce pauvre gosse avant même qu'il n'atteigne l'âge adulte ! Regarde son dos ! On dirait qu'un boucher a voulut quadriller le dos de ce pauvre enfant pour l'attendrir !)(L'avenir le dira… Mais d'après toi Akihito , lequel mérite le plus de garder l'enfant ?)(Aucun.)(très bien, alors posons la question différemment : lequel des deux est le plus dangereux ? Celui qui veut faire de son fils un combattant au prix d'un entrainement inhumain, ou celle qui réprime la magie de son fils en le forçant à s'infliger lui-même des blessures ?)Akihito ne savait pas quoi répondre à cette question. L'enfant ne pouvait pas grandir seul, il devait bien vivre quelque part. il était ridicule de lui demander directement, il était trop jeune et terrifié pour pouvoir répondre quoi que ce soit. Alors, lequel était le moins dangereux pour élever l'enfant ? A priori, le père était animé d'intentions plus « bienveillantes » à l'égare d'Evan. Mais c'est également celui que le garçon semblait craindre le plus en voyant à quel point il pouvait trembler. Une décision devait être prise pourtant.
(Amy, je crois qu'il y a un troisième choix.)
« Sergent, je crois que nous sommes face à un problème, déclara à voix basse Akihito.
- Oui. On a le gosse mais deux parents complètement cinglés. Confier l'enfance du petit Evan à l'un de ces deux-là, c'est courir le risque d'avoir un fou furieux complètement instable plus tard. La loi d'Oranan n'a rien prévu pour un tel scénario.- J'ai peut-être quelque chose à vous proposer, annonça le fulguromancien.
- Dites-moi. Mais rappelez-vous, vous n'avez aucune autorité. La décision reviendra à nous la Milice ou à ses parents.- SI ni la mère ni le père ne peut s'occuper de lui, pourquoi ne pas l'envoyer chez une troisième personne ? De la famille par exemple, un oncle, une tante ? Des grands parents ?- Ca me semble une bonne solution en effet, mais pas sûr qu'ils acceptent de vouloir nous donner leurs-- ALORS COMME CA, JE SUIS CINGLE ?! JE SUIS UN INCAPABLE DE M'OCCUPER DE MON ENFANT ?!!! hurla le père en commençant à se débattre dans les bras du milicien.
JE N'ACCEPTERAI JAMAIS CA C'EST MON FILS VOUS ENTENDEZ ? MON FILS !!!!! »Dans un coup de tête violent en arrière, l'homme écrasa le nez du milicien avant de se libérer de sa prise. Avec une force surhumaine, il attrapa et projeta le milicien contre son supérieur à côté de Evan. Les deux soldats s'écroulèrent pelles mêles alors que Akihito s'interposait entre Evan et le père qui fonçait dans sa direction, fou de rage. Il hurla à l'enchanteur
« DEGAGE ! » en faisant un geste de la main en direction de la porte du bâtiment. Une colonne de pierre s'éleva brusquement du sol et frappa Akihito sur le côté : il ne dut la survie de ses côtes qu'à son bras gauche et son gantelet de Faerunne qui amortirent en partie l'impact. Le fulguromancien n'en fut pas moins projeté en direction des portes qu'il ouvrit violemment. Il se retrouva étendu sur le dos, face tournée vers le ciel et le souffle coupé sur l'instant. C'est pour cela qu'il se trouva impuissant lorsqu'il entendit le cri apeuré d'Evan alors qu'une gigantesque ombre dorée sortait du bâtiment. Un oiseau d'une envergure d'au moins deux mètres sortit de la caserne de la milice en tenant le petit garçon dans ses serres. Avec un cri perçant, il passa au-dessus du corps étendu de Akihito et s'envola en direction de la sortie de la ville nord toute proche.
(Bordel, c'était son père ça ?!) se demanda Akihito en se relevant rapidement malgré son bras engourdi. Un coup d'œil dans la caserne ouverte l'informa de la situation : Hiwa n'y était plus. Akihito ignorait comment, mais c'était bel et bien lui qui s'était changé en rapace géant pour emmener son enfant.
(Putain, Amy, t'aurais pu me prévenir de ça !)Sans même attendre une réponse de sa Faera, Akihito se mit à courir en direction des portes de la ville, suivant le point doré dans le ciel.
A suivre…