La main devant la bouche, je couvre un bâillement bruyant qui se termine par un soupir. Depuis combien de temps je suis dans cette file ? C'est comme si elle ne finissait pas. Je jette un coup d’œil derrière moi et pousse un long sifflement en m'apercevant qu'elle s'étend à pertes de vue. Petit à petit, la file avance et enfin c'est moi qui fais face à un garde de la cité. Muni d'une lance et d'une armure rouge, il a la tête des gens avec qui il faut éviter de faire le malin. Un sourire franc aux lèvres, signe d'ouverture sociale, je le salue d'une main et garde l'autre dans ma poche.

Visiblement le sourire ne fait pas effet, il s'approche et s'adresse à moi d'un ton rude, me demandant mon nom et ma présence ici. Je réponds sans me séparer de mon éternel sourire.

"Xël Almaran. Je viens ici parce qu'on me l'a demandé."

Réponse simple à une question simple, j'enchaîne avec un bref haussement d'épaule avant de donner plus de détails.

"C'est la première fois que je quitte Kendra'Kar mais ça vaut le coup vu la récompense qu'on me promet !"

J'ai l'impression d'être un peu ridicule, mais je ne m'écrase pas, d'un doigt j'écarte le col de mon cou pour rafraîchir ma poitrine.

"Il fait chaud non ?"

Je hausse un sourcil, m'interrogeant moi-même sur cette tentative de conversation. Je me racle la gorge, garde le silence et attends simplement que le garde prenne la parole.

Mon nom énoncé, le shaakt fouille quelques secondes dans ses registres et affirme au garde que je n'ai aucun lien avec Oaxaca et qu'il peut me laisser passer. Donc soit les registres de l'elfe noir et dons les renseignements Ynoriens sont vraiment très mauvais, soit...peu importe. Je passe les portes sans oublier de lancer un petit sourire provocateur au garde avant de me dirigé vers la milice.

Une fois devant le bâtiment typiquement Ynorien, je laisse l'un des deux soldats qui gardent la porte me guider à l'intérieur du bâtiment. Bien évidemment, il m'emmène dans les sous-sol et m'indique bien rapidement l'homme qui visiblement gère l'endroit. Un homme qui doit être à peine plus vieux que moi, mais dont la prestance, le charisme me sont de très loin supérieur. Voilà un peu le genre d'homme auquel j'aspire à ressembler. Je m'approche du commandant, ou capitaine, ou quelque soit son grade afin de me présenter.

" Salut la compagnie! Je suis l'un des aventuriers qui s'est porté volontaire. Si on pouvait faire vite, ça m'arrangerait."

L'impatience dont je fais preuve n'est plus la même que celle qui m'a animé aux portes de la ville. Je suis juste pressé de faire ce pour quoi je suis venu, de faire mes preuves.

Marla ignora complètement le capitaine de la milice. Elle s'avança devant le globe et attendit... Elle porta sa main à sa gorge et attendit quelques instants pour voir si l'araignée se manifestait. Rien ne se passa. Ces derniers temps Marla doutait de plus en plus d'elle-même, de son peuple...et pourtant elle le défendait sans sourciller. C'est à ce moment précis qu'elle se ressaisit. Elle était une Shaakt, une prêtresse de Valshabrath, une élue, une matriarche.

Une dernière chose rivvil...le mépris ne mène à rien... Seul la haine nous permet d'agir.

Elle venait de dissiper ses doutes. Elle haïssait la situation dans laquelle, elle se trouvait. Et surtout la personne qui l'avait mis dans cette position....Elle! Sans rien ajouter, Marla toucha la sphère brumeuse, se téléportant pour un monde meilleur....

L'homme se rapproche de moi sans se faire attendre et m’expose les faits tout aussi rapidement. Il m'explique qu'il redoute une invasion Oaxienne par le biais d'un autre monde. J'ai vaguement entendu parlé de ces autres mondes et de la même guerre qui y fait rage que sur Yuimen. Mais quel rôle les aventuriers vont-ils devoir jouer là-bas ? En tout cas peu importe, car ce rôle ne sera pas le mien. J'ai reçu des ordres, et comme je tiens à la vie, je vais devoir m'y tenir. A moins que...

Une idée vient à moi. Une idée complètement folle, mais qui si elle fonctionne m'offrira bon nombres d'options. Si ça marche, je n'aurais plus qu'à faire quelques choix et en ressortir incroyablement gagnant. M'approchant un peu plus de l'ynorien, je m'adresse à lui à voix basse. Ce que je vais lui dire, personne d'autre ne dois l'entendre. Je prends des risques, de très gros risques.

" Je peux vous être plus utile que vous ne le pensez Atsuhiko. Beaucoup plus."

Sur ces mots, je lui tend le petit parchemin que le corbeau messager m'a apporté quelques heures auparavant. Puis je lui montre l'insigne qui trône sur mon armure.

" Un espion, ça vous intéresse ?"

Et voilà, je ne peux plus revenir en arrière. Il se peut qu'on nous ai entendu. Il se peut aussi, dans une folle hypothèse que Atsuhiko soit lui-même le fameux A qui a écrit ce message. Et encore tout un tas d'autre possibilités auxquelles je ne veux ni ne peux penser. Car maintenant, je dois réfléchir vite et bien pour trouver plusieurs solutions si ça foire.

Je suis le regard du garde, qui s'est détourné vers une petite tente dans laquelle une créature que j'avais déjà aperçu dans les rues les moins bien fréquentées de Kendra'Kar. Celle-ci se noyait dans un lac de paperasse. Il crie quelque chose, mais je n'entends pas vraiment avec le brouhaha des gens impatients. Mais ce n'est sûrement pas quelque chose de péjoratif puisque le garde, après m'avoir jaugé, s'écarte pour me laisser la place de passer en me disant quelques mots.

Je le regarde, un sourcil haussé et passe devant lui pour m'avancer sur les rues pavées.

"Euh...ok. Merci mec !"

Une annonce ? Le vieux mage avait sûrement annoncé mon arrivée à Oranan. Ça me facilite les choses ! Je sais où aller dans cette ville inconnue. L'esprit tranquille je passe sous les murailles de la cité et découvre avec émerveillement la capitale Ynorienne. Je suis comme un enfant, des étoiles pleins les yeux, je tourne sur moi-même, le sourire aux lèvres, remplissant mon esprit de la beauté de l'architecture, des jardins et des femmes. Je ne tarde d'ailleurs pas à en interpeller une magnifique pour demander mon chemin entre deux compliments. Elle rougit et m'indique la direction ponctuée d'un sourire que je ne suis pas prêt d'oublier.

Après quelques minutes de marche et d'autres rencontres, je parviens enfin devant la Milice de la ville. Un immense bâtiment blanc à la toiture singulière, deux miliciens font le piquet devant la porte, je vais à leur rencontre.

"Salut les gars. Je suis Xël, c'est à vous que je dois m'adresser ?"

Les mains dans les poches, le dos légèrement courbé, j'adresse un sourire sympathique à mes interlocuteurs.

Et c'est ainsi que l'on fait dégénérer les choses. Je me retrouve encore une fois avec une lame pointée dans ma direction, affublé du doux nom de "traitre". Et bien qu'un début de crainte commence à apparaitre, faisant naitre une petite boule au milieu de mon estomac, je dois tout faire pour garder mon calme et arranger la situation. Surtout que pour couronner le tout, un des gardes de l'étage se pointe, visiblement accompagné d'un autre aventurier que je n'ai pas vraiment le temps de détailler. Les mains en l'air, je remets rapidement de l'ordre dans mes idées et je m'adresse au capitaine d'un ton calme.

"Hola du calme. Oui je suis un traitre. Un traitre à Oaxaca. Vous en avez eu la preuve en lisant le message, je viens de lui désobéir"

C'est d'ailleurs et sans doute une des plus mauvaises idées que j'ai jamais eu au final, mais j'étais et je suis toujours conscient des risques.

" Je suis prêt à répondre à vos questions, si vous consentez à baisser votre arme et à vous calmer. Il n'y a rien de vraiment honorable à tuer un homme de sang froid n'est-ce pas ?"

Pour ma survie, je tente de tirer sur la corde sensible des Ynoriens, leur puissant et profond sens de l'honneur.

" Je le répète, je peux vous être utile. Et je suis près à accepter n'importe quelle sanction, exceptée une quelconque condamnation à mort, une fois que notre mission sera terminée. "

Maintenant, ma survie repose surtout sur le bon sens du capitaine Atsuhiko.

Le plus âgé des deux hommes m'invite à le suivre, j'incline la tête en direction de l'autre et m'empresse de poursuivre le deuxième qui cavale dans un couloir, j'accélère encore le pas quand il se met à dévaler un escalier. Je salue les autres gardes qu'on croise d'un bref geste de la main. Encore nous descendons les longs escaliers, s'enfonçant plus profondément dans le bâtiment jusqu'à un couloir plus large habillé de grandes portes. En face d'une porte ouverte, deux hommes semblaient en désaccord sur un point. L'un aux cheveux longs en queue de cheval a l'air plutôt mal à l'aise mais c'est facilement explicable quand on remarque l'épée pointée sous son menton par un Ynorien à l'air furieux.

Le garde qui m'a guidé jusqu'ici en oublie ma présence pour s'avancer pique en avant. Je le suis de près étant donné qu'il est la seule barrière entre moi et ces hommes armés.

"Euh... On dérange peut être..." Dis-je d'un air hésitant en jouant avec mes doigts.

Je trouve étrange qu'on m'emmène dans un lieu qui ressemble à une prison avec ces lourdes portes cadenassés pour trouver les informations que je recherche, mais après tout je ne suis pas à Kendra'Kar et les choses sont sûrement différentes ici. Je poserais bien quelques questions mais l'expérience m'a appris qu'il est risqué de déranger deux hommes sur le point d'en venir aux mains.

Le capitaine Atsuhiko réfléchit quelques instants avant de baisser son arme et d'indiquer au garde d'en faire de même. Ma vie n'est plus directement menacé et ce n'est pas pour me déplaire. Pas évident de réfléchir quand on a autant de trucs pointus en acier pointés vers soi. Le milicien me dit alors ce qu'il en est, ce qu'il va advenir de moi. Il m'accorde le bénéfice du doute, mais peu de choix s'offriront à moi quand je passerai le fluide. Trahir ouvertement Oaxaca et risquer de crever à tout instant, sur ce monde comme sur l'autre. Rester fidèle à Oaxaca et être quasiment certain de me faire exécuter à mon retour, ou alors m'arranger pour tromper les deux camps...Bref, j'suis pas dans la merde!

Mais comme une surprise ne vient jamais seule, Atsuhiko ordonne à l'aventurier qui vient d'arriver de me chaperonner. Je me retourne et ma surprise est totale. Je ne pense pas que je puisse qualifier cet homme d'aventurier. Il m'a plutôt l'air d'un quelconque mendiant qui est venu tenter sa chance en espérant survivre en échange d'une récompense. Le souci, c'est que s'il doit me suivre...sa survie est tout sauf assurée. Je n'aurais pas que ça à faire de le protéger. Je fais donc part de tout ceci au capitaine.

" Capitaine, je n'ai rien contre le fait que quelqu'un me surveille, mais soyez réaliste et choisissez quelqu'un d'autre! Regardez-le! Il ne tiendra jamais la route! Lui demander de me suivre, c'est l'envoyer à la mort. Je ne sais pas ce que vous attendez de nous là-bas, mais je doute que ce soit sans risque. Choisissez quelqu'un avec plus d'expérience et par pitié, plus de prestance. S'il vous plait."

Les lames s'abaissent, ça me rassure, je me voyais mal participer à une lutte armée sans même une dague pour me défendre. Le capitaine se tourne vers moi en m'indiquant d'attendre un instant. Je me rapproche sans un mot, le sourire aux lèvres, rassuré que les évènements ne dégénèrent pas et attend mon tour à une distance respectable, observant plus précisément l'homme qui semble préoccuper l'Ynorien. Bien plus grand que moi, son physique semble habitué aux diverses confrontations, ses cheveux sombres encadrent un visage fin mangé par une barbe de trois jours. Vêtu d'une tenue de cuir sombre et équipé d'un carquois et d'une épée. Il a tous des baroudeurs qu'on peut croiser à la taverne des Sept Sabres, si on fait fi de l'insecte dégueulasse enroulé autour de son bras. Ça c'est vraiment pas commun.

Quand le capitaine m'adresse à nouveau la parole après avoir imposé quelques conditions à l'archer dont je ne comprends pas vraiment les raisons, il affirme que je suis sûrement là pour filer un coup de main. Hors ce n'est pas vraiment mon intention, je pensais que c'est eux qui allaient m'aider. Je lève un index en prononçant un "euh..." Gêné. Mais l'Ynorien ne me laisse pas parler, il se présente et me donne la mission de surveiller l'autre homme sur... un autre monde.

Toujours l'index dressé comme un idiot, je plisse un œil, hausse un sourcil, fronce l'autre, ouvre la bouche, la referme, replie mon index en faisant une grimace d'incompréhension. Laissant le temps au capitaine de continuer en précisant que je devais surveiller les agissements du type pour ensuite en référer aux forces d'une ville.

Je baisse les bras en en plissant les yeux et me retrouve encore plus hébété quand il indique d'un geste une boule bizarre qui flottait dans la pièce.

"Attendez... Quoi ?! Mais moi je veux juste trouver un éventail..."

Je lâche un léger rire, je pense de plus en plus à une blague qu'on fait aux étrangers. Mais l'archer prend la parole, demandant une autre personne pour le surveiller, c'est assez offensant. Je le regarde des pieds à la tête en souriant avant de lui envoyer une petite pique :

"C'est dommage, j'te trouve plutôt mignonne."

Je lâche ensuite un sourire, le même qu'on envoie à un bon pote après une blague sur son manque d'intelligence ou le sur poids de sa femme. J'ignore s'il dit vrai et que l'Ynorien veut vraiment m'envoyer dans un endroit dangereux. Mais j'adore parier et un pari à toujours sa dose de risque. Il suffit maintenant de trouver une récompense si je gagne le pari. Je me tourne vers le capitaine avec un sourire amical.

"C'est ok ! J'vais surveiller ce type vachement louche. En échange à mon retour, est-ce que vous pourrez me donner des infos sur un éventail magique ?"

Ma curiosité est également piquée à vif, un nouveau monde ? Ça doit être formidable à voir ! Ça va me faire des tonnes d'histoires à raconter à Méli et ses enfants.

J'vais y passer dans ce fichu passage et j'vais lui montrer à cet archer que Xël Almaran est loin d'être un clodo sans ressource !

Le Capitaine refuse catégoriquement de me coller une personne un peu plus classieuse aux basques. Et bien soit, je vais faire avec, en espérant que l'odeur n'est pas en accord avec l'apparence, j'ai suffisamment donné à Omyre pour ça. Sans un mot de plus, je m'approche du fameux fluide, sorte de sphère évanescente, quand une boule de lumière étrange vient se poser sur mon épaule. Je ne me formalise pas pour autant, des trucs bizarres, j'en ai vu!

Je me retourne une dernière fois pour m'adresser à celui qui va devoir me surveiller!

"Hey le clodo, tu ferais mieux de te manier le train. Ta mission est de me surveiller, mais la mienne n'est certainement pas de d'attendre bien sagement! "

Et juste après, je pose ma main sur le fluide.

Le capitaine se tourne vers moi un peu surpris, il ne sait rien sur l'objet que je recherche mais qu'à mon retour il en saura peut-être plus. Il ne me garantit rien, mais il m'a l'air d'être un bon type. Je lui accorde ma confiance.

L'autre m'interpelle, me priant de me dépêcher. Je me marre.

"Ouais ouais ! J'arrive !"

Je souris au capitaine.

"Ça roule, on a qu'à faire comme ça !"

Je lui donne une tape amicale dans l'épaule et me dirige moi aussi vers la sphère flottante.

"Allez ! J'y vais !"

Une boule de lumière vient se poser sur mon épaule comme pour celui qui m'a précédé. J'en garde mon visage le plus éloigné possible par sûreté, mais je ne cède pas à la panique. Je claque mes mains sur mes joues et après une dernière expiration, je tends ma main vers le passage.