Tehero essuya le refus de la jeune femme de lui serrer la main avec ce qu’il avait de mieux en réserve, niveau désinvolture – il se gratta derechef la tempe. Elle préférait gratouiller son ours entre les deux oreilles ? Grand bien lui fasse, si cela empêchait l’animal – qui avait au demeurant un nom, qui l’eût cru ? – de tous les bouffer à la bonne franquette. Rosie, Rosie Skufita, elle s’appelait, et lui Mérové apparemment. Quant au grand blond à belle allure, c’était Mathis. Bien, bien, bien, que du beau monde, tout ça : Hero n’en était pas peu fier.
(Si ça fait mal ?)
Le hafiz fronça d’un coup les sourcils : c’est vrai ça, pourquoi il ne s’était pas posé la question avant ? Oh-là, ils l’embarquaient dans des histoires pas possibles, ces braves gens, et lui qui avait dit non à de la bonne chère et des bons lits et des belles danseuses d’ombrelles ynoriennes et à… et à Wiz, son élévation au statut de moine, tout ça, tout ça ! Et il ne savait même pas si ça faisait mal ? Surtout qu’il écouta scrupuleusement Mathis raconter des histoires de vortex et tout le tintouin : cela pouvait être très amusant… comme pas du tout, pas du tout, du tout. Mais alors quand il apprit que la menace oaxienne était bel et bien réelle, c’en fut trop : (mais qu’est-ce que je fous là, mais qu’est-ce que je fous là ? Hein, Rana, Gaïa, bien mignonnes de me mettre dans un tel guêpier ? Merci, hein, merci. Et dire que j’avais demandé à Moura de vous passer de la corne de gazelle, c’est comme ça que vous me remerciez ?) Trop aimables déesses tant vénérées qui continuaient à tisser la toile de son destin par les mots du capitaine Atsuhiko : un passage interdimensionnel s’ouvrait donc là, à portée de main, et menait à une cité du nom de Fan-Ming, sur Aliéanon, et apparemment la mobilisation générale était à toutes forces requise.
- C’est déjà ça de pris, gémit-il de fait lorsque le capitaine expliqua que le passage s’effectuerait sans douleur. Du coup, avec tout ça, je ne suis plus sû… ho ?
Il laissa sa phrase hésitante s’évanouir sur le bord de ses lèvres tandis que la belle Keya glissait gentiment une main dans la sienne. Elle était toute petite. Elle était toute douce. Elle était… adorable ? Une formidable sauvageonne comme ça, attendrissante ? Il ravala quasi-immédiatement cette idée incongrue, comme elle le secouait d’un ordre dément : y aller, comme ça, si vite, sans discuter, sans réfléchir, sans… ?
- D’accord ! C’est parti !
Il ne s’attarda même pas sur la déclaration de la brunette : elle, une hafiz de telle complexion, elle ne savait pas ce qu’était un Gardien du roi du Yuimen ? Et alors ? Elle était sacrément agréable à tous points de vue…