Si tu parviens à continuer à avancer -tu es désormais à plus de moitié de la salle-, la mousse ne semble pas vouloir permettre à Sidë de faire de même.

Mais à la limite, cela ne vous étonne guère face à la voix grave qui semble sortir de partout et de nulle part à la fois, en un écho sourd :

"Une seule à la fois si vous voulez arriver sans encombre!"

« Ça ne marche pas ! »

Sidë est catégorique. Elle vient d’essayer de passer le cap du vide profond, et a manqué de choir au plus profond de l’inconnu de cette pièce. Je fronce les sourcils tout en continuant à avancer sans problème majeur, ni défaillance technique de la mousse, sans comprendre pourquoi elle a prise sur moi et non sur elle…

C’est alors qu’une sombre voix retentit dans la pièce sans que je puisse en distinguer la provenance réelle, comme si c’est la salle elle-même qui se met à parler, pour nous mettre en garde. Sa consigne est claire : on ne peut passer qu’un à la fois sur son tapis brumeux.

Par politesse, et surtout ne voyant pas trop quoi faire d’autre, je réponds à la voix :

« Pas de problème, elle ira après moi… »

Tant en consigne pour Sidë qu’en réponse pour la voix, donc. Et je poursuis mon avancée prudente sur ce matériau étrange.

Sidë recule jusqu'à la porte, sortant du brouillard. La voix retentit à nouveau :

"C'est mieux."

Le matériaux en question continue tranquillement de se solidifier sous chacun de tes pas, redevenant volatile derrière toi tout aussi facilement.

Tu es maintenant au trois-quart de la salle.

La voix semble satisfaite du recul empressé de Sidë, qui quitte la brume aussitôt le coup de semonce tombé. De mon côté, je poursuis mon avancée, inlassablement, suivant toujours ces volutes de fumée compacte sous mes pas. Curieux, je m’autorise tout de même une question, tout en continuant d’avancer.

« Qui êtes-vous ? »

La tour ? Son gardien ? La brume ? tant de réponses incongrues, mais qui ne me paraitraient pas illogiques, dans un tel bâtiment.

"Je suis l'être sous tes pieds."

Déstabilisé par un remous que tu pourrais interpréter comme une forme de rire, tu chois vers l'arrière. La chute te paraît durer une éternité...


... et pourtant elle ne dure pas plus qu'une chute sur un sol, sans même la douleur de l'atterrissage. Sidë dans un cri a voulu se précipité pour t'aider, avant de se souvenir qu'elle ne peut rien faire pour cela.

Tu t'aperçois quant à toi que tu es dans ce qui pourrait s'apparenter à un fauteuil de brouillard, solide, moelleux et confortable à la fois. Tu es par contre dans une cuvette par rapport au brouillard, à quelques deux ou trois mètres sous le niveau classique de la salle. Devant toi se modèle deux barres horizontales, l'une à un mètre de toi, à l'horizontal de tes pieds, l'autre à environ un mètre et demi au-dessus.

Moment de doute. Moment de crainte, d’hésitation. Ai-je réellement bien entendu ce que cette mystérieuse voix m’a dit ? Mon esprit est envahi le temps d’une fraction de seconde de questions de ce type. L’être sous mes pieds. Peut-être est-ce quelqu’un sous la brume, ou un animal doté de parole. Tout pour nier l’évidence qui s’impose à moi : il s’agit de la Brume. La Brume en elle-même me parle. La Brume se considère comme un être à part entière, un individu pensant, mais sans forme, sans corps propre, hormis cette étrange substance. Et cette évidence est bien vite indéniable, lorsque la mousse qui soutient mon équilibre vacille en me faisant basculer.

Mes pupilles se rétractent brutalement et mes mains se crispent alors que je me sens partir vers l’arrière, tomber vers le puits sans fond, l’immense abysse noirâtre sous moi. Je ne peux croire à l’heure de ma mort, et pourtant c’est cette crainte qui m’habite un instant. Je tombe. Un cri résonne derrière moi.

Et finalement, je ne tombe plus. Je suis allongé dans un carcan d’ouate, mes muscles se décrispent. Je suis porté entièrement par la brume, qui forme comme un fauteuil duveteux sous moi. Je n’ose pas bouger, de peur de choir plus bas encore. Autour de moi, du brouillard. Je suis à l’intérieur de cet être étrange. Ou dans un repli de son individualité.

Et c’est alors que je vois se modeler devant moi, à hauteur de mes pieds, une barre cylindrique plus solide. Et tout de suite après, une autre. Plus haut, celle-là. Instinctivement, je me relève de ma position pour saisir de mes mains la barre du dessus, pendant que mes pieds se posent sur celle du dessous. Je vais escalader une échelle de nuage, vraisemblablement. Je ne crois pas que cet Inconnu immatériel soit méchant, ni n’ait l’intention de me faire du mal. Je dois être un divertissement agréable dans sa vie solitaire. Une compagnie d’un temps. Ma curiosité m’entraine à en demander plus.

« Qu’êtes-vous ? Et pourquoi êtes-vous ici ? Ne pouvez-vous partir ? Depuis combien de temps gardez-vous cette salle ? »

Puis, me rendant compte de mon impolitesse, je poursuis :

« Pardonnez-moi, je ne rencontre pas un être de brume tous les jours… »

Peut-être a-t-il des tuyaux à me donner sur cette tour. Des tuyaux autres que ceux que je tiens en main, bien sûr.

"Que suis-je? Je pourrais te retourner la question, bipède, qu'es-tu? Mais ça sera trop philosophique et la réponse ne m'intéresse pas de toute façon. Je suis ce que vous appelez un élémentaire de vent. Un être fait de brume solide qui a l'avantage de pouvoir jouer avec la forme et la solidité de mon corps."

Il se modèle d'ailleurs un second barreau d'échelle à hauteur de tes pieds ainsi qu'un à portée des mains, te permettant de monter un peu plus.

"Pourquoi suis-je ici? Je n'en sais rien, moi. On m'a donné ce lieu comme maison et j'y suis très bien. Je ne veux pas sortir, l'eau que je retiens inonderait ma seule demeure. Et je suis là depuis... Aucune idée, je suis né ici, j'y ai toujours vécu et n'ai aucune notion du temps."

Une fois que t'es sur la second barreau, il t'en fait un troisième pour te permettre de monter encore un peu plus, ta tête désormais dépasse le niveau du sol ou plutôt de la couche supérieure de la brume.

"Et ne t'excuses pas, c'est rare que je puisse parler à quelqu'un et ça fait même plaisir."

Incroyable. La Brume parle et se présente comme un être à part entière. Un élémentaire d’air, voilà ce qu’elle est. Et visiblement, cet être solitaire se plait dans sa tour sombre, dans sa solitude éternelle. Pouvait-il seulement mourir un jour, ou vivrait-il éternellement en proie à cet esseulement un peu forcé ? Perdu dans mes réflexions, et dans l’écoute de son récit, je grimpe sur l’échelon supérieur qui fait dépasser ma tête de la surface visible de la brume.

Alors qu’il poursuit, je grimpe encore sur les échelons qu’il crée. Poliment, je lui réponds :

« Alors nous sommes deux à apprécier cette conversation. En entrant ici, je croyais me retrouver face à des ennemis qui en voudraient à ma peau, et non à un sympathique élémentaire d’air. Vous qui vivez ici depuis si longtemps, sauriez-vous nous conseiller, mon amie et moi, sur la manière de se déplacer dans cette tour ? Quels secrets renferme-t-elle, quelles autres créatures fantastiques ? Quelle logique ses couloirs emprunte-t-elle ? »

"Apprenez à vous méfiez des apparences, vous aurez des ennemis dans cette tour, mais aussi des alliés aussi imprévus que moi. Vous êtes deux guerrières si je ne me trompe pas. Ne faites pas toujours usages de vos armes face aux habitants de ces lieux, tous n'en voudront pas à votre vie. Cela fait même bien longtemps que nous n'avons pas vu d'aventuriers et jamais d'aventuriers ne ressemblant pas à des créatures de Thimoros. Certains auront oublié qu'ils doivent vous aider, d'autres pas."

Il continue à te modeler une échelle qui te permet d'atteindre le niveau voulu.

"Je vais vous faire une passerelle. Montez doucement dessus puis relevez-vous doucement, vous pourrez continuer à avancer après. Pour les créatures, vous verrez des élémentaires comme moi, nous sommes plusieurs. Si vous croisez ondine, dites-lui que vous m'avez vu, je vous laisserais un bout de nuage, elle vous laissera passer. Pour trouver ce que vous chercher, trouvez l'escalier au milieu de la tour, il vous mènera aux étages, c'est en haut ce que vous cherchez!"

Cet individu sans forme est vraiment une chance, pour nous. Cette tour est remplie d’êtres, alliés comme ennemis, certains comme lui, d’autres non. Le nuage me donne quelques recommandation, alors que je finis de grimper ses échelons, et que je me place sur sa passerelle avec douceur pour poursuivre mon avancée sur son corps de brume.

Je retiens dans mon esprit mon devoir de parler à Ondine, une élémentaire d’eau, vraisemblablement, et de lui montrer un morceau de nuage que le maître de l’air me confiera une fois que je serai sorti de ses filets.

« Merci pour votre aide et vos conseils, ils nous seront utiles dans notre périple. Nous n’utiliserons les armes que si cela s’avère nécessaire, vous n’avez pas de soucis à vous faire pour vos semblables. »

Et j’avance vers la sortie, marchant toujours aussi prudemment sur la mousse brumeuse sous moi.

Tu parviens sans encombre au bout du couloir, marchant toujours aussi précautionneusement sur le corps à moitié immatériel de votre improbable allié.
Le couloir démarre donc du fond à gauche de la salle de l'élémentaire, il se poursuit sur une vingtaine de mètres avant de tourner lui-même à gauche.

Tu arrives sur un sol de pierres solides au bout du couloir. Une pièce s'ouvre directement sur ta gauche. Elle est sombre, seulement éclairée par un cristal rouge à gauche. Tu ne vois pas la dimension exacte de la pièce, mais elle ne doit pas faire plus de quinze mètres de long. Au centre, tu vois quelque chose brillé d'un éclat rouge sans parvenir à distinguer ce que c'est.


edit :



en blanc les murs que tu vois
en vert, ta position
en turquoise, l'éclat
en rouge, le cristal
en gris, ton copain l'élémentaire

Le reste de la salle n’est plus qu’une formalité. Je n’en reste pas moins prudent en marchant sur mon nouvel ami fait de brume. Je ne tiens pas forcément à retomber entre ses bras duveteux tout de suite. Mon objectif est désormais d’avancer. Une fois que je parviens à hauteur du couloir, au fond de la salle à gauche, je me retourne vers Sidë pour lui faire signe de me suivre. Elle peut désormais à son tour passer par le vide de la salle du gardien aérien. Sans l’attendre néanmoins, je poursuis mon exploration de la tour en parcourant le couloir de long en large, avant de débarquer dans une salle assez sombre, dont je ne parviens pas à déceler les dimensions exactes. Le sol est de pierre, matériau bien plus stable que du nuage, c’est bien connu.

Les seules sources de lumière présentes ici sont un cristal rouge à côté d’une porte augurant de fort sombres choses pour ma mémoire, ou celle de Sidë, et un autre éclat luminescent, au centre de la pièce. Décidant d’attendre ma compagne d’aventure avant de poursuivre plus loin l’évolution, je me dirige vers le centre de la pièce et cette mystérieuse petite lumière afin de l’inspecter de plus près.

Au fur et à mesure que t'approche, tu t'aperçois que la lumière n'est que le reflet du cristal sur un bout de métal. Le bout de métal en question, tu n'as aucun mal à le reconnaître, il s'agit d'un bracelet de protection, incrusté de métal et particulièrement recouvert de poussière...

En fait il s'agit d'un cadavre en équipement complet...

Lorsque je m’approche de la lumière au centre de la pièce, je suis étonné de constater que ce n’est pas une source, mais un reflet. En effet, ce n’est rie d’autre que la lumière du cristal de la porte reflétée sur du métal. Ma nyctalopie aidant, j’aperçois vite la forme du métal en question : une pièce d’armure. Un bracelet de protection, plus exactement, semblable à ceux que je porte aux poignets, arborant le symbole kendran. Le plus étrange, et je ne le remarque qu’en approchant encore plus, c’est que cette pièce d’armure est accrochée à une armure complète, elle-même fixée sur un cadavre ancien et poussiéreux.

J’arque un sourcil, surpris de retrouver au centre de cette pièce un mort tout armé, et voyant que Sidë n’arrive pas, je décide de m’amuser un peu…

« Salut vieux ! Alors, comment ça va ? Pas envie d’te dérouiller un p’tit peu ? »

Contraire à ce qui aurait pu arriver aux enfers ou même simplement face à un nécromancien, rien ne se passe... Tu te retrouves comme un idiot à causer au squelette...