Derrière moi, une voix retentit. Celle de nos poursuivants, qui hésitent sur le chemin à prendre. Dans ma course, je peux entendre qu’ils ont finalement décidé d’aller tout droit, s’éloignant donc de notre piste. Confiant dans mon choix de direction, je poursuis donc sur ma voie avant de me retrouver à un nouveau croisement. Trois choix s’offrent à moi, dont deux sont plus pertinents que les autres. En effet, le troisième est un cul-de-sac, et il ne serait pas très avisé d’y pénétrer. Le chemin allant sur la gauche donne sur le couloir que j’avais vu, tout droit après avoir tourné la première fois à droite, et nous rapproche donc des deux géants. Même si la curiosité d’explorer la pièce sur ce chemin est grande, je préfère jouer la carte de la sécurité, et poursuivre sur mon chemin.

Ralentissant le pas, je bifurque donc à droite à nouveau, suivant la courbe du couloir. Il ne sert pour l’instant plus à rien de courir, autant économiser mes forces et être plus calme et silencieux pour entendre une éventuelle présence se rapprocher et aviser au mieux en fonction.

C’est donc marchant et tendant l’oreille que je poursuis ma route vers, je l’espère, les escaliers menant en haut, menant à la Larme.

Vous suivez le long couloir pour le moins irrégulier, tant des murs que du plafond ou du sol. Vous avez l'impression d'être dans une grotte naturelle avec des stalagmites et des stalagtites. Le corridor continue, au loin vous entendez un bruit métallique déplaisant, plus loin. Vous voyez votre passage tourner vers la droite brutalement. Mais, avant d'arriver au tournant, Sidë se prend la manche dans un éperon rocheux, un parmi tout ceux qui orne les murs.

Mais si ça vous est arrivé plusieurs fois dans les quelques mètres qui viennent de se passer, cet accroc-là provoque un bruit énorme. Les décibels produits dépassent largement le bruit métallique et pour cause, une cavité vient de s'ouvrir à votre gauche, dévoilant un petit coffret orné d'une pierre rouge que vous ne reconnaissez que trop bien.

Tout en marchant, nous pénétrons dans la suite du couloir, qui, après avoir été une construction normale, avec des murs droits et bien battis, devient l’antichambre d’une simili-grotte à l’intérieur même de la tour. Les murs sont tordus, tout comme le sol et le plafond. De nombreuses aspérités saillent des côtés, du haut et du bas, et nous les accrochons en passant, sans nous causer de tort, heureusement. Bientôt, je vois la fin de ce passage déplaisant : un virage brusque vers la droite, d’où provient un étrange bruit de métal.

Prudent et curieux, je m’avance vers ce tournant, mais c’est à cet instant que Sidë accroche quelque chose en passant, et un bout d’éperon rocheux choit du mur, dévoilant dans un bruit énorme une cavité secrète. Les pierres tombant sur le sol résonnent fortement partout autour, couvrant même le bruit métalique du bout du couloir.

Je grimace en me retournant vers elle, et je vérifie que nul mouvement ne se fait voir derrière nous, et devant, au coude du couloir. Puis, j’avance vers la découverte qu’elle vient de faire. L’elfe est là, devant un coffret doté d’une pierre rouge. Une nouvelle pierre rouge, signifiant la disparition d’un nouveau souvenir négatif. Et c’est à moi de m’y coller, cette fois. Je hoche la tête en direction de Sidë, qui grimace un peu. Et posant la main sur la pierre, je cherche en moi un souvenir négatif dont je voudrais me débarrasser.

Quelques passages de ma vie me reviennent, et je choisis d’un sélectionner un qui n’a pas énormément d’implication dans ma vie actuelle.

Ça se passait sur un bateau. L’Eventreur des Mers. Le navire appartenant à Daïo. Le capitaine shaakt, voyant en moi un intrus parmi les siens, m’avait fait dormir à fond de cale en me demandant de surveiller ses réserves. La nuit que j’y avais passée avait été plus qu’inconfortable, et s’était même soldée par un combat contre deux marins avides de rhum. Souvenir déplaisant s’il en est. Je ferme mes yeux, paré à son extraction…

Le coffret s'ouvre silencieusement dévoilant deux pierres brillante jaune dorées. Vos deux faeras vous souffle à l'oreille que ce sont deux pierres de ki, des objets rares. Ces pierres fonctionnent simplement : chaque jour, vous pouvez stocker jusqu'à 5Pki, jusqu'à un maximum de 20 Pki. Il vous suffit de serrer la pierre dans la main gauche pour récupérer vos PKi. (pas moyen de dépasser votre maximum naturel).

Alors que les bribes de ma mémoire s’échappent sous l’effet de la pierre précieuse, le mécanisme d’ouverture produit un petit déclic, et le coffret s’ouvre finalement pour dévoiler son contenu : deux pierre d’une couleur similaire à celle de l’or, et tout aussi étincelante. Pourtant, je peux clairement percevoir que ce n’est pas de l’or. Même si j’ignore totalement ce dont il peut s’agir…

(Une pierre de Ki.)

(De quoi ?)

(Non, de Ki ! C’est une énergie intérieure que chaque être vivant possède en lui. Je t’apprendrai un jour à en user… bref, il s’agit d’un objet très rare, et précieux. Un objet de pouvoir et de magie.)

(Oh… Et donc, je garde ?)

(Evidemment bougre d’âne !)

Cessant toute communication mentale, pour ne pas me faire admonester plus avant de nouvelles insultes sur mon manque de savoir, je me saisis des deux pierres, et j’en tends une à Sidë, qui s’en empare tout aussi avidement avant de la glisser dans une de ses poches. Je l’imite avant de me tourner vers le coude du couloir, vers lequel je me dirige avec prudence pour observer ce qui se cache derrière…

Comme vous pouviez vous y attendre vu le bruit, ce qui se cache derrière le mur est une créature... grande, massive .... et .... heu.... métallique. Autour d'une salle haute, avec des murs et un toit totalement irrégulier. Quant au sol, y a des chances qu'il y eut un jour des stalagmites, mais là il reste de la poussière de roches.

Mais surtout, vous voyez au fond de la salle une entrée assez grande derrière laquelle vous apercevez... des marches d'escalier en pierre !

Et quelle n’est pas ma surprise lorsque je m’aperçois qu’après le tournant, je tombe nez à nez avec une créature gigantesque, mesurant plus de trois mètres de haut, et faite entièrement de métal. Un robot, encore ? Non, il n’en a pas l’air. S’il semble constitué de métal, il parait aussi animé de sa propre vie, de ses propres pensées. Et à l’instant où je le vois, tout ce que j’espère est que celles-ci soient positives à mon égard et à celui de l’elfe bleue. Aussi, je préfère m’aplatir devant lui, histoire de passer pour un allié, et non pas à nouveau me faire poursuivre dans tous les couloirs. D’autant que l’énorme marteau qu’il tient sur son épaule aurait tôt fait de me broyer comme pour rien, s’il décide de s’en servir contre moi.

Et cette fois, je sais que je n’ai pas le droit à l’erreur, car dans son dos, au bout de la salle remplie de poussière rocheuse, stigmates d’anciennes stalactites aujourd’hui écrasée, j’aperçois un escalier montant, sans doute, vers l’étage supérieur.

Aussi, je pénètre dans la pièce en manifestant ma présence à l’être qui se tient là.

« Bonjour, noble élémentaire. Sont-ce là les escaliers que vous gardez ? Nous désirons ardemment passer, mais auparavant, une personne qui tient à vous nous a fait vous porter un présent de sa part. »

Je décroche de mon cou l’étole de l’ondine, pour la tendre au géant de fer.

« L’élémentaire d’eau vous confie ce bandeau, cette écharpe, don confectionné par ses soins pour renouer vos liens…Daignez accepter son présent. »

Le golem semble fondre littéralement en voyant l'écharpe d'eau que tu lui tends. Il lâche son marteau que Sidë esquive de peu et il tombe à genou faisant trembler le sol en vous regardant l'air attendrit...

Sa voix est crissante quand il te parle, mais on sent la tendresse dans sa voix, chose surprenant venant d'une créature aussi forte.

"Hooo, elle pense encore à moi, merci à vous aventuriers... Je peux pas aller la voir, les couloirs sont trop étroits pour moi. Et y a pas d'eau ici pour elle... Vous êtes trop gentils... Je vous aimeeeeee..."

A ce moment-là, il tend les bras manifestement pour .... te serrer dedans !

Surpris, je ne peux que sursauter, regardant avec effarement ce grand molosse s’attendrir à la vision de l’étole que je lui tends. Il fond littéralement, lâchant son arme sur le sol, manquant d’écraser Sidë dans sa chute, et s’agenouille devant moi, les bras écartés. Il déclame alors une tirade emprunte d’un romantisme et d’une sensibilité accrus, narrant brièvement l’histoire qui le lie à l’Ondine aquatique, et la tragédie de leur amour impossible. J’en aurais presque les larmes aux yeux…

(Cromax… Réveille-toi, les escaliers !)

(Mais c’est joli, ce qu’il vit !)

(Et ? On s’en tape !!)

Le manque de sentiment exacerbé de Lisys me frustre une nouvelle fois, et je grimace en admettant un peu contre mon gré qu’elle n’a pas entièrement tort : ma mission n’est pas terminée, et elle a suffisamment duré. Je n’ai pas à me perdre dans les bras de ce grand dadais sentimental et amoureux d’une fille de l’eau, même s’il me touche. Je m’avance vers lui en lui parlant d’une voix calme.

« Gardez donc tout cet amour pour le jour proche où vous vous reverrez, noble élémentaire. Car ce présent est signe de son affection, et est fait de l’eau qui manque ici. Je gage que bientôt, si vous l’arborez, un filet d’eau, un petit ruisseau, naîtra dans votre antre, et vous réunira. »

(Larmoyant…)

Le cynisme de Lisys me cloue, et je ne trouve plus d’inspiration pour poursuivre plus avant… je me contente de m’avancer un peu plus, tout en évitant ses bras, pour poser sur sa tête le châle d’eau d’Ondine, avant de m’écarter.

« Voilà. Si vous le permettez, maintenant, je vais vous laisser à l’intimité de vos retrouvailles… »

Ma voix était basse, presque inaudible. Un murmure. Et sur la pointe des pieds, je m’écarte de lui en le laissant à son présent, me dirigeant lentement vers les escaliers de pierre…

Tu ne pensais pas si bien dire en parlant d'eau qui coulera bientôt dans cette salle. Entre les vibrations causées par l'ouverture du coffre, le marteau qui frappe le sol et le géant qui tombe à genoux, tu vois apparaître des fissures au plafond. Autant Sidë que toi vous vous encourrez vers l'escalier, tant pour ce qu'il représente que pour éviter les cailloux qui pleuvent du plafond.

Bientôt une cascade tombe du plafond et vient faire une rivière dans le sol sous les yeux ébahis du golem d'acier.

À peine ai-je posé l’étole liquide sur son chef qu’une petite gouttelette d’eau me tombe sur l’épaule. Par réflexe, je scrute le plafond, qui est maintenant parcouru de fissures, qui s’agrandissent dans une pluie de caillasses qui s’effondrent dans la pièce. Pris par l’urgence, je me précipite vers les escaliers avec Sidë,a avant de me retourner une dernière fois vers le géant à genoux. Une cascade coule du plafond, et ses yeux d’acier sont fixés dessus avec félicité. Une boule d’émotion nait dans ma gorge devant ce spectacle vraiment attendrissant de deux âmes sœurs retrouvées. La rivière créée coule dans le couloir, joignant certainement les deux salles élémentaires… L’ondine et le golem métallique… mais cette fois, c’est Sidë et non Lysis qui me tire de ma contemplation. Elle me tire par la manche pour m’intimer de gravir ces marches.

Dans un sourire bon enfant, je jette un dernier regard à ce gros nounours sentimental avant de grimper l’escalier. Le fameux escalier. Celui en haut duquel je trouverai, j’espère, l’objet de toutes les convoitises…

Les marches sont assez hautes, semblant être taillée pour un géant comme le golem, petit à petit, elles se rétrécissent, jusqu'à formé un pallier. Si vous avez tenté de compter, il y a plus de 150 marches en colimaçon. Parvenu en haut, le spectacle vaut vraiment le coup, une rivière turquoise coule parterre, alimentée par l'eau qui traverse les pores des murs.

La salle est éclairée à nouveau par les pierres magiques éternelles, chacune éclairant celle d'à coté. Il y a ainsi une cinquantaine de godets attachés au plafond par des chaînes.

Mais votre regard est capté par la statue multicolore de glace au centre de la pièce qui renvoie reflets tout autour.

Et surtout au-dessus, tout au-dessus se trouve une pierre, gelée aussi, mais qui semble attiré les lumières et d'où part nul reflet. Vos faera ne peuvent que vous confirmer ce que vous voyez. Vous êtes en présence de la larme de Thimoros, au sommet de la statue de glace...

Les escaliers sont hauts, et la montée est rude. Après tout ce que j’ai vécu ces derniers temps, cette escalade est autant libératrice qu’éreintante. Je n’ai pas compté les marches, mais il doit certainement y en avoir plus de cent, dont la taille se réduit petit à petit à mesure que je grimpe, toujours accompagné de l’inlassable Sidë.

Lorsque les marches ne forment plus qu’un pallier relativement plat, nous arrivons au dessus. À l’étage. Et là, je suis pris d’émerveillement devant ce qui s’offre à mon regard. Je ne peux m’empêcher de lâcher un soupir relâché d’admiration mêlée de soulagement : aucun ennemi, aucune épreuve supplémentaire, aucune difficulté à surmonter. Ce que je vois là, c’est le résultat de tous mes efforts. De tous nos efforts, avec Sidë. Et tous ceux qui nous ont accompagnés dans cette aventure.

Une salle baignée d’une vive lumière, sortant de petites jarres pendues au plafond et aux murs contenant des pierres lumineuses. Au centre de la pièce, au milieu d’une rivière turquoise enchanteresse, une statue de glace, impérieuse et presque irréelle, tenant en son sommet une petite pierre gelée. Une pierre attirant la lumière, sans la refléter.

(La Larme de Thimoros…)

Je n’ose y croire. J’ai devant moi l’artefact puissant que je suis venu quérir depuis un autre monde. Tout ça est si irréel… Je m’avance vers la statue, marchant dans l’eau magique. Je ne sais si je dois être déçu ou exalté d’avoir enfin découvert cette chose si petite, et si merveilleuse. Et dangereuse.

Levant les mains vers la statue, je tente de m’en emparer, délicatement, prudemment… Il ne s’agit pas de la laisser tomber, de la briser…

Au moment où tu mets ta main sur la pierre, les deux structures de glace qui la maintiennent gelée se dégèlent brutalement et tombe à vos pieds. Tu as alors la larme dans ta main, c'est une petite pierre, en forme de larme, rouge sang. Tu peux en fermant la main la faire disparaître totalement dans ta paume, elle doit faire 5 centimètres de haut au grand maximum.

Sidë pour sa part touche le bout de métal dégelé tombé au sol. Immédiatement, ça se métamorphose en un magnifique katar dentelé.

Lysis te conseille de prendre ce qui fut un bout de glace et qui n'est plus qu'un bout informe blanc à tes pieds...

La glace maintenant la larme fond instantanément quand j’en approche la main, et tombe à mes pieds, au même instant où cette petite pierre en forme de larme, d’une couleur rouge sang, choit dans ma main. Minuscule et pourtant si terrible. C’en est presque dérisoire : l’avenir du monde que je connais dépend d’une si petite chose. Et cette petite chose est nichée au creux de ma main. Comme si de rien n’était. Une curieuse impression s’empare de moi. Un sentiment envahissant, qui s’éprend de moi et me gonfle de l’intérieur en me donnant un peu le tournis.

(Le pouvoir, Cromax. Voilà ce que tu ressens. Et tu aimes ça.)

Je ne sais pas si j’aime ça. C’est assez paniquant, comme sensation. Le pouvoir, oui. Le pouvoir de décider l’avenir de milliers de personnes, sans doute.

(Maintenant, prends ce qui est au sol.)

Je ne vois pas de quoi elle veut parler, mais Sidë me devance et s’empare d’une des deux substances blanchâtre qui stagne au sol. Aussitôt, la matière informe se change en un katar magnifique. Surpris, la larme au creux de ma main gauche, serrée dans mon poing, j’avance la main droite vers le sol pour me saisir de ce qui fut un bout de glace…