À l’aube, je suis éveillé par un sacré remue-ménage. Des grognements, des borborygmes ineptes, des bruits de nombreux pas marchant militairement, d’un pas rapide et ajusté, mais sans la moindre coordination, ni souci de discrétion. Des bruits de maille, d’armes qui s’entrechoquent doucement au rythme de la marche, c’est bien une petite troupe armée qui voyage sur la route, en direction d’Omyre. Et donc certainement en provenance de Dahràm. Ou, par malchance, du même endroit que moi, le chantier naval de Mourakat. J’émerge aussi vite que possible, et me redresse sur mon séant, immobile. Mon feu est éteint, et n’émet plus la moindre fumée. Je ne suis pas en vue de la route… J’ai toutes mes chances de passer complètement inaperçu derrière ce gros rocher. Aussi, je reste sans bouger, les sens aux aguets, attendant que la troupe passe, tout en écoutant leurs commentaires bougons et rustres.
« Gurgh, la p’tite blanche là, avec ses pertes de connaissance, j’me la s’rais bien faite ! Mouargh argh argh. »
« Beuah t’as des goûts d’merde. À la broche, j’l’aurais bien bouffée, mais pas fourrée avec ton poireau ! »
Éclat de rire gras, primaire et guttural général. Sauf de l’intéressé au poireau, bien sûr. De mon côté, je crispe la mâchoire. Parlent-ils de Sinaëthin ? Peu probable, même si j’ai tendance à penser le contraire, juste pour me stresser un peu plus… Cependant, ils poursuivent.
« Moi c’est la garzok que j’aurais bien mis dans mon plumard. A son âge, elle devait y savoir faire ! »
« Ouais, elle t’aurait défoncé la tronche, elle était aussi bourrine et musclée que toi ! Ahah ! »
« Purin d’perte, n’empêche. Si c’t’elfe à la noix l’avait pas plantée là… »
Mon teint argenté se para d’une teinte plus pâle. Ils parlent bien du petit groupe que nous formions, la veille, près du chantier naval. De Sinaëthin, et de la voleuse orque. Et… de moi. Je sers les poings, vexé de ces interventions grossières et déplacées, alors que la petite colonne continue d’avancer, et passe de l’autre côté du rocher où je me suis dissimulé. Je les crois passés, et m’apprête à bouger, lorsque tout d’un coup, un éclat de voix retentit.
« Oh, stop ! J’dois pisser, et on ira pas plus loin tant qu’l’aurai pas fait, bande de porcs sur pattes. Profitez-en pour boire un coup, tas d’ordure, parce qu’après c’est direction Omyre, et au pas d’course ! »
Je soupire de lassitude. Comble de la malchance, ma crispation devra encore durer un peu. Et… pas qu’un peu, en vérité, puisque l’orque qui a parlé entreprend de contourner une partie du rocher pour satisfaire son besoin urinaire. Il arrive droit dans mon champ de vision, desserrant grossièrement sa ceinture pour sortir son membre vert. Et là, je me rends compte : s’il est dans mon champ de vision, je suis potentiellement dans le sien. Je décide de ne pas bouger d’un poil, histoire d’avoir une chance de passer inaperçu. Il commence son œuvre en arrosant d’un liquide dont la puanteur me répugne aussitôt, la roche en question.
(Purée, qu’est-ce qu’il fout là ? Il ne pouvait pas pisser devant ses hommes ?)
(Les orques sont parfois délicats… Et prudes.)
Un garzok pudique. Voilà bien ma veine. Et gradé apparemment, au vu des décorations en os sur ses épaulières de cuir, reposant sur une chemise de mailles recouverte d’enduis noir, qu’il a retroussée pour ne pas la rouiller de ses déjections liquides et nauséabondes. Puis, je le vois regarder dans ma direction. Nos regards se croisent, et… il ne semble pas réagir de suite, continuant le parcours monotone de ses yeux vers son arrosoir personnel. Puis, dans sa tête, ça fait tilt. Il saisit ce qu’il vient de voir, et se retourne vers moi avec tant de brusquerie qu’il s’en fout partout.
« Merde ! Qu’est-ce que… putain mes braies ! »
Il lâche son engin et empoigne son arme, une grosse hache qui pend à sa ceinture. Il beugle un coup, à l’attention de sa troupe…
« À moi, bande de chiens galeux ! »
Puis, sans transition, alors que des exclamations de surprise abrutie naissent dans ses troupes, et qu’elles se mettent en broue pour venir voir ce qui se passe, il poursuit à mon attention.
« Qu’est-ce tu fous là ? Qui t’es ? Parle ! »
Je n’ai le temps de répondre qu’une dizaine de garzoks, armurés plus ou moins pareil que leur chef, les décorations d’os en moins, et avec l’une ou l’autre modification donnant à leur aspect général quelque chose de dépareillé, débarque. L’un d’eux s’exclame.
« Foutre ! C’est l’gris qu’a buté ta grognasse, Grük ! »
Le susnommé me reluque plus attentivement, et répond, ahuri.
« Purin mais ouais, c’est lui. Oh j’vais l’trouer, c’cornard ! »
Le premier l’interrompt, alors qu’il dégaine une lame semblable à celle qu’avait prise ma métamorphe dans les mains de l’orquesse.
« Hey mais il a pas prêté serment, c’pas l’dragon qui doit l’buter ? »
Et au chef, de trancher…
« Boah, mort pour mort, on va lui mâcher le travail, à l’écailleux ! À l’attaque, vermines ! »
Et aussitôt, avant même que j’ai pu penser les convaincre de m’épargner, de discuter avec eux de la désobéissance de leur attitude par rapport aux ordres directs d’Oaxaca, ou du danger de m’attaquer aussi directement, moi qui suis sorti indemne de l’île d’entraînement, ils partent à l’assaut de ma personne, beuglant et vociférant comme des bœufs en pleine charge, toutes armes dehors.
À un contre dix, j’ai plutôt intérêt à faire attention à ma tronche, si je veux survivre.
(Mais non, mais non… Tu sous-estime ta propre puissance, mon Cromax.)
D’un bond leste, je me relève de ma position, et dans le même mouvement, avec une rapidité foudroyante, je dégaine mes deux armes. Ma rapière se porte en position de garde, pointée loin en avant, au bout de mon bras tendu, pour les tenir à distance, et mon autre arme se change en hache au large tranchant, prêt à les faucher s’ils s’approchent trop.
Et évidemment, avec une charge aussi brutale qu’irréfléchie, ça ne manque pas d’arriver. Le premier à m’arriver dessus, l’amoureux transi, poussé par les siens, s’empale la gorge sur ma rapière, sans même ralentir. D’un coup de hache puissant, je lui brise les deux genoux, et il s’effondre par terre, en pleine trajectoire de ses pairs, qui trébuchent sur le corps alors que j’en ôte ma lame. L’un d’eux, tellement pressé qu’il n’a même pas vu son frère d’armes tomber, se prend tellement les jambes dans le corps qu’il lui retourne un bras et lui écrase la tête avant de choir lamentablement, comme un vieux sac de bouses, sur le sol.
Mais il est le seul à tomber, et bientôt, les autres, ayant simplement trébuché sur leur ami mort, me cernent de toutes part. Acculé à ce rocher, les neuf orques debout me menacent d’un air mauvais, gloussant dans leur jabot immonde. D’un regard analyste, je perçois le plus hargneux de la bande, qui est aussi le premier à lancer une attaque… ma porte de sortie de cette encombrante situation. Je dévie son coup de hache avec ma rapière, et le bouscule du manche de ma hache avec un coup dans les côtes qui le plie en deux. Profitant de l’ouverture, je me jette sur lui et roule sur son dos pour me retrouver hors de ce piège fermé sur moi, lui assénant un coup de pied royal dans le derrière, qui ne manque pas de l’envoyer bouler sur l’orque d’en face, qui a tenté de m’attaquer dans le dos en me voyant faire. Il ne faut que de peu qu’il tue son confrère déséquilibré. Par chance pour lui, il retient son coup au dernier moment, lui butant à peine l’épaule de son gros gourdin. Et la horde se tourne à nouveau vers moi comme un seul homme. Mais à sept, cette fois, puisque le premier chu n’a pas fini de se relever, que le mort reste mort, et que le maladroit du gourdin se prend une droite de son pote hargneux.
Et les sept êtres verts qui me regardent, à la lueur de l’aube, avec leurs yeux porcins luisant d’une lueur jaunâtre avide de ma vie, je les défie du regard sans ciller, analysant le moindre de leur mouvement. Mais cette fois, c’est moi qui charge dans le tas, changeant pour l’occasion ma hache en lance au fer solide et épais, quoique pointu et acéré. Et ainsi armé, je charge sur eux quasiment aussi violemment qu’ils l’ont fait sur moi… Mais avec plus de maîtrise de moi. Surpris de cette attitude offensive de ma part – à un contre onze, ça a de quoi déconcerter, même pour un orque – ils réagissent avec un quart de seconde trop tard, et alors que les deux du milieu de leur ligne de front s’écartent en bousculant leur voisin pour échapper à mon coup, c’est celui de derrière qui ne voit rien venir, et qui se fait transpercer le poitrail par mon fer de lance, alors que je passe carrément au milieu de leur groupe pour ressortir de l’autre côté, lance changée en dague histoire qu’elle ne reste pas plantée dans le corps de l’orque qui s’effondre, mort.
(Et de deux !)
Compte efficace de Lysis, qui s’amuse à me voir combattre ainsi sans sembler craindre le moins du monde pour ma personne. Pour ma part, je souffle un bon coup, sentant la chaleur du combat commencer à me faire suer dans mon armure. À peine sorti de leur formation, et toujours emporté par mon élan, je vois sur ma trajectoire le premier tombé qui se relève difficilement. J’arrête ma course en lui envoyant un monumental coup de pied dans la tronche… Et il tombe derechef sur ses fesses, l’air ahuri. Je profite de sa confusion pour lui passer derrière, et me tourner à nouveau vers mes ennemis, à peine en train de se retourner.
Par contre, je me retrouve bien malgré moi entre deux feux, puisque le duo belliqueux ayant arrangé leur différent par une beigne chacun dans l’œil de l’autre, se tournent vers moi, me prenant en tenaille par rapport au peloton d’attardés. Deux d’un côté, six de l’autre… le choix est vite fait. Je me tourne vers le duo, qui tente en un geste uni – sans doute ne l’ont-ils jamais tant été – de me trancher en deux, et de me cogner dur, de sa lame et de son gourdin. De retour à la hache, pour ma part, je pare leur combo mal placé du manche, alors que ma rapière vient percer l’œil de l’un, qui lâche son arme, pendant que je fais un pivot sur moi-même, sortant ma lame de son globe pour faire un coup horizontal, de tranche, droit sur la gorge du second, qui se retrouve avec une belle plaie en travers du coup, dont une giclée sombre de sang poisseux s’écoule avec passion. Dans leur dos, je m’empare de ma rapière, et je fais de mon autre arme sa jumelle, et je les transperce sans pitié par derrière, remontant de bas en haut le long de leur colonne vertébrale, pour arracher leur vie déjà si amochée… Ils meurent, et je suis de nouveau face au groupe, deux corps entre eux et moi.
(Et deux de plus, ça fait quatre.)
Deux corps, et un étourdi qui tente, encore une fois, de se relever. Je profite de son encombrement sur le terrain de combat pour… tourner le dos à mes agresseurs et courir vers la route, derrière l’énorme roc. Ils réagissent correctement, cette fois, car j’entends leur capitaine crier ses ordres :
« Vous, contournez par-là. Les autres, avec moi ! Toi et toi, restez là. Faut le retrouver ! »
Pris de vitesse, j’ai atteint l’autre côté du rocher, mais me retrouve du coup bien dépourvu, puisqu’ils vont m’arriver dessus par tous les côtés. Grimaçant, je m’apprête à nouveau à me faire encercler, quand je me rends compte que ce versant-ci de la pierre semble bien plus approprié que l’autre, incurvé, à l’escalade. Sans hésiter une seconde de plus, je m’élance à l’assaut de mon abri nocturne, et y grimpe habilement, en deux temps, trois mouvements. Pile au bon moment, puisqu’ils arrivent face à face, au pied de ce que je viens d’escalader. Abrutis, ils se reluquent une seconde, avant que leur chef ne s’exclame :
« Mais merde, il est passé où ?! »
Taquin, mais surtout parce que j’ai une bonne position et qu’ils sont moins forts que je ne l’ai initialement pensé, je leur lance à la cantonade :
« Vous me cherchez ? Levez un peu les yeux ! »
Et comme d’un homme, ils tournent tous leurs mirettes vers moi, certains plus réactifs que d’autres. Et je m’aperçois là que ma bravade s’avère plus dangereuse que prévu, lorsque l’un d’eux dégaine un arc de bois et y encoche avec rapidité une flèche aussi épaisse que mon pouce.
(Oups…)
Pas le temps de réfléchir, je me retourne et saute vers mon campement provisoire, où deux garzoks m’attendent… Plus le tombeur relevé, qui, manque de chance, se ramasse ma chute en plein sur la tête. Nous tombons tous deux de concert, et je le remercie mentalement de l’amortissage de ma chute, qui lui a sans doute tassé quelques vertèbres. Plus agile, je me relève d’un bond, sans même prendre appui sur mes mains, toujours en train de tenir mes lames. Et je constate une douleur à l’arrière de mon épaule… La flèche est coincée dans les spalières de ma cotte. Sans les avoir percées, elle n’en a pas moins défoncé la première couche de métal, et je m’en tirerai avec un beau bleu. Ce qui sur ma peau grise, sera du meilleur effet. Mais trêve de digression esthétique, le combat fait rage, et les deux guerriers restés là pour me réceptionner œuvre à leur tâche, pendant que de l’autre côté du rocher, j’entends le branle-bas de combat des autres qui se ruent à travers tout pour m’atteindre.
(Ils vont finir pas s’essouffler, à courir comme ça.)
(Ouais… et moi aussi si ça continue.)
Le combat est rude. Pas spécialement dans sa difficulté technique, mais seul contre onze garzoks, il faut de l’endurance (comme me l’a une fois dit Pulinn, au Temple des Plaisirs. Mais en parler ici relèverait d’une nouvelle digression tout à fait malvenue). Ainsi, alors que je me mets à penser, pire chose qu’il soit pour un combattant en pleine action, je me prends un coup de marteau de guerre dans l’estomac, qui me plie en deux alors que le deuxième orque m’envoie au sol d’un coup de coude dans le dos. Je tombe à plat ventre, à la merci de son Kikoup dégueulasse, qu’il abat avec force… Droit dans le sol. Car heureusement, j’ai eu le bon sens de rouler sur moi-même dans la poussière, ce qui outre m’avoir redécoré en version commando terrestre, me sauve la mise, pour le coup. Plein de débris, je tousse la terre ainsi avalée, et me redresse tant bien que mal. Tous mes adversaires sont de nouveau là, et je suis à nouveau contre le rocher, à leur merci. Tout comme au tout début du combat.
(Bon… on ne va pas s’en sortir si je reviens toujours ici.)
(Oh ça va, il sont quatre en moins, tout de même.)
Ce qui en fait tout de même six face à moi, si l’on excepte le tassé des vertèbres qui relance sa parade coutumière en tentant de se relever, pestant et grommelant de plus belle. Et à six, je peux me prendre quelques coups avant d’en venir à bout. Il est temps de réfléchir à une stratégie plus construite, plus offensivement désignée pour les découper en rondelles sans trop me faire amocher la tronche. Je repense, un instant, à Daïo qui a tenté de faire trembler le sol de son arme, en vain, en présence d’Oaxaca, et me dis qu’une telle capacité pourrait bien m’être utile, à présent… Mais je ne m’en sens pas la force, et… j’avoue mal voir comment ça peut se concevoir. Lysis me fait alors parvenir une idée, sous la forme d‘une image mentale me représentant en mouvement, dans un décor vide de tout. Je me vois faire des mouvements dans les airs, armé de mes deux lames, tournoyant sur moi-même tout en assénant des coups dans le vide, à intervalles régulier, mais avec une rapidité certaine, qui semble tellement naturel dans le mouvement général de mon corps que le tout ressemble à une danse agile et complexe à appliquer.
(Tu crois que ça peut marcher ?)
(Qui ne tente rien n’a rien…)
En face de moi, les garzoks s’esclaffent en me voyant ainsi apparemment démuni face à leur nombre, piégé au pied du mur, fait comme un rat… Mais je n’en ai cure, et n’y prête même pas attention. Mes yeux vont de l’un à l’autre, alors que je jauge leur position, et les gestes qu’il me faudra effectuer pour réaliser cette danse assassine de manière la plus efficace possible. Je sens mes forces se galvaniser dans mes membres, alors que ma métamorphe se change en épée longue et légèrement courbée, pour une meilleure pénétration des chairs sans y rester coincée. Je me vois, tournoyant et sautant, au milieu de leur groupe, et… cela me semble satisfaisant. Ainsi, avant qu’ils aient le temps de prendre l’initiative de me harceler de nombreux coups, je me jette une nouvelle fois dans leurs rangs, mais sans les traverser cette fois. Je saute, les deux lames au clair, et entame cette chorégraphie macabre, cette danse des lames.
Vue de l’intérieur, elle semble moins impressionnante, mais plus condensée, plus brouillon que son résultat extérieur. Ainsi, autour de moi, je ne vois que le sang qui gicle, l’éclat des lames que j’évite tout en tournant sur moi-même, tranchant une gorge par-ci, pointant un estoc en plein cœur par-là, découpant un bras avant de pivoter pour arracher une jambe et planter en un dernier coup létal ma rapière en travers du ventre d’un garzok, qui s’effondre avec mon arme dans le bide.
Autour de moi, c’est le carnage. La poussière sur mes habits est colorée du sang de mes ennemis. Il n’y a plus que des cadavres, l’un étêté, l’autre se déversant de son fluide vital par la gorge, un troisième animé de quelques derniers soubresauts, au rythme des giclures de sang qui s’expulsent d’une plaie toute petite, mais droite au cœur. Seul le chef reste debout. Il s’est écarté du combat, et je ne l’ai pas touché dans ma danse des sabres. Cinq sont morts de celle-ci, sans m’avoir octroyé la moindre blessure.
(J’ai perdu le compte, démerde toi !)
Cinq morts… L’efficacité de ce coup est redoutable. Mais maintenant, je n’ai plus qu’une arme, et mon ennemi me fait face, armé de sa grosse lame orque dentelée. Je me pare ainsi d’une simple épée batarde, et me positionne en posture de duel, bien plus confortable et défensive que le brouillon d’un combat de masse. Bien plus précise, aussi. Mais un bruit me déconcentre, et j’aperçois, à quelques mètres, l’orque tombé aux vertèbres tassées qui se fait la malle en courant comme un dératé.
(Chiotte !)
Je ne peux pas le laisser filer. Il ne doit pas rapporter mon massacre ici aux autorités d’Omyre. Pas avant que j’y sois entré, en tout cas. Je n’ai aucune envie qu’ils redoublent les gardes et les patrouilles. Aussi je change aussitôt mon arme bleue en une javeline fine et pointue, que je lance avec précision, droit dans le dos du fuyard, qui s’effondre une nouvelle fois au sol, mais pour de bon, cette fois.
Et… comme un con, je me retrouve désarmé face au chef de la bande, dernier survivant, qui ricane en me voyant ainsi sans plus rien pour le menacer. Me voilà bien embêté, et je ne vois qu’une occasion de ne pas me faire rouer de coups : la fuite. Je me retourne vivement, alors qu’il frappe en taille, et démarre au quart de tour alors que le plat de son arme me frappe le bassin. Déséquilibré, je manque de me planter comme une tulipe, et rattrape ma course au dernier moment, entendant derrière moi mon ennemi me courser en respirant comme une locomotive. Même si j’ignore complètement ce que ça peut être. Bruyant, sans doute, et régulier.
Courant ainsi pour ma sauvegarde, un plan me vient à l’esprit, et je fonce droit vers le roc, témoin fixe de ce combat absurde, seul décor réel à notre affrontement. Comme un abruti, l’orque me poursuit… Et lorsque j’arrive face à la pierre, au dernier moment, je lance un pied dessus, puis un autre, et je marche ainsi à la verticale, emporté par mon élan, sur deux bons mètres… Avant de me laisser tomber en arrière, dans un salto qui me fait retomber droit, sur mes pattes, derrière mon poursuivant, qui doit certainement se demander où je suis passé, dans sa caboche vide. Je ne perds pas de temps, et n’attends pas qu’il se retourne pour plaquer ma main contre l’arrière de sa tête, et venir violemment écraser son visage sur la pierre que j’ai foulée. Je m’écarte, et il se retourne vers moi, l’air rageur, la gueule en sang, le nez pété et l’arcade ouverte. Il n’a vraiment pas l’air content, et ne ricane plus du tout. Le sang lui coule dans les yeux, mais ce n’est apparemment pas ce qui va l’empêcher de me trancher en deux. Il balaie l’air devant lui de son arme, et je ne dois qu’à un réflexe ultime de survie ma vie, alors que e bondis en arrière.
Me vient alors une révélation. Une vision. Depuis le début du combat, il n’a toujours pas remballé ses parties intimes, qui balancent toujours hors de ses braies, entre ses deux jambes maladroitement positionnées du fait de son aveuglement partiel. Opportuniste, je profite de ce détail sensiblement à mon avantage pour décocher un coup de pied monumentale dans sa paire de valseuses… qui valsent bien, d’ailleurs, alors qu’un gémissement suraigu, et tellement étrange venant d’une telle bête, sort de sa gueule pleine de dents pointues. Il en lâche son arme, le bougre… Je ne demande pas mon reste, et m’en saisis avant de lui trancher le chef d’un coup rapide, mais puissant.
L’objet de ma visée tombe au sol, et roule à mes pieds, alors qu’il choit lui-même par terre, à genoux, son corps restant dressé, appuyé en arrière sur ses pieds, avant de s’effondrer sur le côté, mort.
(Et de onze !)
(Ah ben, tu as le compte finalement ?)
(Voui… Mais puisque tu les as tous tués, mon boucher adoré, c’était plutôt facile.)
Boucher… Il est vrai que j’ai été sans pitié, et que leurs morceaux découpés font de cet endroit un lieu bien moins hospitalier pour dormir la nuit. N’ayant aucune envie d’attirer les prédateurs de cette région de Nirtim, je me dépêche de ramasser mes affaires et de m’en aller vers le chemin pour commencer ma journée de marche. Le petit déjeuner attendra… Je dois avouer qu’avec tout ça, je n’ai plus très faim.
[HJ : apprentissage de la compétence de classe "Danse des sabres"]
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