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 Sujet du message: Re: Route entre Omyre et Dahràm
MessagePosté: Mar 21 Juil 2015 22:00 
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La jeune Shaakte quitta les abords de la ville en plein coeur de l'après midi, le soleil brûlant rayonnant lourdement sur ses frêles épaules alors que ses pas se faisaient hésitants, la fatigue, les séquelles du coup et enfin celles de sa longue détention l'accablaient alors qu'elle progressait lentement, mais si son corps devait faillir, son esprit lui se soumettait à chaque épreuve et se forgeait lentement pour devenir aussi dur que cela lui serait nécessaire. Elle vaincrait un jour et chaque injure serait alors payée au centuple.



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Récit - #4080BF
Parôles - #8040FF


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 Sujet du message: Re: Route entre Omyre et Dahràm
MessagePosté: Ven 9 Oct 2015 03:56 
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Fiori était un homme de taille moyenne, grisonnant mais plutôt bel homme. Autrefois voyou et bandit de grand chemin, ses aventures de part le monde lui ont offert une opportunité nouvelle. Devenu marchand, presque respectable, il fait aussi contrebandier et passeur pour les personnes qui voudraient passer un barrage de gardes en restant discrets. Devenu doué dans ce domaine, sa réputation moralement discutable s'était principalement forgée à Pohélis et Omyre.

D'ordinaire, il laissait les passages à ses sbires afin de préserver sa discrétion et ses petits affaires marchandes. Mais Hrist, c'était différent. Il fallait que ça soit lui, de toutes façons, la femme n'aurait pas fait confiance à un inconnu. Pour satisfaire la tueuse, il avait misé sur du minerai, quelque chose de précieux et que n'importe quel garde ne se permettrait pas d'approcher sans un superviseur. Un gros tonneau pour dissimuler la Murène dans son double fond, la femme s'était montrée discrète durant cette année passée à Nirtim, mais sa réputation éclatante dans le milieu des assassins faisait d'elle une cible en or massif. De nombreux gardes pourraient rêver de capturer la femme et de la livrer au Roi qui récompenserait le chasseur par une prime qui chasserait le besoin de tout homme.

C'est ainsi qu'il arriva là, assis à prendre les rennes de deux bourrins de basse campagne qui avançaient en martelant le sol de leurs lourds sabots, rattachés à cette charrette qui grinçait sans cesse. Depuis que l'automne avait posé son nid, le froid et le vent enlaçaient les deux voyageurs transits.

Hrist pour combler la conversation avec Fiori,que la fatigue rendait relativement taciturne, piaillait.

" J'en ai marre. "
" Hm... " Répondit le passeur, abruti par la fatigue et le paysage nonchalant.
" Marre je dis. Ces mouches qui bzzzzitent sans cesse autour de mes orei... SALOPE ! Je l'ai manquée de peu. Et ce paysage pourri. Ils cultivent la bouse dans ce pays ? Je vois pas un pèlerin depuis des heures. "

Fiori poussa un soupir à éteindre un gâteau d'anniversaire de gala.
" Franch'ment... On pouvait pas prendre la mer ? On aurait pas ces saloperies de mouches. "
" Non. Pas la mer. "
" N'empêche que pour avoir voyagé en mer... Le paysage est plus radieux. "
" Votre blessure... Elle pourrait s'infecter avec les embruns marins. "

Hrist ricana en répétant " Embruns marins... Quel poète. Ça pourrait presque être jovial si ça n'incluait pas des plaies saignantes, de la suppuration et des nécroses qui refilent la fièvre avant de t'envoyer sous terre. Hé ! Hé ! Mais regarde la route. "

Fiori poussa un petit grognement fatigué et donna un coup de fouet aux montures.
" Tu veux pas que je prenne les... Oh, et puis merde... "

Elle bouda à son tour, même si la douleur avait disparue, la fatigue marquait encore son corps.
" Tu vas faire la gueule jusqu'à Kendra Kâr ? "
"..."
" Au retour, j'prends la mer."

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La petite ombre de la Mort à Elysian.

Alors, j'ai établi ma couche dans les charniers,
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Où la Mort Noire tient le registre des trophées qu'elle a conquis.


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 Sujet du message: Re: Route entre Omyre et Dahràm
MessagePosté: Mar 13 Oct 2015 04:54 
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De paysages macabres en paysages désolés, Fiori n'avait pas prononcé le moindre mot. Hrist fatiguée par ce silence comblait le vide avec sa Faera, débattant de tout et de rien mais surtout de rien, des doutes et des interrogations, l'excitation et l'angoisse que projetait sur elle cette nouvelle mission ô combien dangereuse lancée par la milice d'Omyre.

(" 'Franchement... S'ils avaient voulu se débarrasser de toi, z'auraient pas trouvé mieux. Tuer deux cibles en faisant croire qu'ils sont amants alors qu'ils ne se connaissent probablement même pas, tout ça pour discréditer une autre cible tout en lui faisant porter le chapeau. ")
(" De ce que je me souviens, la précédente était pas mal non plus. Infiltrer un groupe d'assassins eux mêmes infiltrés dans une guilde pour en découvrir qui est la taupe sans même savoir qui était infiltré... Cocasse. ")

(" Ouiiii ! Je m'en souviens. C'était la servante la traîtresse ! Et même pas une de chez nous, c'était pas une taupe, juste un agent de Kendra Kâr très bien renseigné qui se faisait passer pour une fille de salle ! Elle a déjoué tous les soupçons, même les tiens. Tu aurais dû lui demander quelques conseils avant de lui faire manger du verre brisé... C'était assez sale d'ailleurs. Tu auras pas l'occasion de faire ça à Kendra Kâr ! ")

Hrist savait que sa boule de fluides n'avait pas tort. Kendra Kâr était un milieu très dangereux, si un agent avait traqué les sbires de Xenair jusqu'à Pohélis, c'était la preuve irréfutable que les hommes et femmes agissant pour Oaxaca étaient surveillés et non pas par l'armée régulière.

(" Et ce Naël ! Tu te souviens de la tête qu'il faisait quand tu es revenue le chercher ? D'ailleurs, il avait une tête assez plate, tu ne trouves pas ? Et les yeux sur le côté comme si il avait été croisé avec une limande. ")
(" De loin une des pires saloperies que j'ai pu rencontrer... Naël. Oui, j'm'en souviendrai longtemps, crois moi. ")
('' Et Xenair ! Tu tremblais comme une feuille en le rencontrant. Finalement vous aviez les mêmes passions. Tu te souviens de sa voix quand il t'ordonnait de le torturer une heure pour chacun de ses hommes tombés à cause de lui ? ")
('' Il avait même mis ma dague en jeu ! Un sacré défi. ")

Hrist palpait sous sa robe la relique accrochée à sa ceinture, ce magnifique concentré de mort et de poison qu'elle adorait. Selon Cèles, c'est ce qui reflétait au mieux sa personnalité. Tranchante et corrosive.

Tandis qu'elle marchait à côté du chariot sur des routes de plus en plus décentes, Hrist observait le paysage devenir moins vallonné et qui commençait à sentir les embruns iodés et le vent glacé d'un large infini qui venait lui fouetter le visage.

Avant la tombée de la nuit, ils arrivèrent à Dahràm mais ne s'y arrêtèrent pas, Fiori avait un stock de nourriture conséquent, essentiellement constitué de vin rouge épicé en gourde, de viande séchée et de poisson salé. Au bout des deux jours qui avaient constitué ce voyage, Hrist rêvait presque de légumes lorsqu'elle somnolait plus qu'elle ne dormait dans cette barrique qui lui servait de refuge.

" Une fois à Mertar, j'ai une connaissance là bas qui pourrait vous être utile..."
" Elle cultive les légumes ? On pourrait lui acheter des carottes. Ou même un chou. "
" Naon. Je déteste le chou. "
" Et alors, moi aussi ? Mais ces rations... J'en ai assez de manger froid sans qu'on puisse allumer de feu sous prétexte de ne pas se faire repérer. "
" ... C'est la vie. "
" Et des oeufs ? "
"... "

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 Sujet du message: Re: Route entre Omyre et Dahràm
MessagePosté: Jeu 21 Avr 2016 11:46 
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Toute la nuit, Calua pressa les bœufs, laissant Yurlungur vaguement somnoler sur son épaule. Les bêtes, poussées au-delà de leurs capacités habituelles, avaient bien du mal à maintenir la cadence, mais elles le faisaient. Lorsque le jeune homme faiblissait, une main venait prendre les rênes et les secouait rudement pour montrer l'exemple autant que pour remotiver les bovins avant de se rendormir. Sous les étoiles, le char des enfants avançait lentement, le spectacle de leur course désespérée laissé à la malice des Dieux. La prison avait depuis longtemps disparu derrière eux, de toute manière invisible, lorsqu'ils perçurent au loin les premières lueurs de Dahràm. Quelques instants plus tard, les premiers rayons d'un Soleil majestueux enveloppèrent la ville des pirates et Yurlungur se réveilla complètement.

Elle s'étira rapidement puis saisit les rênes, indiquant d'un bref signe de tête à Calua qu'il pouvait dormir. Celui-ci vint se lover contre elle et tomba instantanément dans les bras de Morphée.

(Je me suis vraiment collée comme ça à lui ?)

(Fufufu... Peut-être, ma vieille.)

Elle aurait sans doute mieux fait de ne pas poser la question. Devant elle, les bœufs avaient commencé à ralentir progressivement. Elle n'allait pas leur accorder ce luxe. Le feu de sa rage, légèrement adouci par sa sieste, venait d'être ravivé par l'Autre. Elle donna un coup coup de rênes et les bœufs reprirent leur route. Seuls leurs beuglements venaient trahir leur mécontentement, mais ces derniers n'arrivaient même pas aux oreilles de la petite fille, encore entièrement concentrée sur son objectif. La route allait être longue, mais pas seulement pour elle. Elle serra les dents et continua d'harceler les bœufs pour qu'ils accélèrent.


***


Un peu avant midi, Calua se réveilla. Il proposa de faire une pause pour manger, ainsi que pour laisser les bœufs se reposer. Ces derniers étaient endurants, certes, mais ce n'étaient que des bêtes et cela lui faisait de la peine de les voir ainsi. Yurlungur leva les yeux au ciel mais consentit. Son humeur s'était adoucie. Accessoirement, son estomac grognait lui aussi, et plus fort que sa rage. Tant pis pour sa colère.

Le chemin dessinait de jolies courbes à travers les plaines d'un vert éclatant, s'avançant au loin en restant à l'écart des hautes montagnes qui s'étendaient sur la gauche de la charrette. Derrière, Dahràm n'avait pas encore disparu mais n'était plus qu'un point discret au loin. Ils firent avancer les bœufs dans les hautes herbes qui délimitaient le chemin et s'arrêtèrent. Les deux bovins – l'un mâle, l'autre femelle et depuis toujours inséparables selon Calua – ne se firent pas prier pour commencer un joyeux repas digne de leur statut d'herbivores, tandis que Yurlungur et Calua saisissaient les sacs pour en extraire quelques légumes, des insectes séchés et un dernier morceau de viande qu'ils se partagèrent symboliquement. Les autres étaient restés à la prison et, de toute façon, ils n'auraient pas pu en emporter trop sans que ceux-ci pourrissent au fond de leurs sacs. À moins de prendre du sel avec. Un instant, la fillette s'en voulut d'avoir souhaité partir aussi rapidement. Et d'avoir perdu son temps à détruire la table au lieu de mieux préparer leurs sacs de provisions.

Ils mangèrent en silence, assis face à l'océan qui s'étendait au loin. Ni l'un ni l'autre n'avait envie de parler, ou plutôt les deux souhaitaient manger. Ils savaient qu'ils devraient repartir aussitôt après, ou du moins était-ce le sentiment de la fillette. Un petit quart d'heure de pause bienvenue passa avant qu'ils ne remettent en marche des bœufs désormais un poil plus récalcitrants.

« J'ai une idée. »

La petite fille saisit son propre sac et fouilla un peu dedans avant d'en ressortir un fouet presque intact. Elle l'avait récupéré sur le cadavre de son tortionnaire lors d'une courte visite chez la Milice de Dahràm et n'avait pas pensé s'en servir avant ce jour-ci. Elle se leva sur la banquette et, maintenant un équilibre instable, donna un bref coup au massif popotin de l'une des deux bêtes qui beugla avec force. Faisant de même sur l'autre, les bœufs se remirent en marche et dépassèrent le train qu'ils avaient adopté jusque là. Satisfaite, Yurlungur laissa les commandes à un Calua à l'air morose pour le reste du voyage, tentant un petit somme. Elle laissa tout de même le fouet à portée, au cas où il en ait besoin. Mais en connaissant Calua, ce ne serait certainement pas le cas.


***



Quelques gouttes sur son nez la titillèrent. Ouvrant un œil, elle découvrit un ciel sombre et menaçant et, tandis qu'elle se redressait, ses cheveux se mirent à flotter au vent violent qui venait de l'océan. Calua faisait toujours avancer les bœufs un peu affolés comme il le pouvait sur le chemin autrefois de terre, maintenant de boue. Le blondinet tourna la tête vers la petite fille, plus sérieux que jamais. Celle-ci eut une moue surprise puis il lui désigna l'arrière de la charrette. Se retournant, elle vit derrière eux trois loups qui les suivaient, patiemment. En effet, les bœufs avaient leurs raisons d'être affolés. Un éclair vint illuminer la scène fugacement.

« Ils sont là depuis longtemps ? demanda-t-elle en relançant un autre regard en arrière. »

« Il y a une petite heure, le premier est arrivé. Je ne me suis pas fait de souci, mais leur nombre a augmenté drastiquement... Je m'apprêtais à te réveiller, d'ailleurs. Prends le bâton qui est à l'arrière, là. Il te permettra de les repousser lorsqu'ils attaqueront. »

Yurlungur farfouilla et extirpa un bâton long, faisant presque la taille d'un homme.

« C'est bien trop long pour moi. Je n'arriverai pas à m'en servir, laisse-moi plutôt les rênes ! »

Le ton de la fillette s'affolait tandis qu'elle voyait le nombre de loups augmenter de plus en plus. À droite et à gauche, d'autres avançaient en les fixant à travers les hautes herbes balayées par un vent violent.

« Et tu crois que tu parviendras à maîtriser les bœufs dans ces conditions ? Laisse-moi rire. »

Le ton était sans équivoque. La fillette déglutit et se tint prête.

Le loup le plus téméraire s'approcha, montrant déjà des crocs luisants. Elle grogna en retour et il recula un peu avant de s'approcher à nouveau. Tenant fermement son bâton à deux mains, elle lui asséna subitement un coup entre les deux yeux, faisant décrire un arc de cercle dans un plan vertical. Le loup gémit, tituba et s'effondra. Les autres eurent un mouvement de recul tandis que la petite fille grognait de plus belle, maintenant debout et bien campée sur la charrette malgré les secousses dues à la vitesse et au cailloux sur lesquels les roues buttaient violemment.

Les loups se rapprochèrent à nouveau ; la nuit tombait. Les bœufs avançaient, mais ce n'étaient que des bêtes de somme habituées à des trajets lents face à des loups rapides et agiles. Les deux bovins étaient en outre fatigués et ne pouvaient décemment conserver leur allure aussi longtemps. Calua le savait mais, une fois n'était pas coutume, il leur faisait violence. La simple vue des loups le rassurait quant à la pertinence de cette décision. Un autre canidé attaqua, Yurlungur le balaya maladroitement vers la droite. Puis un autre. Il esquiva son coup, mais dut ainsi reculer un peu. Peu à peu, les coups se firent inefficaces contre des loups avertis. L'usage du bâton n'était pas naturel pour la fillette et, quand bien même elle arrivait quelques fois à toucher l'un d'entre eux, il était rare qu'elle lui fasse plus qu'un léger coup.

Un éclair illumina à nouveau les pelages d'un gris sombre des loups amassés. L'un d'eux hurla à la Lune absente. Calua criait des encouragement à ses bêtes harassées et Yurlungur haletait. Les loups pas. Soudain, elle eut une idée. Elle saisit sa dague, arracha un morceau de sa manche et vint fixer son couteau au bout du bâton. Une lance. Elle avait maintenant une lance. Pas beaucoup mieux, mais c'était toujours ça de gagné.

Le combat s'engagea à nouveau. Les loups se mirent à attaquer de tous côtés, la petite fille répliquant comme elle le pouvait. Des traits rouges apparaissaient quelques fois sur le pelage des loups, mais bien vite, ceux-ci se mirent à en faire de semblables sur les flancs des valeureux bœufs en dépit de tous les efforts des deux enfants. L'affrontement dura presque une heure, la pluie se mêlant à la sueur des deux enfants. Finalement, l'un des bœufs s'écroula de fatigue et la meute entière se jeta sur lui. L'autre, désespéré, tentait tant bien que mal de lancer des coups de cornes aux loups amassés à côtés, mais l'animal était déjà mort. Calua arrêta d'encourager l'autre et prit sauvagement des mains de Yurlungur le bâton-lance pour se mettre à taillader le groupe de loups qui mangeaient leur pauvre victime. Dans l'obscurité ambiante, on ne pouvait voir les larmes qui coulaient sur ses joues.

Après un petit quart d'heure de festin, les loups s'en allèrent, rassasiés. Certains d'entre eux étaient tombés au combat, mais bien peu, et uniquement les plus imprudents. La meute pouvait désormais repartir, confiante. La nuit s'installa pleinement sur le chariot immobile. Tandis que le dernier bœuf beuglait à la Lune qui apparaissait entre les nuages, Yurlungur et Calua se blottirent l'un contre l'autre et s'endormirent.


***



Les premiers rayons de l'aube vinrent réveiller les deux enfants et dévoiler à leurs yeux le spectacle d'un bœuf intact écroulé au sol, l'autre n'étant maintenant plus qu'une carcasse sanglante. Les os courbés de son ventre ne retenaient plus que de l'air et les sangles qui le retenaient au chariot avaient été arrachées. Calua s'approcha du premier bœuf et releva une mine lugubre.

« Il est mort. Il a beuglé jusqu'à la mort pour qu'elle se réveille, mais il ne pouvait vivre sans elle. C'était... C'était un bon bœuf. C'étaient tous les deux de bons bœufs, je crois. »

Sans dire un mot de plus, il s'approcha de la charrette et saisit son sac avant de se mettre à marcher. Ses yeux étaient embués. Yurlungur fit de même en veillant à récupérer sa dague au passage et le rejoint en trottinant. Ils ne parlèrent pas et continuèrent leur périple, laissant derrière eux le dernier vestige de leur épopée contre ces loups. Sans un regard en arrière.


***



Le chemin était rude et long. Leurs jambes tremblaient lorsqu'ils s'arrêtèrent, apparemment à proximité d'une petite forêt. S'adossant contre l'un des premiers arbres, ils soufflèrent un peu, plaignant silencieusement les bœufs qui les avaient tracté pendant un jour et demi sans se plaindre. Quoique si, ils s'étaient plaints. Mais moins.

« Tu sais si on arrivera bientôt ? »

« Normalement aujourd'hui. Mais ce n'est que le matin, et il faut qu'on prenne une pause. »

La discussion s'arrêta là. Yurlungur s'assoupit contre l'arbre, laissant à Calua le rôle de monter la garde. Ce dernier, peu après, s'endormit aussi contre elle.

Pendant quelques heures, seuls leurs respirations trahissaient leur présence. Il n'y avait de toute manière que peu de personnes à passer par ici. L'ouïe de Calua, cependant, perçut quelques éclats de rire qui s'approchaient. Il ouvrit un œil et s'aperçut que des silhouettes apparaissaient déjà non loin. Sans ménagement, il secoua Yurlungur pour la réveiller et ils montèrent à l'arbre pour s'y cacher. Non pas qu'ils eussent peur de la rencontre avec de simples voyageurs, mais plutôt que deux enfants seuls auraient bien du mal à expliquer leur présence d'une part et qu'on serait bien prompt à essayer de les attaquer d'autre part.

Les branches étaient souples mais solides. Les voix s'étaient tues, mais on entendait maintenant le bruit de pas sur le sol meuble. Soudain, une panthère passa sous l'arbre. Une panthère noire de jais, mais qui marchait avec difficulté et qui possédait un pelage encore marqué de quelques brûlures. Elle traînait sur le sol de terre un brancard miteux sur lequel reposait un homme endormi et bandé que la fillette reconnut du premier coup d'œil. Elle écarquilla les yeux, se tourna vers Calua pour le retenir. Trop tard. Le géant passait déjà sous l'arbre et Calua lui sauta dessus, les yeux fous de rages et l'épée à la main.

Suite : ici

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Dernière édition par Yurlungur le Jeu 21 Avr 2016 11:54, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Route entre Omyre et Dahràm
MessagePosté: Jeu 21 Avr 2016 11:53 
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((( [:attention:] Certaines scènes de ce rp sont à forte connotation sexuelle/violente/gore, aussi est-il recommandé aux lecteurs sensibles d'y réfléchir à deux fois avant d'en entamer la lecture.)))

Pourquoi Yurlungur n'aurait-elle pas fait de même ? D'ailleurs, elle fit de même. Elle sauta sur le frêle mage qui suivait, la dague à la main, avant que ce dernier ne puisse réagir. Si elle ne parvint pas à le toucher, ce dernier s'effondra sous son poids et sous le choc. Tandis qu'il se débattait, elle eut tout le loisir de se mettre à taillader profondément la chair molle du mage, à peine protégé par le tissu soyeux de sa robe longue dans laquelle il s'empêtrait. Quelle idée, aussi, de se vêtir d'une robe lorsqu'on était pas une dame de noblesse. Tant pis pour lui. Elle ne se contrôlait déjà plus et ce ne fut qu'un Calua volant dans les airs droit sur elle qui put l'arrêter dans son massacre, le géant ayant apparemment décidé de ne pas se laisser faire face à deux mioches qu'il pouvait soulever d'un doigt.

Ils roulèrent au sol sur quelques mètres tandis que l'homme recouvert de plaques d'armures rabattait de surcroît une visière métallique tout en dégainant un long sabre au tranchant parfait. Un long sabre qui, accessoirement, avait décapité le père de Calua sous les yeux de l'adolescent. Ce dernier voulut se relever aussitôt pour lui foncer dessus, ignorant le danger encouru, mais la petite fille lui fit délibérément un croche-patte certes maladroit mais qui eut le mérite de le remettre au sol tandis qu'elle se relevait. Tiens, le mage gigotait. Il n'était donc pas mort, celui-là ? La mare de sang autour de lui ne cessait cependant de s'élargir. Yurlungur, tandis que Calua se relevait encore en grognant, lui asséna un coup de pied violent sur la tempe et il sombra dans l'inconscience. Elle sourit en relevant la tête vers le géant. Il n'allait pas voir de quoi elle était capable et, surtout, il n'allait pas la gêner.

« Pourquoi l'as-tu assommé, gamine ? Je vais t'étriper pour ce que tu as fait à mes camarades... »

La voix était grave et puissante, aussi caverneuse et rauque que celle d'un vieillard enrhumé. La fillette dut se retenir pour éviter de lancer cette pique. Déjà, aux côtés du géant, la panthère arrivait et ce dernier n'eut qu'à abaisser son sabre par deux fois pour la libérer du chargement qu'elle traînait. Yurlungur réprima un tremblement intérieur et osa une dernière boutade, souriant à moitié :

« Le combat reste encore bien inégal, mes chers. Ne voulez-vous pas réveiller votre compère ? »

Même dans l'urgence, elle arrivait à faire des rimes. C'était à en désespérer, surtout que l'affrontement en lui-même s'annonçait long et ardu. Elle brandit sa dague devant elle en signe de défi et se laissa aller à l'insouciance. À l'Autre de jouer, maintenant. Un Autre par ailleurs passablement énervé d'avoir en face de lui deux adversaires suffisamment impressionnants comme ça pour qu'il n'ait pas envie de les irriter davantage.

Le géant poussa un cri de rage et fonça sur la fillette qui se jeta sur le côté. Le félin rodait autour, restant momentanément à distance. Tandis qu'elle concentrait son regard sur lui, le colosse revenait déjà à la charge de l'autre côté. Instantanément, elle vit que la panthère essayait de la prendre en tenaille pour l'attaquer de son côté aussi. Maintenant, tout était une affaire de bon minutage. Par folie ou par témérité, elle choisit de s'en remettre à son pur instinct pour éviter le coup et se laissa porter par son inconscient tandis que ses deux adversaires, inexorablement, se rapprochaient de chaque côté.

Elle n'eut pas le temps d'attaquer, simplement d'esquiver, mais ce fut plus qu'il n'en fallait. Le géant se prit la panthère en pleine poire et ils roulèrent tous les deux tandis que la petite fille se relevait de l'endroit où elle venait de se jeter. Oh, ils ne se firent pas mal mais, lorsqu'ils se relevèrent, elle avait les deux en face d'elle et, sans pouvoir se retenir, elle leur sourit de toutes ses dents en sautillant, indemne, sur ses deux pieds. Qu'ils viennent ! Son instinct la protégeait. Enfin, il fallait tout du moins l'espérer. Son humeur était de toute manière trop joyeuse, étrangement, pour qu'elle se retienne.

La suite montra que son intuition n'était pas aussi exact qu'elle voulait le croire. Lorsque la panthère lui fonça dessus, l'arracha du sol et se mit à la griffer sauvagement, elle s'en voulut soudainement de s'en être remis à cet instinct qui, contrairement à ce qu'elle imaginait, n'était pas le plus fiable des alliés. Sa dague transperçait, les griffes transperçaient d'autant plus sa douce peau et elle priait silencieusement Phaïtos et Thimoros de se voir accorder leur soutien.

« Ô Phaïtos... Aaah ! … Ô Thimoros... Raaah ! … Aidez-moi... Haan ! … Dans cette épreuve ! »

Elle donna un coup de dague transversal et, quand bien même les deux frères divins ne l'auraient pas entendue, elle se sentit soudainement mieux. Peut-être parce qu'elle n'avait plus une panthère de soixante kilos exerçant tout son poids sur elle, ou peut-être grâce à la prière. La douleur, le sang qui coulait sur elle n'était plus une simple souffrance, c'était un accomplissement pour les Dieux noirs. De colère, elle banda ses muscles et donna simultanément de multiples coups à son agresseur félin qui ne put que reculer tandis qu'elle se relevait déjà, les yeux emplis de fureur. Le géant avait disparu.

Une énorme paluche saisit sa gorge par l'arrière et souleva tout son corps à une dizaine de centimètres du sol. Elle amena instinctivement ses mains à son maigre cou mais la poigne était trop puissante et elle suffoquait déjà. Aucun son ne sortait plus de ses lèvres tandis qu'elle pressentait un coup de sabre. Il fallait agir. Il fallait agir... Il fallait... I... fall... Sa conscience ne s'en allait que lentement, le géant ayant décidé de s'amuser encore un peu avec cette petite proie. Ses jambes cessaient peu à peu de battre dans le vide et elle vit avec frayeur la panthère s'approcher de Calua, encore dans les pommes. Il fallait agir... Elle serra plus fort sa dague et vint s'entailler le cou. Un flot de sang gicla, mais il n'y avait pas que le sien. Les doigts relâchèrent instantanément leur emprise et le colosse hurla.

Elle chuta au sol et reprit petit à petit son souffle. Le monde autour d'elle était devenu flou. Son instinct... Elle devait écouter son instinct. Il lui souffla de se jeter sur la droite : elle le fit, évitant de justesse la panthère qui lui sautait dessus. Se relevant, elle recula en titubant, la panthère déjà prête à sauter à nouveau. La dague brandie devant elle pour se protéger, sa main gauche parcourait les quelques plaies de son cou desquelles un flot fin et ininterrompu de liquide vital rougeoyant coulait tranquillement. Elle recula encore et, comble de la malchance, perdit son équilibre lorsque ses pieds vinrent buter contre le cadavre à présent inerte du mage. Elle tomba en arrière, la panthère sauta.

À nouveau la bête fut sur elle, mais le cadre était différent. Cette fois-ci, elles baignaient toutes les deux dans la mare de sang et cet élément, étrangement, revigorait la petite fille. Elle se sentait grisée, sa force amplifiée, ses sens décuplés. Un sourire émergea sur son visage tandis que le pouvoir de Thimoros s'insuffla en elle. Sa prière avait finalement été reçue. Le visage devenu fou, elle vint prendre la panthère dans ses bras, la mordant, tailladant, griffant. Dans les yeux du félin, elle sentait une terreur indescriptible. Thimoros soutenait sa fidèle et la panthère n'avait aucune chance de s'en sortir vivante. Les quelques griffures qu'elle parvenait à infliger à Yurlungur ne faisaient qu'augmenter sa force et sa folie.

La mare de sang s'élargit.

Un rire s'éleva de l'entremêlement des trois corps, l'un déjà mort, l'autre à moitié, le dernier vivant dans la mort. La panthère avait la peau dure, le corps rempli de tendons et de muscles. Mais rapidement, la dague de la fillette commença à percer de la chair tendre et molle. Elle sut qu'elle avait gagné. Le félin cessa de se débattre et Yurlungur se releva face à un colosse qui, s'il dominait encore son adversaire par sa taille, restait horrifié par le spectacle devant lui. La petite fille, couverte d'un sang qui, en séchant, la rendait aussi noire que la nuit, continuait à sourire et à fixer son prochain adversaire, les bras ballants et les yeux déments.

« Tu es... Tu es un monstre ! Une créature d'Oaxaca ! »

Une peur non feinte s'était ajoutée à cette voix. La petite fille la sentait et s'en délectait. Elle commença à marcher, doucement, en direction du géant.

« Tu n'as pas le droit de vivre... Les choses comme toi ne devraient, ne doivent pas vivre. »

De la colère s'ajoutait à la peur. Tout ce ressentiment nourrissait la fillette qui se sentait vivre, revivre. Tout autour d'elle tourbillonnait, mais elle n'en avait cure. Elle avait un homme à tuer. Elle continuait d'avancer, inexorablement, vers cet homme qui, malgré tous ses beaux discours, ne pouvait s'empêcher de reculer. Elle voulait plus de haine, plus de souffrance et plus de sang.

« Thimoros... Phaïtos... Ils me demandent ta vie. »

Le géant se mit à trembler.

« Jamais je ne servirai cette traînée d'Oaxaca... Cette pouffiasse. Hi ! Hi ! Hi ! Les seuls vrais Dieux sont Phaïtos et Thimoros. C'est à eux que j'offrirai ton âme et ton sang. J'arrive... Attends-moi, mon cher. N'est-ce pas ce que je vous avais annoncé lors de notre première rencontre ? Que leur dirais-je, moi, si j'avais manqué à ma parole ? Vous avez cru bon de me défier... Vous avez cru bon d'ignorer les menaces, certes insensées à l'époque, que je vous adressais... Vous avez cru bon de me mépriser, alors que je sers des Dieux bien trop puissants pour que vous ne puissiez quoi que ce soit contre moi.

Eh donc ! Essaie donc de me tuer. Essaie donc de me prendre mon sang, je t'en reprendrai le triple. Tu ne sais pas de quoi je suis capable, mais tu es le dernier sur ma liste. Thimoros veut ton sang. Phaïtos veut ton âme. Et moi, je veux ta mort et ta souffrance.
»

Le colosse s'arrêta. La fillette aussi. Elle attendait quelque chose. Elle attendait qu'il lui réponde, elle le voulait. Elle voulait qu'il la nourrisse encore de ses paroles pleines d'animosité. Elle voulait sentir son aversion envers elle, elle voulait entendre sa terreur, elle voulait le voir se soumettre à elle. Ou pas. Un peu d'opposition serait la bienvenue car, en son for intérieur, elle savait qu'elle ne pouvait pas perdre. C'était impossible si le pouvoir des deux Dieux l'investissait. Un peu de répartie... Mais elle voulait aussi le tuer, le plus vite possible, dans la plus sanglante des mort. Une mort digne de ses Dieux... Elle voulait leur donner un spectacle, les distraire dans leur divines préoccupations. Et plus que cela, elle voulait qu'ils lui prêtent attention, ne serait-ce qu'un instant.

Il ne répondait toujours pas. Elle commença à tiquer d'impatience. Que faisait-il donc ? Il marmonnait quelque chose. Des insultes à son encontre, donc ? Elle sourit à nouveau. Qu'il continue... Il parlait de plus en plus fort. Elle voulait l'entendre crier, l'entendre hurler ! Elle se sentit blêmir lorsque les premiers mots lui parvinrent.

« Gaïa... Aide-moi... purger... Gaïa ! Accorde-moi ta puissance pour vaincre ce monstre à l'apparence humaine ! »

Elle n'eut pas le temps de courir vers lui pour l'arrêter que, déjà, elle se sentit faiblir. Le sang sur ses épaules devint plus lourd, ses jambes plus tremblantes et son cœur plus lâche. Le colosse pointa son sabre sur elle et releva la tête. Elle se mit à grogner. Il se jeta sur elle en hurlant à la mort. C'était ce qu'elle voulait entendre juste avant, mais elle n'en voulait plus désormais. Elle ne voulait que sa mort pour réparer l'infamie et le déshonneur qu'il lui avait fait en invoquant ce nom devant elle. “Gaïa”. Elle se laissa à nouveau porter par son instinct. Au dernier moment, elle reprit le contrôle pour éviter d'être embrochée mais fut percutée de plein fouet par la masse de son adversaire. Non, son intuition n'était pas encore au point. Se relevant douloureusement, elle ne put qu'éviter à nouveau de justesse une charge du colosse qui ne défaiblissait pas. Il fallait en finir, son adversaire et elle étaient au moins sûrement d'accord sur ce point.

Lorsqu'il se jeta à nouveau sur elle, elle fit comme si elle partait d'un côté. Évidemment, l'enseignement de Liniel se montra encore une fois profitable et le géant fonça dans la direction vers laquelle elle faisait mine de se déplacer. Il lui suffit de faire un pas en arrière pour que ce dernier s'écrase au sol en manquant lamentablement sa cible. Elle se jeta sur son dos et s'y agrippa de toutes ses forces, puis se mit à enfoncer sa dague entre les plaques de métal sans prendre aucun répit. L'homme s'était mis à hurler puis roula sur le côté : elle ne put que s'écarter pour éviter d'être écrasée. Ils se relevèrent tous deux en grognant. Les plaies du géant commençaient à recouvrir son échine d'un sang moins sombre que celui qui couvrait Yurlungur. Plus rouge, plus vivant. Plus neuf. Elle fit passer une langue avide sur ses lèvres sans pouvoir se retenir. Du sang. Il se jaugèrent un instant puis l'homme chargea à nouveau.

Cette fois-ci, son instinct ne lui fit pas défaut et elle l'esquiva avec succès. Cette manœuvre lui semblait maîtrisée pourtant, à chaque fois, elle n'arrivait pas à le toucher. Tant pis pour l'intuition. Place au massacre et au bain de sang. L'homme fonça une énième fois sur elle. Il était prêt à dévier sa charge si le besoin s'en faisait sentir. Malheureusement pour lui, la fillette également avait décidé d'en découdre. Elle recula avec lui en parant avec difficulté son coup et, renvoyant le sabre effilé dans les airs, vint planter sa dague dans les côtes de l'homme. Ce dernier suffoqua et cracha un filet de sang. Ce n'était pas assez.

La petite fille l'attrapa aux épaules tandis qu'il défaillait et guida sa chute en le faisant pivoter autour d'elle pour garder sa tête face à elle. Prise d'une fureur sans borne, elle releva la visière métallique, découvrant un visage terrifié, puis taillada sans ménagement ces traits humains. Elle voulait les voir disparaître, détruire cette humanité, augmenter la souffrance du colosse pour qu'elle égale la souffrance qu'elle portait en elle, si du moins c'était possible. Ce dernier essaya de résister, mais il ne put faire quoi que ce soit face à ce qui semblait être la souffrance en personne, le visage dément et couvert de sang. Elle commença par élargir ce sourire et cette bouche pour qu'elle hurle plus fort, ouvrit les joues jusqu'aux oreilles et retira celles-ci de quelques coups sauvages. Les hurlements qui s'ensuivirent firent bondir de joie son cœur malsain. Elle continua en découpant consciencieusement le nez, profitant du laps de temps durant lequel l'homme restait en vie, bien qu'il manquait à chaque instant de sombrer dans l'inconscience.

Plus rien ne la retenait. Elle s'attaqua aux yeux à mains nues, yeux qu'elle retira l'un après l'autre, les envoyant sombrer dans l'immense mare de sang au pied de l'arbre où elle et Calua étaient tantôt cachés. Ces hurlements... étaient-ils dignes de réparer l'offense qu'il avait fait à ses Dieux en invoquant Gaïa ? Peut-être. Mais elle leur avait promis sa vie. Sa dague vint dépecer la cervelle cachée derrière ces orifices à présent vide et le géant expira.

Elle se releva peu après, satisfaite du résultat. Puis, par un désir de mise en scène macabre, elle vint tirer ce corps déformé jusqu'à l'arbre où elle le fit s'asseoir, pantin désarticulé.

« Bonne nuit, mon cher. »

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 Sujet du message: Re: Route entre Omyre et Dahràm
MessagePosté: Dim 29 Mai 2016 14:53 
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La première journée de voyage fut relativement courte. Peut-être était-ce parce qu'ils n'eurent qu'à redescendre les flancs de la montagne qu'ils avaient monté la veille - Liniel s'arrangeant pour ne pas descendre trop vite et en profiter toute la journée ; peut-être était-ce grâce au temps qu'il faisait, ni trop chaud, ni trop froid, le ciel ponctué de quelques nuages pour empêcher un soleil ardent de les dessécher et traversé par une légère brise pour les garder frais ; peut-être était-ce enfin la bonne ambiance qui régnait dans le groupe, Calua s'essayant à discuter avec Liniel, Yurlungur tentant quelques boutades au passage envers la Semi-Elfe, et celle-ci retenant ses sourires tant bien que mal. Ou peut-être était-ce autre chose...

Ils s'étaient brièvement arrêtés pour leur déjeuner, profitant d'une vue superbe sur la plaine et, au-delà, sur l'océan infini. Enfin, pas vraiment infini, puisqu'il s'arrêtait à l'horizon, voulut préciser Calua. La seule réaction possible pour la petite fille ne pouvait être que de lui donner une petite tape affective. Mais voyons, pourquoi arrêter ainsi l'élan poétique d'une jeune fille ? Ce n'était pas très galant. Liniel avait presque pu s'amuser à les voir se chamailler ainsi, l'un jurant qu'il y avait un continent au-delà des mers, l'autre assurant que c'était impossible et que l'océan se jetait dans le vide lorsqu'il dépassait l'horizon. Question de point de vue, sans doute, aurait pu ajouter la Semi-Elfe si elle avait souhaité calmer le conflit. Mais elle avait préféré rester là à les regarder, un petit sourire en coin sur les lèvres.

Puis ils étaient repartis. L'après-midi fut plus silencieux. En effet, même s'ils descendaient toujours, cela se sentait de moins en moins, aussi le chemin était-il un poil plus ardu : mais avait-ce une quelconque importance ? Enfin, après quelques heures de marche entrecoupées de quelques rires et jeux divers, que ce soit un chat, un cache-cache dans les fourrés sur le bord du chemin ou un je-te-tiens, tu-me-tiens, par-la-barbichette entre les deux enfants, il fallut monter le camp. Ils passaient alors à proximité d'un bosquet et Liniel choisit d'installer les tentes à quelques mètres des arbres, suffisamment loin du chemin. Le vent qui soufflait restait vivifiant, un brin frisquet, ce malgré la saison, et orienté vers Omyre : mais ainsi disposés, ils n'allaient que guère en être dérangés. Yurlungur et Calua allèrent récupérer du bois sec dans le susdit bosquet, tandis que Liniel s'affaira à placer des pièges aux alentours, dans les hautes herbes vertes qui enveloppaient les terres de ces plaines, puis prépara le repas.

La nuit tomba ; les rires s'élevaient vers le firmament. Ils n'avaient pas de tentes, mais dormir à la belle étoile en cette saison n'avait rien de désagréable : le ciel était clair comme jamais et aucun nuage ne semblait vouloir venir troubler cette vision parfaite de l'immensité de l'univers. Ils auraient pu dormir, il préférèrent regarder, rire et discuter, de tout et de rien. Ils partagèrent leur émerveillement devant ce spectacle céleste ; Liniel évoqua des souvenirs d'une époque où elle vivait dans la nature, libre et sauvage, Calua d'un temps où il parcourait les routes avec son père : seule Yurlungur n'avait rien à raconter. Elle n'était guère sortie de Dahràm avant ce jour, bien que ses parents l'aient déjà fait quelques reprises lorsqu'elle était plus jeune. Mais elle écoutait.

Doux souvenirs que ceux d'une enfance perdue, l'une de par son âge, les deux autres de part la perte d'un parent. S'ils avaient pu se dire, un jour, qu'ils seraient là avec d'autres personnes comme eux à partager de telles choses, en principe si intimes ! Mais qu'étaient le principe et la généralité devant une amitié sincère ? Peu à peu, les voix se turent, les respirations s'apaisèrent et ils s'endormirent.

***

« Je vois que tu as trouvé des amis, donc. Je ne m'en tiens qu'à tes pensées, bien sûr. »

La petite fille ouvrit un œil. Elle se tenait sur un sol dur parfaitement plat, les alentours étant d'une clarté extrême. Elle ne voyait rien, si ce n'était cette lumière qui semblait provenir de partout à la fois et cette voix... c'était l'Autre.

« Où... Où suis-je ? »

« Ne me dis pas que tu ne sais pas. Ce n'est pas la première fois que tu me rends visite, ma vieille. »

Progressivement, des formes se dessinèrent et les yeux de Yurlungur s'habituèrent à cet éclat aveuglant qu'avaient les choses autour d'elle. Elle se leva, tremblant un peu quelques instants, puis observa autour d'elle. Ce décor, elle le connaissait effectivement malgré quelques détails changés depuis la dernière fois. À perte de vue, le sol blanc et rugueux s'étendait et devant elle, les barreaux d'une prison circulaire émergeaient du sol pour venir se rejoindre au-dessus. Rien n'avait changé, si ce n'était l'absence de cette fumée blanche, de ce brouillard étrange qui l'avait embrouillée la dernière fois. Et, évidemment, son alter ego se tenait bien droite, ricanante à l'intérieur du dôme dans lequel elle était prisonnier.

« C'est vrai... Je me souviens, répondit enfin la fillette. Mais je ne sais pas pourquoi je suis ici. »

« C'est que j'avais envie de te voir, évidemment ! répliqua du tac-au-tac l'Autre. Tu n'es pas heureuse de me voir ? »

Ces yeux. Rien que la présence d'un être qui lui était parfaitement semblable la troublait, mais ces yeux ne faisaient qu'accroître son trouble. Yurlungur ne parvenait pas à déterminer ce qui la gênait là-dedans, mais ce mauve intense et mauvais l'obnubilait, la fascinait autant qu'il la repoussait. Tel le papillon attiré par les flammes... Elle détourna le regard et, sans répondre, affirma :

« Tu n'es pas moi. Je vois bien que tu as changé, depuis la dernière fois : tu as les cheveux noirs alors que les miens sont bruns. »

« Faux. Je crains que le sang ait légèrement déteint là-dessus, tes cheveux ont maintenant acquis une noirceur qui me fait frémir. De plaisir, évidemment ! Je suis bien aise que tu me laisses le contrôle quelquefois, sinon cette ignoble couleur brune serait restée ! Ne me dis pas que tu aimes cette teinte, c'est la couleur du fumier. »

Yurlungur serra les dents sans se retourner. Elle ne souhaitait pas croiser le regard mais, baissant les yeux sur ses cheveux, elle s'aperçut en effet que ceux-ci étaient légèrement plus noirs, surtout aux extrémités. Elle les avait pourtant lavés chez les Mawess... Mais ça n'était pas parti. Était-ce l'Autre qui déteignait sur elle ?

« Dis-moi, comment t'appelles-tu ? demanda-t-elle soudainement. »

« Ta question est idiote. Je suis toi, je suis ta création, plutôt. Te souviens-tu de cette magnifique nuit où papa est allé rejoindre Phaïtos ? Eh bien, c'est simple : tu étais incapable de soutenir le spectacle seule, donc tu m'as appelé. Comme ça, on a pu s'amuser à deux ! Je suis simplement là pour te protéger, à l'origine, rien de plus. Tu admettras tout de même que j'ai effectué ce travail avec un certain brio jusqu'ici. Notre corps... »

« Mon corps, coupa la fillette. »

« Notre corps, disais-je, a été blessé une ou deux fois, mais rien de grave. En plus, à chaque fois, c'était moi qui prenais, pas toi. Ce qui me fait penser que j'aimerais bien pouvoir passer du bon temps avec notre corps, aussi, que ce ne soit pas que toi qui t'amuses. »

Yurlungur se mit à grogner.

« Jamais. »

« Ça nous serait profitable, à nous deux j'entends. »

« J'ai dit non. »

Elle n'allait pas céder. Malgré ce que lui disait l'Autre, elle avait l'intime conviction qu'il s'agissait d'un parasite, venu dans son corps sans autorisation. Que pouvait-ce être d'autre, après tout ? Elle, elle aurait créé cela, cette chose, cet être sans cœur ? C'était impossible, tout bonnement impossible.

« Tu m'énerves, tu sais. »

Yurlungur se retourna, surprise. Avant qu'elle ne puisse réagir, l'Autre l'agrippa au col, passant ses mains à travers les barreaux. Leurs regards se fixèrent l'un dans l'autre, le premier apeuré, le second déterminé.

« C'est toujours toi qui profites des bons moments ! continua-t-elle d'un ton rageur. Regarde avec maman. Ce serait trop te demander que de me laisser, quelquefois, la joie de passer un moment avec elle ? Il n'y en a toujours que pour toi, il n'y en a toujours eu que pour toi. Est-ce que tu t'en rends compte, au moins ? Ça me donne envie de t'étriper sur place, ça ! Tu sais, si tu meurs, je meurs aussi, mais l'inverse est aussi vrai. On est dans le même bateau, toutes les deux, donc on ferait mieux de coopérer, tu ne crois pas ? Ah, j'en ai marre ! »

Elle se retourna en projetant violemment Yurlungur au sol. Cette dernière déglutit, mal à l'aise, tandis que l'Autre continuait de fulminer, piégée dans la prison mentale.

« Je... Je veux bien faire un effort, la prochaine fois. »

L'Autre se retourna, presque surprise.

« Vraiment ? »

« Ben... Oui. »

« Mais c'est super ! Oh, t'es vraiment chou quand tu veux, continua-t-elle avec un air presque condescendant. Enfin, ça risque d'être dur, tu sais. Pour le moment, j'ai surtout réussi à prendre le contrôle lorsqu'il y avait un danger, je m'en suis bien aperçue. Mais si tu fais un effort, on réussira peut-être, oui ! »

Yurlungur ne put s'empêcher de sourire doucement en voyant cette gaieté chez l'Autre. Elle ne l'avait pourtant connue que mauvaise et sanglante, comment aurait-elle donc pu imagine qu'il y avait de tels sentiments chez son alter ego ? Une telle réconciliation lui faisait du bien, tout compte fait. Elle voulut se relever mais n'y parvint pas. La voix de l'Autre se fit lointaine, la blancheur perdit en éclat et le noir se fit. Rideau. Yurlungur souriait. L'Autre aussi.

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