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 Sujet du message: Re: Darkhàm: La Prison Abandonnée
MessagePosté: Dim 16 Sep 2012 21:50 
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Goont eut tout juste le temps de caler sa tête sur la gauche pour éviter le premier coup de pied qui aurait sans doute put le rendre inconscient, s'il ne l'avait pas tué. Ce léger moment de répit lui permit de placer la barre métallique devant son visage lorsque le mercenaire tenta de lui porter un second coup. L'attaque fut bloquée et le mage réussit alors à repousser légèrement son adversaire, le faisant tout de même chuter. Juste assez de temps pour lui permettre de se relever et de préparer sa garde correctement. Du moins, d'une manière qui lui convenait mieux, car il n'avait absolument aucune notion en combat au corps à corps.
Mais il n'eut pas la chance d'engager un combat qui puisse tourner en sa faveur. Les deux autres mercenaires s'étaient relevés, comme portés par la possible chance d'une fuite pour eux trois. Tous tremblaient sur leurs faibles jambes et leurs dos se courbaient sous le poids de leurs propres corps. Presque tous nus, quelques lambeaux de leurs vêtements brulés cachant leurs parties intimes, leurs blessures se découvraient un peu mieux grâce à la lumière de la lune. C'était comme s'ils n'avaient plus rien d'humain en apparence. "Des véritables cadavres ambulants", la même réflexion que Goont s'était faite en voyant le Grand Lamin le supplier dans les égouts.
Le premier attaquant ne fut pas défait par sa propre attaque malgré tout. Il avait profité de l'écart créé par la magicien pour ramasser le deuxième barreau, augmentant ainsi ses chances de victoire.

"Abandonne et rends toi! Si tu te bats contre nous, tu n'auras plus assez de fluides pour les tuer. Tu en as déjà bien assez utilisé avec ces barreaux!"

Bien sûr, pour Hivann, il n'était pas question d'obéir simplement à son ennemi. Même si ce dernier n'avait pas tort, le mage ne cherchait cependant pas à tuer les soldats d'Oaxaca. Il ne servait à rien de faire cela quand il pouvait tout simplement se contenter de fuir. Il lui fallait seulement disparaître avec brio. Et il ne pourrait pas le faire avec trois hommes capables de prévenir les fanatiques de l'échappatoire. Il lui fallait donc les tuer. Ou du moins, réussir à les vaincre de telle manière qu'ils puissent rester silencieux. Se battre bruyamment contre eux n'était pas vraiment un problème: Goont savait que ces soldats avaient décidé de l'enfermer avec les brûlés pour le torturer un peu plus. Ils ne savaient cependant pas qu'il aurait réussi à garder quelques fluides en lui pour passer à travers les barreaux.
Il ne lui restait plus qu'à les utiliser correctement.
Il commença alors à répondre à l'arrogance du Lamin en portant un coup imprécis à l'homme armé. L'attaque atteint bien son but : le visage du pauvre combattant. Mais la puissance n'était pas là. Elle suffit simplement à le faire tanguer sur le côté, mais aussi à alimenter sa rage : il frappa à son tour avec plus de force, blessant le mage à l'épaule, sans pour autant lui faire tomber son arme. La faiblesse des coups portés par chacun d'entre eux donnaient, d'un point de vue extérieur, l'impression de voir un combat entre deux hommes ivres. Mais ils étaient tous justement si affaiblis que cela suffisait à leur infliger la peur d'un coup mortel. Une peur que Goont ressentit bel et bien quand le mercenaire tenta un coup d'estoc à la tête. La surprise l'avait fait alors reculer pour le faire tomber sur le sol, ouvrant aux calcinés la perspective d'une nouvelle attaque mortelle.

(C'est pas possible... Je vais être fichu si je n'utilise pas la terre! Il me faut concentrer mes fluides...)

Acculé, Hivann s'était collé contre le mur de la cellule, face à l'ouverture. Mais à travers les ombres de ses adversaires, il discerna quelque chose qui lui semblait bien susceptible de lui sauver la vie: les restes des barreaux retirés. Grâce à la magie qui avait su les dématérialiser, elles avaient comme fondu, pour prendre une forme pyramidale. Ou plutôt celles de stalagmites. Des pointes dangereuses, tout à fait capables de transpercer quelques chairs...
Profitant de cette découverte, il n'attendit pas que l'on coordonne un nouvel assaut pour attaquer. Il exploita son poids lourd et chargea avec force contre un mercenaire, au hasard. Ce n'est que lorsqu'il le fit tomber en arrière qu'il se rendit compte qu'il s'agissait de celui qui feignait la souffrance depuis le départ. Par chance, ce dernier avait chuté avec la tête juste entre les deux dites pointes. Un échec pour Goont qui ne se fit pas prier pour se jeter sur le torse fragile de l'homme afin d'attraper sa tête. La façon dont il eut coupé sa respiration annihila toute barrière faite au mage, qui n'eut aucune peine à agripper ses deux oreilles pour porter les cervicales juste au dessus de la stalagmite de fer. Il ne rencontra aucune résistance quand la pointe transperça le crâne, noyant sa bouche dans un lac de sang dont le fer, en son centre, formait un petit îlot de mort.

Mais il n'eut pas le temps de s'attarder en pensant au meurtre qu'il venait de commettre. Au moment où il se retourna pour s'en prendre aux deux autres cadavres ambulants, il reçut un coup de barreau au visage qui lui fit quitter sa position à califourchon sur sa victime. Il roula sur le côté en laissant tomber son arme, juste à demi-conscient. Ce n'est que dans un flou étrange qu'il vit le Grand Lamin se placer sur lui pour répéter ironiquement le traitement monstrueux qu'avait infligé Goont à son allié. Deux fois, l'arrière du crâne du mage percuta les dalles mouillés de la prison. Mais il ne resta pas simplement victime de cette attaque. Profitant de la rage de son adversaire, il avait tâté le sol autour de lui et fini par trouver quelque chose qui saurait lui sauver la vie: la broche de viande de rat. La tige était courbée, et sans aucun doute fragilisée, mais elle saurait transpercer la chair de son assaillant.
Le Grand Lamin ne put alors répéter son attaque une troisième fois. D'un coup sec, Hivann avait planté la broche dans son épaule et avait même poussé le vice jusqu'à remuer l'arme dans la plaie, le forçant à se relever dans un cri de douleur.
A son tour, le terramancien se leva lui aussi, non sans ressentir un mal amplifié dans sa tête. Mais la peur et l'impulsion dans laquelle ce combat l'avait mené avait réussi à lui faire récupérer son arme qu'il abattit violemment sur le front du maraudeur, le plaquant ainsi immédiatement au sol.

Dans son élan, il frappa aussi son autre adversaire au genou, mais celui-ci contre-attaqua sans peine en portant un coup sur le poignet de l'Ynorien. Désarmé, ce dernier se retrouva ensuite plaqué de nouveau contre le mur sur lequel il avait été acculé plus tôt. Le dernier "cadavre" l'étranglait alors en appuyant son barreau contre sa gorge. Ou du moins, il tentait de l'appuyer, car Hivann avait réussi à caler ses bras de manière à garder son cou sain et sauf. C'était maintenant qu'il allait devoir utiliser sa magie. La seule arme capable de le sauver à ce moment là.
Des fluides sableux commençaient alors à parcourir ses veines, de la même manière qu'il les avait ressentis en se protégeant de l'explosion dans les égouts ou encore en tabassant Lenny. Mais cette fois-ci, ses articulations lui faisaient mal. C'était comme si cet affrontement l'avait blessé jusqu'à lui infliger des courbatures sur tout son corps. Comme si chacune de ses articulations étaient bloquées, l'empêchant de faire reculer la barre de métal, mais aussi de défaire sa garde. Puis d'un coup, il lui semblant sombrer dans l'inconscience. Sans doute étaient-ce les coups qu'il avait reçus à la tête qui l'avaient rendu proche de l'évanouissement, mais l'utilisation de la magie l'avait malgré tout maintenu en vie. Seulement, il y avait quelque chose de plus sauvage en lui. Comme si la limite, la frontière qu'il restait entre son reste de vie et la mort l'avait poussé à décupler sa magie. Du moins, pas "décupler", mais une rage incroyable lui permettait alors de porter un coup salvateur.
Dans un ultime élan de force, Goont avait réussi à repousser son ennemi. Pas de très loin, mais juste assez pour porter un coup. Et alors qu'il visualisait son poing, surpuissant, écrasant la tête du grand brûlé... C'est une colonne de pierre gigantesque, jaillissant presque du sol, qui avait frappé l'homme à la mâchoire. Un coup de colosse qui avait comme renversé sa tête en arrière, brisant ainsi ses vertèbres supérieures et le faisant s'écraser au sol tel un pantin désarticulé. La Pierre d'Oubli perdait peu à peu son éclat pourpre alors que le mage reprenait un peu mieux conscience de ce qui venait de se passer.
Il n'eut en fait même pas la force de réfléchir, il s'adossa contre le mur et se laissa glisser sur le sol. Il pensa même à se laisser aller et s'endormir, mais il ne le pouvait pas. Il devait absolument s'en aller avant que les soldats ne viennent vérifier l'issue de l'affrontement et découvrir qu'une brèche avait été créée.

"C'est bon... C'est fini. Je n'aurais plus qu'à m'en aller." murmura-t-il.

Mais c'était sans compter sur l'insistance du Grand Lamin, qui était de nouveau debout, devant lui. Il n'attendit pas alors que l'Ynorien se remette de ses émotions pour planter la tige qui l'avait meurtri dans l'épaule droite de Goont. La même, comme s'il voulait absolument lui faire partager sa douleur.

"Tu ne partiras pas vivant d'ici!" hurla l'ancien chef de la résistance.

"Parle pour toi!" répliqua Goont en retirant la pointe pour la planter à son tour dans le pied nu de son dernier ennemi.

L'arme s'était brisée en traversant le pied pour frapper le sol, mais elle avait suffisamment affaibli Lamin pour le faire tomber. Dans des cris mêlant douleur et colère, Hivann s'était jeté sur lui pour le frapper à répétition au visage. Vite, la résistance du grand brûlé s'était estompée et Goont ne se voyait plus frapper qu'un amas de chair vivant. Et ce n'était pas ce qu'il voulait.
Il attrapa sa chair écœurante sur la poitrine. Elle était si fragile qu'elle s'étirait jusqu'à lui donner l'impression qu'elle détacherait de ses os. Puis il le fixa dans ses yeux vitreux:

"Je ne vais pas te tuer, Lamin... chuchota-t-il en reprenant difficilement son souffle. Je te l'ai dit, tu seras torturé toi aussi. Et tu crieras mon nom. Juste, pas maintenant."

Il le frappa ensuite d'un dernier coup qui lui fit clore enfin ses yeux. La lutte était terminée, mais il ne pouvait pas s'en contenter maintenant. Il puisa encore dans les forces qu'il lui restait pour approcher de la grille et voir les deux représentants de l'Empire d'Oaxaca qui lui faisaient dos, autour du feu de camp. Le terramancien espérait beaucoup désormais. Qu'ils seraient les seuls soldats aux alentours (ce qui était probable, puisque le prêtre voulait le garder isolé de tous), qu'il ne soit pas pris, et surtout, qu'il aie la force d'aller jusqu'au bout. Depuis Dahràm, il lui faudrait environ deux ou trois jours pour atteindre Mertar. Peut-être juste un s'il trouvait une monture, mais il ne fallait pas y compter. Il lui fallait donc, en plus de fuir, trouver un moyen de bien se cacher et de bien dormir. Cela lui permettrait de reprendre des forces pour la marche. Et il était hors de question de se cacher dans la prison de Darkhàm ou même de prendre les grands chemins. Il risquait aussi bien de tomber sur de bons samaritains que de tomber sur l'Empire.
C'est alors qu'il entendit son nom. L'un des soldats l'appelait. Il crut alors son heure venue: ils allaient se rendre compte de sa tentative de fuite, et alors tous ses efforts n'auraient servi à rien. On l'enfermerait de nouveau dans une meilleure cellule, le condamna à se reposer encore une nuit de trop pour reprendre ses fluides. Une nuit durant laquelle on pouvait très bien décider de l'emmener à Darhàm pour le torturer et le tuer pour de bon!

"Alors Goont...?"

Il sembla qu'une éternité s'était passée pour le mage, mais il n'en était rien. Ce n'était qu'une phrase rapide et simple.

"...Encore en vie? T'en as fini avec tes copains?"

Le soldat attendait une réponse. Mais Goont ne savait pas quoi dire pour le tenir à l'écart malgré tout. Il se contenta alors de répondre un petit "Oui", presque timide.

"Et merde! Il va encore falloir tout nettoyer!" s'exclama le second guerrier. Il s'était même levé pour s'apprêter à prendre l'escalier qui menait à l'étage. Cette seule action avait fait tressaillir le mage de peur, mais quelque chose d'inattendu le sauva.

"Tu rigoles? On est pas dans un temple ici! C'est une prison abandonnée! Les cadavres, on les laisse et puis ça ira! Qui sait, il sera peut-être assez fou et désespéré pour les béqueter!"

Ils rirent ensemble d'un rire gras alors qu'un sourire béat se formait sur les lèvres de Goont. Il était en vie, c'était bon! Ils auraient pu le cueillir à l'instant, et ils n'étaient même pas allés vérifier. C'est grâce à leur sadisme qu'il se retrouvait sauvé! Même si l'allusion au cannibalisme lui rappelait qu'il aurait à se restaurer dans tous les cas, s'il réussissait sa fuite...
Profitant du son de la pluie battante, il mit enfin les pieds hors de sa cellule et se mit à marcher lentement vers le bout du couloir. Il lui fallait trouver une sortie. Peut-être simplement une faille à travers l'un des murs de la prison.
Maintenant, parmi tous ses espoirs, il en avait un autre:

(Pourvu que cet endroit ne soit pas un labyrinthe...)

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Tentative d'apprentissage du sort évolutif de combat: Frappe du golem

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Dernière édition par Hivann Goont le Mar 18 Sep 2012 23:00, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Darkhàm: La Prison Abandonnée
MessagePosté: Lun 17 Sep 2012 23:22 
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Hivann était terriblement mal en point. Pieds nus, il devait marcher sur les vieux débris de murs qui lui donnaient l'impression de le menacer de l'écraser à tout moment. Et en plus, la tige qui avait transpercé son épaule le faisait souffrir d'une telle manière qu'il ne pouvait presser le bas. Si son bras balançait trop, il se devait d'étouffer un cri de douleur qui risquait de le dévoiler à ses ennemis. Il fallait donc que le mage sache se presser, sans trop forcer sur ses dernières ressources, au risque d'être repéré.
Le couloir principal, avec toutes ses cellules, était scandaleusement long à ses yeux. Il était difficile d'imaginer qu'à Darhàm, une prison de cette envergure ait pu exister. Mais Goont comprenait aussi que sa mesure devait en être certainement exagérée, compte tenu de la situation extrême dans laquelle il se trouvait. De petits pas le ramenaient alors un peu plus près de des escaliers qui devaient ensuite le mener à l'entrée principale. Même si le support sur lequel il circulait agressait la plante de ses pieds, il y avait tout de même certaines choses qui l'aidaient: pas de bois, donc pas de grincement, par exemple. Il pouvait descendre les escaliers sans encombre. La seule chose que le mage devait éviter était de faire tomber ou taper dans un objet.

(((Voilà... Déjà un parcours de réalisé...)))

Quand il atteint les escaliers, il s'autorisa à reprendre de nouveau son souffle. La peur l'avait effectivement plongé dans une apnée forcée. Devant ces escaliers, il devait rester une vingtaine de mètres avant d'atteindre la sortie. Derrière les marches, cependant, les ombres des soldats continuaient à trembler avec le feu qui menaçait apparemment de s'éteindre. Souvent, des bourrasques portaient l'eau de la pluie dans le recoin où ils s'étaient abrités. Mais il résistait. Et puisqu'ils avaient à manger et de quoi se réchauffer, ils n'avaient pas de raisons de bouger maintenant.
L'Ynorien dût lutter contre la tentation d'aller profiter du son de la pluie pour aller leur subtiliser quelques équipements, mais le danger et la douleur qui parcourait tout son corps l'en empêchait. Pourtant, une bonne paire de botte l'aurait bien poussé à s'en aller avec plus de hâte, encore. Et surtout, la subtilisation de son encensoir de famille l'irritait quelque peu.

(((Qu'est-ce que je donnerais pour balancer un peu de poudre dans ce feu de camp, tiens...)))

Blessé dans sa fierté, il fut contraint de s'en aller. Il n'eut heureusement aucune peine à atteindre l'entrée du bloc. Le parcours jusqu'à l'entrée principale fut un peu plus compliqué, cependant. Il s'agissait d'ouvrir des portes grillagées, donc les gonds grinçaient bien trop fort pour le rassurer. Mais heureusement, l'écho ne fut pas assez puissant pour percer le son de l'averse. Après plusieurs escaliers et quelques portes récalcitrantes, il arriva enfin dans une petite cour qui donnait sur une grande arche qui formait l'entrée principale. La porte, autrefois gigantesque, gisait au sol, hors de ses gonds. Si ses pieds nus n'avaient été aussi blessés, il se serait rué vers la liberté de la même manière qu'un véritable évadé de prison. Mais il se contenta de se diriger lentement vers l'entrée, s'aidant des murs comme supports.
Arrivé à son but, il put voir au loin quelques points lumineux. Des lanternes ou des torches, sans aucun doute. En tout cas, la pluie commençait à se transformer en bruime et le ciel s'éclaircissait doucement. D'ici deux ou trois heures environ, la lumière du jour éclaircirait les plaines autour de la prison, ainsi que la cellule qu'il venait de déserter. Il ne pouvait attendre: il fallait fuir. Mais au moment même où il s'apprêtait à soulager ses pieds pour les aventurer dans une herbe fraîche et mouillée, quelque chose le retint. Une voix, derrière lui. Un cri qui semblait clamer le destin funeste qu'on lui réservait.

"Cherche à l'intérieur! Je vais voir dehors! Il va pas s'en aller bien loin ce salaud!"

C'était bien l'un des soldats. Étonnamment, ils n'avaient été effectivement que deux à le surveiller, l'écartant ainsi de ses alliés mais aussi des ennemis qui seraient trop tentés de le tuer. Il ne pouvait se cacher ici, dans un recoin de la prison: il devait courir aussi vite et loin que possible, maintenant.
Profitant de la pente pour accélérer sa course, Goont dévala la plaine en faisant complètement fi de la douleur que lui infligeaient les cailloux entamant sa chair. A chaque pas, il y avait un mélange étrange entre le soulagement que lui procuraient l'herbe froide et la souffrance du choc de ses pieds. Il ne pouvait même pas déterminer si le crachin qui lui fouettait le visage était revigorant ou, au contraire, le freinait trop dans sa course.
Plein d'espoir, le mage courait vers les lumières au loin, au sud-ouest de la prison. Il savait qu'en se dirigeant de ce côté, il atteindrait la route principale. Quant à savoir s'il croiserait des ennemis ou des alliés, il ne pouvait de toute manière pas se permettre de juste se cacher en espérant qu'il s'en tirerait. A un moment, il jeta un coup d’œil par dessus l'épaule afin de voir si son poursuivant avait engagé la course. Il eut une réponse on ne peut plus claire: la silhouette de l'homme en armure, sprintant, l'arme à la main, et hurlant à la mort.

"LA TORTURE POUR THIMOROS! TU ES A MOI!"

Cette seule vision et cette ultime menace suffit à motiver Goont pour amplifier encore plus sa vitesse. Accélérant par la même occasion le saignement de sa blessure à l'épaule... Complètement au hasard, il courait tout droit sans faire attention à ce qu'il y avait devant lui. Son seul objectif était de rejoindre les lumières. Mais ce manque de concentration eut raison de lui: il chuta. Mais pas à n'importe quel endroit. Juste en haut d'une petite colline. Aussi, il roula longtemps avant d'atteindre une crevasse, plus bas, juste à la base d'un arbre. Il s'était caché malgré lui, pendant que la Mort qui le suivait était ralentie par son armure et la montée de la dite colline. Une fois en haut, le soldat de l'Empire regarda longtemps aux alentours. Il pesta, jura contre son dieu, mais n'abandonna pas pour autant: il descendit promptement juste à côté de l'endroit où Goont s'était caché.
Dans la crevasse, camouflé par des feuilles et des racines, le mage essayait tant bien que mal de se retenir de respirer trop fort. Ses grosses mains potelées couvraient sa bouche alors qu'il se recroquevillait contre son petit mur terreux, de grosses larmes coulant sur ses joues. Il était presque aussi effrayé qu'au moment où il avait été pris par le prêtre de Thimoros.

"Montre-toi! Et peut-être que je t'épargnerais!"

Goont étouffa un sursaut de peur: il ne voyait pas son ennemi, mais l'écho de sa voix était si proche qu'il avait l'impression qu'on lui hurlait juste dans l'oreille. Mais il sut se dominer suffisamment pour rester silencieux. C'est alors qu'une nouvelle menace, inattendue, mais bien présente, fit son apparition. Il eut presque envie d'abandonner et de pleurer toutes les larmes de son corps quand cela arriva.

Le nez du magicien lui chatouilla.

Il était incapable de dire si cela venait de la terre qu'il y avait autour de lui, de la pluie qui l'avait affaibli, ou même d'un simple symptôme lié à la peur et au stress. Mais ses narines ne cessaient de gonfler et de le menacer de le découvrir à la Mort planant au-dessus de lui. Et en plus de cela, même sa gorge commençait à lui gratter. Il racla sa langue contre son palais, couvrit son visage discrètement dans les larges manches de son kimono... Rien à faire. Il ne pouvait se débarrasser de cette petite chose qui le titillait comme un lutin trop taquin.

(((Que les dieux m'emportent! C'est trop idiot de finir ainsi!))) pensa le pauvre terramancien.

Alors qu'il maniait la terre, il était maintenant fort probable que ses symptômes viennent d'une particule de poussière mal placée! Il risquait à tout moment de se faire prendre. Et ses peurs semblèrent devenir réelles lorsqu'il sut entrevoir la forme des bottes du chevalier dans la nuit. Elles étaient juste dirigées vers lui, qui était caché sous ses feuilles. Encore, il sentait déjà la lame de son adversaire transpercer le buisson pour venir colorer la chlorophylle de son sang rouge. Goont avait l'impression qu'il se passait des heures alors que ces bottes le fixaient, le narguant presque dans la boue où il se complaisait. Il n'attendait plus que la fin...
Et finalement, elles s'éloignèrent.
Comme si c'était celles-ci qui étaient responsables de son mal, son nez cessa de lui chatouiller et sa gorge se calma un peu. Il attendit tout de même dix longues minutes, le temps que le son des pas dans l'eau disparaisse, pour oser sortir la tête de sa cachette. Il lui vint même l'idée de voir s'il s'agissait là de la manifestation d'un esprit malin. D'une faera, d'un lutin, d'une fée, ou même encore d'un dieu. Mais non, il n'y avait rien de ce genre qui flottait autour de lui. Et à vrai dire, il avait été si mauvais et s'était tellement écarté des dieux qu'il n'y avait que trop peu de chance pour que ces derniers décident de lui sauver la vie. Non... S'il était encore là, ce n'était que grâce à la chance, ni plus ni moins!

Lentement, il reprit alors sa marche vers les torches mouvante de la route principale. Confiant, se sachant en tout cas vivant, un sourire satisfait s'étirait sur ses lèvres. Il avait malheureusement oublié que sa blessure à l'épaule risquait à tout moment d'avoir raison de lui...

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 Sujet du message: Re: Darkhàm: La Prison Abandonnée
MessagePosté: Lun 21 Mar 2016 01:09 
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Liniel et Yurlungur s'activèrent, quelques jours durant, à s'installer dans leur nouvelle “maison”. La fillette avait été un peu gênée, au début, qu'il s'agisse d'une prison, mais l'absence de condamné entre les murs l'avait rassurée. L'absence de tortionnaire tout autant, remarque. Une fois la salle de garde trouvée, Liniel décida d'en faire la salle commune et donna ses directives. La poussière au sol indiquait que le bâtiment était inoccupé depuis quelques mois, si ce n'était quelques années, et c'était d'autant mieux. Il fallait désormais chercher toutes les vivres à disposition ainsi que des matelas et des outils pour la cuisine. La Semi-Elfe avait emprunté à Sephon deux paires de couverts et les assiettes assorties ainsi qu'un réchaud de petite taille ainsi que de la nourriture pour une petite journée, mais ce serait bien insuffisant. Malgré tous ses grommellements fatigués après leur marche nocturne, Yurlungur se trouva envoyée explorer les sous-sols pour voir s'il restait des vivres tandis que Liniel inspecterait les cellules et chercherait un balai. Voir de la poussière voler à chaque pas commençait à devenir un peu lassant, même pour la petite fille.

Cette dernière trouva rapidement les escaliers, bien que la prison fût grande, très grande. Avec deux étages de cellules, elle pouvait sans doute accueillir une bonne centaine de malfrats en tout genre. Oaxaca les avait libéré ou les avait tués, sans doute. Avec elle, il était inutile d'avoir autant de prisonniers - à quoi lui auraient-ils servi, après tout, enfermés ici ? La fillette avait repéré deux escaliers qui descendaient au sous-sols, un à chaque extrémité du bâtiment rectangulaire. Elle s'était bien évidemment approchée de ceux les plus proches. Seul le bruit de ses pas troublait un silence de mort. Quelque part, Yurlungur était impressionnée par l'ambiance sinistre du lieu, à la fois captivée par un tel décor et repoussée par une crainte viscérale qui ne la quittait pas. S'engouffrant dans les ténèbres, elle descendit les marches abruptes menant aux sous-sols.

Aussitôt, un fort relent de moisissures envahit ses narines et elle suffoqua. Plissant les yeux pour distinguer l'environnement autour d'elle, elle plaça une main devant ses narines. La puanteur était pestilentielle et elle se demanda si elle ne pourrait pas remonter directement. Il ne devait certainement plus y avoir grand-chose de digeste ici. Mais Liniel ne serait pas satisfaite. Elle exigerait que Yurlungur y retourne, la fillette en était sûre. Réprimant son dégoût, elle avança doucement dans le long couloir au bout duquel on percevait de la lumière. S'approchant de la première porte, elle ouvrit et recula, surprise.

Plusieurs rats surgirent et sortirent, se faufilant entre ses jambes sans l'agresser, eux aussi effrayés par l'apparition de la fillette. Une fois qu'ils eurent à nouveau disparu dans l'obscurité, elle s'avança et scruta la pièce. Cette dernière était meublée de bibliothèques remplies de documents administratifs – ou plutôt ce qu'il en restait. Au sol, d'autres rats la fixaient de leurs yeux rouges comme du sang, parfois une feuille à moitié grignotée entre les pattes ou sinon quelques petits à la peau fripée et repoussante : leurs poils n'avaient pas encore poussés. La fillette sentit instinctivement qu'elle n'était pas la bienvenue et les rats semblèrent sentir son malaise, aussi les plus gros d'entre eux s'avancèrent-ils, menaçants. C'était leur territoire. Le message était clair.

Lançant un dernier coup d'œil à la salle, la petite fille ne remarqua rien d'intéressant. À cause des rats et de l'humidité, il ne devait rester aucun écrit lisible et ces derniers ne l'intéressaient pas. Si Liniel souhaitait les lire, elle pourrait aller les chercher elle-même. Tandis qu'elle refermait la porte, la laissant entrouverte pour les quelques rats qui étaient sortis, Yurlungur se surprit à imaginer la Semi-Elfe donner de grands coups de bottes aux rats qui tenteraient de bloquer son passage. Elle parviendrait à surmonter l'odeur sans problème si c'était pour voir ce genre de spectacle. Un sourire traversa son visage.

Soudain, elle se figea. Quelques pas en avant, quelque chose était tombé au sol, produisant ensuite un bruit de succion entrecoupés de couinements de rats. Et à l'endroit d'où provenait ces bruits, un monticule se mouvant légèrement était apparu. Des yeux rouges la fixèrent. Ce n'étaient pas des rats. Elle recula doucement et perçut juste à temps un bruit de succion similaire juste au-dessus de sa tête. Se jetant en arrière, elle réussit à éviter la créature qui venait de se laisser tomber sur elle. Sans perdre un seul instant, elle courut jusqu'aux escaliers et remonta.

« Liniel ! Liniel ! Linieeeeeel ! »

La Semi-Elfe ne tarda pas à venir à elle, les sourcils froncés et l'air soucieux, observant la mine tremblante de la petite fille. Elle l'arrêta en plaçant ses mains sur les épaules de Yurlungur et cette dernière se blottit dans les bras ouverts par réflexe, reprenant progressivement sa respiration ainsi protégée. La Semi-Elfe observa quelques secondes de silence puis demanda :

« Qu'y a-t-il, Yurlungur ? »

« J'étais... J'étais en bas, au sous-sol ! Et j'ai vu des créatures... bizarres ! Il y en a une qui a mangé des rats, les rats de la salle des archives, et une autre a essayé de me manger moi en me tombant dessus ! Dans le noir, je ne les voyais pas bien, mais elles avaient des yeux rouges et malins, et elles étaient énormes, surtout, je te jure ! Je... »

« Calme-toi. »

Le ton était ferme et la jeune femme rousse n'avait pas l'air de vouloir accepter d'être contredite. Écartant doucement la fillette de ses bras, une lueur de colère brillait dans ses yeux. Yurlungur ne parvint pas à déterminer si Liniel était en colère contre elle ou contre ses mystérieux agresseurs – mais elle avait étrangement une nette préférence pour la seconde option. Liniel dégaina sa lame et s'avança dans les escaliers qui descendaient. La petite fille se ressaisit et la suivit sans mot dire, dressant à son tour fièrement la tête en mime parfait de la Semi-Elfe. Liniel, une fois arrivée en bas, ne parut pas étonnée de la puanteur. Elle scruta le sol et aperçut les “créatures” évoquées par Yurlungur tout en se décrispant.

« Tu as failli me faire peur. Ce sont des pieuvres terrestres qui ont élu domicile dans le couloir. Regardes, tu les vois ? Elles sont accrochées au plafond, juste au-dessus. Elle pointa du doigt les protubérances apparaissant nettement au plafond. On voit sur certaines d'entre elles les yeux, ces petits points rouges. Ça permet généralement de les éviter, puisqu'elles se font un menu de l'imprudent qui passe sans regarder. Quant à celles qui n'ont pas les yeux ouverts, elles dorment. Enfin ! Plus de peur que de mal. Je ne pense pas que l'on trouvera quoi que ce soit ici, au vu du doux parfum qui règne ici. Tu as dit qu'il y avait une salle des archives ? »

La fillette s'était calmée en écoutant l'explication de Liniel, celle-ci montant dans son estime - elle était pourtant déjà bien haut ! Un sourire malicieux sur les lèvres, elle indiqua :

« Juste là, première porte à droite. Mais il y a des rats. »

« Des rats ? Beaucoup ? »

Yurlungur se mordit les lèvres. (Zut. J'ai trop parlé.)

« Un certain nombre, en effet... »

« Sans façon alors, les parchemins doivent être rongés au possible. Remontons, il y a à faire. »

Tandis que les deux femmes retournaient à leur pièce commune, Liniel comença une longue explication.

« Il n'y a plus de matelas dans les chambres, ni de couchette. J'ai cependant trouvé un balai et c'est déjà une bonne nouvelle. Quant à la nourriture, il va falloir se débrouiller seules. J'ai choisi les deux cellules jouxtant la salle de garde en tant que chambres, ce sera plus pratique. Tu as droit à celle de gauche. Il nous faudrait un peu de foin sec pour pouvoir dormir, je me charge d'en trouver. Une petite expédition dans une ferme à proximité me paraît tout indiqué, mais cela risque de me prendre la journée. Pendant ce temps, voilà ce que je veux que tu fasses : balaie la salle de garde et nos deux chambres. La poussière est insalubre et c'est mieux de vivre au propre. Tu trouveras aussi quelques serpillères dans la salle de garde qui te permettront de laver le sol. Dans la salle de garde, il y a une citerne reliée à un collecteur d'eau de pluie sur le toit, elle m'a l'air propre et encore en état de marche. Ensuite, il faudra que tu ailles chercher à manger toi aussi. Sur le chemin, je m'arrangerai pour chasser quelques animaux, peut-être que je piquerai deux trois petites choses dans la ferme que je trouverai. Toi, je veux que tu ailles trouver quelque chose de ton côté. Pour cela, rien de plus simple, tu as deux options : chercher par toi-même ou voler. Je ne saurais trop te conseiller le deuxième choix, ça ira bien plus vite et ce sera de meilleure qualité. Quelques caravanes passent de temps en temps, mais elles sont rares : le mieux reste de voler aux voleurs de grand chemin. Cherche le campement d'un groupe d'entre eux et ne te fais pas repérer. Ils ont généralement de la bonne nourriture en quantité suffisante. Tu as compris ? Bien. »

La Semi-Elfe s'était contentée de regarder l'expression de Yurlungur sans attendre sa réponse. Le visage de la petite fille était dubitatif, mais cela ne troubla pas la belle rousse qui s'apprêta à partir, saisissant son sac avant de rappeler à Yurlungur :

« Et n'oublie pas : le ménage avant ! Je veux qu'il soit fait lorsque je rentrerai, même si tu n'es pas là. Allez, passe une bonne journée. »

Celle-ci venait tout juste de commencer, et pourtant, étrangement, elle s'annonçait déjà comme ratée. Vive le nettoyage...

***


Yurlungur se mit à la tache. Poussant de gros moutons de poussière en-dehors de la pièce, la tâche était répétitive, ennuyante au possible et les grains de poussière soulevés la faisaient éternuer sans arrêt. Contenant son agacement, elle continua, serrant les dents. Combien de temps cela faisait-il ? (Au moins vingt minutes, déjà ! Tout ce temps passé pour une seule cellule...) (Raté. Ça fait deux minutes et une vingtaine de secondes.)

« Mais non ! Tu m'énerves à la fin ! »

Remontée contre le ménage, elle balaya plus vite. (Tu pourrais faire une véritable femme de ménage !) La voix dans sa tête semblait diablement s'amuser à la narguer. De colère, elle envoya le balai valdinguer à travers la cellule, rencontrant un mur qui se dressait là, puis se réfugia dans la salle de garde. Elle s'assit sur l'une des chaises et bouda. Mais la voix s'était tue et la fillette finit par s'ennuyer. Elle regarda les torchons – ou “serpillères” selon Liniel –, maudissant la tâche ingrate qu'elle avait à faire. Puis se figea en observant le bout de tissu moyennement propre qu'elle tenait dans sa main. Une idée avait germé dans son esprit, la petite pousse commençant déjà à envahir l'espace de son imagination.

Ça n'allait pas forcément marcher, mais... Ça aurait au moins le mérite d'être moins ennuyant. Saisissant quelques torchons, elle s'approcha de la citerne pour les mouiller puis descendit. Au sous-sol. Se remémorrant des conseils de Liniel, elle observa le plafond pour éviter de passer sous l'une des pieuvres terrestres. Il n'y en avait presque pas entre les escaliers et la salle des archives, mais ils étaient bien plus nombreux dans le reste du couloir. Elle n'irait pas jusque là-bas, de toute façon.

La porte de la salle des archives était toujours entrouverte. Elle entra et à nouveau, les rats grognèrent. Si beaucoup essayaient de fuir vers l'arrière, certains s'avançaient, menaçants. Ces deux catégories ne l'intéressaient pas, non : elle voulait des rats peureux qui viennent vers elle, ceux qui tenteraient de fuir par la porte pour s'échapper. Elle en attrapa un à la volée, laissant la voie libre à quelques autres de passer, et recula pour refermer la porte. Le rat se débattait, essayant de la mordre et de la griffer, mais elle l'agrippait fermement et lui donnait des petites claques pour qu'il se calme. Étonnamment, cela n'eut pas un grand succès, mais elle parvint finalement à attacher un torchon autour de son corps.

Observant le rat emmitoufflé, elle prit garde à laisser les pattes les plus libres possibles. Après tout, il aurait à courir... Il était inutile d'en chercher d'autres. Elle retourna à l'étage – évitant encore une fois de passer sous des yeux rouges – et s'enferma avec le rat dans une cellule, avant de l'y relâcher. Celui-ci, apeuré, courut dans tous les sens jusqu'à se trouver une cachette. En galopant, le torchon qu'il portait frottait contre le sol et le plan de Yurlungur fut couronné de succès, un schéma étrange apparaissant par le sillage qu'il traçait. Souriant, elle fonça sur la cachette du rat en poussant des grognements menaçants. Le rat fuit et elle le poursuivit à travers la pièce, les bras levé et un grand sourire éclatant sur le visage. Il fallait bien avouer que jouer ainsi avec un rat – en particulier le traumatiser – était très amusant.

Le rongeur finit par se lover dans une aspérité du mur. La fillette vit bien qu'elle n'arriverait pas à l'en sortir en lui faisant peur. Mais ce n'était pas grave : il y avait plein d'autres rats au sous-sol. Laissant celui-ci dans la cellule qu'elle referma derrière elle, elle retourna en chercher. Finalement, elle réussit à en attraper cinq autres : trois dans chaque cellule. Elle les laissa en paix et s'attela elle-même au nettoyage de la salle commune. Il fallait bien qu'elle leur laisse le temps de tout nettoyer.

***


Elle eut fini après une petite heure. La salle de garde, sans être particulièrement étincelante, avait tout du moins retrouvé une partie de sa propreté habituelle. La fillette, peut-être par excès de zèle ou bien par joie de n'avoir que cette pièce à nettoyer, avait également frotté la table en bois et deux des chaises qui étaient restés là pendant quelques années. Satisfaite, elle posa son torchon dessus et prit un peu d'eau dans la citerne pour se rincer le visage et les mains. Puis elle retourna dans les deux cellules, constatant le succès de son plan. Les torchons gorgés d'eau étaient désormais gris, le liquide s'étant plus ou moins bien réparti sur le sol. Quant aux rats, ils avaient l'air épuisés mais fuirent à son arrivée, sans que sa présence ne les empêche de se mordre l'un l'autre et de se chasser mutuellement, se forçant ainsi à bouger sans cesse dans la pièce. Cela ne l'empêcha pas de les attraper à nouveau pour récupérer les torchons, avant de les relâcher. Sans demander leur reste, ils rejoignirent les sous-sols à toute vitesse.

Au sol, l'eau allait rapidement sécher. Il fallait encore nettoyer les torchons puis Yurlungur pourrait manger un peu puis quitter la prison, conformément aux ordres de la Semi-Elfe. La journée s'annonçait magnifique.

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 Sujet du message: Re: Darkhàm: La Prison Abandonnée
MessagePosté: Lun 21 Mar 2016 01:48 
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Plusieurs fois, la petite fille s'était retournée vérifier que le dernier brigand ne les suivait pas. Heureusement pour eux, puisque les bœufs se calmèrent rapidement et reprirent leur train lent et habituel, observant uniquement la route devant eux à cause de leurs œillères. Tout au long du trajet, le garçon s'était blotti contre elle, sanglotant, cherchant un réconfort chez la seule personne qui se trouvait là, à la fois cause et solution à ses problèmes. Elle avait accepté cela, Yurlungur reprenant progressivement le contrôle sur l'Autre une fois le combat passé. Berçant doucement le blondinet contre elle, elle veillait cependant surtout à la surveiller la route. Rien n'empêchait d'autre pillards de se trouver dans les environs et une seule route menait à la prison. Quant au sort du père, décapité sous les yeux de son propre fils, elle s'en fichait plus ou moins. Après tout, elle ne le connaissait pas et si elle avait eu un minimum de classe, elle aurait peut-être fait de même avec l'archer. La lumière orangée du Soleil couchant caressait les deux enfants lorsqu'ils arrivèrent à la prison. Yurlungur tira sur les rênes et les bœufs s'arrêtèrent. Repoussant doucement le blondinet, elle héla :

« Linieeeeeel ! J'ai besoin de toi ! »

Elle ignorait si la Semi-Elfe était déjà rentrée, mais elle supposait que oui. Face à des paysans, elle n'avait aucune chance de perdre, elle. Alors que la fillette face à des brigands... Il faudrait songer à lui demander des comptes, tout de même. Elle n'eut pas à attendre bien longtemps pour qu'une chevelure rousse apparaisse d'une fenêtre de la prison. Souriant triomphalement, Yurlungur s'abstint cependant de commentaire sur son butin à cause du garçon qui regardait autour de lui, l'air ailleurs.

« Liniel, je doute être capable d'amener tout ça à l'intérieur toute seule. Tu peux m'aider ? »

« Bien sûr. J'arrive. »

Elle avait regardé le jeune homme en fronçant les sourcils, puis la cargaison. Apparemment, Yurlungur aurait aussi des comptes à rendre. Il fallut peu de temps à la Semi-Elfe pour se retrouver en bas et se mettre immédiatement à décharger la charrette, sans même accorder une parole au blondinet qui s'était arrêté de sangloter et regardait Yurlungur et Liniel s'activer sans esquisser le moindre geste. Les produits transportés étaient fermiers et de bonne qualité, aussi furent-ils directement amenés dans la salle commune et stockés là, certains dans des tonneaux remplis de sel oubliés dans la prison après son abandon. Les bœufs furent emmenés dans une sorte d'écurie miteuse sur le flanc Ouest du bâtiment et la charrette fut détachée puis laissée là sans plus de cérémonie. L'adolescent suivit ensuite Yurlungur, contraint d'abandonner à l'extérieur la dernière chose qui pouvait lui remémorer son père. Toujours silencieux.

Le Soleil s'était couché et ce fut à la lumière de quelques torches que les trois locataires de la prison dînèrent un repas plutôt copieux. L'ambiance était tendue à cause de la présence du jeune homme qui mangea tout de même, à défaut de manger suffisamment. Ce fut Liniel qui brisa le silence pesant.

« Et du coup, qui es-tu au juste ? »

Il leva deux yeux tristes vers la femme au regard d'acier inébranlable.

« Je... Je m'appelle Calua. »

« Enchantée, Calua. Je suis Liniel et voici Yurlungur. Serait-il possible de m'éclairer quant aux circonstances de votre rencontre ? »

« J'étais poursuivie par des brigands. Étrangement, ils m'en voulaient à moi et ils auraient pu avoir ma peau si jamais Calua et son père n'étaient pas venus à ma rescousse. »

Le ton acerbe de la fillette avait remplacé celui absent du jeune Humain. Yurlungur savait que sa mentore comprendrait aisément ce qu'il était advenu du père mentionné au vu de l'expression de l'adolescent.

« Je vois. »

Sa voix semblait dénuée de toute empathie et elle découpa une tranche de jambon qu'elle mâcha doucement sans prêter plus d'attention aux deux enfants. Le dîner continua et, finalement, la Semi-Elfe guida Calua dans la cellule jouxtant celle de Yurlungur. Elle avait eu le temps d'y installer une couchette et, lui souhaitant bonne nuit, elle referma la porte sans laisser l'occasion à la fillette d'aller le voir. Cette dernière aurait voulu éviter la confrontation en se rendant immédiatement dans sa chambre mais Liniel vint et s'assit à côté d'elle sur son lit, ou plutôt ce qui lui servait de lit.

« Son père est mort, j'imagine. »

Il était étrange de voir à quel point Liniel pouvait paraître insensible, parfois. Elle avait prononcé ces mots sans le moindre signe d'émotion, simplement comme un fait divers.

« Oui. »

La jeune femme soutint le regard de sa protégée et demanda :

« Qu'y a-t-il ? Tu m'en veux ? »

« Ah, enfin ! C'était donc si compliqué à comprendre ? Déjà tu me conseilles d'aller titiller des brigands et je manque de me faire tuer, ensuite tu te montres glaciale avec Calua alors qu'il vient de perdre son père et, pour couronner le tout, je n'ai même pas le droit à une félicitation pour avoir ramené tout ça ici ! »

Liniel ne cilla pas et répondit sur le même ton :

« Non. »

Un sanglot étouffé leur parvint, provenant de la chambre d'à côté. La Semi-Elfe plaça son index sur ses lèvres et se leva, faisant signe à la fillette de la suivre. Celle-ci, suspicieuse, suivit néanmoins son aînée dans la salle commune où, au moins, le blondinet ne pourrait rien entendre à leur conversation. Pas sûr qu'il ait entendu quoi que ce soit, mais si elles étaient interrompues toutes les trente secondes par ses pleurs, elles n'y arriveraient pas.

« Bon. C'était donc trop dur pour toi ? Il faut que tu t'entraînes, Yurlungur. Tu es encore faible, tu sais, malgré tout ce que tu pourrais penser. Quant au garçon, je préfère supposer que tu n'as éprouvé aucun remord lorsque son père s'est effondré sous les coups adverses. S'il s'est fait tuer, c'est tant pis pour lui. Tu as réussi à rester en vie et c'est ce qui compte. »

Yurlungur n'y trouva rien à redire. Implicitement, elle se sentait flattée. Liniel l'avait certes traitée de faible, mais la fillette savait pertinnemment qu'elle n'avait pas souffert le moins du monde en voyant la tête du barbu blond rouler au sol, simplement de la peur pour sa propre vie. Autrement dit, elle correspondait aux critères de Liniel... et elle n'était par conséquent pas si faible que ça.

« Bon allez, viens par ici. Tant qu'il dormira ou restera dans sa chambre, on sera tranquilles. »

« Mais... j'ai eu une grosse journée ! J'ai envie de dormir ! »

« On ne discute pas. »

Comme d'habitude, la petite fille eut à se limiter à des grommellements et suivit la Semi-Elfe, un tantinet excitée, dans les couloirs de la prison, ce jusqu'à une porte blindée vers le fond du bâtiment. L'inscription en fer taillé à l'entrée était encore lisible malgré la rouille qui s'y accumulait inexorablement. “Salle d'entraînement – Réservé aux gardes”. Sans blague. À l'intérieur, quelques mannequins faits de fêtus de paille grossièrement rassemblés entre eux étaient répandus ça et là au sol, une couche importante de poussière accumulée sur le sol. Des traces de pas récentes étaient visibles, correspondant étrangement bien à la semelle de la Semi-Elfe. Cette dernière referma la porte derrière la petite fille et annonça :

« Aujourd'hui, séance spéciale. On ne va pas essayer de se frapper l'une l'autre... ou en tout cas pas dans les deux sens. Regarde autour de toi. »

Elle balaya les airs de son bras gauche. La pièce était vaguement éclairée par les faibles torches que portaient chacune des femmes. En pleine nuit, c'étaient les ombres qui régnaient majoritairement dans la prison en général et encore plus dans ce lieu clos.

« Tu vois, tu es une femme et en plus, tu es petite. Autant de raisons qui feront de toi un adversaire qu'on essaiera de tuer dans les premiers. On te prendra pour quelqu'un de faible, justement, et on voudra t'éliminer pour pouvoir ensuite se consacrer à un adversaire plus gros. C'est tout à fait censé et ça marche dans la plupart des cas. Mais être petite n'offre pas que des désavantages... Nous sommes des femmes, Yurlungur. Ne crois pas que tu pourras toujours lutter contre les hommes. Ceux-ci essaieront de te faire mal, de te soumettre, ils te rabaisseront et tu seras généralement moins forte qu'eux. Si ce n'est pas le cas, tu pourras les tuer. Sinon... Sinon, il te faudra éviter leurs coups. Regarde-toi ! Ton corps est bien plus fin que celui de n'importe quel autre combattant. C'est un avantage et tu dois l'utiliser. En te camouflant dans l'ombre, tu pourras facilement te rendre invisible, ou du moins éviter de nombreux coups. Souviens-toi de cela : la seule chose qui importe est de rester en vie. Vas-y, essaie de te camoufler dans l'ombre. »

Suite à cette explication, Liniel croisa les bras et attendit. La fillette, un peu déboussolée, avança et essaya de se cacher derrière un mannequin puis ne bougea plus. Liniel toussota une première fois. Puis une seconde, un peu plus fort. Yurlungur resta immobile.

« Dis-moi... Tu te moques ou tu n'as rien compris ? »

La fillette leva un regard implorant de derrière le mannequin. (Héhé.) C'était bien le moment.

« Je t'ai demandée de te camoufler. Là... Tu es aussi visible qu'un Ork au milieu d'une cité de Nains. Lui il est pendu, toi tu es déjà morte. Tant pis si tu te fais voir ! Tant pis si je sais que tu es là ! Ton but est de te fondre dans l'ombre de telle manière à ce qu'on sache que tu es là sans parvenir à te localiser avec précision : c'est ça qui effrayera ton adversaire. Or, s'il est effrayé, il fera des erreurs, et là, tu pourras le tuer plus facilement. Allez, et bouge cette fois. »

(Héhé.) La petite fille sentit la colère monter en elle. L'explication de Liniel était convaincante et encourageante, mais c'était ce rire qui lui faisait perdre tous ses moyens. Elle se mit à trottiner aussi discrètement qu'elle pouvait, prenant peu à peu de l'allure, avant de se mettre à bouger dans tous les sens, furtive, entre les caisses, mannequins et support d'armes délaissés depuis bien longtemps. Cependant, en fixant Liniel, elle s'aperçut rapidement que cette dernière parvenait à suivre tous ses mouvement sans le moindre mal. (Héhé.) Encore. Le ton, comme les fois précédentes, était moqueur et provocateur. Elle essaya de garder son calme. (Héhé.) (Ça suffit !) Elle s'immobilisa et se dressa droite comme un piquet, ses deux mains se levant mécaniquement pour attraper ses tympans, la tête penchée vers le sol. (Ça suffit ! Tu ne fais jamais rien et tu te moques ! J'en ai marre !) (Moi, je ne fais jamais rien ? Tu oublies que c'est moi qui contrôlais ton corps lorsque tu te battais.) (De toute façon, je parie que tu ne fais pas mieux que moi sur cet exercice !) (Ma pauvre. Tu n'as décidément rien compris à ma nature. Allons, laisse-moi les commandes, veux-tu.) La fillette n'eut pas le choix et sa tête se releva, un sourire amusé sur les lèvres. Liniel s'était approchée, l'air inquiète.

« Tout va bien ? »

Yurlungur ne lui répondit pas et se lança à toute vitesse dans une zone d'ombre totale. De là, elle sauta jusqu'à une autre ombreà droite, puis plongea encore à droite, puis à gauche, continuant ainsi sans relâche et ne restant pas plus de quelques secondes à un même endroit, toujours dans les zones d'ombre totale. Les yeux de Liniel, s'ils suivaient toujours la petite fille, s'étaient écarquillés. Le sourire de l'Autre s'élargit. Après quelques minutes de fuite éperdue dans les ombres, elle se redressa et, époussetant l'une de ses manches, revint vers sa coach qui hocha la tête, l'esquisse d'un sourire apparaissant sur ses lèvres.

Elles reprirent l'exercice une seconde fois, puis une troisième. À chaque fois, Liniel montrait comment elle s'y prenait : à la fois subtile et impressionnante, la petite fille avait l'impression de voir la Semi-Elfe partout et nulle part à la fois, agitant vainement sa torche dans les airs. Mais son sourire ne disparut pas. À son tour, elle essayait, tentant d'imiter les mouvements, la grâce et la dextérité de la Semi-Elfe. Et à chaque fois, elle s'en rapprochait un peu. Il devait être à peu près minuit lorsqu'elles partirent se coucher. Il ne leur fallut pas longtemps pour partir au pays des songes.

***


Le lendemain, Liniel décida de partir seule, laissant Calua et Yurlungur ensemble. Si l'adolescent parut un peu réticent au début, sa langue se délia au cours de la matinée et ils parlèrent longuement. L'une le questionna sur sa vie de marchand, l'autre lui demanda qui était Liniel. Il expliqua qu'ils faisait autrefois des trajets entre les fermes pour acheter la nourriture et la revendre dans les villes ; elle éluda la question, affirmant simplement qu'il s'agissait d'un de ses lointains parents, d'où le peu de ressemblance. L'un s'interrogea sur leur présence dans la prison, l'autre répondit qu'elles avaient dû fuir la ville pour une raison qui lui était inconnue. Il n'aurait qu'à demander à Liniel, s'il avait le courage ! En retour, pour se faire pardonner de son mensonge, elle le complimenta sur sa maîtrise de l'épée. Il rétorqua qu'elle ne s'en sortait pas trop mal non plus à la dague, ils rougirent ensemble. Finalement, il commença à la taquiner et à la pincer dans les côtes, ce qui la fit rire, essayant de lui échapper. Une course-poursuite riante et dansante s'engagea dans les couloirs vides de la prison, qui dans les yeux des enfants n'était qu'un vaste terrain de jeu aussi complet que joyeux maintenant qu'ils avaient un compagnon de jeu. Enfin. Une fois essoufflés, il voulut explorer la cave et elle l'en dissuada, mais ils trouvèrent rapidement une autre occupation et cherchèrent un chemin vers le toit, qu'ils trouvèrent rapidement. Il y avait au fond de leur salle commune un passage exigu qui menait à une échelle ancienne, faite de vois devenu vermoulu. Sans hésitation, ils la gravirent – bien que quelques barreaux cédèrent sous leur poids et la pourriture – et se retrouvèrent au sommet d'une tour de garde, un vent violent venant ébouriffer leurs cheveux. Aussitôt, ils s'imaginèrent dans un bateau voguant sur les flots enragés des herbes hautes dont le bruissement leur arrivait de toutes les directions. Ils s'imaginèrent bataillant contre les plus infâmes des pirates, contre des mages sournois, contre des guerriers émérites, remportant chaque fois la victoire d'un coup d'estoc bien placé. Ils se défièrent l'un l'autre en duel, utilisant leurs doigts en guise de lames qui vinrent chatouiller le ventre de l'adversaire, avant de s'écrouler, hilares, sur le sol de pierre de la prison. Et de rêver.

***


Les nuits s'écoulaient et se ressemblaient sous la tutelle de Liniel, Yurlungur laissant systématiquement son corps à l'Autre. Les jours se suivaient et s'enchaînaient, l'amitié entre la fillette et le blondinet s'étoffant de jour en jour. Les entraînement se faisaient rudes, mais l'Autre s'en sortait. Les défis qu'ils se lançaient étaient des plus absurdes, mais ils étaient des enfants. L'Autre suait, Yurlungur riait. Liniel quant à elle se montrait satisfaite des progrès de son élève ; Calua finit par lui avouer tout sur lui, sur sa mère décédée lorsqu'il était encore bébé, sur son existence et son entraînement avec son père, les plaies de la mort se refermant progressivement. Les jours étaient heureux. Encore un peu.

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Dernière édition par Yurlungur le Jeu 21 Avr 2016 11:35, édité 2 fois.

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 Sujet du message: Re: Darkhàm: La Prison Abandonnée
MessagePosté: Jeu 21 Avr 2016 11:33 
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« Alors, cap' ou pas cap' ? »

Calua fixa Yurlungur avec un air méfiant. Celle-ci, provocatrice, continuait de l'observer avec un grand sourire, ses yeux légèrement levés vers lui le narguant indéniablement. Assis tous les deux dans le poste de garde au sommet de la prison, ils avaient joué tout l'après-midi dans ce qui était petit à petit devenu leur repère. Si Liniel s'y rendait de temps en temps, elle en était alors immédiatement chassée dès que les deux enfants s'en apercevaient, et pour cause : ils y avaient amené quelques vivres essentielles à leur bonne santé - des fruits, des sucreries – mais aussi une flasque d'alcool trouvée dans la charrette. La Semi-Elfe, heureusement pour eux, en ignorait encore l'existence même, puisque ladite flasque était autrefois cachée sous le siège du père de Calua. Ce dernier trouva le courage d'aller la chercher puis la partagea de bon cœur avec Yurlungur. La flasque avait duré longtemps, bien longtemps, les deux enfants croyant déjà être ivres après n'en avoir pris qu'une gorgée à peine. C'était lors d'une de ces soi-disant ivresses que Yurlungur avait défié le blondinet d'aller chercher un texte quelconque dans la cave où se trouvaient les archives. Cave qui, rappelons-le, était infestée de rats un tantinet agressifs et de pieuvres terrestres voraces.

« Je ne sais pas... »

Il aurait clairement préféré refuser net. S'y aventurer lui faisait peur, d'autant plus que Liniel leur avait interdit de s'y rendre et que la Semi-Elfe n'était pas à la prison en ce moment. La fillette ferma les yeux et se laissa tomber en arrière, soupirant exagérément fort.

« Si tu n'as pas le courage d'y aller, tant pis... »

Elle avait prononcé cela à mi-voix car elle savait pertinemment que Calua l'entendrait et attendait sa réaction sans même penser à cacher son sourire. Ouvrant un œil, elle vit son tout récent ami jeter des regards vers la trappe qui descendait dans la prison elle-même, puis se tourner à nouveau vers elle, hésitant. Peut-être faudrait-il le pousser un peu...

« Ce n'est pas grave, Calua. Moi j'y irai. Contrairement à d'autres, j'ai un minimum de courage ! »

Elle se leva et, sans se départir de son expression provocatrice, leva un sourcil un poil méprisant à son attention avant de s'avancer vers la trappe. Avant qu'elle ait pu y arriver, Calua se précipita et rétorqua, la poussant en arrière :

« Qui a dit que je ne souhaitais pas y aller ? J'étais simplement en train de réfléchir à la manière avec laquelle je m'y prendrai, d'abord. Laisse-moi passer, j'y vais. »

Yurlungur sourit d'un air encore plus condescendant. Oh, il était sûrement inutile de préciser que le blondinet était animé de deux désirs totalement opposés. Lançant successivement des regards en arrière, ses yeux revenaient toutefois irrémédiablement à nouveau sur le visage souriant de son amie et il repartait en avant. Un regard en arrière, un pas en avant... Et quelques millimètres de gagnés par le sourire de la fillette. Descendant rapidement l'échelle, ils poussèrent la porte de bois et entrèrent dans la pièce commune avant de s'approcher de la dernière porte. Dans l'esprit de Yurlungur, le trajet était déjà clair : continuer le long du couloir, descendre les escaliers, une fois, deux fois, passer les pieuvres terrestres et, pourquoi pas, attendre patiemment que les rats d'en bas boulottent le pauvre Calua avant que celui-ci n'en vienne à implorer la petite fille de voler à son secours... Elle jubilait d'avance à l'idée de cette humiliation du garçon. Mais ce dernier s'arrêta, la main sur la poignée, et se retourna vers celle qui souhaitait le pousser à sa perte, en particulier la perte de son honneur. Quoique, il n'en avait pas usé autrement non plus de son côté jusqu'alors, bien que ce fut sans résultat.

La fillette attendit quelques instants avant de s'impatienter. Elle s'approcha de Calua et voulut accentuer la pression morale qu'elle exerçait sur lui par une remarque acerbe mais il l'arrêta : d'un geste aussi rapide que précis, il plaça un doigt sur les lèvres de la fillette qui se tut aussitôt. Instinct du danger ou foi soudaine en celui de Calua, elle n'osa pas prononcer le moindre mot, son regard devenant aussi sérieux que celui de son acolyte. Mais après quelques secondes de silence le plus total, elle ne put s'empêcher de chuchoter :

« Psst... Qu'est-ce qu'il y a ? »

Le son était à moitié étouffé par le doigt du garçon, toujours apposé sur ses lèvres. Sans l'empêcher de parler, ce doigt légèrement boudiné gênait tout de même à la prononciation. Par refus de bouger dans une situation qui semblait grave, Yurlungur n'avait pas reculé pour parler librement. Calua la fixa dans les yeux. Grave, oui, c'était le mot. Et Liniel n'était pas là. Quant à la fillette, bien qu'elle n'eut rien perçu de dangereux, elle n'allait en aucun cas remettre en question le jugement du blondinet qui avait déjà prouvé à moult occasions à quel point son ouïe était fine. Finalement, un sourire émergea sur ses traits, rompant le charme dramatique qui s'en était emparés. Un léger rire retentit et Yurlungur, comprenant soudainement, rougit de honte.

« Je t'ai bien eue, hein ? Ha, ha ! »

L'intéressée détourna le regard et ne répondit pas, cette attitude dédaigneuse augmentant sensiblement l'ampleur du rire cristallin du jeune garçon qui, malgré un corps déjà bien bâti, avait conservé sa voix d'enfant. Des dents blanches narguaient le visage déjà légèrement empourpré de la jeune fille. Celle-ci finalement, ce mouvement d'hystérie ne semblant pas diminuer chez Calua, s'avança vers la porte et l'ouvrit d'un coup sec. Elle n'avait pas oublié son objectif, tout de même. Calua allait lui payer cet affront...

Un éclair rouge fondit sur eux et la fillette ne put retenir un cri de surprise. La porte se referma.

« Il faudra, à l'occasion, que je t'apprenne à ne plus crier dès que tu es surprise ou que tu as mal... »

Le regard sévère fixait la jeune fille.

« Mais... »

Ce regard terrible se tourna vers l'adolescent qui venait de parler et Liniel le coupa aussitôt :

« Silence. »

Même en parlant à mi-voix, elle restait plus autoritaire que jamais. Les deux enfants attendaient, anxieux, que la Semi-Elfe veuille bien leur dire ce qui se passait. Celle-ci, pas le moins du monde préoccupée par l'inquiétude de ses deux protégés, tendait l'oreille. Sa main droite, machinalement, enroulait l'une de ses mèches d'un roux flamboyant autour de son index. Finalement, elle reporta son attention sur les deux enfants – mais surtout sur Yurlungur – et, toujours à mi-voix, leur demanda presque impatientée :

« Mais ne reste pas là, voyons ! Tiens, va prendre la table et déplace-la devant la porte. Il ne faut pas qu'on puisse entrer. »

L'ordre était sans doute adressé à Yurlungur. Mais en l'absence d'autres précisions et (accessoirement) devant l'irritation de Liniel, Calua ne se fit pas prier pour se précipiter vers la table lui aussi. En silence, ils la soulevèrent et vinrent la plaquer contre l'unique porte en bois qui permettait de sortir de l'ancienne salle de garde de la prison. Cela fait, ils tournèrent à nouveau un regard apeuré vers Liniel. Cette dernière, l'oreille toujours dressée, garda le silence encore quelques instants avant de désigner l'une des fenêtres en fixant fermement Yurlungur. Avec une grâce féline, elle fit quelques pas, bien vite suivie par la jeune fille. Les volets en bois étaient ouverts depuis le matin et une brise légère souffla entre les cheveux de la Semi-Elfe et de son apprentie. La première enjamba sans hésitation le rebord et, assise les jambes maintenant pendantes au-dessus de quelques mètres de vide, elle s'autorisa quelques paroles chuchotées lorsque la fillette la rejoint.

« Il y a un groupe de gens qui sont arrivés. Ils sont nombreux. Tu vas venir avec moi, discrètement. Nous allons les espionner et vérifier quelles sont leurs intentions. Tu as ta dague ? »

La petite fille hocha la tête, un tantinet anxieuse.

« Et... Et moi ? »

Liniel tourna la tête vers le blondinet, haussa les épaules d'un air des plus désintéressés puis se laissa tomber dans le vide. Yurlungur se précipita et la vit avec soulagement indemne sur le toit de la grange en-dessous, grange où les gardiens de la prison laissaient autrefois leurs chevaux. La fillette, la boule au ventre, se décida à sauter aussi et tomba avec un peu plus de fracas sur le toit en chaume qui n'avait pas été épargné par le temps. Une main douce vint la serrer fermement au poignet pour l'empêcher de glisser plus bas. Liniel était visiblement concentrée et sérieuse au possible, le regard déterminé. Malgré sa peur, Yurlungur se sentait rassurée par cette présence et l'aura presque animale que dégageait sa mentore. L'image d'une fauve protégeant ses petits lui vint à l'esprit mais elle n'eut pas le temps d'y songer davantage : Liniel était déjà descendue d'un étage supplémentaire après s'être laissée lestement tomber au sol. Yurlungur s'approcha du rebord du toit et fit pendre ses jambes tout en s'agrippant à la charpente avant de descendre elle aussi, réduisant par cet manœuvre la hauteur de chute. Liniel lui fit signe de la suivre et ensemble, sous le haut mur de la prison, elles avancèrent vers l'entrée à pas feutrés sur les jeunes pousses vertes qui ployaient sans bruit à leur passage.

Les quelques cinquante mètres qui les séparaient de l'extrémité de ce mur orienté à l'ouest furent rapidement traversés. Déjà, quelques voix parvenaient aux deux paires oreilles dressées, les unes par nature et les autres par peur. Se plaquant contre le mur, Liniel osa un regard furtif pour évaluer la situation. Elle se retourna vers la petite fille et leva six de ses doigts. Dressant ensuite son index droit, elle lui fit comprendre qu'elle devait l'écouter, quoiqu'en cette occasion, “écouter” était un terme assez vague. Elle désigna les herbes et, d'un signe de la tête, intima à la petite fille d'y avancer à quatre pattes pour se rapprocher du groupe. Enfin, ce même index s'approcha d'une des oreilles pointues de Liniel qui, d'un regard aussi explicite que possible, fit comprendre à Yurlungur sa mission. Entendre et ne pas être entendue. Ni vue, d'ailleurs.

La fillette prit une ample respiration et s'accroupit. Elle ferma les yeux quelques instants, essayant de fixer dans son esprit le murmure du vent et les discussions confuses. Elle rouvrit les yeux et s'engagea dans ce dédale végétal. Avançant à tâtons, elle s'arrêtait lorsque les voix faiblissaient, avançait de plus belle lorsque celles-ci s'échauffaient, traçant une magnifique courbe qui, si elle s'éloignait d'abord de l'entrée, finit par y revenir suffisamment loin de la cachette de Liniel. Sa jupe avait été déchirée par endroits lors de sa première sortie de la prison, mais elle avait désormais appris à éviter ronces et orties. Orties plus pour elle-même que pour ses vêtements, soit dit en passant. Malgré le sol inégal, elle avançait à une bonne allure, le regard tout aussi déterminé que celui de Liniel, du moins l'imaginait-elle ainsi pour se donner du courage. Devant elle, de petits rongeurs fuyaient et quelques bourdons, coléoptères et autres insectes volants passaient allégrement dans les airs. Concentrée sur son objectif, elle se défendait d'y prêter la moindre attention.

Les voix devenaient plus fortes, plus claires et plus nettes tandis qu'entre les herbes devant elle, la petite fille voyait déjà une portion de chemin apparaître. Elle s'arrêta et tendit l'oreille, immobile au milieu des ombres des plantes vertes du printemps.

Une voix grave et rauque aboya un ordre. « Grouillez-vous ! Allez, ouvrez-moi cette foutue porte, elle va arriver. »

Quelques pas lents. Suivis par d'autres plus rapides.

« BONG. »

« Ouch ! »

Les quelques voix qui venaient de pousser un quelconque grognement de douleur étaient celles des hommes qui, sous la tutelle d'un grassouillet à la barbe noire et au fouet rapide à la détente, s'étaient lancés de tout leur poids contre la lourde porte métallique qui bloquait l'entrée de la prison. Liniel n'avait pas fait les choses à moitié lorsqu'elle avait vu ce groupe arriver. Au moins, Calua serait en sécurité à l'intérieur.

« On n'a pas toutes la journée, bande de femmelettes ! »

Un fouet siffla et claqua. Les hommes repartirent à la charge une fois, deux fois : on entendit un craquement derrière la porte à la deuxième. Quoi qu'ait mis Liniel pour bloquer le passage, ça n'avait pas tenu. Mais ces hommes n'étaient pas normaux. La petite fille plissa les yeux. Leur peau était... Leur peau était grise, virant pour certains sur le noir. Et les quelques cheveux qui dépassaient étaient d'un blanc éclatant. Des Shaakts. À la dernière charge, la porte s'entrouvrit et des mains nombreuses se précipitèrent pour soulever la poutre qui retenait solidement les deux portes parallèles l'une à l'autre. Soudain, la fillette entendit le bruit d'un galop lointain qui s'approchait, faisant trembler le sol. L'homme au fouet s'avança et s'inclina face aux trois cavaliers qui venaient d'arriver à quelques mètres à peine de la petite fille cachée.

« Maîtresse. Nous venons à peine de réussir à entrer, une poutre bloquait... »

« Je m'en contrefous. »

Le ton était celui d'une femme d'âge mur, à la fois autoritaire et agressif. Ressemblant un poil à celui de Liniel, la voix était cependant emplie d'une forme de mépris qui la distinguait nettement de celle de la Semi-Elfe – sauf lorsque celle-ci s'adressait à Calua –. La femme mit pied à terre, bientôt suivie par les deux hommes, de ce que Yurlungur pouvait voir, hommes qui restaient silencieux.

« Madame, hum... Où sont passés les autres mercenaires ? »

« Je préfère les savoir loin de moi quand je dors. Demain à l'aube nous repartirons, ils ont établi leur camp à l'intersection avec la route que nous emprunterons. Il faudra éviter Dahràm pour ne pas être repérés, mais nous rejoindrons d'ici quelques jours les ruines. Ils serviront à notre protection là-bas, l'auriez-vous oublié ? Pour le moment, ils ne nous sont d'aucune utilité, tant que nous n'avons pas la relique. Et ils sont la seule raison pour laquelle nous devons voyager de jour... Ces imbéciles. »

Le sang de Yurlungur ne fit qu'un tour tandis que la femme et ses deux gardes du corps la suivaient comme des ombres. Une relique ? Son oreille ne fit que se dresser davantage. Avant d'entrer dans la prison, le passage dégagé par les hommes de main qui s'inclinaient bien bas devant elle, la Shaakt se retourna et demanda :

« D'ailleurs... Avez-vous vu Nisri ? »

L'homme au fouet ne répondit pas et la femme lui tourna le dos avant de prononcer distinctement :

« L'insolent. »

Lorsqu'elle disparut à l'intérieur du bâtiment, Yurlungur s'aperçut qu'elle avait jusqu'alors retenu sa respiration et ce fut de soulagement qu'elle expira tout l'air prisonnier de ses poumons. La présence de cette femme lui était, étrangement, des plus insupportables, mais la curiosité la piquait et elle voulait en savoir plus. L'homme au fouet le fit claquer contre le sol et les Shaakts, sans se faire prier, entrèrent à la suite de leur cheffe, l'un d'entre eux restant au-dehors pour s'occuper des trois chevaux noirs comme l'ébène. Une main se posa sur l'épaule de Yurlungur qui retint un hoquet de surprise.

« C'est moi. »

Yurlungur reconnut la voix de Liniel et se détendit.

« Nous allons entrer, mais il faudra rester discret. Tu passes par la droite, moi par la gauche. »

La main se retira. Yurlungur se retourna, mais Liniel avait déjà disparu entre les ombres et les herbes. Avait-elle entendu la Shaakt parler d'une relique ? Il serait amusant que non. Yurlungur partirait à la recherche de l'objet et la Semi-Elfe en serait verte de jalousie... Un sourire discret aux lèvres, la fillette sortit de sa cachette sur le chemin de terre, voyant le palefrenier s'écarter avec les trois équidés, et elle s'approcha en veillant à rester sur le côté. Il aurait été dommage qu'un Shaakt resté garder la porte la remarque ainsi. Liniel était déjà à côté de la porte en train de lancer des regards rapides et la petite fille la rejoint, venant se plaquer contre le mur à côté d'elle. Étrangement, son cœur battait la chamade.

(Il n'y a pourtant rien de dangereux... Tu sais que je te protégerai si jamais on te voulait du mal.)

Un instant, Yurlungur crut que c'était Liniel qui avait parlé. Mais la Semi-Elfe n'aurait pas commis une telle faute d'indiscrétion et la petite fille n'avait rien dit ni fait qui puisse montrer son angoisse. Elle déglutit difficilement. Laisser l'Autre prendre le contrôle... Pas lorsqu'il fallait être discret, en tout cas. Liniel se tourna vers elle et fixa son regard dans le sien, l'arrachant à ses pensées. D'un signe de la main, elle lui intima de se tenir prête. Elle jeta une ultime œillade dans la prison et son index lui ordonna d'avancer, d'un geste brusque et concis. Yurlungur fonça. Oh, elle ne courait pas vraiment. Elle marchait vite, ses bottes retentissant à peine contre le sol bientôt dur de la prison de pierre.

À l'intérieur, un long couloir avançait tout droit, séparant la prison en deux. Ce couloir n'avait pas de toit immédiat et on voyait au-dessus des rambardes qui permettaient d'accéder aux cellules du premier étage. Ces rambardes étaient devenues croulantes au fil du temps, la seule raison pour laquelle elles tenaient encore debout étant les larges colonnes étalées de chaque côté du couloir du rez-de-chaussée. C'est justement derrière l'une de ces colonnes que la fillette vint se réfugier après quelques instants de stress intense. Elle reprit calmement sa respiration. Aucun cri. On ne l'avait pas repéré. Des voix derrière elle, plus loin à l'intérieur de la prison, continuaient de parler presque en chuchotant, lorsque la Shaakt ordonna qu'on la laisse avec ce qui semblait être l'officier, le fameux Shaakt au fouet. Yurlungur retint sa respiration, camouflée dans l'ombre, tandis que quelques Shaakts renvoyés ressortaient déjà de la prison avec les chevaux. D'autres montaient à l'étage. Seuls restaient désormais la cheffe, l'officier et les deux armoires à glace taciturnes qui ne bougeaient pas, apparemment insensibles à l'ordre donné. Yurlungur osa regarder en arrière, les Shaakts refermant à moitié la lourde porte de métal. Liniel avait disparu. De toute façon, si cette dernière s'était cachée, la gamine n'avait aucune chance de la repérer. Elle regarda subrepticement en arrière. Ils étaient occupés. Sans hésitation, elle avança aussi calmement que possible jusqu'à la colonne suivante. Puis jusqu'à celle d'après. À chaque fois, elle percevait une chose différente de la discussion qui avait commencé. L'agacement de la Shaakt vis-à-vis de ses pairs, la fouille énervée dans un sac richement ornée de dorures ternes, l'apparition d'un parchemin vélin, à nouveau l'agacement. La fillette s'immobilisa pour écouter, maintenant assez proche.

« Voici les instructions de notre maître. Regardez. Là, les coordonnées exactes des ruines par rapport à Dahràm, ou encore les chemins à suivre. Souvenez-vous qu'il nous a précisé que nous ne devions en aucun cas nous faire voir à Dahràm. Je l'ai fait savoir aux mercenaires, mais si ceux-ci venaient à me désobéir, il ne faudra pas hésiter à les torturer un peu pour bien leur faire comprendre qui nous envoie. »

« Maî... Maîtresse ? Hum, si je puis me permettre, qu'allons-nous exactement chercher dans ces ruines ? »

L'un des hommes en armure s'approcha et, d'un geste aussi vif qu'imprévu, vint le saisir à la gorge et le soulever à quelques centimètres au-dessus du sol. La Shaakt eut un petit rire amusé.

« Allons, laisse-le. »

L'ordre fut suivi à la lettre. L'officier s'écrasa au sol, subitement lâché. Il reprit son souffle avant de relever des yeux apeurés, encore à genoux, sur la femme qui le dominait complètement.

« Il ne voudrait pas que tu saches, tu comprends. Mais allons, je suis d'humeur badine. Je te laisse en vie. »

Soudain, une petite lumière bleue surgit de nulle part et vint rejoindre la Shaakt qui ne put retenir un cri de surprise. Le Shaakt à terre eut également un mouvement de recul et les deux gardes du corps brandirent, menaçants, leurs armes vers la petite créature qui s'immobilisa au niveau des yeux de l'autoritaire femme avant de laisser retentir entre ces murs si sombres un rire cristallin. Le visage de la “maîtresse” se détendit.

« Enfin, tu es revenu. Où étais-tu, Nisri ? Je croyais pourtant que tu pouvais voyager très vite... »

« C'est ce que le maître vous a dit, oui ! Cependant, tous ces voyages ne sont pas instantanés... Et alors, qui vous dit que je n'étais pas en mission pour lui ? Ah, comme vous pâlissez soudainement. Il se pourrait même qu'il m'ait communiqué un ordre pour vous... »

Le visage de la Shaakt se ferma et elle croisa ses bras sur sa poitrine. Semblant prendre cela pour une invitation à continuer, le prénommé Nisri continua :

« Il se pourrait, par exemple, qu'il vous demande, je ne sais pas moi, d'expliquer la mission à l'officier ! Oui, c'est cela ! Expliquer toute la mission ! Sait-on jamais, qu'une seule personne en soit au courant pourrait être préjudiciable, si jamais ladite personne avait un accident... Sous-estimeriez-vous la prévoyance du maître ? Sur-estimeriez-vous votre propre défense ? J'espère bien que non, faute de quoi je suis certain qu'il en serait déçu, très déçu... Enfin, oseriez-vous outrepasser un ordre du maître ? Je ne dis que cela comme ça, à vous de voir... »

Nisri rit à nouveau, ce qui sembla insupporter plus que tout la Shaakt déjà passablement irritée par ses congenères.

« Nisri. Si tu m'as menti, tu sais ce que le maître te fera. »

Le petit être bleu se mit à rire de plus belle avant de se mettre à voleter autour de la Shaakt. Puis, soudainement, il disparut. Un soupir brisa le silence qui avait brutalement pris place.

« Très bien. Puisque c'est ainsi... Nous devons aller récupérer une relique. Une relique de Shaeya 'naer Elsayim... C'est une cape qui se trouve dans les ruines d'Ernestör et... »

« Eh, face de larve en putréfaction ! »

Yurlungur venait de sortir de sa modeste cachette et, désormais en plein dans le champ de vision du groupuscule de Shaakts, elle tremblait un peu. Mais elle ne pouvait pas laisser Liniel en savoir plus, faute de quoi elle se ferait doubler. Leur pari n'était pas réversible, elle avait agi sur le moment pour empêcher la Shaakt de parler davantage mais, à présent, elle était moins sûre de sa décision. Enfin, peut-être que Liniel viendrait l'aider... La Shaakt, surprise, balbutia :

« Que... Quoi ? »

« Eh ouais, c'est bien à toi que je parle ! Attrape-moi si tu peux ! »

Le regard de la Shaakt se durcit. Le jeu pouvait commencer.

Suite : ici

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Dernière édition par Yurlungur le Jeu 21 Avr 2016 11:40, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Darkhàm: La Prison Abandonnée
MessagePosté: Jeu 21 Avr 2016 11:39 
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((( [:attention:] Certaines scènes de ce rp sont à forte connotation sexuelle/violente/gore, aussi est-il recommandé aux lecteurs sensibles d'y réfléchir à deux fois avant d'en entamer la lecture.)))

Yurlungur avait couru droit sur la porte, l'avait ouverte en grand puis s'était jetée sur le côté pour éviter un trait d'énergie magique qui fusait dans son dos. Un trait sombre qui fut tellement mal jeté qu'il toucha l'un des Shaakts, surpris et projeté dans les airs. Se relevant, la gamine fit quelques grimaces au reste des troupes en faction et courut se mettre à l'abri vers les escaliers. Elle aurait bien voulu monter, mais un autre Shaakt apparaissait déjà à l'étage et elle dut se résoudre à descendre. L'odeur n'arrangeait rien, mais au moins, elle y était plus ou moins habituée, contrairement à ses poursuivants.

Jetant un bref coup d'œil derrière elle, elle vit que les deux imposants gardes du corps de Madame la Shaakt commençaient à s'avancer vers elle, menaçants. Ou vers la sortie ? Ils ne couraient pas, au contraire, ils marchaient presque tranquillement tandis que l'officier braillait à tout va à l'attention des derniers Shaakts dispersés qu'ils avaient de la compagnie. Quant à Liniel, aucun signe de présence. La fillette jugea inutile de s'attarder plus longtemps et s'engouffra dans les ténèbres.

Certes, les Shaakts voyaient aussi bien de jour comme de nuit, lui avait-on toujours dit. Descendre au sous-sol n'était dans cette optique pas une excellente tactique, mais la fillette avait un avantage de masse. Elle, elle savait qu'il y avait là quelques dangers, et surtout lesquels. Observant avec attention le plafond, elle continua sa course, un tantinet plus lentement. Il ne fallut que quelques instants avant qu'elle n'entende derrière elle un cri tandis qu'une des pieuvres terrestres se laissait tomber sur un Shaakt imprudent. La petite fille ne fut que plus encouragée à poursuivre, traçant un chemin hasardeux mais sûr entre les prédateurs accrochés au plafond, tandis que les cris derrière elle se multipliaient. Elle atteint bien vite l'autre bout du sous-sol et se retourna pour observer le résultat. Les derniers Shaakts restant étaient désormais avertis du danger, mais ils avaient perdu l'avantage du nombre. Un sourire carnassier apparut sur le visage de la fillette. Oh oui, elle allait bien s'amuser avec ces quelques là.

Sans attendre davantage, elle s'approcha de l'entrée de la salle des archives, aussi appelée depuis peu repaire des rats, et aussitôt un nouvel ennemi lui fit face. Mais cet ennemi-là était craintif et n'avait rien contre elle – si ce n'était le fait d'avoir utilisé certains de ces rats comme serpillières il y avait quelques jours de cela, mais c'était un détail. Elle s'avança doucement, ses yeux bleus confrontés aux multiples yeux rouges devant elle. Malgré ces yeux et les grognements qui s'y ajoutaient, elle n'avait pas peur. Elle fit encore quelques pas avant d'être forcée de s'arrêter. Les rats étaient devenus trop agressifs. Maintenant, tout était une affaire de timing. Son sourire ne s'arrêtait pas de s'élargir pendant quelques instants, puis la porte derrière elle se rouvrit.

Brusquement, elle sauta en l'air par-dessus la nuée de rats et vint s'agripper à l'une des bibliothèques qui ne soutenait maintenant plus que des parchemins dévorés et illisibles. Les rats sautèrent eux aussi, mais trop bas. Ils atterrirent cependant sur les Shaakts, comme l'avait prévu la petite fille qui se mit à escalader ladite bibliothèque tout en lançant des regards derrière elle. Le résultat était satisfaisant. Deux Shaakts étaient en train d'être littéralement dévorés vivants par une horde de rats qui ne faisait que devenir plus épaisse et plus excitée à mesure que les faux agresseurs se débattaient et perdaient un sang qui rendait fous de rage les rongeurs. Elle sentit une morsure au niveau de sa main droite, lâcha prise et se propulsa en arrière. Écrasant quelques rats au passage, elle bouscula sans ménagement les Shaakts aux prises avec les plus teigneux de ces sales bêtes et sortit, évitant, autant grâce à son habileté que grâce à l'effet de surprise, les maladroits coups de lames qu'on tentait de lui asséner dès qu'elle fut à nouveau dans le couloirs aux pieuvres. Et elle se remit à courir de plus belle avant d'arriver aux escaliers pour les gravir aussi vite que possible.

Elle avait bien remarqué que les Shaakts qui la poursuivaient n'étaient que des hommes de main de moindre importance. La Shaakt qui les commandait avait sans doute jugé indigne de sa personne de descendre au sous-sol, soit, mais ni l'officier ni les gardes du corps n'étaient descendus. En arrivant en haut, elle constata leur disparition pure et simple. Aucun signe non plus de Liniel. La porte d'entrée cependant était grande ouverte et on distinguait encore un nuage de poussière qui s'élevait derrière des chevaux lancés au galop au loin. Le Soleil se coucha et tout devint sombre.

Elle pensait avoir battu Liniel en l'empêchant d'en savoir trop ? Raté, cette dernière était partie avant elle, profitant du fait que les Shaakts étaient occupés avec la fillette. Quant au gros des troupes, ils avaient préféré ne pas prendre de retard. Elle serra les dents et ses doigts se crispèrent sur sa dague au point de rendre les jointures blanches. Elle avait voulu jouer. Elle s'était fait doubler.

Derrière elle, un Shaakt arriva à son niveau et poussa un cri de défi à son encontre, brandissant une épée courbée – un cimeterre, si la petite fille se souvenait bien. Yurlungur fit volte-face et trancha d'un geste brusque la gorge du Shaakt qui s'effondra au sol à l'instant même. Sa jupe et son corset s'étaient fait éclabousser de sang d'un rouge tendant vers le noir et la petite fille grognait en fixant le dernier Shaakt qui s'était arrêté en bas des marches, horrifié par cette vision. Un instant, le temps s'arrêta. On n'entendait plus qu'un grognement de rage qui s'amplifiait jusqu'à devenir insoutenable. Le Shaakt se mit à trembler.

Soudainement, elle se jeta sur lui. Il s'écarta – trop tard. La petite fille se mit à le dépecer, se délectant de ses cris de souffrance et d'horreur. La lame s'abattait, se retirait, s'abattait à nouveau ; le Shaakt avait cessé d'essayer de résister. Son sang jaillissait et se répandait sur le sol et les rats attirés par l'odeur venaient le lécher goulûment. Les cheveux de la gamine trempaient dans ce liquide poisseux et nauséabond jusqu'à en devenir aussi noirs que la nuit qui prenait lentement place, mais elle n'arrêtait pas. Des morceaux de chair s'envolaient parfois et plus elle creusait, plus c'était facile de continuer. Elle passa les muscles et s'attaqua aux couches profondes de graisse dans le ventre du Shaakt. Les entrailles s'ouvraient, laissant découvrir son précédent repas Elle plongea sa lame dans l'un des poumons sanguinolents du supplicié et les cris s'arrêtèrent. Pas les coups de la fillette. Elle dédiait cette victime, ce sang et ces entrailles à ses Dieux, Thimoros et Phaïtos. Elle ne se releva que quelques minutes après que le Shaakt eut cessé de gémir.

Les bras ballants, elle remonta au rez-de-chaussée, laissant ce festin à la vermine assemblée en bas. La prison était sombre et silencieuse. La petite fille perdue. Elle ne savait plus que faire.

« Yurlungur ? »

Calua. Elle l'avait oublié. Relevant la tête, elle le vit sur la rambarde du premier étage, tremblotant de peur.

« C'est... C'est bien toi ? »

Elle osa un sourire.

« Oui. J'ai mis hors d'état de nuire le dernier Shaakt. Mais j'ai été un peu éclaboussée... Les rats ont voulu le bouffer vivant, le sang m'a éclaboussée... »

Pendant quelques instants, un silence s'installa. Calua était clairement tendu, fixant cette nouvelle Yurlungur entièrement noircie dans cette fausse lumière. Les couleurs étaient absentes, ne restaient que des nuances de gris, ou de noir profond chez Yurlungur.

« Tu... Tu m'as l'air bizarre. Où est passée Liniel ? J'ai entendu des chevaux galoper tout à l'heure, du coup j'ai attendu un peu avant de sortir. Il y avait quelqu'un qui gémissait en bas, puis qui s'est tu. Ce n'était pas elle, si ? »

« Non, le rassura-t-elle. Ce n'était pas elle. »

« Dans ce cas, il faut qu'on aille la rejoindre. Elle a dû partir à la poursuite de ces gens, tu ne crois pas ? J'ai un peu peur pour elle. Il faut qu'on aille la rejoindre. »

Tant de courage était impressionnant chez Calua, d'autant plus que c'était un courage presque insensé puisque Liniel, en principe, ne risquait rien et ne serait qu'encombrée par deux gamins comme eux deux. Fugacement, une lumière bleue apparut derrière lui pour disparaître aussi vite qu'elle était arrivée. Il cligna des yeux quelques instants, mais Yurlungur avait déjà pris sa décision. Elle, elle abandonnerait ainsi sans même livrer bataille ? Jamais. Sur un ton presque aussi autoritaire que celui de Liniel, elle annonça :

« Très bien. Dans ce cas... Dans ce cas nous y allons. Descend préparer la charrette et les bœufs, je vais prendre de quoi manger pour les prochains jours. Allez, plus vite que ça ! »

Calua, s'il avait changé d'avis, n'avait malheureusement plus son mot à dire. La petite fille était déterminée, sa prise ne lui échapperait pas. Ni son pari. Pourtant, elle ne pouvait s'empêcher de ressentir une rage énorme, une rage incommensurable qui montait en elle. Arrivée dans la salle commune désertique, elle regarda autour d'elle quelques instants. Elle voulut s'approcher d'un sac pour le saisir, mais ses mains tremblaient. De fureur, elle saisit la table et la projeta dans les airs de toutes ses forces. Celle-ci se retourna et s'arrêta à quelques mètres.

« Pas assez... Ce n'est pas assez ! Thimoros ! J'ai besoin de plus de force ! »

Elle s'approcha de la table et la saisit à nouveau pour l'envoyer valdinguer de l'autre côté de la salle. Au bout de quelques essais, les quatre pieds de la table s'étaient brisés et elle vint prendre les sacs pour les remplir de nourriture. Elle ne tremblait plus. Des échardes étaient enfoncées dans la peau de ses pieds et de ses mains, mais ça lui était égal. Elle se sentait vivre... Elle ressortit sans un regard en arrière.

Arrivée devant l'écurie, elle croisa un rapide instant le regard de Calua qui l'évita. Il avait sans doute entendu des signes de son précédent accès de colère. S'il n'avait rien à dire, elle ne l'écouterait pas. S'il avait quelque chose à dire aussi, d'ailleurs. Balançant sans ménagement les sacs à l'arrière de la charrette, elle vint se hisser sur la banquette du conducteur à côté du blondinet et commanda :

« Allons-y. »

« Où ça ? »

Il était vrai que la question était légitime, cependant la petite fille en fut surprise. Qu'avait dit la Shaakt, déjà ?

« Aux ruines... Aux ruines d'Ernest-Or. »

Yurlungur devait bien avouer qu'elle n'avait aucune idée de la localisation de celles-ci. Le rire cristallin du blondinet vint détendre l'atmosphère, bien qu'on le sentît encore légèrement tendu.

« Aux ruines d'Ernerstör, tu veux dire ? C'est proche d'Omyre... Tu es sûre que... »

Le regard de Yurlungur reprit de l'assurance et coupa net Calua. Ce dernier déglutit, tentant un sourire, puis ils se mirent en route.

Suite : ici

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