Plusieurs stratagèmes furent élaborés par Goont, mais aucun ne semblait être suffisamment bon pour lui permettre de fuir sans trop risquer sa vie. Et puisque les trois hommes derrière lui ne pouvaient (et ne voudraient) pas l'aider, il ne pouvait compter que sur son intelligence. Mais sans son encensoir, il n'allait pas pouvoir exploiter autant ses pouvoirs. Il savait qu'il en avait récupéré l'essentiel, mais il n'était vraiment pas sûr de réussir à manipuler la terre aussi bien qu'il le souhaiterait. Il y avait tout de même quelque chose qui l'avantageait dans son malheur. En l'assommant, ses ennemis lui avaient conféré un sommeil forcé, qui avait forcément renouvelé en lui quelques fluides qui lui permettraient de s'en aller un peu plus facilement. Ou tout du moins, "un peu moins difficilement". Toutefois, Hivann ne pouvait se permettre plusieurs essais. Il pouvait tout aussi bien se reposer pour espérer recouvrer une plus grande puissance, mais c'était mettre sa gorge au service de ses trois compagnons d'infortune. Puis il se souvint d'un autre détail qui l'avantageait bien plus que les trois êtres calcinés qui partageaient sa cellule: on le voulait vivant. On voulait le torturer, et de toute évidence, l'éventualité qu'il puisse mourir n'était pas à prendre. Du moins, pas tant qu'il était ici, enfermé. Motivé par cette toute nouvelle idée, il se jeta sur les barreaux et prit la voix d'un pauvre homme abattu. Il marqua tout son désespoir dans chaque syllabe de chaque mot qu'il leur hurlait, comme un chien ayant perdu son maître:
"A manger! suppliait-il. Pitié! J'ai faim! Je vais mourir si je ne mange rien!"
"Ta gueule, le chauve! répondit l'un des soldats d'Oaxaca. On s'occupera de toi plus tard!"
"Si vous ne me donnez rien, j'avale ma langue! Alors vous n'aurez plus personne à offrir à votre Dieu!"
"Foutaises! Tu aurais pu te suicider lorsqu'on t'a cueilli dans la fange! Tu n'as aucune envie de mourir."
"Vous le regretterez en venant vérifier trop tard!"
Derrière lui, le Grand Lamin prenait plaisir à pouffer de rire, persuadé que le stratagème du mage ne fonctionnerait pas. Mais heureusement pour ce dernier, un des soldats se dirigea vers la cellule. Il ne se fit pas prier pour frapper de son poing sur les doigts d'Hivann, enroulés autour des barreaux. Puis il lui jeta quelque chose à travers eux. Il fallut un bon moment au terramancien pour voir ce dont il s'agissait: une espèce de rat embroché sur une tige de métal. Il était hors de question pour lui, Ynorien initié au bon goût, de manger une chose aussi infâme. Mais s'il voulait jouer son rôle jusqu'au bout, et n'attiser aucune méfiance, il allait devoir jouer l'affamé. Ni une, ni deux, il se jeta sur le rat brûlé et y planta les dents profondément. Heureusement pour lui, la cuisson était telle qu'il ne pouvait pas sentir une chair trop tendre ou saignante. Mais il ne put s'empêcher d'étouffer un relent qu'il ravala autant qu'il put. Ses dents traversèrent un peu mieux la créature pour qu'il puisse en sentir les os, les rognons, et finalement, la tige de fer qui résistait solidement à ses assauts. A la fois amusé et dégouté, le Grand Lamin riait bruyamment malgré ses blessures. Le soldat, quant à lui s'en alla en rapportant à son collègue la péripétie gastronomique du vieux mage. Ce dernier en profita pour recracher la chair immonde qui avait violé son palais pour ensuite retirer la longue aiguille. A ce moment, les rires du mercenaire (dont la peau n'était pas loin de ressembler à celle du rat cuit) s'atténuèrent. Même les cris du plus souffrant parmi eux trois s'étaient arrêtés.
Ils comprirent tous que la pointe de métal pouvait être salvatrice selon la manière dont Goont pouvait s'en servir. Crocheter la serrure de sa cellule semblait évident, mais ce n'était pas une notion qu'il possédait. Une dernière fois, il jeta un œil derrière lui, cherchant de l'aide sans oser le dire. Un silence passa, comme il s'en doutait. Il dût alors se résigner à s'en occuper lui-même. Faisant passer ses bras à travers les barreaux, il inséra donc la pointe de métal dans le large verrou. Un verrou suffisamment large pour lui donner l'impression que le mécanisme ne serait pas trop complexe. Et quelle erreur de penser une telle chose! Même si les trois spectateurs retenaient leur souffle, il ne réussissait pas même à sentir ne serait-ce qu'un loquet rester dans sa position. Et cela, même après vingt bonnes minutes à tenter le diable d'une manière totalement hasardeuse. Il aurait vraiment donné n'importe quoi pour avoir de la poudre noire.
"Laisse tomber... T'es aussi condamné que nous!" se moqua le Grand Lamin, ayant étrangement repris une meilleure capacité à s'exprimer.
Résigné et surtout énervé, il en finit en retirant la broche et en la jetant violemment contre le sol. Elle percuta alors les dalles mouillées sans bruit, sans même rebondir. Un simple détail qui jeta le mage lui-même vers l'endroit où l'objet était censé avoir frappé la pierre. C'était là: la tige s'était courbée. Les pointes étaient restées, mais le centre zigzaguait presque. C'était comme si une longue pâte crue que l'on avait réussi à cuir en une seconde. Sauf qu'ici, elle était redevenue aussi dure que le métal dont il s'agissait avant. Un souvenir lui revint alors en tête, comme si cela l'avait subitement frappé, d'un coup.
"La terre glaise..."
C'était son seul moyen de fuite. Il avait certes reprit tout juste assez de fluides en lui, et il voulait les garder pour l'urgence, mais il ne pouvait pas faire autrement. Bravant les rires des deux mercenaires calcinés encore conscients, il s'accrocha de nouveau aux barreaux de la cage et entama une séance de concentration intense. Il n'avait pas utilisé ce sort là de manière accomplie: il avait tout juste réussi à tordre un petit bout de fer. Peut-être pouvait-il encore exploiter un peu de sa magie sans trop s'affaiblir. Effectivement, il ne lui fallut pas attendre les vingt minutes qu'il avait passées à tenter de faire rentrer ce petit bout de fer dans la serrure. Ce n'est qu'en prenant conscience de son effort qu'il se rendit compte que ses fluides l'avaient parcouru pendant tout ce temps. C'était comme sentir des particules de sable jaillir de son cœur et de son cerveau à la place du sang. Comme si tout cela se concentrait dans ses doigts, puis dans ses mains, et ses bras. La Pierre d'Oubli sur son front brillait encore une fois de plus belle. Durant cinq minutes environ, il avait senti le métal des barreaux se dématérialiser de manière progressive. Au terme de ce délai, il avait réussi à transformer le fer en une véritable boue. C'est ainsi qu'il retira deux barreaux qu'il sectionna à la base et au sommet, simplement avec ses doigts. Goont déposa les barreaux au sol et se laissa tomber en arrière, faisant tomber ses paupières. En prenant ce semblant de repos, la matière devint solide de nouveau, et il put même les sentir contre sa jambe. Elles seraient des armes d'une facture bien basse, mais elles l'aiderait au moins pour sa fuite. Puis l'Ynorien ouvrit les yeux.
"Tu croyais quand même pas qu'on allait juste te laisser partir?"
C'était l'un des mercenaires. Ni Lamin, ni même celui qui se plaignait de tant de souffrance. Non, c'était celui qui était resté dans le silence. Celui dont il aurait presque pensé qu'il était mort dans cette cellule. Goont voulut répliquer, mais il eut tout juste le temps d'attraper l'un des barreaux quand que la semelle de l'être calciné venait obscurcir un peu plus sa vue...
--------------------------------------------------------- (((Tentative d'apprentissage du sort RP "Terre Glaise".)))
_________________ Multi de Ziresh et Jôs.
Ser Hivann Goont, Archer-Mage niveau 10.
Dernière édition par Hivann Goont le Mar 18 Sep 2012 22:47, édité 1 fois.
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