Dirigé de Karz :
Désormais sous l’égide de son ange gardien tout de noir vêtu, la fillette paraît avoir repris un peu d’assurance, et ne se dérobe donc plus devant toi, même si tu peux toujours voir que tu lui fais peur, car il ne faut tout de même pas oublier que tu es celui qui a failli tuer cet être auquel elle tient tant. Toi un genou en terre devant l’enfant adorable, une pomme tendue, vous pourriez bien offrir un spectacle des plus touchant s’il n’y avait pas sous vous cette boue infâme dans laquelle vous vous enfoncez à moitié et ces insectes déplaisants qui bourdonnent tout autour de vous… surtout qu’un archer pas très superbement fagoté, on aurait pu trouver mieux comme chevalier secoureur, ainsi que la petite souillon ne fait pas vraiment office de charmante princesse, de même que le corbeau n’a pas l’allure d’un faucon malgré sa dignité.
Quoi qu’il en soit, à l’énoncé du mot « pouvoir », la jeunette baisse les yeux, apparemment honteuse ou apeurée, tandis que son protecteur pousse à ton égard un croassement réprobateur, semblant signifier là que tu as touché du doigt un sujet sensible à ne pas évoquer aussi étourdiment. En ce qui concerne le fruit que tu lui tends, elle la regarde du coin de l’œil avec une tentation évidente qu’explique aisément son ventre maigre et creux sous ses hardes, mais n’ose pas pour autant s’en emparer, se contentant de rester toujours aussi muette en se tordant les mains.
Le volatile prend alors les initiatives, et, approchant à coups d’ailes contrôlés de ta main, prend un morceau de ton offrande d’un bon coup de bec, et revient prendre position sur l’épaule de sa compagne après avoir ainsi rempli sa fonction de goûteur, signifiant son approbation d’un nouveau cri ponctué d’un hochement de tête. A ce signal, la petite humaine se saisit de la pomme avec une avidité qu’elle ne cherche même pas à masquer, et se met à la dévorer sans se poser davantage de questions, mordant à belles dents dans la chair pulpeuse avec une délectation d’affamée.