Tout en m’éloignant progressivement de la maison, je continue de saluer mon ami de la main, jusqu'à ce qu’enfin la maison disparaisse et ces habitants disparaissent de mon champ de vision. Le voyage continue pour moi mais commence tout juste pour le nouveau groupe pour le moins hétéroclite dont je fais maintenant partie. Je ne suis pas certain que les contes et récits épiques en tout genres relatent souvent les aventures d’un archer inexpérimenté, d’une pauvre gamine peu bavarde et d’un corbeau, n’est-ce pas ? Quoiqu’il en soit j’entame ce voyage sereinement et avec la pleine possession de mes moyens. Toute douleur physique a disparue, même celle de la blessure que j’ai encore au…mais attendez une seconde…Je ne sens plus rien ! Je regarde discrètement Lilina, curieux de savoir comment elle s’y est prise pour soigner ma plaie sans que je ne m’en rendre compte, impressionnant, décidément cette enfant est tout bonnement impressionnante. En observant la petite tête blonde qui voyage à mes côtés, je me rends compte qu’elle fait preuve d’une détermination incroyable, fixant le chemin qui s’offre à elle d’un regard assuré et confiant tout comme sa démarche. Rien ne semble pouvoir altérer l’état d’esprit de Lilina qui semble avoir « rendez-vous avec son destin ». Enfin je vous dis ça, mais je ne suis pas un expert en psychologie, encore moins quand il s’agit d’enfant. Malheureusement pour vous je ne fais pas non plus dans la psychologie animale, surtout quand l’animal en question semble plus intelligent que certains humains. Le regard de Nevol est pour moi aussi indéchiffrable qu’un texte elfique, je peux juste vous dire qu’il semble faire preuve d’une certaine vigilance, s’envolant de temps en temps, probablement pour vérifier qu’il n’y a aucun danger plus loin et…bah justement le voilà qui s’envole ! Je me retrouve donc seul avec Lilina, attendant le retour de l’oiseau et marchant dans un silence perturbé uniquement par le bruit des sabot de Lilina, ainsi que par celui des deux misérables flèches restantes dans mon carquois, bougeant logiquement à chacun de mes pas. Mais soudain le bruissement d’ailes signifiant le retour de Nevol vient s’ajouter à la rumeur de notre marche. Le corbeau se pose délicatement sur l’épaule de Lilina et émet un petit cri étrange, petit cri dont Lilina semble immédiatement saisir le sens, car sont expression change très légèrement, je ne sais pas ce que cela présage, mais quelque chose va arriver, c’est certain.
Et pour confirmer mes dires, une rumeur lointaine se fait entendre, mélange de multiples bruits de pas et de cliquetis métallique qui nous indique, si je me fis à mon ouïe un petit groupe d’homme, probablement des soldats en armures, va croiser notre route. Le groupe marchant en sens inverse est maintenant assez proche pour que je puisse vous le décrire…quoique je n’aime pas vraiment ça…oubliez, qui se soucis du physique de ces hommes armés jusqu’aux dents ! Pour l’instant je me demande juste quelles réactions ils vont avoir en nous croisant…bah du moment qu’ils sont pacifique peu m’importe. Les six hommes…parce que je crois avoir oublier de préciser qu’ils étaient six non ?...enfin bref, les six hommes semblent s’amuser de notre présence sur cette route. L’un d’entre eux y va même de sa petite réplique cinglante, suivie d’un rire tonitruant comme les hommes de sa stature savent si bien le faire.
« Dit petite ! Tu ne préfèrerais pas avoir un garde du corps mieux bâtis ?! Bwahahah… »
L’éclat de rire est suivis par trois des autres hommes…je sais, je sais, vous allez me dire trois plus un ça fait quatre, mais j’y viens ! En effet seul quatre hommes éclatent de rire ! L’un d’eux semble obnubiler par Nevol qui ne le regarde pas avec le regard le plus complaisant qui soit (Je sais d’expérience que ce genre de regard n’est pas des plus agréable !). Le dernier quant à lui est juste, comment dire…on dirait qu’il éprouve du dédain aussi bien pour ces compagnons que pour nous. Etrange, il n’a pourtant pas les oreilles pointues, parce que cet air hautain et généralement l’apanage des elfes et ces yeux…ces yeux suintent la malhonnêteté et la fourberie, une chose est certaine, cet homme ne m’inspire pas confiance et apparemment Nevol et son aptitude à cerner les gens est de mon avis.
Enfin peu importe, le groupe est maintenant derrière nous, mais personne ne m’ôtera l’impression que je recroiserai l’homme hautain…appelons le…euh…Le Fourbe ça facilitera les choses. Lilina retrouve l’expression qu’elle arborait avant l’arrivée des mercenaires, comme si voir du monde l’effrayait, ce qui peut se comprendre, mais qu’en sera-t-il quand nous serons arrivés à Tulorim ? Je ne pense pas que l’on puisse continuer comme ça éternellement, quatre jours au minimum à marcher dans ce silence monastique, Lilina « angoissant » à chaque fois que l’on croise quelqu’un, je dois faire quelque chose…du moins je peux essayer non ? Mouais je vais essayer…
« Dit Lily ! »
Un surnom de ce genre c’est pas mal pour briser la glace vous trouver pas ? Du moins j’escompte que ça aura un certain effet…souhaitons le positif !
« Que tu ne me fasse pas entièrement confiance je le comprends, j’ai pas très bien agi envers toi, mais…ne pense tu pas que l’on pourrait être amis ?! Ou du moins se parler un peu ? Sinon le voyage risque d’être long tu ne pense pas ? »
La réponse se fait simple, directe et sans aucune méchanceté tel une innocente phrase d’enfant…mais une seconde c’est une enfant…je devrais peut-être faire attention à ce que je dis si je ne veux pas que vous me considériez comme un idiot…je suis le héros de l’histoire qui se déroule tout de même.
« On se connaît depuis même pas une journée. Ce serait un peu tôt pour dire qu'on est amis, non ? »
Comme le dis le proverbe « la vérité sort de la bouche des enfants », en voilà la preuve par A+B. Mais elle ne s’arrête pas là et répond immédiatement à mon autres question…c’est que comme à mon habitude je n’ai pas posé une seule question mais une montagne !
« Pour ce qui est de se parler, je veux bien moi, mais... »
Elle s’interrompt un court instant comme si elle pesait un à un les mots qui allaient sortir de sa bouche avant de finir sur le même ton.
« ...c'est juste que je vois pas quoi vous dire. »
Elle marque un point là…une chose est sur je n’ai pas utiliser les mot appropriés encore une fois et je vais encore une fois trouver quelque chose pour rattraper le coup, mais pas tout de suite. Pour le moment, une forme d’excuse prononcée de la meilleure manière qui soit fera l’affaire.
« Tu as raison, ami est un bien grand mot…enfin… »
Et voilà je perds mes moyens…vous me trouvez ridicule ? C’est possible, mais pour ma défense je peux vous dire que je n’ai pas côtoyé d’enfants depuis un certain temps et que depuis que ma petite sœur n’est plus près de moi, j’ai perdu mon savoir faire avec les êtres humains de moins de quinze ans. Notre route se poursuis donc sans qu’un mot ne sois prononcé, Lilina parce qu’elle ne sait pas quoi dire et moi parce que je ne sais plus quoi dire. Mais le silence ne durera pas longtemps puisque un autre groupe de personne croise notre route, bien différent du groupe de mercenaires. Deux hommes et une femme, habillés tout trois d’une robe d’un vert profond. Deux hommes et une femme à la démarche calme et posé, chaque pas empreint d’une grâce profonde. Deux hommes et une femme qui respirent la bonté et la sagesse. Le simple fait de poser mon regard sur leurs nobles personnes me donne l’impression d’être plus…c’est indescriptible, tant ces trois personnes rayonnent de sagesse. Je m’arrête malgré moi de marcher, restant béat devant le groupe qui s’avance vers nous et nous salue avec déférence. L’homme qui prend la parole semble être le meneur du groupe, sa voix grave et solennelle me donne des frissons et si vous pouviez l’entendre vous réagiriez sûrement de la même façon…qui que vous soyez.
« Bonjour nobles voyageur ! » puis il pose sont regard profond sur Lilina qui se semble toute penaude face à lui, avant d’ajouter avec un sourire «.et voyageuse. »
« Que la sagesse de Rana vous accompagne dans votre périple et que c’est vent vous guides sur le bon chemin. »
Les paroles de l’homme, pleines de bonté, parviennent à mes oreilles aussi délicatement que le premier flocon de l’hiver se pose sur le sol. Ce sont donc des Ranaïstes…je comprends mieux. Ces trois religieux m’inspirent plus confiance que le groupe de mercenaire et je décide de prendre sur moi et de leur poser une ou deux question…en essayant de les poser une par une cette fois-ci.
« Euh…excusez moi, vous venez de Tulorim ? »
« C’est exact. »
La réponse était courte, mais faut-il vraiment en dire plus. Pour décrire l’homme qui devient mon interlocuteur, trois mot suffise : Sagesse, Bonté, Simplicité. Quoi de plus simple qu’une réponse de deux mots sans phrases alambiquées ? Je vous le demande.
« Avez-vous rencontrer des soucis durant votre voyage ? Brigands ? Bêtes sauvages ? »
« Notre voyage c’est passé sans encombres et il devrait en être de même pour vous.»
« Merci »
Je m’incline respectueusement et à mon plus grand étonnement les Ranaïstes en font de même. Lilina qui était restée discrète et semble-t-il admirative, s’y met aussi. Les adieux se font de manière tacite et chacun pour suit sa route sans grand changement…quoique une telle rencontre n’est pas anodine dans la vie d’un pauvre archer ignorant comme moi. Je me remémorerais ce moment chaque fois que je manquerais de sagesse ou que mon jugement sera obscurci par la colère…calme et simplicité, voilà ce qu’il me reste de cette rencontre. Je me demande ce qu’en pense Lilina, elle qui est rester si calme pendant la rencontre. Cette fois-ci je vais faire en sorte de bien choisir mes mots…euh…Ah ça y’est !
« Impressionnant n’est-ce pas ? »
Mais c’est que je viens de faire preuve d’éloquence là…franchement j’aurais sûrement pu trouver mieux…enfin c’est pas comme si je pouvais ravaler mes mots et recommencer, advienne que pourra !
« Ce sont des gens sages. »
On dirait bien que la rencontre a marqué Lily plus que je ne le pensais et c’est avec cette réponse courte, précise et lourde de sens qu’elle me le fait comprendre. Comment reprendre la parole après une telle réponse, c’est impossible, je peux juste marcher en silence, en réfléchissant aux paroles d’une enfant… Les pas s’enchaînent, les minutes s’écoulent et le soleil descend petit à petit vers l’horizon… d’après sa position nous sommes en milieu d’après midi…nous marchons donc depuis une petite heure tout au plus. Je continue d’un bon train quand je remarque que Lily ralentit, apparemment déjà sujette à la fatigue. Il faut dire qu’avec ces petites jambes et sa faible stature, elle doit s’épuiser vite…peut-être devrions nous faire une pause. Comme pour me prévenir, Nevol pousse un cri qui pourrais presque s’apparenté à un reproche…tiens je parle le corbeau moi maintenant ! Enfin quoiqu’il en soit, je ne peux m’empêcher de laisser s’échapper un « Je sais, je sais ! » avant de m’écarter du chemin pour m’asseoir sur un rocher qui se gisait là sur le bord de la route. Je pose le baluchon de provision à terre et montre à Lily un endroit ou elle peut s’asseoir. Je ne me sens pas fatigué, mais je comprends tout à fait que Lilina le soit et c’est sans aucun ressenti que je fais halte. Nous devrons repartir rapidement, j’aimerai avancer un peu encore avant que la nuit ne tombe.
« Nous repartirons quand tu te sentiras reposée, Si tu as faim sert toi…Nevol aussi. »
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Car celui qui aujourd'hui répand son sang avec le mien,sera mon frère. - William Shakespeare
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