J'écoutai attentivement Isulka qui m'expliqua son point de vue en alliant ma proposition de ramener l'otage à son bien aimé. Elle poursuivit en voulant faire partir le cheval seul avec la charrette afin de faire suivre à nos potentiels poursuivants une fausse piste pendant que notre véritable avancée serait dans la forêt. J'acquiesçai de cette très bonne idée selon moi. Nous devrons nous y prendre tôt demain matin pour ne pas risquer, si bien sûr nous étions déjà poursuivie par une quelconque menace.

Elle ajouta également que nous devrions prévenir le duc de l'enlèvement de sa fille par le comte, afin d'envenimer les choses entre eux et de nous laisser également une chance pour nous de sortir indemne. Curieusement, cette femme avait véritablement de la suite dans les idées. Je fus relativement fière d'être avec une personne aussi machiavélique.

"Tout ceci me semble être une bonne idée, mais comment allons-nous faire pour prévenir son père, monsieur le duc ?"

Je m'arrêtai un instant pour me retourner vers la jeune fille. Nous étions certes pas très délicates avec elle, son corps encore dans la caisse, elle n'avait aucune façon de bouger avec toutes les cordes entremêlées sur elle.

"Peut-être devrions-nous la sortir de là. Peut-être pas la détacher totalement, après tout il ne faut pas qu'elle s'enfuit, mais la mettre un peu plus à l'aise la fille de duc."

La nuit recouvrait peu à peu le ciel de son manteau étoilé face à l'astre du jour qui, s'inclinait dans des couleurs de rouges et de roses lumineux.

Aglaeka me demanda, à juste titre, comment prévenir le père. Il est vrai, ce n'était pas facile. Et je n'avais aucun sortilège permettant une telle prouesse. L'idée devait donc attendre plus tard, et servirait plus à couvrir notre fuite que dans l'immédiat. La fille de Selhinae me commenta aussi l'état d'Hildegarde. Ce ne serait pas un mal que de la détacher un peu, ou du moins la sortir de la boîte.

"Oui, de toute façon elle n'ira pas bien loin."

Je m'approchai alors de la caisse, et demandai de l'aide à Aglaeka pour tirer la jeune fille hors de sa prison de bois. L'avantage, c'est qu'elle ne se sentirait pas à l'étroit dans la boîte à sapin maintenant.

"Si on te détache, tu ne vas pas t'amuser à aller crapahuter dehors, n'est-ce pas?
-Non je vous le promets.
-Très bien, ne bouge pas, ça coupe."

Je sectionnai les liens solides, et bientôt la gamine fut libre.

"Merci, je vous remercie de tout mon cœur.
-Ce n'est pas pour toi, juste pour l'argent." mentis-je. Cela eut l'effet de calmer ses ardeurs.

"Tu veux manger quelque chose? C'est pas aussi bon qu'un cochon grillé mais ça te fera sûrement du bien."

Je lui jetai une miche de pain. Mine de rien la gamine ne s'était pas confondue en larmes et restait relativement maîtresse d'elle-même. C'était une peste mais elle avait du cran. Elle se jeta sur la nourriture, avalant un peu plus de nos déjà frugales portions. Un peu de vin, et elle sembla aller beaucoup mieux.

"Bon, je sens que je vais devoir dormir un peu. Je pense qu'il vaut mieux faire des tours de garde. Aglaeka, tu prends le premier et je prends le second? Et pas de blague, réveille moi à mi-nuit, faut que je travaille un peu mes sortilèges, au cas où les choses se gâtent.
-Vous êtes magicienne?
-Mageresse, oui.
-Mageresse? Je connais pas.
-Et bien magicienne c'est le féminin de magicien, mais ces idiots d'académiciens ils ont pas été fichus de trouver un féminin à mage. Alors moi je dis: mageresse. Ou sorcière aussi, c'est tout comme sauf que ça fiche les jetons, du coup en public j'évite.
-Moi aussi je pratique les arts occultes.
-Et bien parfait, tu pourras m'aider. En attendant, vas roupiller. Bonne nuit Aglaeka, et désolée de t'avoir entrainée là-dedans. Promis on va arranger ça.
-Non mais je ne suis point fatiguée. Comment vous êtes-vous connues? Et pourquoi travaillez-vous pour le vil comte? Et..."

Voyant que je faisais un signe de la main avant de me blottir sous une couverture humide, la gamine s'en prit à ma comparse, la pourfendant de questions...

Avec mon aide, la mageresse et moi-même soulevâmes la jeune femme blonde afin de lui procurer un espace plus large qu'une simple caisse de bois d'à peine sa taille. Isulka détacha la jeune demoiselle qui jura de ne pas s'enfuir ou de nous importuner. A l'aide d'un couteau elle détacha donc les derniers liens qui l'a tenait prisonnière.

Quand sa libération fut faite, ma coéquipière donna généreusement une miche de pain à la jeune demoiselle qui n'avait pas du mangée depuis longtemps vu la vitesse à laquelle elle avait engloutie le morceau. S'ensuit une conversation sur la magie et la différence qu'il y avait encore magicienne et mageresse. J'écoutai simplement les commentaires d'Isulka, la voix presque sur aiguë de la jeune femme me devait mal aux oreilles.

Quand Isulka partie dormir, elle me laissa seule avec Hildegarde qui se dépêcha de me poser toutes sortes de questions :
« Comment vous êtes-vous connues ? Comment vous nommez-vous ? D'où venez vous ? »

Je l'a stoppée de la main afin que son flot de parole se calme un instant. Elle s'arrêta au bout de quelques instants, la bouche encore à demi ouverte, comme si elle était en plein milieu d'un discours. N'attendait-elle pas de réponses ?

« Bon je vais répondre aux premières questions. Nous nous sommes connues dans la ville de Tulorim. Je me nomme Aglaeka. Et sais-tu qu'il est très mal poli de poser tout un tas de questions sans laisser l'autre personne y répondre. »

Elle me regardait avec une sorte d'étonnement et d'interrogation. Je l'observai un instant et me mis à mon tour à lui poser des questions sur ce Capitaine Brassort.

« Comment as-tu connue le Capitaine dont tu nous as parlé il y a peu ? Et d'où viens-tu ? »

D'un grand sourire elle se mit à me répondre, vu son attitude, je me doutai bien qu'elle se sentait flattée que nous inconnus et elle, anciennement otage ou colis, nous nous intéressâmes ou plutôt je m'intéressai à son cas.

« Et bien Le Grand Capitaine Brassort s'est présenté à moi lors d'un bal costumé faite pour une oeuvre de charité dans la ville de Tulorim où je réside principalement. »

Après nous être passées la balle plusieurs fois au jeux des questions-réponses, j'eus la bonne idée de la lancée sur un sujet silencieux et qui semblait la passionnée énormément : La magie. Malgré le fait que mes oreilles ne s'étaient pas totalement portées sur sa voix quand elle eut sa conversation avec Isulka, mon inconscient avait emmagasiné ce détail stratégique pour la suite. Elle me montra alors avec fierté ses effets de lumières et passe-passe. Ce ne fut pas extraordinaire, mais peut-être que pour une débutante ceci était déjà un grand pas.

Quand j'estimai que le temps fut passé et qu'il était temps pour moi de dormir quelque peu, je réveillai en douceur la mageresse.

« Isulka … Isulkaaa! »

Sa main avait émie une sorte de décharge protectrice, qui ma fit reculer de plusieurs pas. Il m'avait peut-être effrayé et quelque peu blessé mais cet accident avait eu également effet de me réveiller.

« Que s'est-il donc passé ? »

Encore la voix de la jeune blonde qui résonnait dans ma tête ...

Je sentis plusieurs fois dans la nuit une résonance avec ma propre magie, quelque chose de léger mais agréable. Cela me berça presque, et je ne rêvais que peu de notre ignoble et prochaine mort. C'est d'ailleurs alors que le bourreau me prenait par l'épaule que je me réveillai, la main crispé et légèrement bleutée. Un regard autour, et je vis Aglaeka à quelques pas. j'avais sûrement failli l'électrocuter pendant mon sommeil. Je lui fis signe que ça allait, et lentement me levai.

J'étais assez épuisée, mais il me fallait travailler ma magie. Si nous voulions survivre, mieux valait que je travaille assidument. Ce n'était peut-être pas grand chose, mais cela pouvait faire la différence entre la vie et la mort. Et puis j'étais une sorcière après tout, et je me vendais comme telle. C'était impensable à quel point j'avais laissé les arts de côté.

"Vous allez travailler les arts occultes?"

Oui, de la magie, tranquillement, au calme. Pas avec une mioche dans les pattes. Nous aurions vraiment du l'égorger. Je fis un sourire complice à Aglaeka alors qu'elle allait se chercher un repos bien mérité.

"Répondez moi!
-Oui je vais travailler ma magie.
-Je peux regarder comment vous vous y prenez?
-C'est vrai que tu pratique aussi?
-Oui tout à fait.
-Quelle voie?
-Celle de la lumière.
-Très bien. Bon, ce que l'on va faire c'est que tu vas t'asseoir là, et je vais me mettre en face de toi. Il y a un sortilège que je n'ai pas lancé depuis un long moment et j'ai perdu la main. Tu veux bien m'aider à le contrôler de nouveau?
-Oui ce serait avec plaisir."

J'allai chercher une craie, et quelques herbes. Elle m'épargna en ne me demandant pas de quoi il s'agissait. Cela faisait un moment qu'il n'y avait plus de feu et qu'une maigre lampe à huile nous éclairait. Donc l'infusion chaude n'était pas pour ce soir, mais un peu de macération et cela ferait à peu près l'affaire. Je plaçai donc les herbes dans la tasse en terre cuite remplie d'eau et d'un peu d'alcool:

"Des graines de coriandre pour augmenter la concentration mystique, pas en trop grosse quantité sinon ça fait planer. Un peu de laurier, pas grand chose, vu le prix. Quelques feuilles de bouleau, pour que la femme soit en accord avec la magie. C'est aussi utilisable pour un homme, mais moins efficace. A moins qu'il ne soit bougre. Passons. Et enfin des racines de chiendent. Très attention avec ça, c'est une plante puissante et très utile pour les philtres d'amour.
-Vous vous y connaissez beaucoup...
-Faut bien, on s'improvise pas mageresse, si?"

Je laissai macérer quelques minutes la mixture, en profitant pour tracer sur le sol un arbre de vie.

"Qu'est-ce que c'est?
-On appelle cela les sefirots. Tu vois, les cercles sont placés sur trois colonnes. Celle de la miséricorde, celle de la rigueur et celle de la conscience. Pour ce que je veux faire, nous travaillerons sur la colonne de gauche. Celle de la rigueur. A chacun de trouver sa branche. Et il n'est pas nécessaire de rester sur une seule d'entre elles.
-A quoi cela sert-il?
-C'est un guide spirituel. Si tu veux je te conseillerai quelques bouquins là-dessus. On les trouve pas partout. Tu sais lire?
-Oui, un peu.
-C'est important pour les arts occultes. Si tu ne comprends pas un mot, tu peux faire foirer une invocation. Crois moi j'ai déjà fait le coup une fois, et c'était une catastrophe. Bon, tu te mets là, à la base de l'arbre. Pour le sefirot Hod. Tu es la base, le lien entre la magie et la toile de la réalité. Concrètement je pourrais m'appuyer sur toi pour trouver l'essence de mon sort et le canaliser. moi je me place en face, à Binah. Le centre féminin de la magie."

Une fois ainsi placée, je lui tendis un peu du breuvage. J'en pris moi même et versai le fond sur les symboles. Je pris aussi de l'or, 30yus, que je mis au centre.

"Pourquoi ça?
-C'est un coût mystique. La valeur n'a pas vraiment d'importance, c'est ce que cela représente pour toi qui compte. Je mets 30 yus parce que ma bourse est vide et cela représente beaucoup. Un monarque devra y mettre une province ou une armée pour que cela fonctionne."

Je tendis alors les mains vers la jeune fille, qui les saisit. J'avais finalement trouvé un lien entre nous, elle paraissait vraiment intéressée et motivée par la connaissance magique. Tant mieux, elle m'aiderait à mieux me concentrer.

"Maintenant tu vas méditer avec moi. Tu vas imaginer ton énergie, lumière, passant de tes mains, de Hod, aux miennes par Geburah le gardien.
-Geburah?
-Le sefirot du milieu. Le gardien, le masculin. C'est lui qui prendra les pièces, car dans ce monde on ne peut jamais rien espérer sans don. Sans sacrifice. Geburah s'assure que l'échange soit. Ceux qui l'ignorent payent le prix fort. Mais tu te souviens, je suis Binah. Ton énergie passera par moi, et je la relâcherai dans mon corps, la transmutant en pure électricité. Quand elle passera par mes mains de nouveaux, et par mon bâton, alors le sort sera en moi.
-C'est prodigieux. Où avaient vous appris tout cela? On ne m'a jamais éduqué ainsi sur la voie.
-J'ai eu une enfance... particulière. Tu es prête?
-Prête."

Nous restâmes un moment, les mains dans les mains alors que la flamme de la lampe se débattait difficilement pour rester en vie. Lentement cependant Hildegarde se mit à luire. D'abord très faiblement, puis de plus en plus intensément. Son aura se fit magie, alors que la lumière se dirigeait vers ses bras tendus, tel en flot magnifique. Quand la lumière arriva au dessus de Geburah, les pièces émirent un crissement sinistre. Puis tout contrôle fut perdu.

L'énergie se propulsa vers moi, m'emplissant le corps et le cœur alors que toute entière je respirais la foudre. Cela s'emmagasina en moi pendant un long moment, moment étincelant où je ne me sentais plus qu'une avec la force de la vie. Avec la force de la magie pure...

J'ouvris les yeux, en même temps que l'apprentie mageresse. Le savoir s'était infusé en moi, avec force et volupté. Je souris, profondément heureuse de cette fusion. Puis je libérai l'énergie. Ce fut un déferlement, bien plus puissant que toute activité sexuelle. La pièce se remplit d'arcs bleutés, tourbillonnant et semblant danser. La lampe s'éteignit et le verre autour d'elle explosa. Partout des déchirements orageux, épargnant seulement les êtres humaines que nous étions. Toutes les trois.

Hildegarde semblait elle-aussi prise d'ivresse, et d'épuisement. Elle souriait, contemplant les milliers d'éclairs qui volaient dans la pièce, fusionnant et éclatant. L'énergie finit cependant par se calmer.

Je me sentais complétement vidée, éreintée, épuisée. Mais j'avais eu accès à une infime partie du Savoir, et j'avais pu garder la mémoire de deux sortilèges précis. Je ne savais pas si cela m'aiderait par le futur, mais qui vivra verra. Au moins j'avais enfin travaillé ma magie. Il faudrait que je m'y mette plus régulièrement si je voulais vraiment progresser.

Je fermai finalement les yeux, sans faire plus attention au tour de garde ou à la fille du duc. De toute façon elle était probablement dans le même état de fatigue psychique. Les rêves ne vinrent pas cette fois-ci.

(Apprentissage de atmosphère orageuse et flash perturbant)

Je tanguais dans une étrange embarcation, la pluie battait et le ciel déchaînait sa colère par des orages venant de partout. Ils ne me touchaient pas tous, mais tous me faisait ressentir une désagréable démangeaison se manifestait quand l'un d'eux me touchaient ou me frôlaient.

Je voguais sur les flots, l'esprit endormi pendant que mon corps continuait de progresser dans cet immensité sombre. Où suis-je ? Qu'est-ce qui m'a amené ici ? Pourquoi suis-je ici ? Toutes ces questions s'entremêlaient dans ma tête et aucune réponse ne sortait de mon esprit. Vagabond.

Après la tempête, le calme …

L'immensité de ce lieu s'éclaira peu à peu pour ne me montrer que l'océan, à perte de vue tout autour de moi, mon corps tranquillement transporté dans un fut de vin à destination de Kendra Kâr. Je m'interrogeai sur cette ville qui m'était inconnue.

Le soleil apparut dans les airs, prenant une place de plus en plus importante, voire trop grande. Cette grosse boule jaune avait dévorer la moitié du ciel de ses milles feux et bientôt ma vue ne put percevoir qu'un flash blanc.



C'est alors que je sursautai de ma place. Cet effet de tomber dans le vide m'était extrêmement désagréable. Avant d'ouvrir mes yeux, je me laissai repenser au rêve, ce curieux lieu et cette ville dont venait cette fille du duc.

Quand j'ouvris les yeux, je vis un peu plus loin les corps des deux personnes qui faisait partis de cette aventure. Je crus d'abord à une attaque, chose tout à fait absurde puisque j'étais encore vivante et soupirai vite de soulagement en apercevant les ventres des deux femmes s'élever et se rebaisser, signe de vie. Aucune lumière à part le doux éclat du jour me fis remarquer que le verre de la lampe à l'huile était brisé, peut-être sous une demande bien trop forte de notre part.

Je m'habillai, récupérant mes vêtements pratiquement secs de la veille et m'occupai de réveiller Isulka et la jeune blonde. Après les avoir bousculés, elles se réveillèrent rapidement. Aucun évènement particulier quand ce fut au tour d'Isulka.

Pendant que la mageresse s'affairait une nouvelle fois au premier repas de la journée, je m'empressai de m'occuper de l'animal. Tranquillement attaché près de l'arbre, il avait mangé tout le foin que je lui avais fournis et avait renversé sur le côté le sceau d'eau. Je soupirai, mais me ravisai rapidement en voyant les grands bruns de la bête intelligente.

Après m'être occupée de son bien-être, je l'harnachai un nouvelle fois afin d'accrocher la charrette derrière lui pour préparer notre plan. Le crépuscule venait peu à peu prendre sa place dans l'immensité du ciel. Je repensai à mon rêve si particulier, avait-il une signification ?

Je remontai dans la cabane afin de voir si tout le monde était prêt. La jeune demoiselle comme à son habitude continuait de parler. Peut-être se calmera-t-elle aux côtés de son bien-aimé.

"Le cheval est prêt à partir de son côté. Il faut manger rapidement, le jour est déjà bien trop entamé, n'est-ce pas Isulka ?"

Je fus finalement arrachée de ma nuit par Aglaeka. Il ne fallut pas longtemps pour que je comprenne que je l'avais complétement laissée tomber. J'étais censée certes faire de la magie, mais aussi faire le guet. Et là dessus je m'étais un peu laissée aller. Aglaeka ne me laissa pas le temps de m'excuser, partant déjà s'occuper du cheval.

Je me levai donc très rapidement et préparai un peu à manger. Avec la gamine, que je commençais à apprécier, cela faisait assez léger. Mais c'était déjà ça, et nous n'en étions pas (encore) arrivée à manger de vieux biscuits.

"Dîtes Isulka, vous pouvez me montrer comment vous avez fait pour les sefirots? Et qu'est-ce que vous avez retiré de l'expérience? Quant à moi cela m'a complétement éreintée. Je n'avais que rarement été aussi fatiguée, même lors de mes leçons d'équitation. Et cela n'est pas peu dire lorsque l'on connait mon précepteur, Monsieur Agore. Ce serait un démon de Thimoros que cela ne m'étonnerait guère. Et les sefirots ne fonctionnent qu'avec la foudre? Et..."

A cet instant précis je regrettai de ne pas avoir été aussi assidue que ça aux enseignements de méditation et d'isolement mental. Je trouvais ça trop ennuyeux, mais à cet instant précis c'eut été vital.

"Et vous avez toujours du chiendent? Vous savez pour le capita...
-Mange un peu, je vais m'occuper du canasson. Aglaeka est sûrement une pro, mais rien en pousse autant une bestiole à courir qu'une bonne décharge.
-Puis-je vous acc...
-Non. mange."

Elle eut une mine déçue. Elle avait probablement l'habitude que tous les petits serviteurs de mademoiselle l'écoute sans broncher pendant des heures. Mais on ne me payait pas pour ça. On ne me payait pas du tout d'ailleurs. Et puis je me fatiguais déjà toute seule parfois, alors là c'était le chignon.

Je croisai Aglaeka, qui me signifia, toujours égale à elle-même, que la monture était prête. Sans râler, ni rien, juste en disant qu'il fallait se dépêcher. Elle était peut-être une fanatique psychopathe du clan des coupe-noix, mais en tout cas elle était agréable à vivre. Une perle.

"Super Aglaeka. Tu assure vraiment, et je suis trop contente de travailler avec toi, même si c'est la mouise. Il y a une miche de pain pour toi, je fais fuir le canasson pendant que tu manges."

Je lui souris avant de sortir. La pauvre bête regardait la route. J'étais pas une grande sentimentale avec les quatre-pattes, aussi sans prévenir je laissai le courant venir dans ma main avant de lui roussir l'arrière-train. Le cheval poussa un hennissement tonitruant avant de partir à toutes enjambées. Prise d'un doute je vérifiai si c'était la bonne direction. Ouf, oui...

Je rentrai alors, me changeant rapidement avec mes vêtements à peu près secs maintenant. Je pris ma miche de pain, tout en parlant à Aglaeka:

"On t'a pas trop gênée cette nuit? Y a eu quelques éclairs un peu partout. t'as qu'à voir sur les murs, les tâches noires c'est nous.
-Oh oui, celà filait dans tous les sens. C'était exceptionnel et
-Tais toi Hildegarde. On parle entre adultes.
-Mais... mais...
-En tout cas désolée pour le dérangement. Et pour le tour de garde raté. Mais au moins j'ai de quoi faire si des vilains s'en prennent à nous. Ce sera probablement pas l'apocalypse, mais c'est un bon début. On y va?" finis-je en avalant ma miche de pain et me rinçant le gosier d'un trait de piquette.

Isulka me complimenta sur ma façon d'être et me rappela une nouvelle fois qu'elle était très contente que je fasse partie de cette péripétie avec elle. La mageresse me désigna ensuite une miche de pain sur un sac bien en évidence. Je m'installai en tailleur sur le sol sec et poussiéreux pendant que ma coéquipière s'attelait à faire fuir le cheval dans la direction de Exech.

Hildegarde restait à peu près calme à mes côtés, se contentant de finir un reste de nourriture qui traînait sur le côté, son esprit et son regard absorbés dans ses pensées.

Quand j'eus fini mon maigre repas, Isulka revint dans l'habitat, se changea rapidement pendant que je rassemblait les dernières affaires éparpillées. Ma compagne aux cheveux roux s'excusa quelque peu en m'expliquant qu'il y avait eu des éclairs un peu partout. Je l'a regardai l'air interloquée et l'a laissai finir. Peut-être que finalement ce rêve n'est pas si inexplicable que cela ...

Nous sortîmes toutes les trois. Je jetai un dernier regard dans l'habitation de bois qui nous avais recueillis pendant la nuit et remarquai des traces de noirs un peu partout sur les murs et le plafond. Curieux ...

Le soleil s'était imposé de plus en plus, les nuages et les pluies à la limite de la tempête s'étaient dissipés pendant la nuit, sans que je ne m'en aperçoives. Je me rapprochai d'Isulka afin de lui faire part de ma version de la soirée d'éclairs.

"Isulka, j'ai bien entendu et sentis vos éclairs, d'ailleurs il faudra m'expliquer pourquoi il y avait ces éclairs ... D'ailleurs en parlant de cela, je crois que c'est vous qui avez causé les traces de brûlures un peu partout dans la cabane."

Nous progressâmes dans une légère forêt qui n'en n'était pas vraiment une, mais plutôt une sorte de mini bosquet aux arbres touffus.

"Quand arrivons-nous ? Mes chaussures m'irritent !
- Si nous avançons bien à la tombée de la nuit nous serons là-bas, n'est-ce pas Isulka ?"

Voilà que la demoiselle était repartie de plus belle, elle qui s'était tenue pourtant une seconde si tranquille, progressant avec nous rapidement, les yeux rivés sur les alentours. Un bruit de hiboux me fit me redresser un peu plus loin, j'étais décidément bien trop sur mes gardes.

Par rapport à la route, nous étions parallèles et assez éloignés pour ne pas être repérés, mais assez près pour apercevoir les voyageurs et nos potentiels poursuiveurs.
Après plus d'une heure de marche entre les quelques herbes et arbres qui nous préservaient d'être vu, je perçus des bruits de chevaux galopant sur la surface dure du petit chemin en direction de Exech, autrement dit notre direction.

"Ça doit être pour nous ça." Déclarais-je discrètement en direction d'Isulka.

Nous nous dépêchâmes et finîmes par sortir de la petite cabane. Hildegarde avait enfin fini par fermé son petit claquet, et ça faisait du bien. Je remarquai même que le temps s'était calmé. Il faut dire qu'avec le raffut de la nuit, je n'avais pas trop prêté attention à l'extérieur.

Aglaeka me demanda tout de même à quoi rimait tout cette histoire d'éclairs. Je lui fis un topo rapide sur la façon de se connecter avec le Savoir. Version vulgaire bien entendu. Nous nous enfonçâmes dans un bois plus qu'une forêt, au sol complétement détrempé. J'étais heureuse d'avoir de bonnes bottes de voyage, qu'il faudrait sacrément décrotter une fois en ville.

La gamine se plaignit, demandant quand nous arrivions. Aglaeka répondit, optimiste, que pour la nuit nous y serions. Très probablement, mais pas à la tombée de celle-ci... La pauvre Hildegarde s'enfonçait à mi mollet dans la fange, elle qui ne portait que des petites chaussures et une robe de princesse. J'eus un peu mal au cœur, autant pour la gosse que pour les fringues qui valaient une petite fortune.

C'est ainsi que nous progressions, tant bien que mal, dans ce qui n'aurait été normalement qu'un petit bois calme. J'essayais de diriger au mieux mes compagnes d'aventure au mieux, en évitant les petits cours d'eau. On ne savait jamais quand on pouvait tomber sur des noyeurs. Et là une robe de bal ne pardonnait pas. Éviter aussi les plantes anthropophages, elles sortaient avec ce genre de temps. Toutes ces petites choses auxquelles des aventuriers inexpérimentés ne pensent pas forcément.

Par chance, ou plutôt grâce à mon indéniable talent, nous ne croisâmes aucune sale bête. Même pas le moindre sanglier, déjà suffisamment dangereux à lui seul. Aglaeka entendit la première le bruit de chevaux, et nous nous baissâmes. Hildegarde fut réticente mais je l'entrainai avec nous. Boue 1 - Robe 0.

La guerrière pensait que c'était nos hommes. Probablement oui.

"Hildegarde, essaye de voir quel blason ils portent." murmurai-je. La gamine leva un peu son nez, attendant que la troupe passe. Et une troupe plutôt conséquente. Je comptais six gus. Et pas des mercenaires ou des brigands. Non, des hommes en armure de fer uniforme, appartenant à je ne sais qui. Sur de jolis chevaux qui plus est, pas des bêtes de foire. Ils semblaient suivre notre fausse piste. Mais d'ici une heure ils auraient probablement compris leur erreur, et là les choses se gâteraient. J'avais espéré qu'ils mettent plus de temps. Enfin en tout cas maintenant c'était clair, on en avait après nous, et Ed nous avait fait un coup fourré. Je l'imaginais déjà en compagnie d'Aglaeka, deux bourses en moins.

"Ce sont des hommes du comte Idralgebor.
-Le fourbe. Il envoie ses propres hommes pour nous mettre le grappin dessus. Il voulait sûrement qu'on passe pour les criminelles. Fils de chien, j'aurai ta peau."

J'étais plutôt énervée.

"Bon, continuons, mais il faudra peut-être se battre. Quand ils auront compris l'arnaque ils écumeront les bois. Avec de la chance ils se sépareront, avec encore plus de chance on passera à côté. Mais il faudra sûrement s'en faire un ou deux. Et pour eux, aucun problème s'ils perdent leurs noix.
-Pourquoi ils perdraient leurs...?
-Truc d'adulte. Allons y."

Isulka délivra une mission à Hildegarde qui était d'essayer d'identifier le blason que portaient les hommes sur leurs fidèles destriers. Après une analyse rapide, elle nous affirma sans détour qu'il s'agissait des hommes du comte pour qui nous étions embauchées. L'idée de savoir que notre employeur nous suivait me mis en rogne et je pensai déjà aux retrouvailles avec ce dernier en face à face. Les hommes étaient vraiment des êtres dont on ne pouvait accorder ni notre confiance, ni notre simple amitié.

Je laissai porter mon regard jusqu'à que ces derniers qui ne sont plus que des points insignifiants dans l'horizon. Isulka ne put s'empêcher d'insulter le comte par toutes sortes de noms d'oiseaux qui ne devaient être aucunement compris par la jeune blonde. Ma compagne émît l'hypothèse qu'ils allaient certainement pousser à Exech ou jusqu'à retrouver la charrette vide et ensuite de revenir sur leurs pas si aucune trouvaille n'avait aboutie, il fallait par conséquent se préparer au combat. J'acquiesçai d'un regard approbateur aux paroles de la femme. Elle me précisa gentiment qu'il n'y avait aucun problème pour un règlement de compte à ma manière.

Isulka était très énervée et tout son corps ne pouvait s'empêcher de l'exprimer. Sa façon rude de faire chaque pas dans cette verdure, sa voix et son visage faisaient émaner cette même nervosité. J'espérai intérieurement que ces gardes viendraient rapidement à notre rencontre pour qu'Isulka puisse se défouler sur cette bande d'hommes.

Nous marchâmes encore un long moment, la mageresse nous aidant à éviter tous ces petits pièges dans lesquels je serais tombée sans y faire attention par justement, le manque d'attention. Elle semblait se calmer un peu et Hildegarde, consciente du danger menaçant était redevenue la demoiselle calme et silencieuse que nous avions seulement le bonheur de croiser pendant des laps de temps trop courts. Je savourai ce silence qui nous entourait, mais comme dit l'expression "c'est trop calme ...", je restai malgré tout sur mes gardes.

La patience paye comme auraient pu dire certains puisque nous entendîmes des bruits de chevaux hennissant bruyamment et progressant doucement. Nous aperçûmes rapidement le petit groupe qui venait de se séparer. Composés de petits groupes de seulement deux personnes, mes yeux n'arrivèrent qu'à repérer qu'un seul groupe susceptible de nous poser problème, le second était déjà partit au galop en direction de Tulorim, afin de certainement couvrir le plus de territoire possible et le plus rapidement, afin de ne pas leur échapper.

"Ceux là seront pour nous ... Hildegarde reste en arrière si tu ne veux pas te faire couper la tête soit par eux, soit par nous !"

Les hommes du comte descendirent de leurs fidèles équidés et commencèrent à chercher en notre direction. La main toujours sur le garde de ma dague, je me préparai à attaquer par surprise afin de prendre l'avantage.

Nous marchâmes encore quelques temps, à la fois aux aguets des dangers de l'environnement, à la fois concentrées sur le bruit des hommes d'armes. Cela provoquait une certaine tension en moi, qui était très certainement palpable. On cache difficilement un tempérament aussi électrique que le mien.

Au final, nous fûmes alertées par le galop de deux chevaux, qui filaient vers Tulorim. J'avais bien vu, ils avaient probablement rejoint la charrette et avaient conclus qu'il valait mieux se séparer pour couvrir plus de terrain. Nous avions l'initiative, c'était déjà un bon pas. Aglaeka me fit finalement remarquer deux hommes séparés des autres. Tout de suite à l'aise dans l'action, elle fit signe à Hildegarde de rester en retrait.

Par malchance, les deux hommes étaient descendus de cheval. Cela n'arrangeait pas mes affaires. En effet, comme nous avions pu le voir dans la leçon précédente, les chevaux détestent les éclairs. Un cavalier risquait de se faire méchamment projeter même avec une charge non létale. Et je ne pensais pas pouvoir tuer un homme aussi costaud d'une simple décharge.

"Aglaeka, j'ai un plan. Il faut que les types soient à cheval pour que ça marche. Je vais me placer un peu plus bas, et préparer un sort. Toi tu te fais repérer, suffisamment loin d'eux pour qu'ils remontent à cheval. Ce sont des chevaliers, ils seront probablement plus à l'aise à l'idée de grimper sur leur monture que de poursuivre à pied. Réflexe de noble. Bref si tu me les amène, je pourrais lâcher de l'électricité sur les bestioles, ça les désarçonnera sûrement. Après s'ils viennent à pied, il seront quand même surpris, mais ce sera moins à notre avantage. Tu pense pouvoir jouer le coup? Faudra courir vite."

J'avais vraiment bien fait de travailler mes arts la veille. Un signe qu'il fallait que je continue dans cette voie, si toutefois je m'en sortais vivante.

"Et moi? demanda la fille du duc.
-Reste à l'abri. Fais attention, il reste deux autres hommes. Sûrement plus loin sur la route, mais rien de sûr. Et surtout fais attention autour de toi. Il y a des monstres dans le coin, on en a pas encore vu mais ça ne veut pas dire que eux ne nous ont pas vu.
-Très bien je ferai attention."

Je portai mon attention sur Aglaeka, attendant soit son consentement soit une meilleure idée.

Avant de se mettre directement en situation de combat, Isulka proposa un plan afin de pouvoir se débarrasser d'au moins un de ces hommes, qui ne devaient pas être de simples manants débutants dans le maniement des armes. La mageresse exposa alors son idée qui consistait à ce que je serve d'appât pour les (gros) bras du comte. Pour pouvoir rester indemne, ou en tout cas un minimum, mes jambes devront se surpasser et pendant que je jouais au chat et à la souris, Isulka serait pendant ce temps, en train de préparer un sort qui sera lâché sur les équidés.

Je soupirai et finis tout de même par répondre, le temps pressait.

"On va tenter de rester tous vivants ..."

Je laissai mon sac à Isulka afin d'être débarrassée d'un poids inutile. Hildegarde s'étant éloignée du futur champ de bataille et Isulka était camouflée derrière un arbre. Je m'avançai vers les hommes, tenant leurs montures d'une main et l'autre des glaives de moyenne qualité. Mes bruits de pas arrivèrent rapidement à leurs oreilles et je les vis bientôt courir en ma direction. Pour le moment ces hommes s'étaient contentés de rester à pied, mais bientôt, l'un d'eux (très certainement le plus intelligent) pris l'initiative de monter sur son animal, l'autre finissant par l'imiter.

Mes jambes tentèrent de me porter aussi rapidement que possible, sans trop faiblir rapidement. J'avais gagné de l'avance à cause de la difficulté à monter sur leurs grands cheveux de guerre. Ces derniers n'étaient pas taillés pour la course, à cause du poids qui leur était imposés et leur corpulence en tant que chevaux de trait.

D'une oreille, j'entendis leurs lourds sabots se rapprocher, gagnant rapidement les quelques mètres qui nous séparaient. J'ordonnai et suppliai à la fois à mes jambes d'aller toujours plus vite.

J'arrivai bientôt près de la cachette d 'Isulka priant que celle-ci soit prête. Bientôt mon corps dépassa le lieu dit, je me mis encore à courir par précaution avant de détourner les yeux derrière moi et observer du coin de l'œil la partie du plan d'Isulka qui lui tait dédié.

Aglaeka n'eut pas l'air emballée. En même temps se faire poursuivre par des chevaliers sur leur destriers de combat n'était pas réjouissant. Elle ne se fit cependant pas prier et avec courage y alla. Quant à moi je lui désignai l'endroit, bien cent mètre plus bas où je serais pour l'attaque. C'était tendu, mais à ce moment là les chevaux devraient être en pleine course et leur arrêt n'en serait que plus brutal pour les cavaliers.

Je me dirigeai donc, à couvert, tout en ressassant la façon de lancer mon sort. Je l'avais appris à peine la veille et n'avait probablement pas la maîtrise totale de celui-ci. Mais ce n'est pas comme si j'avais le choix: je n'avais pas trop envie de voir la belle se faire couper la tête.

Une fois en place, je commençai à me concentrer. Le bâton en main, posé sur le sol, je laissai mon énergie prendre place dans les petites rainures de métal prévues à cet effet. Le sceptre prit une couleur un peu bleutée, puis de plus en plus intense. L'aura bleue se dilua peu à peu dans l'air, presque imperceptible. Pourtant je percevais l'électricité statique qui frémissait d'impatience.

Je n'eus pas le temps de me préparer d'avantage. Sous les cris de guerre des chevaliers en arme et le battement des sabots courait ma petite Aglaeka. Elle donnait vraiment tout ce qu'elle avait, et courrait sacrément vite. Note pour moi-même: ne pas faire la course avec elle.

Elle passa sans s'en rendre compte dans le petit champ statique, et à peine deux secondes plus tard les hommes du comte l'imitèrent. Je n'eus qu'un bref moment pour frapper le bâton de ma magie. Réaction en chaîne: l'aura du bâton qui grandit et se propage à une vitesse trop rapide pour l'œil dans l'air chargé du pouvoir. L'énergie statique entra en mouvement, et des zébrures bleues éclatèrent, foudroyant hommes et bêtes.

La monture de tête stoppa net, se cabrant violemment et manquant de faire tomber un cavalier lui aussi choqué. L'autre canasson ne put ralentir sa course, et paniqué entra en collision avec son petit camarade. Je n'aurais su dire exactement dans lequel, mais un des chevaliers fut projeté à terre, et se prit même un méchant coup de sabot. Le second calma tant bien que mal sa monture, avec talent il faut dire, avant de mettre pied à terre dès qu'il le put.

Il dégaina d'une main son arme, une gigantesque épée. Par chance il avait laissé son bouclier à dos de cheval, cheval qui ne demanda pas son reste pour s'enfuir. L'autre bestiole l'imita d'ailleurs, et se faisant entraina le deuxième homme dont le pied était probablement resté bloqué sur l'étrier. Le pauvre gars hurla au début mais finit vite par se taire.

"Vous allez me le payer, sales catins!"

Oulà, cela n'allait pas plaire à Aglaeka cette remarque. L'homme ne m'avait pas repérée, et se dirigeait vers la jeune femme. Je préparai mon deuxième sort pour le moment voulu. Pas question de rater la cible.

Je m'arrêtai nette, essoufflée mes jambes me faisaient beaucoup trop souffrir pour me garder dans un rythme effréné. Quand les hommes arrivèrent presque au niveau d'Isulka, une sorte d'onde bleutée se propagea vers eux, telle une vague déferlante. Je ne pus savoir si cette image était réelle ou non, mais m'aperçus de manière certaine que nos adversaires ou tout du moins leurs montures venaient d'être électrifiées. Les bêtes devinrent alors folles, et en particulier la première qui désarçonna son cavalier. Le deuxième animal fonça sans pouvoir s'arrêter complètement dans l'arrière-train du cheval affolé. L'homme à terre, déjà mal en point se fit piétiner de leurs grands sabots. Quant au deuxième cavalier, il resta tant bien que mal sur l'animal nerveux, rejetant l'air de ses naseaux ouverts à l'extrême. L'animal piétina le sol, paraissant marcher sur des épines avant de revenir l'équidé au sang-froid qu'il était.

Le seul cavalier en état descendit de sa bête, ce dernier s'enfuit dans la même direction que son camarade. Des animaux bien peureux ...
L'homme à terre m'avait clairement repéré et venait en direction, glaive à la main, les yeux me foudroyant de rage. Mes jambes étaient encore douloureuses, mon souffle se calmait de plus en plus malgré la rougeur certaine de mes pommettes. D'un pas plus que décidé, il marchait d'un pas saccadé, son armure le gênant pour avancer plus librement.

Ma main droite placée au niveau de ma garde, je le regardai s'avancer et réfléchie rapidement à un moyen de rester sur place sans se faire toucher. Je regardai furtivement autour de moi, pas de trace d'Isulka dans les parages, j'étais clairement seule face à cet homme aux symboles du comte. Il me lança une réplique très peu courtoise ce qui renforça ma colère et me donna encore plus de courage. Merci !

Je fis un pas en arrière, mon pied tomba sur une branche. Me voilà bien avec une dague et une branche ... Faisant un pas sur le côté, je le vis s'avancer de front, les cliquetis de son armure résonnait dans les alentours. Arrivé à mon niveau, le jeune homme porta son arme de façon horizontale, tentative certaine pour me couper la tête, mais ses bras couverts de morceaux d'armures lui gênait le maniement de son arme. Je l'esquivai donc sans trop de peine, me baissant et effectuant par la même occasion un pas sur le côté. Profitant de cette action, je dégainai ma dague et tentai de lui infliger une blessure au niveau du bras afin de l'empêcher d'utiliser son glaive à deux mains.

Raté. La dague ne put atteindre la partie de peau entre les deux morceaux d'armure. A la suite, l'homme tenta une attaque plus basse, nous retrouvant presque en face à face à présent. Je tentai une nouvelle esquive, mais l'arme me toucha malgré tout au niveau du ventre. La situation était en sa faveur. Je tentai malgré tout d'inverser la tendance en tentant de le faire trébucher par un croche-pied, cela ne fonctionna qu'à moitié. Le poids de l'homme et l'armure fit qu'il tomba sur son autre genoux, la glaive encore à la main.

C'est à ce moment précis qu'Isulka se décida à pointer le bout de son nez. Décidément, elle n'était de bon secours que dans les moments critiques. Ma blessure me faisait souffrir et du bientôt porter ma main à celle-ci par réflexe.

Aglaeka reprit lentement son souffle, alors que le chevalier avançait lentement. Il avait l'air plutôt en rogne, mais dans sa boîte en fer il n'avait pas une grande amplitude de mouvement. Ou alors il avait suffisamment de sang-froid pour ne pas se jeter corps perdu dans la bataille, et c'était mauvais signe. D'ailleurs à en voir par sa tenue, et la petite cape qui flottait, il était certainement le chef du petit groupe. D'un côté il devait être le plus balèze, mais d'un autre s'il venait à perdre ses noix, peu de chance que les autres nous poursuivent.

Je me déplaçai silencieusement, parallèle à lui. Il était concentré sur la jeune femme, et le combat risquait de prendre la forme d'un duel. Je décidai donc de rester en réserve, et d'intervenir uniquement au moment opportun. De toute façon j'étais un peu à sec côté réserves magiques, et je n'avais pas le loisir de gaspiller des attaques. Il faudrait que je me prenne quelques fluides une fois à Exech, c'était assez mauvais au goût mais sacrément utile.

Le chevalier tenta de décapiter Aglaeka. Je frémis un instant, mais la jeune fille parvint à esquiver l'attaque. Elle essaya de lui planter le bras et j'eus un soulagement en voyant l'arme toucher la cible. Je fus moins heureuse quand je la vis ricocher. Cela me rappelait les combats d'arène, quand je supportai un valeureux guerrier face à des bêtes horribles. Mais cette fois ce n'était pas pour mon pari que je frémissais, mais pour la vie même d'Aglaeka.

Elle se prit un vilain coup, et je la vis grimacer de douleur. J'étais horrifiée, mais c'était le moment: il ne s'y attendrait pas. Je sortis de la lisière, et lançai:

"Hé gros lourdeau! Oui c'est à toi que je parle. Alors elles sont où tes burnes? On s'attaque à des filles maintenant? Et on y arrive même pas. Chiffe molle! Femmelette! Crétin! Bougre d'âne! Pantin! Manant! Idiot! Gros tas!"

C'eut l'effet escompté, il se retourna. Il ne relâcha pas sa garde cependant, sachant que le vrai danger était Aglaeka.

"Une fois que j'en ai fini avec elle, je vais te crever espèce de...
-Pas très chevaleresque comme langage. Sale mercenaire! Aglaeka ferme les yeux!"

Aussitôt dit, aussitôt lancé. Je pointai le bâton en direction du bougre, laissant éclater le deuxième sort appris la nuit. Bien qu'en plein jour un flash lumineux particulièrement intense éclata, aveuglant le salaud. L'occasion parfaite pour Aglaeka, si elle tenait encore debout. Sinon nous étions mortes...