A mon grand soulagement Arnol ne pose qu’une seule question à laquelle je ne prends même pas la peine de répondre. Il faut dire que je n’ai pas de réponse satisfaisante à lui offrir vu le peu de renseignement que m’a fourni Lilina...enfin je devrais dire l’absence de renseignement. De toute façon je ne pense pas que l’homme attend une quelconque réponse et c’est après un moment passer à « contempler » la fillette qu’Arnol me montre une nouvelle fois l’étendue de sa gentillesse avant de s’éloigner pour prévenir sa famille. Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais je ne suis pas certain que la petite Lilina se sente très à l’aise avec la famille…surtout le grand à l’air benêt. Sans m’en rendre compte ma main ébouriffe les cheveux de la fillette alors que je la gratifie d’un banal « Ne t’inquiète pas. »…facile à dire.
Je me dirige avec Lilina vers la bâtisse que j’ai quitté quelques temps auparavant pour affronter Nevol. Nous nous installons dans le salon, et Lilina, assise sur une chaise juste à côté de moi semble au comble du malaise. Les mains sur les genoux, elle balance lentement les pieds, ne les lâchant pas du regard même quand je m’adresse à elle.
« Tout ira bien ! Du moment que Nevol reste calme tout ira bien Lilina ! Je te le promets ! »
Je n’ai pas le temps d’en dire plus puisque Arnol arrive suivie de Marie et de ses enfants. Lilina attire immédiatement tous les regards ce qui ne doit pas arranger son malaise, mais Marie en bonne mère de famille prend les choses en main.
« Arrêtez donc de r’garder la p’tiote comme ça et allez plutôt vous occuper ! »
L’autorité de Marie n’était plus à démontrer et tout le monde, même Arnol, s’exécute sur-le-champ. Mais hormis le fait que la matrone sait être autoritaire, elle est aussi une mère attentionnée ce qu’elle prouve par ces gestes et ces mots envers Lilina. Marie pousse un soupir désolé en examinant la fillette, mais Nevol semble la dissuader d’agir.
« Messire Karz, vous croyez qu’vous pouvez la convaincre d’laisser son corbeau ici pendant que j’l’emmenne se laver. »
Je me tourne, vers Lilina mais je n’ai pas vraiment le temps de dire un mot, car après avoir jaugé Marie de ces trois yeux noirs, Nevol saute sur la table en signe d’approbation et Lilina fidèle à elle-même fait confiance à son compagnon et suis la femme dans une autre pièce d’un pas lent et timide. Pendant ce temps Nevol sautille sur la table, tournant en rond exactement comme le ferais un homme soucieux. Le silence persiste, car il faut dire et vous en conviendrez, qu’il n’est pas aisé de converser avec un corbeau, surtout si vous avez essayé d’ôter la vie à ce corbeau. Les minutes passent et le silence est enfin interrompu par l’entrée d’Arnol qui vient s’asseoir sur la chaise qu’occupait Lilina il y a quelques instants. Nevol quant à lui ne pose même pas un œil sur Arnol et continue de tourner en rond sur la table, inlassablement.
« Merci de vous occuper de Lilina ainsi Arnol ! » « C’est bien normal, on peut pas laisser une p’tite dans c’t'état ! »
Je ne peux que louer la bonté d’Arnol et Marie, ils m’ont héberger pour une nuit et maintenant ils s’occupent d’une petite fille qui leurs a pourtant causé bien des soucis avec son corbeau. Une brave famille n’est-ce pas ? J’ai rarement rencontré des gens comme eux...c’est rassurant, et surtout, rester ici à discuter avec Arnol me fait oublier un instant ma condition de « fugitif ». Et la conversation se poursuit de la sorte pendant un moment.
« Je suis désolé d’vous demander ça encore une fois, mais qu’allez-vous faire à Tulorim ? C’est qu’c’est pas la porte à côté. » « Personnellement je me rends à Tulorim, car c’est la prochaine ville sur ma route et qu’Exech est une ville trop dangereuse pour moi. Pour Lilina, tout ce que je sais c’est qu’elle veut se rendre au Temple de Gaïa…et je compte l’y accompagner. »
Nous sommes interrompu par l’arrivée du « grand benêt » qui rentre dans la pièce pour dresser la table…seulement deux couverts…la famille doit déjà avoir mangé. Le garçon ressort une fois sa tâche accomplie et c’est Marie qui rentre dans la salle, les bras chargés d’une gamelle d’où s’échappe une odeur…euh…indescriptible. Derrière elle se trouve…j’allais vous dire que c’était la fille de Marie, mais non, il s’agit bien de Lilina, son regard gris profond et son corps frêle, c’est bien elle, et comme pour confirmer mes dire, Nevol s’empresse de s’envoler en direction de la fillette, se pose sur l’épaule de la fillette et commence à frotter sa tête contre la joue de l’enfant. Lilina semble heureuse de retrouver son compagnon et viens s’asseoir en face de moi pendant que Marie remplit les assiettes d’une sorte de ragoût…à base de viande inconnue.
« La pêche a pas été fructueuse, alors mon grand a chassé une bestiole. C’est du lapin. »
« Manger dont tant qu’c’est chaud, on pourra causer après ! »
Lilina mange le contenu de son assiette avec la même énergie que la pomme que je lui ai offert plus tôt, ne prenant même pas la peine de faire goûter le plat à son corbeau avant. Je n’ai malheureusement pas le même entrain et partage mon repas avec le corbeau. Les estomacs remplis, je me tourne vers Arnol et sa femme pour parler de mon voyage vers Tulorim…pour savoir ce qui m’attend…enfin vous m’avez compris.
"Dîtes Arnol, Tulorim est encore loin d'ici?! Le chemin est-il dangereux? Quelle genre de mauvaises rencontres peut-on..."
Je m'arrête, conscient que je suis entrain de submerger l'homme de question...chaque choses en son temps, ce n'est pas comme si j'étais poursui.....oubliez ça! Je suis poursuivi!
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Car celui qui aujourd'hui répand son sang avec le mien,sera mon frère. - William Shakespeare
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