Mes yeux fixent le plafond faiblement éclairé par le soleil sortant de l'horizon. Ceux-ci sont rougi par une nuit courte, car si trouver le sommeil fut rapide, en sortir le fut encore plus, et peu avant l'aube, le bruit de rat grattant dans la cave me réveilla en sursaut,et une rafale de vent vint faire se heurter la table de yaga contre le mur. La méfiance était née en moi, et je ne pourrait plus m'en débarrasser.
(Il est temps de quitter cet endroit. Mais que faire ? Quel sera le but de ce voyage, car je n'en ai pas. Je ne comprends pas mes pensées depuis hier, pourquoi se tourne t-elle systématiquement vers les dieux, et surtout vers cette Rana que je ne connais presque pas ? Cela est-il un signe ? Une indication concernant la prochaine étape de mon parcours ? De toute façon je n'ai rien à faire, trouver un lieu de culte de Rana est un objectif comme un autre. La suite ne m'est pas assurée, mais au moins cela ne me contraint pas à rester ici dans une forêt anciennement contrôlé par une sorcière anthropophage et ... manciephage ? Enfin bref, qui mange qui les gens et la magie.)
Je me lève péniblement, car tous mes muscles sont endolori après mon combat d'hier soir et, sans manger, passe de nouveau la porte de ce logis.
Le corps de l'homme est toujours adossé au mur, il me semble avoir bougé, mais je me fais sans doute des idées. Le chien quand à lui a, malgré son œil endolori, retrouvé toute sa puissance d'aboiement et se met à hurler à ma venue. J'aurai peut être du avoir pitié de cet animal désormais privé de maitre, de possibilité de liberté, et de nourriture, et ainsi donc condamné, mais en fait non. Après ce qu'il m'a infligé hier soir, et le fait qu'il ravive mon mal de tête par ses cris, je pense que je vais le laisser mourir ici.
Je regarde ensuite le corps de yaga, enfin plutôt ce qui reste d'elle, vu que son corps en lui même semble s'être évaporé, et je vois dans ses affaires la dague qu'elle tenait hier. La pitié revient alors en moi ainsi qu'une idée d'entrainement. Je ramasse le poignard et m'éloigne de la cabane, puis à une bonne vingtaine de mètre, une fois le chien ayant cessé d'aboyer car ne me considérant plus comme une menace, je décide de lancer le poignard en direction de la corde qui le retient. Je tente de tisser un sort qui le guidera, mais visiblement, cela ne marche pas, vu qu'il tombe à un bon mètre de la corde.
(Ça ne se passera pas comme ça !)
Et dans mon esprit se dessine l'image du poignard s'envolant de terre et tranchant la corde. S'élève alors une forte rafale qui vient accomplir cette action et libérer le chien de ses liens.
(Je suis pas mauvais perdant, mais il ne faut pas exagérer !)
Et c'est ainsi, le cœur, me semble t-il, un peu plus léger, et la douleur, atténuée, que je reprends le chemin, enfin plutôt que je marche tout droit depuis la cabane en espérant tomber sur une route. Je ne me souviens que peu du chemin qu'a emprunté la sorcière, mais j'arrive tout de même, en suivant la légère brise qui caresse mes oreilles, à rejoindre une route.
(D'après ce que je sais il n'y a rien au sud, il faut donc que j'aille au nord, vers Tulorim, en espérant qu'un lieu de culte de Rana se trouve en son sein, ou qu'au moins je trouverai des informations quand à la location de celui-ci.)
Et ainsi donc, sous le soleil, désormais bien visible par dessus les montagnes se découpant en arrière plan au sud, je parcours cette voie, sous un vent léger et loin d'être désagréable.
(Le village d'où je viens n'étais qu'a un jour et demi de marche de Tulorim, avec les bouts de chemin que j'ai fait hier et avant hier, je pense que, si je marche à mon rythme, je saurai être en vue des portes de Tulorim avant la fin de l'après midi.)
Et je m'élance, oubliant un de mes problèmes qui, aux portes de midi vient me frapper par un immonde gargouillement.
(Mon ventre est vide de toute nourriture. Il me faut en trouver sous peu, sinon je ne tiendrai pas la journée.)
Mes pas m'ont sortis de la forêt, et les plaines s'efface désormais en certains endroits, remplacés par des champs.
La maisonnette paysanne la plus proche de chez moi, ne se situe qu'a quelques mètres et je m'empresse de la rejoindre. Un léger fumet appétissant indique que le paysan, si il n'est en train de manger, est en train de préparer son repas. Je m'apprête à toquer quand j'hésite.
( Ce que je vais faire me semble quand même malpoli, entrer chez les gens et demander une part de leur déjeuner. J'ai bien évidemment quelques piécette pour les dédommager, mais quand même … Oh et puis, de toutes façons c'est ça où je ne mange pas.)
Après deux coups et une attente de quelques seconde, un paysan, vieilli avant l'age, vient m'ouvrir. Il ne doit pas dépasser les trente ans, et pourtant, son dos est courbé par les lourds travaux, des rides sont apparu sur son fronts, et ses mains semblent flétries.
« Bonjour monsieur, je vous prie de m'excuser, mais je voyage en direction de Tulorim et je suis tombé à cours de provision. Je me demandais si vous ne pourriez pas partager avec moi votre déjeuner, moyennant bien évidemment un remboursement de ma part, cela va de soi. »
« Mais oui bien sur entrez... Et puis quoi encore ! Non mais, voilà bien des manières pour un jeune homme tel que vous de venir dérober le repas de leurs ainés. »
« Je ne viens pas vous le dero... »
« Chut ! Je ne veux pas entendre parler de ton or, car comme tu le vois tu ne peux pas le manger, alors maintenant dégages ! »
« Mais monsieur, j'ai faim ! »
« Et alors c'est pas mon problème, tout les autres paysans de cette vallée te répondront la même chose, t'avais qu'a pas quitter les jupons de ta maman et ... »
Ce mot réveille en moi le souvenir encore vivace des yeux de ma mère, emplis de la rage d'avoir vu son fils battu, puis après empli de peur suite à ce qui s'est passé, et en moi la colère s'éveille.
J'ouvre brusquement la porte, sans rencontrer de résistance de la part du bougre, qui ne s'y attendait pas, et emplissant le seuil de sa porte, je lève devant mon visage le gantelet de ma main droite, dont la pierre rougeoie, et je libère des vents qui viennent faire s'envoler deux trois petits objets dans la maison du paysan, ainsi que mes cheveux, et cela allié à mon regard contribue à me donner un air terrifiant.
« Écoute moi bien Paysan ! Mon ventre est vide, et t'ai proposé de t'acheter une maigre partie de ta pitance à un coût élevé, tu as laissé passer cette occasion et m'a insulté. Ainsi donc tu va me céder ton repas, mais ce sans la moindre compensation. »
Je m'approche alors de la marmite dans laquelle cuit un ragout de lapin, sous les yeux ébahi de sa femme et de ses deux enfants, dont l'un est à peine plus jeune que moi et déjà plus grand, et rempli un des bols disposé sur la table avec ce qui sera mon repas, avant de prendre un des bout de pain reposant sur cette table, et m'éloigne à grand pas de cette cabane.
Une fois à une distance respectable, le vieux ayant estimé qu'il ne courait plus rien, et voulant regagner sa fierté, se met à m'insulter, et c'est alors, qu'impassible, je lève le bol lui ayant appartenu et y trempe mes lèvres.
(Mes compliments au chef ! Au moins sait-il cuisiner ! Quel sale rat, ce paysan.)
Et c'est sans incidents ni événements notables, autre que mes ruminations a l'encontre de ce paysan si peu généreux que j'arrive aux porte de Tulorim.
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