~Auparavant~




Sur le départ, la courageuse et jeune D'Omble nous rejoint, sa simple présence attirant inexorablement mon regard. Moment d'égarement aussi soudain que bref. Son père ne semble guère surpris de sa décision, et il a envers elle un geste paternel qui me fait esquisser un sourire. J'accueille avec gratitude ses paroles, que ce soient ses encouragements ou la promesse de nous faire bon accueil à l'avenir également. Notre petit groupe progresse jusqu'à la croisée des chemins, où Dame Galelia prend la parole. Un mouvement de tête sobre de ma part indique que j'ai compris ses intentions tandis qu'elle me remercie de l'avoir acceptée à mes côtés pendant ce trajet. Je me frotte légèrement le bout du nez, masquant un discret sourire, en l'entendant m'assurer que nous finirions par nous retrouver pour en découdre avec le Sans-Visage. Visiblement, l'elfe a retrouvé un peu de dynamisme. Après avoir suivi des yeux le grand Krayne et sa protégée, j'échange un regard entendu avec ma compagne puis nous partons de notre côté.

La vue du château, toujours splendide, s'offre à nous. Quelque part, son isolement dans le lac fait tristement écho à la situation de Sa Majesté. Notre duo trouve rapidement une embarcation et traverse les eaux calmes, sans aucune difficulté. Pas même armée. Il n'y a aucun garde pour nous faire barrage. C'est étrange. Certes, la Reine est apte à se défendre, mais ne laisser personne à la forteresse me surprend. Peut-être les forces Pâles sont déployées plus stratégiquement en forêt. Ces pensées sont vite refoulées tandis que j'aperçois, en hauteur, la Reine Sheeala d'Argentar ainsi que l'ancien mainbour d'Andel'Ys. Sa Majesté m'adresse bientôt la parole tandis qu'ils s'approchent de nous, faisant le constat que mon absence a été longue.

"Vif larron que ce temps en fuite, Majesté."

J'ôte mon casque et m'incline respectueusement à la manière des miens. Lorsque mes interlocuteurs sont face à nous, je me redresse.

"Le Seigneur Shaam a sollicité l'aide de yuiméniens, en particulier des Sauveurs, une nouvelle fois. Celle-ci, pour épauler les Chevaliers dans leur poursuite du Sans-Visage."

La Reine le sait peut-être déjà puisque membre du Conseil d'Or, mais je ne sais pas réellement depuis quand les troubles des siens la tiennent éloignée de la Tour. Si elle ignorait que le Dragon Mauve avait lancé l'opération, je fais bien de la tenir informée.

"Tâche nécessitant selon lui le soutien du plus grand nombre. Toutefois, il aurait été indigne de quelqu'un se pensant ami du peuple Pâle de demander un appui pour cette quête sans offrir le sien en premier lieu."

Mes yeux violets vont tour à tour sur les deux importantes personnes qui me font face. Peut-être qu'ayant auparavant su unir les Pâles, je serai en mesure de renouveler cet exploit. Mais cette fois-ci, l'épreuve est bien plus difficile. Impossible de proposer une solution en me basant sur les simples informations dont je dispose. J'ai besoin de plus. De savoir ce qui a été entrepris jusque-là, quelle est exactement la situation, mais il me faut également soulever un point crucial.

Je reporte mon attention sur le Ser Astidenix puis vers Sa Majesté.

"Je souhaiterais vous aider à sortir de la crise pesant sur votre peuple. Si vous m'autorisez à m'immiscer une fois de plus dans les affaires du royaume, bien entendu."

Le respect que j'ai pour le peuple Pâle m'interdit d'agir en son nom si sa représentante ne m'y autorise pas. Puisse le souvenir de la lutte que nous avons vécu ensemble lui rappeler que je suis de son côté. Je ne suis pas ici en tant que milicien d'Ynorie cette fois, mais en ami des Pâles. J'ai à cœur la protection de ce monde, et en particulier de ce vaillant et courageux peuple auquel ma douce amie appartient. Au fond de moi, j'ai la sensation que ma faëra désapprouve cette vision teintée d'égoïsme, mais nulle parole ne vient l'appuyer.





(644 mots)

L'énorme minotaure qui tenait la boutique jeta un coup d’œil à mon arc avant de me dire qu'il convenait parfaitement à ma morphologie et que d'en prendre un autre serait une pure perte de temps car je serai incapable de m'en servir... Il désigna Krayne, qui comme à son habitude resta silencieux, pensant que ma demande le concernait lui et non moi avec mes faibles bras.

Piquée au vif, je lui répondis peut-être un peu abruptement :

"Ne doutez point que la sauterelle va se changer en redoutable panthère! La montagne de muscle derrière moi est mon maître d'arme et il va faire de moi une machine de guerre!

C'était certes prétentieux vu le travail qu'il y avait à faire mais bon... J'allais jouer une autre carte, pour répondre à sa question, qui allait sans doute lui inspirer un peu plus de respect :

"Je confirme, nous ne sommes pas d'ici, nous sommes de Yuimen, et nous venons une nouvelle fois en votre monde pour mettre un terme une bonne fois pour toutes aux agissements du Sans-Visage et de ses fidèles. Le Ser Kiyoheïki, un des Sauveurs, est actuellement en concile avec la Reine... Pour ma part, je ne serais présente que peu de temps car une fois mes emplettes terminées je prendrais la route des cieux pour rejoindre Ouesseort, ce dans le but de parfaire (il n'est pas censé savoir que je ne sais pas du tout utiliser la magie...) ma maitrise des sorts... pouvoir allier compétences martiales et sortilèges semble être un bon compromis pour en découdre avec notre adversaire."

((263 mots))

~Auparavant~




Les nouvelles que j'apporte n'ont guère l'air de surprendre Sa Majesté. Il était visiblement dans les plans du Conseil de faire appel à nous une nouvelle fois. La Reine me permet également officiellement de prendre part aux affaires du royaume, car j'y détiens une certaine légitimité. Lentement, elle nous invite à marcher dans cette cour bien vide, prenant le temps de faire le point sur la situation. La nation se déchire entre deux clans majeurs, les Carnivores et les Végétariens. Ceux qui ne prennent pas le parti de l'un des groupes choisissent de quitter la Forêt. Ils se rendent dans les Marais du Sud ou les Plaines du Nord. Quelque part, je crois deviner que ceux qui sont allés vers les plaines enneigées sont peut-être liés à la migration des placides buffapas.

Nos pas nous conduisent dans les bâtiments, eux aussi dénués d'agitation. La Reine aborde le sujet d'Arothiir où le Trio, déjà enclin à la chose dans mon souvenir, tend à vouloir se défaire totalement du Royaume Pâle. Bien entendu, le jeune et impétueux Gouverneur Seok ne l'entend pas de cette oreille. Je fronce légèrement les sourcils à l'idée qu'il en vienne à tenter d'user de force pour empêcher cela. Son père, jusque-là silencieux, précise que son fils ne fait que protéger les intérêts du Royaume. L'attitude du Trio est apparemment une sorte d'injure envers la couronne et une traîtrise également, puisqu'elle met à mal l'union Pâle. Plus j'en apprends et plus je ressens l'ampleur de la crise. Comment faire pour réunir ce peuple maintenant que nul ennemi commun ne le justifie ?

Notre groupe progresse jusqu'à la salle du trône, Sa Majesté reprenant la parole avec une douceur attristée. Les siens la reconnaissent de moins en moins comme leur Reine, lui rejetant d'ailleurs la faute. Son départ au Conseil aurait été vécu comme une trahison, malgré son retour et sa présence en Treeof. Dans cette situation tendue, certains tentent de tirer leur épingle du jeu en jouant encore sur d'autres tableaux. La Reine Sheeala d'Argentar accepte l'aide que je lui propose, mais elle ne semble pas en mesure de m'indiquer une marche à suivre. Je réfléchis un instant avant de regarder les Pâles présents.

"En venant à vous, nous avons croisé la route de trois végétariens. S'il ne s'agit que d'une éventualité, nous avons imaginé ce qui se passerait si la cité devenait cible de l'autre clan. Treeof n'est pas prête à se défendre contre cela."

J'ai pu constater moi-même à quel point rallier cette cité forestière était simple. Pas de fortifications sur le chemin, pas de garde visible pour nous barrer la route. La Capitale n'est apparemment pas sur la défensive, reflétant sans doute l'espoir que cette dissension s'estompe.

"Je pense que le plus urgent est de s'occuper de ce qui se passe aux portes de la ville. Il y a peut-être encore une chance de comprendre les revendications des Carnivores et de trouver un terrain d'entente. Sans cela..."

Je fronce légèrement les sourcils et avise le Ser Astidenix.

"S'il décide d'intervenir à Arothiir, j'imagine que le Gouverneur Seok envisagera de passer par Treeof et d'en pacifier les environs d'abord. Cet acte signera la fin de toutes possibilités non-violentes. Aussi, tenter d'apaiser les tensions avec le groupe de Börte-a-Tchino le plus tôt possible serait le plus prudent."

Mon regard violet se tourne vers le sol puis se dirige vers la jeune D'Omble, qui se tient respectueusement face à sa souveraine.

"Peut-être que leur rappeler leur culture et le souvenir de leurs héros passés réveillera leur cœur Pâle. Qu'en pensez-vous, Talia ?"

L'héritière des D'Omble pourrait grandement m'aider en ce sens. Elle connaît certains Carnivores, sa propre soeur les ayant rejoint. Peut-être qu'il sera possible d'écouter une jeune femme des leurs, érudite et porteuse de leurs valeurs, ainsi que le Sauveur portant les couleurs de leur cité. Faire renaître la fierté Pâle, comprendre ce qu'ils veulent obtenir et trouver une solution n'impliquant pas de faire couler le sang en une guerre civile. Peut-être est-ce naïf, mais c'est ce que je pense tenter de faire. Plutôt cela que de rester à attendre une attaque qui, en plus de définitivement briser l'union pâle, servirait de motif légitime pour qu'Arothiir se détache totalement d'une capitale affaiblie et en conséquence qu'Andel'Ys prenne les armes.

Je me demande si les frères Dongho sont parvenus à leurs fins et si Gleipnir et les siens ont pu retrouver la trace du Ser Algaries. Une petite pointe de nervosité m'étreint. En lieu et place d'un adversaire commun, trouver un objet précieux du passé pâle, véritable relique pour eux, donnerait davantage de poids à ma voix. Mais je ne suis pas dans un conte merveilleux et ce genre de chose est hélas impossible. Cela serait pratique mais bien trop facile.




(793 mots)

~Auparavant~





Mes mots suscitent différentes réactions, mais toutes n'ont rien de bien encourageant. Le ser Astidenix emploie un ton accusateur à mon endroit, m'apprenant que si son fils quitte sa cité à la tête de son armée, ce sera pour marcher directement sur Arothiir. Sans cela, le Trio mobiliserait ses propres troupes pour prendre la cité lacustre. J'ignorais que la situation était aussi tendue entre ces deux villes pourtant si éloignées. Sa Majesté fait une précision en ce sens. Treeof est seule, à l'image de sa souveraine, face à ce problème. La solution pacifique semble de moins en moins partagée par les siens. Son peuple se sent en guerre, et il est évident que l'édification de protections serait perçu comme une provocation.

Plus mes oreilles en pointe entendent, moi j'aperçois de solution diplomatique à ce problème. Je ne perds pourtant pas espoir, mais voir la Reine détourner le regard avec un air aussi affligé est déconcertant. C'est alors ma tendre amie qui prend la parole, et loin de rallumer la lueur de l'espoir, ses douces paroles sont comme le dernier souffle nécessaire pour achever la flamme d'une bougie. Cela fait trop longtemps que le coeur Pâle présent en eux a cessé de battre. Ils ne se reconnaissent plus en tant que tel, et la nostalgie du temps jadis ne saurait les ramener sur cette voie. Les mots prononcés me laissent perplexe. Quel impact peut avoir un modeste milicien d'Ynorie dans une telle situation ?

J'avise d'abord le ser Astidenix, conscient de m'être montré indélicat.

"Il n'était nullement dans mes intentions de me montrer irrespectueux envers votre fils. Je n'avais pas songé qu'il existait un tel équilibre des forces."

Lèvres pincées un instant, je réfléchis à tout ceci. Me sentant certainement en proie à l'indécision, la voix de ma faera s'immisce doucement dans mes pensées.

(Nulle situation n'est immuable, mon Protégé.)

(Je m'en doute, Okina. Mais nulle solution ne m'apparait aisément.)

(En cela nous différons, car sur une voie pacifique s'égare votre vision.)

(Suggéreriez-vous...)

(Couper la tête du reptile préviendrait plus fatal empoisonnement. Infime possibilité, mais à ne point négliger, que le venin instillé puisse encore être neutralisé.)

(Non... Ou plutôt, en dernier recours Okina. Ses gens doivent avoir besoin de lui s'ils ont choisi d'aller se dresser contre ceux dont ils partagent le sang. Il n'est pas plus prompt à la violence qu'un peuple blessé dans sa légitimité.)

Mes amis D'Omble ont fait l'amère expérience de cette trahison du sang. Si je peux éviter de voir les soeurs s'entretuer, je le ferai.

(Malgré leurs sons en accord, naïveté et efficacité ne sauraient être liées. Las, voilée de sentiments votre vision.)

(Mais non drapée par une étoffe opaque. Je suis un militaire. Je n'ignore pas ce qui doit parfois être fait, mais je ne me pardonnerai jamais de ne pas tenter le dialogue avant la voix de la lame.)

(Regrets à l'horizon suivent cette décision. Soit. Accordez également sa chance à celle qui vous veille en votre esprit, si l'écoute est votre stratégie.)

(Toute suggestion est bienvenue.)

La voix s'interrompt un court instant puis elle reprend.

(L'exil de la forêt éloignant la menace causera une rancune tenace. Aller à l'encontre de la magie à l'origine du conflit pourrait aider, mais depuis des années cela aurait du être fait.)

(Renverser le cours de la magie qui les a transformé ? J'imagine en effet qu'il est trop tard pour s'y atteler mais... Il est vrai que ce point est intriguant.)

Je relève quelque peu la tête pour renouer le contact visuel avec les Pâles présents. J'aimerais pouvoir leur dire que j'ai bien des solutions à envisager, mais ce n'est pas le cas.

"J'irai tout de même à leur rencontre. Leur meneur sera possiblement moins avare de ses pensées envers quelqu'un d'étranger. De son côté, peut-être aura-t-il des suggestions pour esquiver une confrontation armée et dommageable pour tous."

Et si je ne parviens pas à induire une réconciliation, il me faudra faire preuve de persuasion pour les pousser à s'installer plus loin dans la forêt. Fonder une autre cité qui leur serait dédiée, peut-être ? Mais cela risquerait fort d'inquiéter davantage les herbivores. Le plus simple serait de neutraliser la tête pensante, comme suggéré par ma faera. Réticence. Cela entre en conflit avec mes valeurs d'ynorien. Assassiner pour avoir la paix, deux mots qui ne pourraient pas être plus contradictoires à mes yeux.

L'ampleur de cette crise dépasse de loin les capacités du semi-elfe que je suis, mais je ferai ce que je peux pour empêcher l'éclatement d'un véritable conflit.

"Une question me vient à l'esprit, Votre Majesté. S'il me fallait négocier, quelles denrées ou accords pourraient être proposés sans que la Couronne n'en soit par trop lésée ?"

Je n'imagine pas le charismatique Börte-a-Tchino demander la main de la Reine contre la paix, mais s'il le fallait, serait-elle prête à subir un tel affront pour le bien des siens ?




(816 mots)

ma réplique fût accueillie d'une manière bien différente à celle dont je m'attendais et la réponse du minotaure fut d'une véhémence très profonde et intense. Je n'avais pas forcément réfléchi à l'impact que pourrait avoir l'annonce de ma condition de magicienne sur un habitant classique de la cité, le patriarche D'Omble s'étant montré plus que courtois lorsqu'il m'avait dit que la magie n'était pas le fort des Pâles. Ici la menace était claire et Krayne eut tôt fait de répliquer, venant à mon secours d'une manière tout aussi bourrue que le comportement de notre interlocuteur insinuant très subtilement... qu'il était prêt à en découdre.

Ç’aurait pu être intéressant de voir qui du minotaure ou du guerrier aurait le dessus, et ç'aurait pu me permettre de jauger les compétence de mon garde du corps mais nous étions là pour régler les problèmes, non pour en créer...

"Messieurs, calmez-vous! On est pas là pour jouer à qui aura la plus grosse. Comme vous le disiez, vous avez suffisamment à faire avec les carnivores pour perdre du temps à vous friter avec vos alliés. Nous allons quitter de ce pas les lieux, puisque je ne trouverais pas ce que je recherche ici. J'étais à la recherche d'une arme magique qui me permette d'utiliser à la fois la magie et les projectiles classiques, mais il est évident qu'une telle chose ne peut se trouver par ici. Désolé pour le dérangement...Venez, Krayne."

Je tournais le dos pour rebrousser chemin en espérant que les gens de Ouesseort seraient un peu plus ouverts...

((256 mots))

~Auparavant~




Un poids se fait sentir dans mon torse tandis que je vois le Ser Astidenix aussi affecté. Lui dont je me souviens de l'aplomb sur son trône semble à présent accablé, tout comme Sa Majesté. La noble Dame baisse même le regard avant de me répondre. Les termes qu'elle emploie ne font qu'accroître le côté tragique de leur situation. Je serai une fois de plus l'étranger émissaire, porteur d'un fardeau affectant tout un peuple. Puis-je trouver la force suffisante pour incarner une nécessaire trêve. La Reine m'apprend ne rien posséder avant de se raviser. Je sens mes lèvres s'entrouvrir alors qu'une expression incrédule parvient à passer la muraille stoïque de mon faciès. Sheeala D'Argentar est prête à offrir son palais, son île et même ce qu'elle incarne si cela peut amener la paix en son royaume.

Si je salue en mon for intérieur cette décision d'une incroyable noblesse, mon sentiment est semblable à celui de son général. Incrédulité, déni de cette possibilité. Je ferai tout ce que je pourrai pour éviter à la Reine d'offrir sa place et sa personne en échange de la paix. Elle qui a déjà été humiliée par le Seigneur Shaam autrefois... N'aurait-on plus aucun respect pour celle qui a dirigé tout un peuple en se mettant en danger pour lui ? Malgré la nature de son sang, elle aussi l'a versé pour protéger ce monde et les siens. L'auraient-ils donc tous oublié ? Si mon esprit sait qu'une union ou au moins une abdication est la décision la plus sage sur le court terme, une étincelle rebelle persiste à ne pas totalement accepter cela. Est-ce parce qu'elle est descendante de rare lignée et Reine d'un peuple qu'elle doit être ainsi sacrifiée ?

Un doux contact sur mon avant-bras me tire de mes tristes pensées. Talia. Tandis qu'elle affirme me suivre, sa famille faisant loi en ce qui concerne la représentation du Royaume depuis des générations, j'appose ma main opposée sur la sienne. Je demeure songeur. J'ai entendu les arguments des uns, il ne me reste qu'à comprendre la pensée des autres.

"Je ne suis peut-être pas affilié à votre peuple, Majesté. Pas encore..."

Mes doigts lissent lentement ceux de Talia, à laquelle j'adresse un bref regard quelque peu intimidé avant de reprendre.

"Mais notre sang a coulé de concert. Aussi, je me fais un devoir de protéger aussi bien les personnes qui le composent que leurs intérêts."

D'autres paroles me viennent en tête, mais je les garde en moi, sous le conseil de ma faera. Si les mots ne suffisent pas, il me faudra peut-être user de force et faire respecter ma détermination. S'il le faut, peut-être ma propre personne sera-t-elle de quelque valeur aux yeux de l'intrigant Börte-a-Tchino. Echanger mes pouvoirs ou un service contre la paix, voilà une perspective supplémentaire. Si leur aspect a changé, je souhaite de tout coeur que certaines mœurs soient encore les mêmes.

Après ce bref instant de réflexion, je m'adresse à la tête des Pâles.

"Plus tôt nous partirons, mieux cela vaudra. Ils ont établi leur base en la forêt d'Emeraude, n'est-ce pas ? Sauriez-vous nous indiquer la voie à suivre ?"

Ma main reste rivée à celle de la jeune D'Omble en un geste protecteur. Car si sa Reine peut faire l'objet d'une négociation, rien ne dit que ma tendre amie ne soit pas également lorgnée de cette manière. Et cela, mon honneur d'ynorien et d'homme troublé par ses émotions ne le permettrait pas.




(577 mots)

Tandis que nous avancions dans les rues de la cité, Krayne, apaisé par ma précédente intervention se senti d'humeur à entamer la conversation, me demandant de quelle façon nous allions nous rendre à Ouesseort. Je me tournais donc vers lui, arborant un magnifique sourire et des étoiles plein les yeux :

"Mon cher ami, nous allons emprunter la voie des airs! Mais nous devons d'abord sortir de la cité..."

Il allait de soi que faire appel à un dragon en plein milieu de la bourgade aurait pu être malvenu et c'est pourquoi nous prîmes le chemin par lequel nous étions arrivés en sens inverse, remontant la colline pendant quelques minutes afin d'être suffisamment éloignés pour ne pas créer un mouvement de panique avec l'apparition de notre moyen de transport.

Trouvant un endroit suffisamment dégagé pour que la bête puisse atterrir, je me mis à fouiller dans la bourse où j'avais ranger les deux précieux objets qui nous avaient été laissés à la tour d'or pour en sortir le petit appeau ouvragé.

C'est le cœur battant la chamade que je le portais à mes lèvres et soufflais dedans...

((187 mots))

~Auparavant~




La réponse à ma question à la limite de la banalité rencontre un silence plus parlant que n'importe quelle tirade. Une fois de plus, la Reine m'offre un regard attristé, et c'est son général qui m'explique pourquoi. Aucune information n'est fiable concernant la localisation des Carnivores, car ces derniers sont nomades. Trois jours environ est leur durée de séjour à un endroit. Apparemment, les éclaireurs n'ont connaissance que de quelques traces, mettant en évidence non seulement qu'ils bougent, mais le font sans suivre un plan de route particulier. Il s'agit donc là d'un premier problème : je dois les trouver par moi-même.

Sa Majesté opine et précise qu'il me sera possible de faire appel à un des éclaireurs rencontré plus tôt, mais que sa simple présence peut me compromettre. Sans oublier qu'en tant que membre des Herbivores, il sera en danger. Ôtant ma main de celle de Talia, je réfléchis un court instant. Ratisser la forêt à moi seul est une garantie d'échec, mais mon honneur d'ynorien m'interdit de mettre un tiers en danger pour une entreprise personnelle.

Est-ce la suggestion muette de ma faera ou mon esprit qui retrouve un semblant de bon sens ? Toujours est-il que je réalise avoir négligé un outil depuis un bon moment. Ma main plonge dans mon sac et en tire la Pierre de vision du Seigneur Al'Sabbar.

"J'ai peut-être un moyen de réduire le champ de recherche."

Mon regard violet avise le trio.

"Chaque yuiménien, aussi bien une partie des Sauveurs qu'une dizaine de nouveaux-venus, se sont vus remettre des pierres de communication identiques. Parmi eux, deux frères sont partis à la recherche des Carnivores. Peut-être ont-ils réussi dans leur entreprise. "

Mon attention se tourne vers la pierre. Je pense au plus silencieux des deux frères, le Ser Edmar. Il sera sans doute moins prolixe que l'archer, mais je ne doute pas qu'il saura donner brièvement et efficacement des informations. Toutefois, je prends quelques instants pour réfléchir à ma demande. Même si son côté taciturne pourrait faire se tenir les curieux à distance raisonnable, je demeure prudent. Plus mon intervention sera courte et discrète, moins je risque d'attirer l'attention sur lui s'il se trouve déjà auprès des Carnivores.

"Ser Dongho ? Ser D'Esh Elvohk. Avez-vous localisé les Carnivores ? Je souhaite les rencontrer."

Que la réponse soit positive ou pas, n'importe quelle indication me permettant d'éliminer une zone à explorer me fera grandement gagner du temps. Si cela peut aussi m'éviter d'impliquer Ser Gleipnir et ses compagnons une nouvelle fois, tant mieux. Je suis tout de même curieux de savoir pourquoi les Carnivores se meuvent autant. Est-ce pour varier leur terrain de chasse ou dénicher un lieu idéal pour implanter une véritable colonie ?

Bien des questions ne trouveront leur réponse qu'une fois ceux qui les détiennent en capacité de dialoguer avec moi.




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