Si la robe de soirée que portait Sibelle était plus légère qu’une armure, sa longueur s’avérait plutôt contraignante. Ainsi Sibelle dut relever les pans de sa robe afin de ne pas s’y empêtrer. Ses sandales, bien que plus minces que ses bottes ne la ralentirent pas dans sa course.
Étant en bonne forme physique et n’ayant pas tout le poids de son armure à porter, en quelques minutes à peine, la guerrière eut rejoint l’hôtel de la fourchette d’argent sans être essoufflée. Elle grimpa deux par deux les marches la conduisant à sa chambre située au deuxième étage. Une fois dans le corridor, elle vit que la porte de sa chambre était ouverte, elle dégaina le poignard qu’elle avait dissimulé à sa ceinture et y pénétra sans tarder.
Elle vit alors que l’humoran était là, en armure et accompagné de Nastya qui avait revêt aussi ses vêtements. Elle referma la porte de sa chambre et s’enquit de leur présence.
« Que faites-vous ici ? » Demanda-t-elle sur un ton non agressif, bien qu’expéditif.
« Vous avez sûrement entendu le message d’un des sauveurs d’Aliàénon ? »Puis déposant son poignard à côté de ses armes, elle s’assied sur le bord de son lit retira son diadème et entreprit de délasser rapidement ses sandales de soirée tout en continuant à parler.
« J’ai bien l’intention de me rendre dans la forêt d’Émeraude afin de leur prêter main-forte ! »Elle se tourna vers Sirat et l’examina quelques secondes. Ne voyant plus les traces de son ivresse, elle lui demanda :
« Vous vous sentez en état de vous y rendre aussi ? » Aucune agressivité ne pouvait se lire dans le ton de voix de l’hinionne… par contre un certain agacement était perceptible… L’hinionne en voulait à l’humoran d’avoir bu ainsi sans retenue.
À la question de la belle, l’humoran lui offrit d’abord un sourire narquois. Puis il annonça être plus en forme que jamais. Il renchérit même en lui demandant si sa diversion lui avait permis d’en savoir plus.
Perplexe, les sourcils froncés, les lèvres serrées, Sibelle écoutait les propos de Sirat attentivement tout en l’examinant avec soin. Il ne possédait plus cette voix pâteuse, il avait l’œil clair, la posture droite et fière…
Sirat rompit le silence en annonçant qu’ils partiraient à l’aurore le lendemain. Nastya opina alors de la tête puis repartit à sa chambre sans oublier de refermer la porte.
Demeurant muette, l’elfe blanche se dirigea vers le paravent derrière lequel elle retira soigneusement sa robe de soirée pour remettre sa tunique de combat. Une fois, le délicat vêtement sur le crochet, elle revint vers le lit tout en réfléchissant.
(sa diversion…)Elle comprit enfin ce que Sirat avait voulu faire, et elle en fut soulagée. Elle n’avait pas aimé la perspective de combattre auprès de quelqu’un qui ne pouvait contrôler sa consommation de boisson alcoolisée lors d’une mission.
Tout en déplaçant son équipement sur une petite commode afin de libérer le lit, elle commenta d’un ton neutre.
« Je suis… j’étais en colère contre toi… Je craignais que ton comportement nuise à l’avancée de l’enquête… je n’en ai pas vraiment appris plus…. Sauf que Gasaru va venir nous rejoindre ici et qu’il s’est passé quelque chose entre lui et Endar. À la remarque de la belle à propos de Endar, Sirat se contenta d’un léger haussement d’épaule et d’un minime commentaire, Endar était réputé pour être un solitaire. Mais l’humoran ne semblait se soucier outre mesure de l’elfe noir, il semblait avoir d’autre préoccupation.
Lorsque la guerrière releva sa tête, elle vit l’humoran repentant s’approcher d’elle tout en lui offrant ses excuses, précisant qu’il ne voulait pas la tourmenter, il y avait vu seulement une bonne occasion pour tromper l’assistance.
Ne détachant son regard de celui de l’humoran, la guerrière ne dit mot, le laissant s’approcher encore plus près, même si elle ressentait toujours une certaine rancune envers lui. Puis, alors que la guerrière ne s’y attendait pas, le colosse se pencha et déposa un baiser sur la commissure des lèvres de la guerrière.
Aussitôt Sibelle sentit une chaleur intense l’envahir du bout de ses lèvres en passant par ses joues et enflammant son corps tout entier. La fougueuse guerrière tenta de se contenir, mais elle n’y arriva pas. Elle se hissa alors sur le bout de ses orteils, attrapa de sa main gauche la tignasse de l’humoran afin qu’il ne puisse s’échapper et puis lui rendit son baiser. D’abord timide, elle se fit plus généreuse, entrouvrant ses lèvres charnues permettant à l’humoran d’y pénétrer.
Après quelques baisers échangés, sentant tout son corps s’enflammer, la guerrière relâcha le fauve et recula d’un pas.
« Nous devrons nous tenir là…. Tant que notre mission ne sera pas terminée… Retourne à ta chambre, tu as besoin de sommeil, tu dois être en forme demain. »La voix de Sibelle n’était plus la même, on pouvait y sentir la tendresse d’une femme aimante. Une partie de sa carapace était tombée et elle s’en voulait déjà d’avoir cédé à ses désirs.
L’humoran obtempéra et s’en alla sans dire un mot. La guerrière s’étendit sur son lit tout en réfléchissant à ce qui venait de se passer. Elle avait voulu résister au charme de son compagnon, mais elle en avait été incapable… peut-être était-ce dû à la fatigue ? Au vin ? Ou à cette soirée, vêtue plutôt en femme du monde qu’en guerrière ? Elle avait profité de ce court moment enflammé, mais se promettait de ne plus récidiver. Elle mit de côté ses réflexions et médita les dernières heures restantes afin de récupérer.
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Elle se réveilla au petit matin, elle enfila prestement son armure après avoir fait une rapide toilette, ramassa ses affaires et descendit au rez-de-chaussée en passant par la salle à manger ou leur hôtesse leur avait préparé un petit déjeuner. Elle ramassa un bout de pain, un morceau de fromage et remercia la propriétaire avant de se rendre dans la cour intérieur de l’auberge, Nastya sur ses talons.
Gasaru et Sirat y étaient déjà. Le chevalier d’or s’était occupé des préparatifs de l’expédition et leur avait dégoté trois bonnes montures. Sirat avait, avec raison, choisi la plus massive, une bête fière à la robe noire. Sibelle opta pour l’étalon roux, plus fin et haut au garrot, laissant le destrier blond à la guerrière humaine.
Lorsque les quatre cavaliers furent bien installés sur leur monture, Gasaru prit la tête de l’expédition et ils se mirent en route. La guerrière laissa passer la première heure, puis s’approchant de Gasaru, elle lui posa les questions qui lui trottaient dans la tête depuis un petit moment.
« Avez-vous appris quelque chose d’intéressant lors de votre séjour à Ouesseort en compagnie de Endar ? …. Tout ce qu’il m’a dit c’est qu’il ne souhaitait nullement voyager avec un chevalier qui avait choisi de le pourfendre. »Le chevalier lui répondit qu’il n’avait rien appris de plus avec Endar au sujet du Sans-Visage. Sauf que le dénommé Endar avait décidé de trahir Sibelle, Sirat et Nastya en faisant croire aux autres chevaliers qu’ils étaient des suivants du Sans-Visage. L’elfe noir s’était rendu seul chez l’Ouessien Belliand s’arrangeant pour qu’ils ne puissent les rejoindre. Quant au propos d’Endar à son endroit, Gasaru se contenta de hausser les épaules.
Sibelle laissa échapper un grognement de colère, puis ralentit sa cadence afin de laisser Gasaru en avant se contentant de suivre à l’arrière tout en ruminant sa rage. Rancunière, comme pas une, Sibelle ne manquerait pas d’apostropher l’elfe noir lorsqu’elle le reverrait.
Ils traversèrent plusieurs plaines, les heures passèrent, et la belle reprit sur elle, se promettant de régler ça le moment venu. Selon la carte personnelle que Sibelle avait griffonnée à la hâte, elle crut lire qu’ils avaient traversé les landes arcaniques et les plaines d’Or. La forêt d’Émeraude se présentait à eux et au-delà, se trouvait Treeof leur destination.
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Après quelques jours de chevauchées, ils arrivèrent à la capitale des hommes pâle. Il n’était pas nécessaire d’être une fine observatrice pour remarquer l’ambiance mauvaise et pesante qui régnait à l’intérieur de la petite bourgade. Cette cité forestière constituée de maisons de bois et de pierre aurait pu être invitante de la forêt si d’énormes palissades n’y avaient pas été dressées. Fait de rondins, la palissade était précédée d’un fossé creusé dans le sol. Et les arbres centenaires avaient même été sacrifiés au profit d’une meilleure vision dans le but évident d’une meilleure protection.
Nos voyageurs n’eurent guère le temps de pénétrer dans la ville qu’ils furent immédiatement redirigés vers le manoir d’une famille de notable de Treeof. Ce manoir appartenant à la famille D’Omble et était érigés à quelques lieues au nord de la cité et son allure sophistiquée contrastait avec la rusticité des maisons de la ville.
Dès leur arrivée, leurs chevaux furent conduits aux écuries et ils furent accueillis par les maîtres de la maison Khar’Tar D’Omble, un homme pâle à l’air sévère et aux tempes ainsi qu’à la barbe grisonnante. À ses côtés, se tenait son épouse, Elisa D’Omble, une femme élégante.
Sibelle et ses compagnons furent conduits à leur chambre afin qu’ils puissent y déposer leurs sac et équipement. Hôtesse hors pair, Elisa avait prévu une chambre pour chacun des invités.
Un somptueux repas les attendait ainsi que des explications précises de la situation. Sibelle reconnut sans peine certains aventuriers qu’elle avait rencontrés à la tour d’Or, mais n’entama aucune discussion avec eux. Elle se délecta des mets préparés par l’hôtesse et écoutait attentivement ce qui y était dit. Elle apprit alors que si les parents D’Omble n’avaient été affectés d’aucune mutation, il en était autrement de leurs enfants. Leur fille Talia était devenue une femme oiseau, leur seconde fille s’était réfugiée dans la forêt Émeraude avec les autres carnivores alors que leurs fils s’étaient enfuis tout de suite après sa mutation. Sibelle ne saisit pas de quelle nature, elle était.
La jeune Reine du peuple pâle, Sheeela d’Argentar, accompagnée de son garde du corps, un vieux guerrier répondant au nom d’Astidenix, leur expliqua les enjeux de leur mission. Ils apprirent que suite à l’éveil des Titans, les hommes pâles furent victimes d’étranges mutations qui les transformèrent en hommes animaux. Certains avaient l’apparence d’herbivores, cerfs, chevaux, boucs alors que d’autres celui des carnivores, passant du loup à l’ours ou encore des aigles. Les mutants végétariens craignirent la férocité des carnivores et les taxèrent rapidement d’agressivité. Redoutant de terminer dans leurs assiettes, ils exigèrent que l’ensemble des carnivores soient jugé. Refusant d’accepter un tel châtiment, les carnivores préférèrent se réfugier dans la forêt d’Émeraude dirigés par un homme-loup nommé Bortë-a-Tchino.
Cherchant à tout prix à exécuter le jugement qu’ils avaient prémédité, un groupe de végétariens armé tenta d’attaquer le campement secret des carnivores, celui regroupant les femmes et les enfants. Les carnivores, prévenus, purent éviter le pire. Ils décapitèrent le meneur du groupe des végétariens et relâchèrent les autres après quelques jours avant de s’enfoncer davantage dans la forêt d’Émeraude.
Il y avait désormais trois clans : les végétariens, les carnivores et le clan neutre. Ce dernier clan regroupait que quelques membres, dont Sheeala, Astidenix et la famille d’Omble.
Sibelle n’avait dit mot de la soirée se contentant de réfléchir et de tenter de peser le pour et le contre. Alors qu’elle allait se coucher, elle rencontra Sirat, Nastya et Gasaru qui discutaient. Sirat ne croyait pas la reine à la hauteur de la situation et ne ressentait donc pas la nécessité d’aller lui parler. Il proposa alors de rendre visite aux carnivores.
Sibelle ne partageait pas le point de vue de Sirat au sujet de la reine. Elle n’avait aucunement été surprise par le choix de l’humoran,… lui-même avait l’allure d’un carnivore. Sa présence faciliterait sans doute leur intégration parmi les carnivores.
« Je suis aussi d’avis de nous rendre chez les carnivores. Il y a sûrement quelques informations qui nous échappent. »Leur choix fait, ils regagnèrent leur chambre respective, et se retrouvèrent le lendemain, prêt à récupérer leur cheval et partir en direction de la forêt.
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(-se rendre au camp des carnivore avec Sirat )))