Le sang me battait les tympans, si bien que je n'entendis pas clairement le bruit qui sorti de la minuscule flûte, mais je levais rapidement la tête en l'air pour scruter le ciel, sans trop vraiment savoir ce à quoi m'attendre. La bête allait-elle apparaitre comme par enchantement? La réflexion de Krayne me confirma que ce n'allait pas être le cas. JE lui répondis avec impatience :

"Rooh! Mais attendez, ça va arriver!

Hélas, les minutes commencèrent à défiler sans que rien ne se passe. Je fus tentée de souffler une nouvelle fois dans l'appeau, quelque fois que j'ai mal fait, mais à y réfléchir deux fois, ce n'était pas forcement une bonne idée de casser les oreilles de tous les dragons alentours, si tant est qu'ils aient des oreilles.

Le temps se faisant long, je finis par m'assoir au sol et me mis à dessiner dans la terre avec un petit bout de bois qui traînait à coté de moi. C'était plutôt un geste machinal qu'une réelle intention de dessiner une forme en particulier et au bout de quelques instants, j'avais un magnifique tas de gribouillis devant moi.

Au loin montait le bruit du tonnerre, d'abord faible mais tonnant toujours à intervalle régulier, puis un peu plus puissant à chaque fois. Si le dragon ne se présentait pas rapidement nous allions être trempés... malgré le ciel parfaitement bleu! Me relevant vivement et fouillant les cieux du regard, il me fallut un moment avant de le voir, azur sur fond d'azur. A chaque coup d'aile, il semblait fendre les nuées, majestueux, rayonnant, un roi céleste.

Je restais bouche bée, n'ayant de mots suffisamment fort pour exprimer mon admiration devant ce spectacle. Il était immense, j'avais bien fait d'entrainer Krayne à l’extérieur de la ville avant de faire appel à lui, et le vent qu'il souleva lorsqu'il se posa près de nous manqua de me faire tomber. Mon camarade ne semblait pas dans son assiette, et je pensais savoir ce qui se passait dans sa tête. Non il ne pourrait pas venir à bout d'un adversaire pareil si ça venait à tourner au vinaigre...

Semblant sortir des tréfonds de la terre, la voix du dragon résonna autour de nous, même en nous, comme un séisme, nous demandant la raison de notre appel et nous donnant son nom par la même occasion. Je plongeais à genoux sur le sol dans une profonde inclinaison, me faisant la plus petite possible, ce qui n'était pas dur devant ce monstre, avant de lui répondre le plus respectueusement possible.

"Ô puissant Hahdrim, veuillez nous pardonner notre impudence. Loin de nous l'idée de vouloir vous déranger dans vos activités ô combien essentielles, pour une si petite chose que celle dont nous voudrions vous entretenir. Le Sieur Naral nous à remis ces appeaux afin de pouvoir implorer votre aide si indispensable dans la tâche qui nous incombe et qui doit être bien futile à vos yeux. Ma requête est simple : je souhaiterais me rendre à Ouesseort avec mon ami ici présent et le chemin le plus rapide reste celui des airs. Je ne vous cache pas que ce serait un immense honneur de pouvoir voler avec vous et nul doute que nous ne serions qu'un très faible fardeau pour un être aussi puissant que vous."

Avec une couche de pommade aussi épaisse que celle que je venais de lui mettre, j'espérais adoucir le caractère du dragon et pouvoir ainsi profiter de ses faveurs.

((576 mots))

Post squelette :

- Légère surprise d'entendre l'autre frère. Soulagement et inquiétude, commence à se demander quelles sont les intentions de ce chef raisonnable.

- Aux Pâles : "J'ignore ce que les frères ont déjà pu dire, mais je ne veux pas faire prendre de risques à vos éclaireurs. Mieux vaut minimiser toute présence Herbivore pour avoir la rencontre la plus neutre possible."

- À Célémar : "Indiquez-moi tout ce qui pourrait m'aider à venir à vous, je vous prie, mais n'informez vos... Hôtes, que si vous l'estimez absolument nécessaire."

Même si le dragon souligna quelques erreur dans mon discours, celui-ci semblait satisfait de la façon dont je m'étais adressée à lui et daigna nous accorder le droit de le chevaucher, nous annonçant au passage qu'il aimait prendre le chemin que nous lui proposions. Je m'aplatis de nouveau devant mon monstrueux interlocuteur :

"Nous sommes vraiment honorés de la faveur que vous nous faites et nous vous serons éternellement reconnaissant. Si nous pouvons vous êtres utiles en quoi que ce soit dans un avenir proche, vous pouvez compter sur nous."

Il était plutôt évident que jamais nous n'aurions à faire quoi que ce soit pour un être aussi puissant, et c'était plus une réponse dictée par la politesse et le savoir vivre, qu'une vraie promesse.

La bête commença alors à s'abaisser, tout en tendant une de ses pattes, nous facilitant ainsi l'escalade de son flanc. Je jetais un regard à Krayne avant de m'avancer, lisant clairement dans son attitude qu'il ne serait pas le premier à grimper. L'ascension ne fût pas si aisée même si les pics et les aspérités des écailles faisaient de bonnes prises et lorsque je fus juché entre les épaules du dragon, j'intimais Krayne à faire de même, un sourire encourageant accroché aux lèvres. Lorsque nous fûmes tous les deux en place, j'annonçais au reptile géant que nous étions près à partir.

"En route pour Ouesseort! Quant aux chevaux, quelqu'un les trouvera bien!

((237 mots))

Post squelette :

- Écoute attentivement, inquiet pour eux et quelque peu coupable de les avoir laissé partir seuls.

- Tendu en entendant la voix de Bortë-a-Tchino, scrute sa pierre après la coupure de la conversation.

- À sa faera : (Doutant de sa force ou de la légitimité de ses actes celui qui menace avant de connaître les desseins d'autrui...) / Okina : (Sages pensées. Vous commencez à apprendre, mon Protégé. )

- À Talia : "Il exige que je le rencontre seul." / Appose sa main sur la sienne / "Mais je suis homme de parole, mon aim... amie. Nous irons ensemble."

- Aux Pâles : "Moins de questions à se poser, à présent. Si l'on voit les choses sous un angle positif, cela évite de devoir ratisser la forêt... Que pouvez-vous me dire sur cette clairière ? Est-ce un lieu remarquable ?"

- Patiente, se demandant si le meneur adverse se montrera aussi honorable que lui. Par prudence, demeurera méfiant.

Post squelette (encore) :

- Songe qu'il manie moins bien les mots qu'il le pensait.
- Ecoute les informations données par la Reine et se demande ce que l'Obelisque pourrait possiblement avoir comme lien avec la magie frappant les Pâles.

- À Talia : Les paroles ont cette tendance à trahir quand on y prend le moins garde... Nulle inquiétude, mon amie. Si Bortë-A-Tchino m'avait laissé le temps de le prévenir, il aurait su une petite chose. En la regardant dans les yeux, le poing serré contre la poitrine et dépassant un élan de timidité. Une partie de moi est vôtre, Talia. Je ne saurais être séparé de vous sans que cela me rende... Incomplet.

- Toussote, conscient que ce n'est guère le moment de conter fleurette à la belle Pâle.

- À la Reine : "Toute ma gratitude, votre Majesté. Je m'efforcerai d'être prudent et de vous revenir avec quelque chose de concret."

- Salue à l'ynorienne et invite la damoiselle D'Omble à l'accompagner en direction de la Clairière.

~Auparavant~




Le trajet de retour me semble un peu moins long que l'aller, mais il est à la fois plus pesant et bien plus empli de doutes que le chemin opposé. Ma tendre Talia ne parle pas particulièrement, mais je suis persuadé que mettre de la distance entre elle et cette clairière la soulage, tout comme de retrouver les environs de sa cité. Je m'efforce de réfléchir à ce que je vais pouvoir annoncer à Sa Majesté. Un chef des rebelles loin d'être fermé, une responsabilité semble-t-il partagée par les deux camps, chose qui ne fait que me convaincre que l'idée nichée dans mon crâne depuis quelques heures est légitime et peut aider ce peuple à se reprendre. Toutefois, cette note d'espoir se voit assombrie lorsque je me rend compte être attendu aux portes du château.

Soupçon d'inquiétude. La Reine est là, accompagnée de son général et d'un individu de grande taille. Malgré mon sang ynorien, je ne parviens pas à chasser une pesante impression en comprenant qu'on nous attend en nombre aux portes du Château. Mes yeux s'attardent brièvement sur cet inconnu. Mi-Pâle mi-taureau, un visage dur aux cornes telles des épées ajoutant à sa taille, un arc qui doit avoisiner ma propre stature dans les mains, je dois admettre que tout dans sa carrure et son aplomb sont impressionnants. J'ai beau être habitué maintenant à faire partie des présents les moins grands, être confronté à si haut me déstabilise légèrement. Toutefois, en respectable et respectueux ynorien, je m'incline légèrement à son endroit lorsque la Reine Sheeala d'Argentar le présente indirectement comme son chef des éclaireurs. Avant cela cependant, je ne peux que constater que la dirigeante de ce peuple ami est plus pâle et tendue que d'ordinaire.

Et non sans raison.

Je ne peux que ressentir un frisson effroyable me dévaler l'échine aux paroles que mes oreilles pointues me font parvenir. Cela y est, la terrible situation que j'espérais avoir le temps d'éviter : les Végétariens savent où campent les Carnivores, et projettent de s'en débarrasser une fois pour toute. Si je ne le montre pas sur mon visage, je suis sidéré de constater la satisfaction qui prend place chez le Général Astidenix et le Chef des éclaireurs. Comment peuvent-ils accueillir cette nouvelle avec un tel sentiment ? Parler de faire disparaitre toute une partie de leur propre sang par la force ? En moi, un bref espoir : ils ne savent pas que les autres ne sont pas si différents d'eux. Je veux croire qu'ils ne le sont pas, en tous cas.

Il faut que je me fasse entendre. Leur ouvrir les yeux avant qu'il ne soit trop tard. Je mise beaucoup sur ma foi dans les intentions du Loup, qu'il veuille simplement réintégrer son foyer et pas se servir de moi pour une odieuse machination. Je veux croire à sa sincérité de retrouver un peuple uni malgré ses différences. Peut-être suis-je en train de projeter mes propres angoisses sur ce schéma de conflit, mais je veux croire à la réconciliation. Je serai là de toutes manières pour protéger la Reine s'il s'est joué de moi. En mon for intérieur, je supplie Gaïa qu'il n'ait pas fait cela.

L'intonation presque désespérée de la Reine m'incite à exposer le résultat de l'entrevue sans tarder. Je sens son regard sur moi et ôte mon casque pour leur parler. Ton calme et rassurant, mais en avisant presque malgré moi les plus belliqueux du groupe.

"J'ai beaucoup appris de cette rencontre. Le Seigneur-loup est quelqu'un de réfléchi et de raisonnable. Prudent, ce qui est compréhensible, il s'est pourtant montré ouvert à la discussion."

Mon regard violet se tourne vers la Première Dame des Pâles et je m'adresse ensuite directement à elle.

"Il a aussi à cœur de voir les Carnivores rentrer chez eux. Il est prêt à parlementer avec vous, Votre Majesté, dans cette même clairière où je l'ai rencontré. Je me suis engagé à organiser cette entrevue. J'y participerai en tant qu'élément neutre. "

Je sens mes lèvres s'ouvrir de nouveau devant le possible choc que j'ai causé et le nombre de choses à préciser, mais je m'efforce de les clore. Il me faut garder pour le moment les détails de la rencontre pour moi, tout comme mon plan. Je n'ai pas besoin d'être expert dans la relation avec eux pour savoir que ni le chef des éclaireurs ni le Général Astidenix n'appuieront la rencontre. Pourtant, c'est là la solution qui me semble la plus sage. Il n'empêche qu'une part d'obscurité règne encore sur cette situation. J'aimerais comprendre tous les tenants et aboutissants de ces tensions. Après mon entrevue, j'ai la sensation que pour le moment, ce sont les Végétariens qui sont le plus sur la défensive. Peut-être le lupin s'est-il joué de moi, mais je veux lui accorder le bénéfice du doute.

"J'ai pu entendre le meneur des Carnivores. Il a patiemment partagé leurs motivations avec moi. Son apparente sincérité me trouble. Je m'interroge. Pouvez-vous me dire ce que reprochent exactement les Herbivores à ces derniers ?"

C'est la dernière possibilité que je leur laisse de me dire le fond de leur pensée sur ce conflit. J'ai besoin de l'entendre de leurs bouches pour ne pas ciller. Pour rester stoïque quand l'heure sera venue. Pour le bien de tous. J'ai la sensation de maîtriser de mieux en mieux mes émotions, dans le sens ou ma question a une intonation neutre ou presque malgré l'enjeu qu'elle porte. Dépendant de ce que je vais apprendre, j'en tirerai la force nécessaire pour aider ce peuple ami à se protéger de lui-même. Je me sens de plus en plus déterminé à concrétiser mon idée pour amener les deux camps à cesser ce petit jeu. Encore faut-il que je sois totalement convaincu que cette stratégie doive être exécutée.

Les Herbivores ont la main. Puisse-t'elle être heureuse.




(971 mots)

Treeof – Château. (15h)

Aux paroles du semi-elfe, le minotaure banda instantanément son arc vers lui avec virulence, lançant entre ses dents serrées un hargneux :

« Traitre ! »

Aussitôt, cependant, la Reine se tourna vers lui et le toisa d’un regard encoléré indescriptible.

« Capitaine ! Baissez tout de suite cette arme. »

Le mi-vache lui renvoya son regard courroucé, empreint d’incompréhension, en sus, avant de finalement ne pas tenter le défi, et baisser son arme et le regard. Quoiqu’aussitôt, il rompit de son imposante présente, s’en allant bougonner ailleurs, visiblement défait par la réprimande de la Reine, sous le regard nerveux de cette dernière. Astidenix prit alors la parole, sec et sévère.

« Comprenez-le, majesté. Ses deux fils sont morts pour la cause du Loup. »

Puis, se tournant vers le semi-elfe.

« Parlementer, hein ? Sans doute a-t-il omis de parler de ces victimes de son idéologie et de sa révolte. De sa guerre. Ce qu’on reproche n’est on ne peut plus clair : ils sont un danger pour Treeof et le peuple pâle. Ce sont des assassins sanglants aux fureurs de fauves. Incontrôlables. Irraisonnables. Leur départ en est la preuve la plus parlante. Ils ne trouvent de solution que dans la violence. »

Sheeala l’arrêta là.

« J’irai à cette entrevue. Nous devons tout essayer pour éviter une guerre ouverte. »

Et Astidenix, de renchérir :

« Mais, majesté… »

Le regard qu’elle lui lança le convainquit de ne pas poursuivre. Il soupira, baissant les yeux au sol, et précisa, las :

« J’irai avec vous. Il est hors de question que vous soyez en sa présence sans une escorte. C’est non négociable. »

Et ils tournèrent tous deux un regard interrogatif sur le semi-elfe. Était-ce seulement envisageable ?

[Kiyoheïki : 0,5 (introspection) + 0,5 (proposition) + 0,5 (question) + 0,5 (bonus longueur).]

~Auparavant~





Quelques sons courts et secs parviennent à mes oreilles en pointe. Mon sang ne fait qu'un tour tandis que mon instinct de survie commande à mes jambes de fléchir. Le minotaure vient de bander son arc gigantesque, et la flèche encochée luit d'une façon menaçante. Elle est pointée droit sur moi. Un mot jaillit des lèvres du chef des éclaireurs, plus vif encore que pourrait l'être un trait. Malgré tout ce que j'ai appris, tout ce que j'ai vécu, ce simple mot me cloue littéralement sur place. Hébété, je n'entends que vaguement la Reine lui intimer l'ordre de baisser les armes.

Tout se passe comme si je n'étais pas là, à l'instar d'un simple spectateur de la scène, mais trop éloigné pour en saisir tout le sens. Je perçois Sa Majesté et l'homme-taureau se regarder avec une tension certaine, avant que ce dernier ne s'en aille. À côté, le général Astidenix tente d'expliquer le geste auquel je viens d'assister : ce père a perdu deux fils dans ce conflit avec le Loup. J'ai du mal à me concentrer sur les paroles de l'ancien mainbour d'Andel'Ys. Accusateur, il accable le Seigneur-Loup, certifiant que son idéologie et sa révolte ont fait des victimes, qu'ils sont des assassins incontrôlables. Que leur fuite est signe de culpabilité et qu'il ne savent trouver de voie qu'à travers la violence.

Je ne comprends pas comment cinq années ont ainsi pu briser ce peuple. Des hommes et des femmes qui ont lutté côte à côté pendant la Grande guerre sont maintenant en train de se jeter à la gorge les uns des autres. Il a beau dire que les Carnivores sont les assoiffés de sang, pour le moment, les Herbivores sont ceux qui sont sur le départ, prêts à éradiquer tous ceux qu'ils vont trouver. Les uns comme les autres veulent du sang. Que puis-je faire face à cela ? Je m'accroche à mon idée, mon dernier espoir de leur ouvrir les yeux. La douce voix de la Reine s'élève. Elle accepte l'entrevue, chose qu'Astidenix finit par accepter, à la condition de l'escorter.

Tous deux tournent leur regard vers moi, mais il me faut de longs instants avant de le remarquer. J'inspire vivement puis pousse un soupir malgré moi. Une douleur persiste dans ma poitrine, et j'ai beau serrer les doigts sur mon casque, j'ai du mal à passer outre.

"Traître..."

J'ai la gorge nouée à ce simple mot tant il me fait mal. En d'autres circonstances, venant de quelqu'un d'autre, peut-être cela m'aurait laissé indifférent. Mais pas là. Savoir que tout ce que je tente pour aider les Pâles me fait apparaître ainsi à leur yeux ébranle brutalement la fragile confiance en moi que je suis parvenu à bâtir. J'inspire de nouveau, déglutis abruptement avant de fermer les yeux. Là, tout de suite, le poids de leurs regards me pèse. Est-ce aussi ce que ma tendre Talia pense de moi ? Ma faëra avait-elle vu juste depuis le début ?

"Je... Accordez-moi un instant, je vous prie."

Ma forme se détourne brièvement d'eux. Lentement, je me pince l'arête du nez. Il ne faut pas que je me laisse aller ni m'empêtre dans des émotions gênant ma réflexion. Ce serait indigne d'un ynorien. Une poignée d'instants me sont nécessaires pour calmer la peine qui m'a brusquement envahi. Je finis par retrouver le cercle de la discussion.

"La haine abritée dans les cœurs engendre un sombre voile sur le regard. Je ne m'attendais cependant pas... À en être victime. Mais encore une fois..."

J'appose ma main libre sur mon torse, griffant légèrement l'armure offerte par ce même peuple avant mon départ. Un brin de frustration se glisse dans ma voix.

"Comment peut-on espérer de moi que je fasse quelque chose quand on passe son temps à me cacher des pans entiers de l'histoire ? J'aurais pu le confronter à ce sujet. Peut-être finir par remonter à l'origine même des tensions. Trouver une solution... Je veux aider votre peuple, Reine Sheeala d'Argentar, mais... "

Petite pause. Je fronce les sourcils et ferme brièvement les yeux.

"Tout semble concourir à me faire échouer dans ma tentative."

La Reine m'avait prévenu que rares étaient ceux ayant foi dans une possible réconciliation, mais au point de volontairement omettre des informations ? De saboter ce que je m'efforce de mettre en place ? Les Pâles ont-ils échoués si bas ? Ont-ils vraiment tout oublié de ce que nous avons traversé ensemble ? Etais-je le seul à me croire suffisamment proche de ce peuple pour me targuer d'en être l'ami ? M'ont-ils toujours considéré comme un étranger ? Un fauteur de troubles ? Le messager des mauvaises heures ? Le réaliser me fait beaucoup de peine, mais cela va en mon sens, finalement.

Après une lente inspiration et un soupir, je reprends le fil de la discussion.

"Le Seigneur-Loup comptait venir seul. Il changera peut-être d'avis quand nous mettrons les détails au point, mais je vous en informerai. Je pense lui proposer le début d'après midi... Pour que nous puissions avoir le temps de nous organiser de nos côtés respectifs."

J'avise la Reine, laissant mon regard se river au sien.

Il faut que je lui parle en privé, mais je suis certain que son Général ne me laissera pas faire. Pourtant, si je veux mettre mon propre plan en place, il faut que seuls la Reine et le Loup soient avec moi dans cette clairière. Dans le détail, il me faut duper le Général, pour qu'il arrive avec un peu de retard au point de rendez-vous. Et comme je le soupçonne, il ne viendra pas seul. Il aura des troupes dissimulées avec lui. Börte-a-Tchino fera certainement de même. Il viendra préparé et avec du renfort, car il voudra se protéger. En effet, il est hors de question que je cautionne une attaque surprise contre le campement des Carnivores. Lorsque je serai tranquille, en plus de planifier la rencontre, je l'informerai du danger encouru en restant le plus vague possible. Il ne faudrait pas que les éclaireurs herbivores fassent les frais de mon acte.

"Venir accompagné de Dame Talia sans le prévenir l'a rendu prudent et méfiant. Je ne saurais refaire cette erreur... Mon seul souhait est que cette rencontre amène à une évolution de cette dangereuse situation."

Il me faut un instant pour desserrer le poing et souffler, non sans remarquer que la crispation persiste. Je ne suis décidément pas aussi fort que je le pensais. Puisse cette peine renforcer ma détermination. J'adresse un regard à Talia, cherchant à savoir si elle a une opinion sur tout cela.




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