Depuis la boutique de Sakim Haibon
J’eus à peine mis les pieds dans l'auberge qu'une grande bouffée de fumée me chatouilla les narines et me fit tousser. Il régnait dans cet établissement une ambiance assez enjouée. C'était surprenant, vu l'atmosphère empreinte de tension qui pesait sur la ville.
Je repérai le comptoir. Le bonhomme trapu qui se trouvait derrière devait sans doute être l'aubergiste.
« Bonjour. Combien pour un repas et une chambre ? », lui demandai-je en m’approchant de lui.
« Quinze Yus pour la chambre et cinq pour le repas », répondit -il d'un ton sec.
(Pas très aimable pour un aubergiste...)Je sortis les vingt pièces de ma bourse et les déposai rapidement sur le comptoir. Il n'avait pas eu le temps de voir mes mains blanches. Enfin, je l'espérais. Il se retourna à la recherche d'une clé de chambre.
J'en profitai pour scruter la pièce. L'auberge avait l'air d’attirer du monde à en juger par les rares tables inoccupées. La clientèle était variée. A ma droite, un groupe d'amis parlant fort et buvant beaucoup. A ma gauche, deux couples occupés à discuter de leurs problèmes respectifs. Au fond de la salle, trois types chuchotant comme s'ils préparaient un mauvais coup.
« Monsieur ! ». L'aubergiste impatient me rappela à son bon souvenir.
« Je vous met la dernière chambre du troisième étage. », dit-il en déposant la clé sur la table.
« Merci. Vous pouvez me faire servir mon repas dans ma chambre ? »Je n’avais vraiment pas envie de manger au milieu de ce vacarme. J’aurais vite fait de faire un malaise. L'aubergiste grommela quelque chose que je n'entendis pas dans le brouhaha ambiant. Visiblement, ça ne l'enchantait guère et il ne se gênait pas pour le montrer.
(Bon, changement de méthode)«Mettez moi le repas sur un plateau et je le monterai moi même », proposai-je.
« Bon. », céda l'aubergiste,
« Mais vous me le redescendez demain. »Je hochai de la tête et laissai le bonhomme transmettre la commande. Je jetai un coup d'œil en cuisine. Dès que les odeurs des plats parvinrent à mes narines, j'eus l'eau à la bouche. J'étais littéralement affamé, mais trop occupé pour m'en être rendu compte. Intérieurement, je salivai d'avance. Ces quelques jours de fuite à ne manger que des fruits m'avaient affaibli. Manger chaud me ferait le plus grand bien.
« Ce sera prêt dans cinq minutes » m'annonça l'aubergiste qui revenait des cuisines.
Je hochai de nouveau de la tête, pris la clé de la chambre et, sans un mot, allai m'assoir à une petite table libre. Il ne fallut pas longtemps à la serveuse pour me repérer et m'aborder.
« Bonjour ! Qu'est ce que je peux vous servir ? », demanda-t-elle avec un grand sourire.
(Au moins, la mauvaise mine du patron n'est pas contagieuse)« Rien, merci. J'attends que mon repas soit prêt. »« En attendant, vous ne voulez pas déguster une de nos bières maisons ? Elles sont produites par Bradick lui même et sont exquises. »Mauvaise idée. Déjà en temps normal, je ne tenais pas l'alcool, mais en plus avec l'estomac vide et la fatigue, le résultat risquait d'être spectaculaire.
Je refusai poliment.
Les cinq minutes d'attentes me parurent une éternité. Le bruit assourdissant des clients tambourinait dans ma tête et la fumée me dérangeait.
La serveuse revint dans les délais m'apporter mon plateau. Un pavé de bœuf avec des pommes de terre, un beau fromage et quelques tranches de pain. Tout pour faire mon bonheur !
Sans tarder, je saisis le plateau et montai en direction de ma chambre. C'était une petite pièce avec une fenêtre donnant sur la rue d'où je venais. Il y avait une petite paillasse qui semblait confortable et une cruche d'eau fraîche. Le reste du mobilier était simple mais en bon état. Malgré son air de bougre, l’aubergiste semblait bien entretenir son affaire.
Je posai mes affaires et m'assis sur un coin de la paillasse. Je mangeai rapidement mon repas avant qu'il ne refroidisse. C'était vraiment délicieux ! Je savourai chaque bouchée jusqu’à ce que je sois repu.
(Premier problème résolu)La seconde épreuve s'annonçait plus délicate : soigner ma brûlure. Je m'approchais du miroir pour vérifier l'étendue des dégâts. J'avais vraiment triste mine. Les cloques avaient fait place à des plaques rougeâtres et ma peau avait un aspect desséché. Je commençai par laver la plaie avec l'eau que j'avais à disposition, puis entrepris d'utiliser le produit que j'avais acheté. La première application de la potion jaunâtre fut très douloureuse, mais rapidement la douleur se calma. J’espérais simplement que la blessure ne s’était pas infectée.
Je commençai désormais à fatiguer. Mes muscles me tiraient et savoir que j'avais un lit à disposition ne me motivais guère pour faire autre chose que dormir. Je verrouillai ma porte et glissai ma dague sous mon oreiller. Juste au cas où...
Je m'allongeai sur mon lit et sombrai immédiatement dans un sommeil sans rêves.