Maintenant, je saisissais mieux le lien qui reliait Alex, Mauhaut, le vieux druide et la fée : ils étaient là l'un l'autre pour s'aider et se soutenir, mais sans avoir à être redevables les uns envers les autres. Ils pouvaient partir des mois si bon leur semblait, et revenir sans qu'il ne leur soit posé de question. La vielle battisse au semblant abandonnée était nommée La Maison, tout simplement, et représentait un lieu où ils pouvaient se retrouver et se reposer, un peu comme une famille. Il y avait également une guérisseuse, en voyage actuellement, et deux ou trois autres personnes.
Nous arrivâmes finalement dans une vaste plaine, munie de cibles en paille. De nombreux archers étaient présents, les uns discutant, les autres s'entrainant, d'autres encore se défiant à qui viserait le mieux.
Bon, montre moi ce que tu sais faire maintenant, tu as du progresser depuis l'histoire de la pomme ! Il me lança un clin d'œil auquel je répondis d'un grand sourire, amusée par l'évocation de cet agréable souvenir : ma première touche à l'arc.
Non, je ne peux pas je suis désolée... lui répondis-je avec une moue boudeuseDevant son air incrédule, j'ajoutais :
Tu risquerai d'être déçu de constater que l'élève a dépassé le maître ! Sourire au lèvres, Alex me tira affectueusement le lobe de l'oreille, comme un père punirait gentiment son enfant d'une bêtise qui l'amuserait.
Je me mis alors à l'œuvre, faisant face à une cible distante d'une vingtaine de mètres. J'ôtais une flèche de mon carquois, la plaçais, tendit la corde et touchait la cible en son centre précis.
Alex, assis en tailleur au sol applaudit mollement, avec cette façon qu'il avait de se montrer peu convaincu pour me forcer à me surpasser.
C'était juste l'échauffement ! Me justifiais-je. Je brandis alors une autre flèche, et visai le ciel. Avec la juste dose de tension, la flèche forma une courbe dans les airs et se planta à quelques centimètres de la main d'Alex. Cette fois ci, il sembla impressionné, et inclina la tête en sifflant.
C'est ce que j'appelle un vol plané. Expliquais-je fièrement. Attends, j'ai encore une dernière petite surprise...Cette fois, je ne préparais pas de flèche: je saisis mon arc nu et visais la cible. Une concentration profonde centrée sur mes fluides intérieurs me permit de modéliser un pic de glace aiguisé qui se logea à l'emplacement précis réservé aux flèches sur mon arc. Je tirais, et il se planta au beau milieu de la cible, collé à ma précédente cible.
Je m'assis aux cotés de mon ami, visiblement ébloui par mes progrès.
Tu sera toujours pleine de surprises, petite Loys !A ton tour maintenant ! M'exclamais-je en tripotant les lanières de ses bottes, comme j'en avais autrefois l'habitude.D'accord, mais d'abord, montre moi que tu es une véritable archère, et fends une de tes flèches en tirant.Qu'ai-je à y gagner ?Toute mon admiration n'est-ce pas un cadeau déjà là immense ?D'humeur taquine, je penchais la tête de chaque coté en réponse à ses paroles, mimant la découverte d'une récompense peu motivante. Je sautillais alors jusqu'à mon emplacement de tir sur lequel je sautais à pieds joints en brandissant une flèche. Je tendis la corde de mon arc, ralentis ma respiration, et consacrais toute mon attention sur mon corps, mes réflexes, mon arc, et ma cible. Ma flèche avait atteint sa cible dans le mille, mais elle était légèrement de biais, et ce ne serait pas chose facile de la fendre en deux.
Tandis que je lâchais la corde et que ma flèche se dirigeait à toute vitesse vers la cible, un projectile me frôla, et en l'espace d'un dixième de seconde rattrapa ma pointe, la dépassa même, et se planta au beau milieu de la cible, cassant ma précédente flèche en deux, tandis que celle que je venais de tirer se planta à coté des autres.
C'était incroyable ! Je restais sur place plusieurs secondes, incapable de réagir tant ce que j'avais vu était... Beau, effrayant, inexprimable tout simplement... La flèche qui s'était faufilée devant la mienne avait quelque chose de particulier, une sorte de dragon de feu enroulé autour d'elle, qui s'était volatilisé au moment même de l'impact. Tout s'était passé en une fraction de seconde, si bien que je n'étais pas sûre de ce que je venais de voir.
Lorsque je me retournai finalement, curieuse de voir qui pouvait être l'auteur d'un tel phénomène, je découvris un Shaakt marcher tranquillement en direction d'Alex et moi, un magnifique arc d'ébène à la main. Je restais bouche bée, impressionnée par sa prestance, ne pouvant m'empêcher de repenser à ces cauchemars et rêves constitués de la silhouette d'un Shaakt.
L'elfe s'avança jusqu'à mon ami, et à ma grande surprise échangea un salut chaleureux avec lui. Il se tourna alors vers moi, et inclina gracieusement la tête. Un discret haussement de sourcil me fit lire de la condescendance sur son visage, et vexée, je n'y répondis pas.
Alex entama alors les présentations me désignant comme amie de longue de date, et présentant l'elfe comme un membre de La Maison. Liamaël, puisque c'était son nom, s'adressa à moi en ces mots :
Alors petite, impressionnée par mon dragon?Agacée par son ton méprisant, je ne pris pas la peine de répondre une fois encore, et tournai les talons en direction de ma cible en paille. J'y récupérais mes flèches, jetais au sol celle qui avait été fendue en deux par celle du Shaakt, et récupérait cette dernière. Je retournai alors auprès de mon ami, et jetais le projectile de l'elfe à ses pieds, une moue boudeuse sur le visage.
Comme elle est mignonne ! S'exclama l'elfe.Je m'assis alors au sol en tailleur, et renouai la boucle de mes brassards. Pris de tendresse, Alex me rejoignit et, une main posée sur mon épaule, affirma qu'il était fier de moi. Toujours vexée par l'interruption du Shaakt, je bougeai l'épaule pour me dégager du contact du Kendran, et je répondis simplement :
A ton tour maintenant.Alex se tourna alors vers son compagnon, les yeux pétillants de cet éclat de malice que j'aimais tant et de sa voix charismatique proposa :
Liam, un duel? Cela fait bien longtemps.Pour seules réponses, l'elfe posa son arc et son carquois au sol, et dégaina son épée, déjà prêt a riposter. Amusé par la réactivité de son ami, Alex brandit son épée également et se prépara à combattre.
Je ne pus m'empêcher de penser à cette après-midi là, dans les champs de calices, où Alex s'était confié à moi tout en maniant son arme contre un adversaire imaginaire. Pour cela, il n'avait pas changé, il était toujours aussi beau et noble une épée à la main.
J'eus des frissons lorsqu'ils s'attaquèrent simultanément, et que leurs épées tintèrent alors dans un bruit métallique caractéristique. Avec souplesse et grâce, ils échangèrent quelques attaques et parades amicales. Presque trop amicales même pour être réellement intéressantes. Le duel devint plus prenant lorsque leurs échanges s'accélérèrent, mais cela restait relativement statique et prévisible. Liamaël commença alors à feinter, tentant de percer la défense de l'humain, qui rattrapa le coup au dernier moment par une habile parade.
Mon cœur battait maintenant à toute vitesse, et je retenais mon souffle, curieuse de connaître l'issue de ce combat amical. Alex frôla le coté de Liam, mais ce dernier riposta en écorchant la manche de chemise de mon kendran. Leur respirations étaient maintenant perceptibles, toujours rythmées par les coups d'épée et par leurs déplacements.
La défense d'Alex commença a faillir au moment où la lame du Shaakt effleura sa tempe et fit couler un très léger filet de sang le long de son visage. J'étais outrée et mise hors de moi que l'elfe ose blesser son adversaire, mais j'étais bien trop absorbée par le combat pour oser l'interrompre.
Finalement, lorsque je sentis que mon ami allait ciller, et que le Shaakt dirigeait sa lame vers son cou, j'eus le sentiment que ce duel n'avait plus rien d'amical. D'un bond, je me levais et tirais un pic de glace en direction de l'elfe. Tant l'adrénaline était omniprésente dans mon corps, j'avais su matérialiser le pic de glace au moment même où je brandissais mon arc.
Ayant vu ce que je prévoyais, Liam tendit la main vers moi et créa une boule de feu avant que le pic de glace ne l'atteigne. Ce dernier disparut dans les flammes, sans aucun doute fondu par la chaleur magique de la boule en fusion.
Profitant de cette seconde d'inattention de la part de l'elfe, Alex se glissa derrière lui et lui posa le fil de son épée sur la gorge. La shaakt, d'abord surpris, s'esclaffa :
C'est injuste. Vous avez triché!Alex ôta alors son épée de son adversaire et affirma :
Tu es vraiment incroyable Liam, j'aimerais un jour arriver à ton niveau!Un jour... Peut-être! En attendant, elle est dangereuse ta gamine!Elle n'est pas dangereuse, elle est imprévisible! Rit mon Kendran, me lançant un regard affectueux.Une nouvelle fois vexée par le Shaakt, je marmonnais pour ma défense:
Je croyais qu'il voulait te blesser...Tu es adorable Loys! Là, c'en était trop! J'implosais! Non, je n'étais pas une gamine, Non je n'étais pas adorable, Non je n'étais pas mignonne, et si, je pouvais être dangereuse! J'étais une archère, plus que ça même, une archère mage, et ça n'allait pas être un petit Shaakt de 2 mètres , prétentieux et moqueur qui allait m'humilier devant mon Alex, tout ça parce qu'il était plus grand que moi et qu'il savait faire un idiot de dragon de feu qui, il fallait l'avouer, était quand même très joli.
J'avais pensé ces mots si fort que sans m'en rendre compte je les avais prononcés à haute voix. Tous deux rirent, Liam visiblement moqueur et Alex gentiment. L'elfe s'approcha de moi et promit :
Ne t'inquiète pas, je t'apprendrai à faire un dragon. C'est très facile.Liam ! Alex ! Cria une minuscule voix. Je cherchais partout autour de moi d'où pouvait provenir ce petit son aigu. J'aperçus alors le fée que j'avais entrevu à La Maison, mais qui s'était cachée par timidité. Elle ne sembla pas me prêter attention et voleta jusqu'à l'humain et l'elfe. Ses jolis cheveux blonds et bouclés ne masquaient pas son inquiétude.
Il faut que vous veniez! Tout de suite ! Leur ordonna-t-elle, visiblement très pressée.
Alex et Liam échangèrent un regard emprunt de peur. D'un pas lourd mais rapide, il suivirent l'aldryde. Je les suivis alors, ne sachant pas trop quoi faire, derrière eux de quelques mètres. Ils marchaient si vite que parfois, j'étais obligée de trottiner un peu pour ne pas me faire distancer. Comme je m'y attendais, ils se dirigeaient tous les trois vers La Maison.
<Les habitations>