[
Avant]
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Tina paierait cher pour savoir à quoi le visage de son interlocuteur peut ressembler à cet instant. L'homme balbutie de nouveau, mais il lui offre son nom : Collin. Un peu maladroitement, mais d'une façon charmante, il s'excuse d'avoir mis en doute les capacités de la belle à se débrouiller. Dans le champ de vision de la brune, les autres soldats ont l'air de particulièrement se réjouir du spectacle. Camaraderie, tape aux épaules et petits rires. Est-ce une sorte d'initiation pour ce pauvre Collin ? L'a-t-on contraint à accueillir les arrivants sans l'y préparer un minimum ?
Il ne semble pas le remarquer ou en tous cas, il reporte son attention sur tout autre chose. De façon un peu plus solennelle, il précède la belle dans le campement, la menant jusqu'à la tente centrale aux pans légèrement ouverts. Le brave garde se tourne vers la tulorienne, agitant les doigts avec ce qui semble être de la nervosité. Il a l'air de vouloir ajouter quelque chose.
Patiemment, Tina attend qu'il se décide. Lorsqu'il le fait, c'est pour se proposer comme escorte quand elle sera arrivée. Elle n'aura alors qu'à demander le Sergent Collin. Les yeux bleus de la jeune femme avisent les mains sous protection de son interlocuteur. Il est amusant de voir à quel point ses doigts peuvent se mouvoir souplement malgré l'armure. C'est véritablement fascinant et intéressant. Si elle devait comparer, ces gants de métal sont aussi souples que ceux en tissus qu'elle confectionne parfois. Comment est-ce possible ? Quelque chose de forgé n'est donc pas obligatoirement rigide ?
Sans brusquerie, histoire de ne pas lui faire jaillir le cœur de l'armure, Tina appose ses mains fines autour de celles du Sergent, en un geste rassurant. Elle lui offre un sourire amical et chaleureux.
"
Je ne manquerai pas faire appel à vous, Sergent Collin. Je gage que vous serez même le premier à qui je penserai. Merci infiniment."
La tulorienne le relâche doucement, puis elle se tourne vers la tente. L'endroit est véritablement spacieux, mais hormis un large fauteuil et quelques chaises, il est étonnamment vide. Une femme est installée là, ses traits ressemblant à ceux de ces humains plus au nord, les ynoriens. Difficile d'estimer son âge à cette distance, mais les yeux de Tina sont également attirés par sa tenue. Du tissu ? Non... Du cuir ? Mais bleu foncé ? Il est presque impossible de teindre du cuir sans le rendre plus que frustrant à travailler... Dans toute sa carrière de couturière, c'est bien la première fois qu'elle voit quelque chose de semblable. Et qui épouse les formes féminines sans difficulté.
Assis non loin, Tina aperçoit un être à la longue chevelure blonde. Elle entrouvre les lèvres et écarquille les yeux, piquée par la curiosité. Il a beau être assis, il semble véritablement immense. Fortement bâti et vêtu d'une tenue également à l'ynorienne. Mais sombre... Du noir, du noir... Qui fait ressortir son visage pâle, mais surtout borgne. Et cet individu est armé. Serait-ce le garde du corps de la femme ? Peut-être pas. En comparaison avec les soldats qu'elle vient de voir, il semble trop... Yuiménien.
Repoussant du revers de la main un pan de la tente, Tina fait connaître sa présence en l'accompagnant d'une prise de parole calme. "
Bonjour à vous."
Puis, elle s'avance à l'intérieur, laissant le pan les couper de l'extérieur, mais elle ne pousse pas jusqu'à rejoindre les individus.
"
Veuillez pardonner mon intrusion. Je me nomme Tina de Tulorim, répondant à l'appel lancé par les vôtres."
Doucement, la brune attrape un pan de sa robe et s'incline en une révérence polie. Si le Sergent Collin a été facilement ému, Tina émet davantage de réserves quant à une réaction similaire de la part d'une femme. Qui semble déjà habituée à froncer les sourcils, d'ailleurs.
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