L’elfe agile et vif n’eut guère de mal à se jucher tout en haut de son piédestal, de cette zone d’observation qui lui apporterait plus de renseignements sur la zone environnante, même s’il savait pertinemment que dans un monde fait de rêves, la géographie et les lieux pouvaient fondamentalement changer d’une minute à l’autre. Ou du moins était-ce ce que son esprit perspicace et raisonné avait conclu, par manque de connaissance sur la question. Manque de connaissance qui n’avait de cause que la bêtise de ses pairs de n’avoir pas possédé de traité évoquant un tel monde, quand bien même quelqu’un aurait eu l’idée brillante d’en écrire un, ce dont il doutait profondément. Qui à part lui aurait pu avoir une idée aussi brillante ?
Il avait donc escaladé les pierres anciennes qui semblaient constituer les ruines d’un antique mur d’enceinte, censé sans doute à une époque protéger cette cité onirique d’envahisseurs extérieurs. Il nota une température plus agréable et chaude, une fois qu’il fut proche de la cité. Comme si son cœur battait de vie, et son extérieur périssait dans la monotonie de la mort glacée. Un feu intérieur brûlait-il sous la terre, à cet endroit précis ? Telle était la question que l’elfe se posait en escaladant le rempart. Non pas qu’il avait la tête ailleurs, mais ses récentes mésaventures dans les gorges dangereuses des Monts de Nirtim l’avaient quelque peu entrainé à subir de telles choses, et cette grimpette facile était presque un loisir, désormais, qu’il aurait pu faire les yeux fermés si son but initial n’avait pas été avant tout de voir quelque chose. Tout en grimpant, donc, il eut le loisir de noter que certaines pierres ressemblaient assez à celles qu’il avait vues dans la mine des nains, ces gemmes violacées chargée de courant électrique, une énergie qui avait failli avoir raison de lui, si la volonté de Zewen n’avait été plus forte que celle de son inférieur forgeron, Valyus.
Une fois au sommet, lieu qu’il affectionnait tout particulièrement et en toute occasion, lui qui était constamment au dessus de tout le monde dans son esprit égocentré, il put contempler les environs immédiats, et même plus lointains, de cette cité inconnue et ruinée.
Ainsi, il nota la présence, au nord, de quelques mouvements peu définissables à cette distance. Certainement un campement d’un trio nouveau, à en juger par les trois silhouettes peu nettes qu’il apercevait de sa vue perçante. À l’Ouest, d’où il venait, il put voir ses compagnons paresser lamentablement dans leur lenteur congénitale. Il les distinguait à peine, dans la brume qui se levait à l’horizon pour perdre le paysage dans d’évanescentes fumeroles indistinctes. Il leva les yeux au ciel, méprisant l’inactivité chronique dont ces incapables faisaient preuve. Il décida aussi de dévier au plus vite son regard parfait de cette scène déplorable.
Il le concentra donc vers l’Est, là où la ville s’étendait. Il pouvait aisément découper le paysage en quatre pôles majeurs, contenant chacun sa spécificité. Le premier qu’il nota fut celui qui comportait un bâtiment imposant muni d’une coupole, sur le dessus. Un lieu de culte, à en juger par les dorures émergeant des moulures abimées de la façade. Quel dieu pouvait-on vénérer dans ce monde irréel, où même le temps n’était pas sûr d’exister ? Les éléments n’étaient que fiction, et folie. Mais le destin dominait toujours toute chose, même dans un monde immatériel. Ainsi Zewen ou l’une de ses entités célestes était sans doute là, trônant majestueusement dans une représentation statufiée de cette civilisation inconnue. La seconde partie était une place, munie d’une étrange fontaine, crachant une eau d’un noir inquiétant et profond. Malgré l’obscurité du fluide, son fond parut étrange au noble Hinion, qui remarqua sa forme non-plane évidente, comme si quelques reliefs étranges y étaient sculptés.
Il remarqua également un arbre, encore vert. La seule réelle présence de vie dans toute cette ville endormir. Et au loin, il put entrevoir la silhouette du haut d’une tour, qui semblait flotter dans les airs, inaccessible et lointaine.
Alors qu’il se faisait pour lui-même un compte rendu mental de ce qu’il avait vu, il se tourna à nouveau vers ses abrutis de congénères, qui arrivaient, lentement, bras dessus bras dessous, vers lui. Il les regarda approcher avec dédain, tout en descendant précautionneusement de son poste d’observation improvisé. Lorsqu’ils arrivèrent à sa hauteur, un cri étrange perça l’air, et lui fit dresser le regard vers le brouillard qui semblait les suivre curieusement. Un cri qu’il n’avait jamais entendu, qui pouvait être aussi bien celui d’une chouette que celui d’un loup à la pleine lune. Il se tourna vers ses compagnons, d’humeur maussade.
« Hâtez-vous, j’ai repéré un Temple à l’Est, non loin d’ici. Nous y serons à l’aise pour nous remettre, et pourrons nous organiser pour la suite. Pressez le pas et cessez de geindre, nous ne sommes pas seuls. Soyons des ombres furtives. »
Et sans attendre la moindre réaction à ses propos éclairés, il prit la tête de la troupe afin de la diriger vers le Temple qu’il avait aperçu.
_________________ Lindeniel Il Thirnasael, noble Hinïon dans la tourmente d'une quête onirique.
Tous méprisables...
|