Kafziel a écrit:
Quand je vis le colosse, ma première réaction fut de me relever d'un bond, mais je constatais bien vite qu'il était inoffensif car enchaîné.
C'était un être impressionnant, tout dans son être faisait partie de l'énorme, de son corps de titan jusqu'a son épée en passant par son armure; Encore une chance que les chaînes aussi soient disproportionnées.
Je m'approche de la cellule, puis passe devant Romeena, toisant le géant de haut en bas.
"Hé bien, je dois dire que je n'aimerais pas recevoir un coup de votre part... Vous voyez, la jeune femme ici présent vous désignant comme une menace, vous comprendrez qu'on ne puisse rien faire pour vous."
"Avez vous quelque chose à ajouter avant qu'on ne referme cette porte ?"
Je le fixait dans les yeux, cherchant un signe quelconque qui trahirait ses intentions. Mais je dois dire que nul n'avait besoin de sens hypertrophiés pour se rendre compte de la tension qui émanait de cette montagne de muscles. Peut être était-ce la rage, celle du désespoir, quand vous pouvez caresser du bout des doigts un désir intense sans pouvoir le saisir.
J'avais quelques remords à le fixer comme ça, me disant qu'il finirait sans doute ici. Les gens potentiellement dangereux, on ne les relâche pas, par peur des représailles; Qui pourrait bien vivre détendu sachant qu'il pourrait croiser cette brute épaisse dans la rue à tout moment...
Mais je ne connaissais que trop bien l'odeur des chaînes et du moisi, la douleur qui gagne vos poignets, la ou frottent les chaînes; Ces cliquetis qui résonnent mécaniquement au grès de votre respiration; La froideur glaciale de la pierre qui vous pénètre comme un mauvais souvenir, pour étreindre jusqu'a la moindre partie de votre corps. Et surtout, la peur, lisible dans vos yeux qui cherchent désespérément la lumière, la peur, qui naît de l'incertitude concernant votre vie. Vais-je mourir? Dans ce trou à rats puant, seul comme un chien? Rongé par le froid et la folie?
C'est une mort à petit feu, la plus cruelle de toutes peut être. On peut vous arracher un bras ou les yeux, vous souffrirez atrocement jusqu'a vous être vidé de votre sang, mais au lieu de sang, c'est le temps qui coule, et face au temps même la plus déterminée des volontés craque, s'effrite et tombe en lambeaux, devant vos bras amaigris. Rien ne vous effraye plus que cette lourdeur qui vous envahit, vous transformant en véritable cadavre vivant, ou chaque seconde qui passe est un poignard que la peur vous plante dans le ventre.
Et puis la faim... la faim... quels mots pourraient correspondrent à la vraie faim, celle qui vous torture, vous fait délirer, c'est votre propre corps qui se débat face à la mort, un combat qui s'éternise et étire le temps en une douleur de chaque fraction de seconde, comme si l'océan se vidait goutte à goutte, vous laissant plus vide que le néant, et emportant avec elle les lambeaux de votre raison.
Mes yeux étaient restés fixes pendant plusieurs minutes, aussi les clignais-je avec vivacité, me rendant compte que plusieurs personnes me regardaient avec étonnement.
J'avais vu cet homme vieillir de plusieurs siècles en quelques secondes, vu ses poignets se teindre de rouge et commencer à pourrir, sentit le poids croissant que prendrait cette armure sur ses épaules, vu le temps qui se jouerait de lui jusqu'a la dernière seconde et l'enfermerait dans son propre corps, prisonnier pourrissant d'un destin sordide.
Un frisson me parcourût l'échine jusqu'a la queue, faisant s'herisser mon pelage doré.
Mon visage prit une expression bouleversée, et je repris une inspiration haletante, avant de continuer.
"Je... j'en ai assez vu. Je comprends que vous teniez à la vie, mais cela fait encore peu de temps que vous êtes ici, et bientôt vous regretterez de ne pouvoir vous suicider, et quand ce moment viendra, vous serez déjà mort tout en vivant. Aussi, prenez ma proposition d'un ton sérieux, nous ne pouvons vous libérer, mais si vous le désirez, je peux mettre fin à tout cela, à votre vie et aux souffrances qui l'attendent. Croyez moi, si vous êtes condamné ici, l'enfer semblera fastidieux à coté de votre séjour."
Tout le monde avait sursauté face à ces mots, c'est bien normal quelque par, mais ils ne savent pas, et ne peuvent comprendre l'opportunité que je lui offrais.