Lindeniel a écrit:
La troupe avance vers l’arche, la rejoignant bientôt, alors que le jeunot blond prend la tête, dépassant l’humain étrange et la paire de peaux-noires qui suivent tous la même voie sans réellement savoir où celle-ci mène. À la présentation pour le moins déplorablement ridicule du petit milicien, Lindeniel avait levé les yeux au ciel, étouffant un soupir agacé de cet être pitoyable qui se croyait tout permis. Voyant qu’il prenait la tête de cette expédition un peu forcée, Lindeniel ralentit un instant le pas, de peur que la présence de cet ahuri incapable ne salisse sa blanche et pure personne. Il laissa donc filer en avant la troupe d’imbéciles, laissant Kerkan faire envoler sa bestiole poisseuse et Krochar rester subjugué devant l’envol de l’animal après s’être acheté une hache martiale à la dernière minute à un des nabots belliqueux qu’ils avaient fort heureusement quitté. Par chance, si tant est que dans cet endroit avec de tels compagnons on puisse parler de chance, aucun des nains répugnants et bruyants ne les avait accompagnés vers la porte de songes.
Et puis, ils poursuivirent leur chemin en entrant dans une forêt de conifères, sombre et protégée de ce soleil éblouissant. À la vue de ces arbres, Lindeniel avait fait une moue déçue. Jamais il ne se serait vu marcher parmi ces géants verts et épineux, que pourtant les autres membres de son peuple, ces bouffeurs invétérés de salade, ignares et musiciens, vénéraient inutilement sans autre forme de procès. Il avait espéré que la fameuse porte des songes était plus proche de l’entrée de Mertar, et lui qui pensait que tout ceci serait vite terminé, il dut accepter le fait qu’il n’était qu’au début d’un périple qu’il n’avait pas décidé. Il avança vers la forêt, un air dépité collé à la face, le regard sombre et la démarche féline, légère et élégante. On eut dit que chacun de ses gestes était calculé pour laisser paraître la finesse et la beauté de son être parfait. Les arbres qui l’entourèrent eurent tôt fait de miner le moral de Lindeniel, qui se sentait bien loin désormais de son luxueux palais de Tulorim, parmi cette nature cruelle et répugnante, parmi ces crétins des bas-fonds d’un monde déjà pas très élevé dans son estime.
Déjà, l’elfe blanc ne songeait plus aux vermines gobelines qu’ils risquaient de rencontrer sur le trajet, se laissant croire que les guerriers devant lui, le blondinet, les deux drows, et l’orque qui avait finalement rejoint le groupe de tête serviraient de tampon face à une subite attaque des infâmes petits êtres qu’ils risquaient de rencontrer. Ils offriraient à l’elfe le temps de voir venir ces infâmes créatures à la peau écœurante et ainsi de prévoir leur arrivée. Peu importe qui des gobelins ou de ses ‘compagnons’ se feraient décimer par les autres, du moment que lui trouvait le moyen de survivre.
Alors qu’ils marchaient sur cet infini chemin de terre marqué de pas et de traces de charrettes, Lindeniel s’approcha doucement de l’humain aux cheveux bleus qu’il pensait toujours être un envoyé de Zewen le puissant, et qui avait été délaissé par son associé belliqueux qui avait cru bon pour lui d’aller conférer avec les deux drows et le milicien. Il arriva juste à côté, marchant à sa droite, sans même lui accorder un regard. Il se passa bien cinq minutes comme ça avant que Lindeniel ne se décide de prendre la parole, tournant à peine les yeux vers son interlocuteur aux mèches bleutées.
« Alors donc, Kerkan, vous êtes un mage… Et dites-moi, quel est l’élément que vous maniez ? Êtes-vous puissant ou novice dans vos sortilèges ? J’entends bien sûr par là : êtes-vous utile dans un combat inutile contre des ennemis qui ne sont pas les nôtres ? »
Il laissa un instant les questions en suspens, regardant maintenant avec intensité le regard du jeune homme avec ses deux yeux ténébreux et sans sentiments. Il poursuivit alors, avant même que Kerkan ait eu le temps de répondre à ses interrogations.
« Regardez-les aller à l’avant d’un danger dont ils ignorent tout… La prudence serait plus de mise, je le crois. Allons, mon bon compagnon, restons un peu à l’arrière, comme cette rousse un peu folle, mais lucide. Nous n’en serons que plus en sécurité et s’il est des Gobelins qui doivent survivre, ils seront bien affaiblis par cette avant-garde martiale… »
Il n’avait pas tenu compte de l’elfe blanche, ni du jeune nobliau humain dans ses paroles, mais ils n’importaient que peu à ses yeux. Il voulait juste ralentir la cadence de cette marche qu’il n’avait pas voulu, et se retrouver avec les envoyés de Zewen, se mettant au milieu d’eux dans une suite de cheveux bleus, blancs et roux qui sonnait étonnement les ébats d’un patriotisme étrange dont nul en ce lieu n’aurait pu comprendre la signification.
Enfin, il laissa Kerkan répondre, continuant de marcher à ses côtés en essayant de ralentir le jeune mage, cependant.