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 Sujet du message: Re: Château de Keresztur
MessagePosté: Dim 27 Mar 2011 17:45 
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L'idée de tuer le marchand sur les terres de Keresztur paraissait extrêmement risqué. Certes il perdrait la vie, certes les bandits seraient accusés, voire exécutés, mais les retombées pouvaient être terribles. Tisis les exprima à voix haute:

"Et bien si vous l'informez que sa fille est libre et qu'il vient pour se faire tuer par les mêmes brigands, la question risque de se poser, surtout s'il en a parlé. A priori l'enlèvement n'est pas resté inconnu, puisque nous en avions eu vent. Pire encore, il risque d'envoyer une escorte, mais a peu de chance de se présenter lui-même sur vos terres."

De nombreuses émotions passaient sur le visage de la fille de Brachore, la terreur laissant place à l'espoir, puis de nouveau à la crainte, voir même à la haine. Tisis se demanda un instant si son frère n'avait pas orchestré la mort de son père lors d'une pareille discussion, parlant négligemment de la vie du bon duc, comme si sa vie n'avait aucune valeur. Elle frissonna à cette pensée, avant de donner le reste de son opinion:

"Enfin, la mort sur vos terres d'un riche marchand serait extrêmement préjudiciable et pourrait avoir des conséquences fâcheuses. Il n'est pas exclu qu'un recours soit porté contre vous si cela arrivait, surtout au vu de l'influence de monsieur Brachore. Non, à mon sens, sa mort ne doit avoir absolument aucun lien avec vous."

Timidement, ce fut la jeune fille engrossée qui prit la parole, posant une nouvelle pierre dans l'édifice du parricide.

"Je sais que Père doit se rendre à Kendra Kâr d'ici deux semaines, pour des accords commerciaux. S'il était... tué hors de vos terres, il n'y aurait plus de problème, si?"

Une des servantes remit du bois dans la cheminée, redonnant un peu de chaleur à la pièce qui était bien fraîche. Tisis l'en remercia intérieurement, le froid commençant en effet à lui donner la chair de poule. Elle réfléchit un instant à l'idée de mademoiselle Brachore, avant d'en proposer une autre, risquée mais permettant plus de contrôle à Erzébeth qui ne semblait guère encline à agir hors de chez elle. Chose que la future duchesse n'avait pas de mal à comprendre:

"Peut-être que du chantage le ferait venir de manière anonyme jusqu'ici. Il s'entourerait certainement de mercenaires ceci dit, mais personne d'important ne saurait qu'il a succombé sur vos terres."

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 Sujet du message: Re: Château de Keresztur
MessagePosté: Dim 27 Mar 2011 18:08 
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Erzébeth écoutait les propos des différentes femmes qui tentaient tour à tour de faire résonner la raison sur le châtiment. Quoiqu'il se passerait, il y aurait châtiment, ce dernier devrait frapper fort, être implacable. Il y avait certes, le risque énorme de voir une garde ou des mercenaires.

« Gardes, raccompagnez notre pauvre enfant jusqu'à ses quartiers, elle a besoin de sommeil. »
« Tu déguises tes dires, tu ne veux pas qu'elle sache ce qui va se passer... »

Cèles quant à elle, agissait en silence, évacuant de nombreux souvenirs d'autrefois dans les pensées d'Erzébeth qui repensa à son plan. L'un n'empêchait pas l'autre. L'homme pouvait venir sur les terres de Keresztur sans être pour autant lié à Erzébeth. Il fallait qu'il pense, via un chantage habile effectivement, que la Baronne connaissait son secret dégoûtant et qu'elle cherche à l'utiliser comme arme pour obtenir des prix très bas sur les marchandises militaires et céréalières.

Elle repensait à Tisis lors de son arrivée, elle était accompagnée de ce crétin de barde et de sa servante. Un homme et une femme. La noblesse ne se lisait en rien sur leurs visages, on pourrait facilement les travestir en paysans. Ces mêmes paysans qui auraient hébergé une pauvre demoiselle engrossée alors qu'elle s'était perdue après avoir échappé à ses terribles agresseurs. Seulement, le barde crétin s'était fait la malle, et il lui fallait trouver un substitut. Un palefrenier ? Peut être un soldat, Tisis n'aurait pas toléré qu'on laisse sa servante sans une protection, même infime.

L'homme, le marchand viendrait récupérer son bien. Peut être indirectement, à l'aide d'hommes de main, mais cette action soudaine doublée du risque de savoir ce secret honteux dévoilé le motiverait certainement à bouger jusqu'à ces terres hostiles. Bien sûr, le risque était existant, mais son fils, héritier du pouvoir et de ses biens pourrait démentir l'histoire de l'homme venu camoufler son acte incestueux.

Et, la présence d'orques dans les environs pourrait être mise à profit. Les caves du château contenaient deux tonneaux pleins de ces Kikoup rouillés et gras. En disperser quelques uns dans les corps des mercenaires et du marchand et le complot sera plus difficile à dévoiler. A moins que, sous le stress ou le regret, Ta-Gueule se mette à avouer ce qu'elle avait entendu.

« Tisis, je veux que vous fassiez venir votre servante, j'ai un rôle important à lui confier.

Il y a, au col de Keresztur un petit village pittoresque dont les maisons subissent les meurtrissures du vent, c'est de là que les indices quant à la survie de votre chère captive surgiront. Officiellement, le château n'a aucune connaissance du devenir de cette enfant, cependant, j'exige que l'on fasse soulever la rumeur qu'elle se trouve dans une de ces maisons, hébergée par votre servante et par un... On verra ce qu'on trouvera. »


Katalina souriait, remuant sa tête comme un oiseau amusé, une pie en face d'un bout de verre luisant au soleil. Lorsqu'elle s'approcha de la Baronne, elle posa ses mains sur les côtes de Tisis comme pour l'inviter à se décaler doucement, lui laissant assez de quoi se faufiler entre les commodités de conversation.

Elle vint jusqu'à l'oreille de la Baronne pour y murmurer quelque chose. En vue de son sourire, on aurait presque pu croire qu'elle aurait bien demandé l'autorisation de confier à un archer de tirer une flèche dans la gorge du chantre du château, faisant croire une maladresse, car l'homme étant sous la chambre de Katalina, elle supportait de moins en moins ses sérénades coulantes et nocturnes...

De fait, elle expliquait surtout à Erzébeth que les rapports d'éclaireurs indiquaient qu'on y trouvait encore quelques habitants, que le village n'était plus si abandonné. On avait fait reconstruire des demeures plus solides et tenue à l'écart du vent qui s'engouffrait dans le col, hurlant la nuit et rendant les cultures très difficiles.

Le col avait un avantage primaire, c'était la roche, très facile d'y dissimuler des archers de jour comme de nuit. Et l'impasse empêchait la totale liberté de fuite. Il fallait une trentaine d'hommes tout au plus. Il allait sans dire que les deux paysans travestis seront dans un danger important. Mais elle souhait voir jusqu'à quel point Tisis offrait de l'importance à sa servante. Était-elle un sujet loyal pour Erzébeth ?

De toutes façons, l'idée de négocier n'était plus vraiment de mise, à en juger du regard des deux brunes qui semblaient plus ou moins satisfaites.

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 Sujet du message: Re: Château de Keresztur
MessagePosté: Dim 27 Mar 2011 21:06 
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Le plan satisfaisait à peu près Tisis. Il n'était pas exempt de défauts, mais il n'incluait pas de désagrément majeur pour la réputation de la baronnie. De toute façon, la jeune fille avait énoncé les risques pour la baronne, le reste n'était pas de sa responsabilité: ce n'étaient pas ses terres et Erzébeth pouvait bien agir comme elle l'entendait.

L'adolescente s'entretint avec Millana, l'informant de la situation et lui demandant si elle voudrait bien occuper pareille responsabilité. La servante accepta sans y penser par deux fois, montrant qu'elle prenait à cœur sa mission auprès de Victoire. Les deux femmes n'ayant guère eu l'occasion de parler depuis le début de l'entrainement, Millana en profita pour informer sa nouvelle maîtresse des ragots de la propriété, le plus important étant la destruction d'un esprit frappeur qui sévissait dans la demeure depuis quelque temps. Tisis ne put s'empêcher de penser à l'apparition de son père en entendant cela, se demandant si les deux choses étaient liées.

Les préparations pour la suite des événements furent assez rapide. Millana s'installa dans l'une des maisons inhabitées, avec un homme de confiance de Lydia qui comprenait bien qu'il s'agissait de donner uniquement l'illusion d'un couple de paysans, non d'appliquer cela sur la couche. La fille du marchand y était gardée en sécurité.

Répandre la rumeur ne fut pas l'exercice le plus difficile. Tisis fit faire par un peintre monacale quelques portraits de la jeune fille, les placardant dans les villages voisins, informant que l'on recherchait la fille d'un riche marchand. Elle évita bien entendu de mettre les estampes dans le village du col, laissant la rumeur prendre les jours de marchés, quand les différents villageois se rejoignaient pour échanger leurs marchandises et leurs commérages.

Il ne fallut guère longtemps pour que l'information ne circule, échappant des mains de leur créatrice et prenant leur envol. La Dame Chevalier n'avait bien entendu pas consacré toute son attention sur la tâche, continuant l'entrainement et menant des rondes avec sa troupe de gardes. Ceux-ci étaient aussi difficiles que Lydia lui avait promis, obéissant en façade, mais n'appliquant guère les directives de l'adolescente, dont l'âge et le sexe n'aidaient en rien à la faire respecter.

Elle finit cependant pas identifier lequel des neuf soldats était le plus turbulent. L'homme s'appelait Godrik, c'était un gaillard musclé et costaud, qui intimidait les autres et dont l'influence était grande. Certes, le reste de l'escouade n'était pas en reste et loin de lui être docile, mais il semblait être le point névralgique. C'est sur ce point névralgique que Tisis appuya, lui donnant des ordres difficiles et délicats, le poussant à la rébellion ouverte.

Elle ne fut pas en reste, Godrik n'hésitant pas à l'envoyer paître, refusant de l'écouter et n'en faisant qu'à sa tête. Profitant de l'occasion, la jeune fille força le destin:

"Et bien Godrik, puisque tu es si fort que les ordres ne s'appliquent pas à toi, prends donc ton arme et prouve le moi."

C'est sous les rires de ses comparses que le gaillard avait dégainé sa lame, relevant le défi avec un sourire sardonique. Lorsqu'il mordit la poussière, les hommes cessèrent de rire, tandis que Tisis gagnaient leur respect, ou du moins leur crainte.

Elle n'eut que peu de temps pour profiter de sa victoire, apprenant que le marchand avait mordu à l'hameçon, étant entré sur les terres de Keresztur, accompagné d'hommes de mains qui n'avaient pas l'air recommandables. Il n'en fallut pas plus pour que Tisis rejoigne le village du col avec ses hommes, occupant discrètement les deux maisons libres les plus proches de celles de Millana, prêts à intervenir si les choses se passaient mal.

Il n'y avait que peu de chance que les archers manquent leur cible, mais on était jamais trop prudents...

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 Sujet du message: Re: Château de Keresztur
MessagePosté: Lun 28 Mar 2011 03:07 
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« Le piège se referme enfin... »

Une semaine, trois jours, quelques heures, le soleil tombait derrière les hauteurs rocheuses. Le noir emballait la roche qui ne reflétait plus rien. Devenue triste et matte, le col de Keresztur était éclairé grâce à quelques torches aux portes et sur les toitures des maisons. Celle de la jeune servante et du soldat Izsaak était à l'entrée même du village. Les maisons étaient très espacées les unes des autres, aucun égout commun contrairement aux autres villages, les habitants vivaient dans des conditions douteuses, surtout un lieu ou se faisait le braconnage, chose non tolérée, mais cette fois-ci, Erzébeth n'était pas venue pour ça.

Calpurnia était silencieuse. Les cavaliers qui accompagnaient la Baronne l'étaient de même; seul le souffle opaque du froid sortait des nasaux des montures. Le métal des armes et des armures était glacé, une morsure terrifiante qui ralentissait même les plus grandes armées, le froid. Le col hurlait. Üvöltö Szelek, c'était son nom. Le vent meuglait entre les roches coupantes. Les anciennes régions parlaient de fées qui domptaient le vent chaque nuit lors de sinistres rituels où elles aimaient faire des farces douteuses aux humains.

C'était l'heure, on vit quelques ombres s'approcher, cinq hommes armés et un, plus petit au milieu du groupement qui portait des étoffes plus riches, trop pour être un mercenaire. C'était le marchand. Erzébeth avait passé les derniers jours à se renseigner sur l'homme en question, il ressemblait à la description qu'on lui avait rapportée. Petit homme avec une barbe du menton au nez, ventripotent, signe particulier qu'elle ne pouvait distinguer de sa cachette, était qu'il lui manquait une phalange au doigt de la main droite, un accident de chasse.

Deux soldats et le marchand entrèrent. Les autres restaient dehors, c'était à ce moment là que la tension se faisait cruelle. Que pouvait-il se passer à l'intérieur, allait-il se débarrasser de tout témoin ? S'il voulait protéger son secret, il n'y avait pas de raison qu'il ne le fasse pas. C'était le risque le plus important du plan.

« Erzébeth, c'était trop dangereux comme plan ! »
« Quel plan ne l'est pas... » Répondit-elle distraitement, trop occupée à guetter le moindre cri suspect à l'intérieur de la demeure.
Tout se passait très vite, ils n'étaient entrés que depuis quelques instants, que les voilà déjà quittant le domaine, la fille du marchand solidement maintenue par les gardes de l'homme. C'était l'heure d'agir, la lumière dans la maison s'éteignit, le signe du soldat infiltré était lancé. La capture pouvait avoir lieu.

Les cavaliers quittèrent les rocs où ils se trouvaient habilement dissimulés, Erzébeth aimait les surprises, et elle se doutait bien qu'ils ne s'attendaient pas à trouver des soldats à cheval sortir d'un tel brise-jambes. Les archers sortaient également de leurs positions. Arcs tendus, tous dans la direction des hommes qui tiraient les armes au clair, paniqués. Les cavaliers entouraient le petit groupe, baissant les hallebardes juste à la hauteur des nouvelles proies. Le marchand tira une dague et la colla brusquement sous la gorge de sa fille, prêt à l'égorger. C'était le soldat de la maison, qui ouvrit la porte et pointa une arbalète à l'arrière du crâne du bourgeois.

Celui-ci n'avait plus aucune issue, il devait lâcher le fruit de sa chair. Ses hommes de main en firent autant, capitulant pour espérer un sursis.

« Déposez toutes armes à terre, ceux qui résistent seront démembrés sur place... »

S'en suivit les bruits d'armes qui chutaient au sol, dagues, masses, épées courtes. Ces hommes étaient étrangers à Keresztur, ils n'avaient en rien l'accent de la région et aucune de ces armes n'étaient semblables à celles qu'on trouvait sur ces terres. Erzébeth vint à eux, souriante, satisfaite de savoir le commerce sauf, elle avait su protéger une enfant. La Baronne ne se reproche en rien une bonne action dans la mesure où celle-ci l'amuse ou l'exerce.

« Seigneur Brachore. Quel plaisir que de vous voir sur mes terres... Savez-vous comment le viol est puni sous ma justice ? Vous le saurez bien assez tôt. Enchaînez ces vermines, tirez leurs bottes, je veux qu'ils marchent toute la nuit avant leur exécution demain matin. »

Elle claqua des bottes sur les flancs de Calpurnia, rapidement suivie de Katalina puis de Lydia, laissant les huit hommes à la garde et aux archers. Les routes étaient caillouteuses, on y trouvait des ronces, des pierres coupantes et beaucoup de poussière. Les bottes se devaient être résistantes, de même que l'entretien des sabots des montures se faisait très régulièrement. Alors pieds nus, ils allaient passer une nuit des plus désagréable, de quoi penser à l'odieux châtiment qu'avait préparé Erzébeth, chose que même Katalina ignorait. La Baronne avait, cette fois agit dans le silence le plus total.

Le châtiment se devait d'être aussi infâme qu'exemplaire. Le viol, le meurtre, même le vol et le mensonge, tout cela était punissable de mort maintenant...

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 Sujet du message: Re: Château de Keresztur
MessagePosté: Lun 28 Mar 2011 10:48 
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La nuit était glaciale, Tisis attendant avec quatre de ses soldats dans une maison délabrée, à une centaine de mètres de celle qu'occupaient Millana et le garde. A travers un pan de mur éventré elle avait une vue claire et dégagée sur le chemin étroit et abrupt. Le vent sifflait violemment, tourbillonnant parfois, de manière sinistre. Le choix de l'endroit avait vraiment été idéal, aucune fuite n'étant possible.

Hunar, le loup solitaire de sa garde, lui montra en silence la petite lumière qui très brièvement s'était faite voir, loin au-dessus de la passe. C'était le signal, les hommes devant être prêts à intervenir sous très peu de temps. Plus un son ne sortit de la ruine, chacun étant tendu, prêt à agir. Le bruit des pas se fit peu à peu entendre, mais pas d'éclats de voix, comme si les lieux avaient su impressionner les arrivants.

Il fallait dire que les ombres jouant sur les pierres froides et acérées n'avaient rien d'engageant, même pour quelqu'un qui n'était pas superstitieux. Si l'on rajoutait la réputation de vampire de la baronne, l'imagination pouvait jouer beaucoup. Une petite troupe de six hommes dont un seul n'était pas armé se profila, se dirigeant lentement vers la vieille bâtisse.

Il s'agissait de mercenaires à n'en pas douter, des hommes aux allures lugubres et visiblement entrainés à mener des expéditions dangereuses. Ils transpiraient la prudence, n'ayant véritablement rien à voir avec les brigands de Gabriel. Non, là il s'agissait de professionnels de la mort, ni plus ni moins.

Ils s'arrêtèrent devant la maison, trois se plaçant en sentinelles tandis que deux autres accompagnaient le marchand. Les hommes à l'extérieur ne discutèrent pas, n'échangèrent pas le moindre mot, restant aux aguets. Tisis retint son souffle, espérant que le son des lames et de la mort ne proviendrait pas de l'intérieur. C'était à sa servante de donner le change, de n'attirer aucun soupçon, de le mettre en confiance. L'adolescente voyait parfois les ombres se mouvoir à l'intérieur, derrière les fenêtres mal calfeutrées, tentant d'imaginer ce qui se passait, sans grand succès.

Au bout d'un instant au goût d'éternité, la porte de bois se rouvrit, un premier mercenaire sortant, tenant la fille de Brachore par le coude. Le marchand suivit, le dernier homme refermant la porte derrière lui. Il n'y avait pas eu le moindre cri, mais Tisis ne pouvait savoir si Millana était encore en vie. Elle se demanda quelles auraient pu être les dernières volontés de sa servante, n'ayant pas même pensé à le lui demander.

Grand soulagement, la lumière s'éteignit dans la maison, signal que l'attaque pouvait être lancée, mais aussi que les faux habitants avaient survécu. Tisis ordonna à ses hommes de sortir, les imitant, arc tendu et flèche encochée, au moment même où les troupes nombreuses de la baronne descendaient de leur position. L'immobilisme dura un court instant, le marchand montrant son vrai visage en plaçant une dague sur la gorge de sa propre enfant, preuve que Erzébeth et Tisis n'avaient pas été menées en bateau par la jeune victime.

Le faux mari de Millana intervint, se plaçant dans le dos du marchand avec une arbalète chargée. Cela suffit pour que la troupe se rende, n'ayant sans doute pas été assez payée pour se battre à la mort dans de telles conditions.

Alors que la baronne donnait des ordres, Tisis se dirigea vers la maison, se rendant vite compte que Millana n'avait pas été blessée. La jeune servante lui expliqua qu'elle avait eu la présence d'esprit de dire au marchand que s'il les laissait en vie, ils raconteraient que la fille était tombée des rocs et s'était tuée. En effet, si on se rendait compte qu'ils avaient été tués par des étrangers, la baronne le saurait.

Le marchand avait hésité, avant de leur promettre les pires sévices si elle ne faisait pas ce qu'elle avait promis. Il s'en était fallu de peu, mais la jeune fille avait été suffisamment crédible et astucieuse, ayant si bien supplié que l'on ne l'aurait pas prise un instant pour autre chose qu'une pauvre paysanne désespérée. Ses yeux étaient d'ailleurs encore rougis par les larmes, alors que Tisis lui exprimait toute sa reconnaissance.

La baronne fit partir les prisonniers pieds nus, rentrant de son côté avec Lydia et Katalina. Tisis et sa garde raccompagnèrent la jeune fille, traumatisée par les événements qui venaient d'arriver, ne manquant pas de lui montrer son soutien.

"Je vous serai éternellement reconnaissante pour tout ce que vous avez fait, Damoiselle Tisis. Je vous dois la vie et mon honneur.
-Ce n'est pas la peine de me remercier, je ne pouvais laisser pareil crime impuni."

Elle nota intérieurement qu'il serait de bon ton, qu'une fois duchesse, elle noue elle aussi des accords commerciaux avec cette famille qu'elle avait pris soin d'aider de manière altruiste. Elle ne l'exprima pas à voix haute, ce n'était ni l'endroit ni le moment, mais elle ne l'oublierait pas.

Une fois de retour au château, elle se détacha de cette affaire. La punition du marchand ne l'intéressait en rien, elle ne doutait en rien que Erzébeth arriverait à trouver quelque chose d'approprié. Il lui fallait à présent remettre sa concentration sur le futur et sur son entrainement.

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 Sujet du message: Re: Château de Keresztur
MessagePosté: Lun 28 Mar 2011 20:33 
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L'aube. Erzébeth avait passé une nuit relativement courte, tandis que les bourreaux s'attardaient à tout mettre en place dans la place publique qui se trouvait en face du château, elle se retournait entre ses draps, savourant à l'avance le supplice terrible qu'allaient connaître les vilains. Tout avait été préparé, il était dans un sens maintenant difficile de cacher la mise à mort, Katalina avait compris ce qui allait suivre, elle aussi jouissait en sachant ce qui allait se produire sous les premiers rayons du soleil.

Alors que les prisonniers étaient traînés par les soldats dans les endroits les plus brisés et les plus escarpés, l'animation prenait vie à mesure où la lune descendait jusqu'à se perdre une nouvelle fois derrière les roches de Keresztur. Au loin, à l'Est, le ciel noir se teintait de rose et de lumière. L'aube naissait petit à petit, et sur les routes qui conduisaient au col d'üvöltö Szelek, on vit arriver les cavaliers escortant les maraudeurs brisés par leur longue et douloureuse randonnée.

Le châtiment réservé aux violeurs était particulier, tout simplement monstrueux selon certaines personnes. Trônait au milieu de la place, un fauteuil de fer noir, en dessous, du bois, de la tourbe et des fagots. Face au bûcher on avait fait dresser une grande table sur laquelle y avait aucun couvert, pas d'assiette, juste quelques gobelets de terre cuite avec un mauvais vin.

Le marchand fut solidement attaché sur le trône, le brasier fut allumé. La fumée blanche et opaque grimpait dans le ciel tandis qu'au bout de quelques instants, le métal se mit à rougir. L'odeur envahissait les alentours, ses hommes de main avaient été déshabillés et attendaient, entravés au pied du bûcher leur châtiment. Le bourreau tira des flammes une couronne chauffée à blanc qu'il déposa à l'aide de longues pinces sur le crâne de l'homme qui éclata. La population curieuse et avide de sang s'attardait et s'amassait peu à peu devant le spectacle sinistre. L'homme brûlait sur son trône rouge. L'odeur était des plus infecte, elle grattait la gorge des passants et tapissait les narines. Erzébeth qui observait de sa fenêtre était persuadée que l'odeur qu'elle sentait d'ici, portée par les vent, était synonyme d'homme. Plus l'homme puait, moins il avait été bon. Elle posa son nez sur son bras, espérant ne pas trop empester à sa mort.

Lorsque le feu fut éteint et que le corps était assez refroidit, le bourreau en coupa de larges tranches sur la table et jeta les membres à ses soldats. Pendant ce temps, Erzébeth s'était fait porter du thé et des morceaux de poires juteuses. Ses repas tournaient principalement autour des fruits ces derniers temps, elle voulait tant que ses servantes soient à son image qu'elle avait fait servir à chaque repas de nombreux fruits pour chacun de ses sujets du château, portant le vice de la fidélité encore plus loin.

Sur la grande place, les spectateurs furent tenus au courant des faits de l'homme, on avait tu qui il était, son nom et même d'où il venait. Il n'était qu'un violeur, l'homme qui avait profité de sa propre fille pour assouvir ses bas instincts. Ses hommes de main, accusés de s'être associés avec pareil monstre furent condamnés à manger leur ancien leader. Ceux qui refusaient seraient battus, démembrés et jetés aux chiens. Peu refusèrent. Ils se penchaient timidement sur ces membres brûlés et mastiquaient, la mine basse, sans même oser jeter un regard, rouges de honte, il avalaient les derniers restes du marchand vicieux. La Baronne savait que sa fille observait quelque part, dans l'assemblée ou par l'une des meurtrières le spectacle de la mise à mort. Car c'était en quelque sorte un spectacle, une démonstration vive et forte des châtiments imposés aux violeurs.

L'homme qui un jour, jouira d'une chair sur laquelle il n'a aucun droit sera punis de la sorte, s'il agit seul, ceux qui se délecteront de sa viande seront les canidés du domaine. Les biens du criminel furent confisqués, les montures des soldats étaient offerte aux villageois pour leurs activités rurales, ils avaient plus l'air de bourrins que de nobles montures, bons pour le travail de ferme. Les armures et armes furent récupérées, fondues et retravaillées. Il ne resterait à ce jour que le souvenir du trône chauffé à rouge qui accueilli le noble postérieur du marchand.

Lorsque ses hommes eurent terminé de manger et que les os eussent été bien propres, on les assembla et ils furent décapités un à un. Le châtiment avait duré une partie de la matinée, le soleil observait les parias d'un rayon tiède avant de continuer sa course, Erzébeth quant à elle, continua à observer la place, une grande partie de la matinée jusqu'à ce que les soldats aient tiré la moindre trace de la punition. La petite Ta-Gueule n'avait plus qu'à tenir son engagement, elle se disait qu'il serait aimable que de lui trouver un autre sobriquet avant de provoquer une faute diplomatique.

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 Sujet du message: Re: Château de Keresztur
MessagePosté: Mar 29 Mar 2011 00:42 
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Les cris de l'homme avaient été terribles, alors que sa peau se cloquait sous l'effet du fer rougi, une torture indicible qui semblait pourtant gonfler de joie le public captivé. Ce n'était pas la première exécution à laquelle Tisis assistait, mais les méthodes de son père étaient loin d'être aussi extrêmes. Déjà pourtant, voir un homme se balancer au bout d'une corde, mourant lentement, avait été un moment douloureux pour elle. L'horreur qui se jouait devant elle était bien plus forte, bien plus cruelle, mais diantrement efficace.

Elle assista à l'exécution jusqu'au bout, assumant à ses propres yeux la responsabilité d'une nouvelle mort, d'une nouvelle souffrance. Certes l'homme était un monstre, il n'avait eu que ce qu'il méritait, mais ce n'en était pas plus supportable.

Le reste de la journée fut consacrée une nouvelle fois à l'arc et à l'épée, sous les ordres toujours aussi durs de Lydia. Tisis commençait à s'y habituer, prenant même goût à sentir son corps totalement exténué par l'effort. C'était comme-ci elle se libérait, dépassant des limites qu'elle n'aurait jamais cru atteignables.

***

Les journées s'écoulèrent, apportant toutes leurs épreuves nouvelles, que ce soit à l'entrainement de la maîtresse archère ou dans les missions que Tisis menait à travers les campagnes environnantes. Celles-ci tournaient principalement autour de bandits de grands chemins et de maraudeurs, l'une des plaies de la froide contrée. Le plus dur cependant n'était pas de chasser des brigands, mais de passer dans des villages en pleine disette, de regarder les enfants maigres et les vieillards au bord de la mort. Les terres de Keresztur étaient dures, apprenant à la future duchesse à durcir son âme, toujours plus.

Des rapports de Blanchefort lui parvinrent, les soldats de la baronne ayant réussi à semer le chaos dans des proportions acceptables, provoquant même des rixes entre les vraies troupes de Valorian et celles des comtes dont les terres avaient été choisies. Il y avait eu des morts, une fois encore sur la conscience de Tisis, dont les nuits s'étaient faîtes de plus en plus courtes, les cauchemars et les souvenirs ne la quittant jamais. Toujours plus d'horreur la perturbait. Au moins était-elle encore humaine, pour être touchée par tout ce malheur et cette souffrance.

La cérémonie d'Anatole ne fut bientôt plus qu'à quelques jours, l'entrainement tirant à sa fin. Lydia avait annoncé à son amie que ce serait le dernier jour où elle saurait si elle était prête à survivre aux événements qui allaient s'enchainer. Tisis se demandait ce que ce test pourrait être cette fois-ci, n'ayant guère oublié l'affrontement avec Erzébeth, qui avait été terrible.

C'est l'esprit plein de doutes que la jeune fille avait rejoint le champ d'archerie, se retrouvant seule avec Lydia et Millana, dont le visage était fermé et inquiet.

"Aujourd'hui je jugerai de ta progression, de ton sang froid et de tes chances de gagner le combat que tu as choisi. Sache que si tu échoues, je t'empêcherai de rejoindre Blanchefort."

Le regard de Tisis s'était embrasé à la menace de son amie, qui avait l'air plus sérieuse que jamais. L'archère fit un signe à la servante, qui lentement se dirigea vers les mannequins de paille se trouvant à cent pas. L'adolescente ne comprit pas immédiatement de quoi il s'agissait, attendant pour être certaine que Millana place quelque chose sur sa tête, se plaçant entre deux cibles. Tisis jeta un regard inquiet à sa protectrice, qui ne lui montra aucun signe d'affection:

"Elle a une pomme sur la tête. Tu dois toucher cette pomme, où abandonner ta croisade."

Tisis resta figée, un frisson glacial lui parcourant l'échine, alors que son regard se posait sur Millana. Il était déjà difficile de toucher une cible aussi loin, mais un simple fruit, qu'elle distinguait à peine, c'était de la folie. Il n'était cependant pas question qu'elle abandonne sa quête, pas maintenant qu'elle était si près du but. Non, elle ne le pouvait pas, elle n'avait pas le choix.

L'air était frais, un peu brumeux. Le champ était vide si ce n'était pour les mannequins et la servante qui attendait, droite et rigide. Pas de soleil en ce jour, les nuages étaient bien trop épais et gris, ne laissant pas filtrer la moindre goutte de lumière solaire. Il y avait peu de vent, mais celui-ci était froid et humide.

La jeune fille mit lentement la corde sur son arc, entourée de silence. Elle doutait, des émotions contraires se faisant maîtresses le temps d'un instant, avant de se faire déloger par d'autres tout aussi sombres. Tisis choisi une flèche de son carquois, aiguisée et tranchante, propre et bien taillée. Si elle ratait...

Lentement elle l'encocha, ses doigts sentant chaque fibre du bois et de l'empennage, la respiration lente, son corps crispé. Un poids immense s'était abattu sur ses frêles épaules. Elle ne comprenait pas non plus pourquoi Millana s'était prêtée à ce jeu dangereux. Avait-elle à ce point confiance dans la jeune fille? Et que dirait-elle à dame Odeline, si l'un de ses propres projectiles mettait à mort sa servante? C'était une responsabilité qu'elle n'était pas prête à assumer et pourtant, il le faudrait bien.

L'arc se tendit, crissant légèrement, entre les doigts à présent habiles de Tisis. Elle arma son tir, la flèche juste au niveau des yeux. C'était impossible, la cible était trop loin, trop petite, elle n'avait aucune chance d'y arriver. Elle désarma, respirant de nouveau, dans le silence. Lydia ne dit rien, la regardant simplement lutter contre sa peur et sa folie naissante. C'était quelque chose qui ne touchait que la jeune fille, rien ni personne ne pouvait l'aider.

Abandonner n'était pas possible. Blanchefort était plus important que tout: des dizaines d'hommes étaient déjà tombés pour cette cause, lors de l'attaque initiale ou sous son action. Beaucoup d'autres allaient encore mourir pour elle, pour le duché. La vie d'une servante n'avait aucune valeur face à son devoir. Sa propre vie ne valait rien.

Elle arma de nouveau son tir, se plaçant dans la position qu'elle maîtrisait le mieux, les muscles du dos tendus à l'extrême. Elle tira une première fois, à côté, pour tester la force du vent. Le second tir était sérieux quant à lui, pointant dans la direction de Millana, visant juste au-dessus de sa tête. Si le coup manquait, il avait toutes les chances de perforer le visage de la pauvre jeune fille.

Sa concentration était grande, tandis qu'elle essayait de chasser les doutes qui l'assaillaient. L'acte était simple, il suffisait de viser et de lâcher ma corde, il fallait qu'elle ne pense qu'à cela.

Elle visa, lâcha, cessa de respirer. La flèche siffla dans l'aube mourante, la chaleur montant aux joues de Tisis tandis qu'elle se rendait compte de son erreur. Mortifiée, elle lâcha son arc, courant vers sa servante qui se fit faucher par le projectile, tombant en arrière. Lydia s'était elle aussi mise à courir, les deux femmes arrivant en quelques instants au niveau de Millana, qui se mouvait sur le sol, comme prise de spasmes.

Tisis se rendit compte que la flèche s'était plantée dans l'épaule de la jeune fille qui gémissait de douleur, la main sur le tissu sanglant. La maîtresse archère avait prévu cela, sortant de derrière une cible des bandages et une bouteille d'alcool. Très rapidement elle déchira les vêtements de Millana, ordonnant à la mauvaise tireuse de la maintenir assise pendant qu'elle s'en occupait.

L'adolescente ne put retenir des larmes, sentant la femme blessée contre elle, lui serrant la main avec force. Millana poussa un cri de douleur quand Lydia cassa la partie haute de la flèche, sectionnant l'empennage. Elle donna un peu d'alcool à la servante, avant de lui mettre un bout de bois poli dans la bouche.

La suite fut peu réjouissante: Lydia arrosa la plaie d'eau de vie, avant de pousser violemment sur la flèche qui traversa entièrement l'épaule de la pauvre femme avant de ressortir, lui arrachant un hurlement à peine étouffé. L'archère banda son épaule, lui affirmant qu'elle avait eu de la chance, elle ne perdait ni la vie, ni l'usage de son bras. Millana fut aidée par les deux femmes, qui l'emmenèrent à l'entrée du champ de tir, la déposant sur le sol.

Lydia prit alors la parole:

"Voyons si tu fais mieux quand c'est sur moi que tu tires."

Elle se releva, sous le regard interloquée de Tisis, avant de se diriger vers les mannequins, de la même manière que Millana quelques moments plus tôt. Complètement paniquée, Tisis vit Lydia ramasser la pomme, la plaçant sur sa tête, attendant qu'elle ne prenne son arc et la tue. La servante posa sa main sur celle de sa maîtresse, comme pour lui dire qu'il fallait qu'elle le fasse, qu'elle agisse, qu'elle prenne le risque.

Saisie par l'effroi, Tisis se redressa, tremblante. Elle se rapprocha de son arc, qui était tombé au sol, le ramassant lentement, observant son amie au loin. Lydia... La femme sans qui elle serait morte, celle qui lui avait donné l'espoir, celle sans qui Blanchefort n'aurait plus la moindre chance. Elle se souvenait des bras de son amie qui l'avait entourée la nuit même où elle avait tout perdu, le seul réconfort en ces temps si tragiques. Elle se souvenait de la panique que l'archère avait eu en voyant la jeune fille mordue par un serpent, ainsi que tous les efforts qu'elle avait fait pour la porter, au prix de souffrances terribles.

Elle appréciait Millana, bien sûr, mais elle aimait Lydia. Si la femme devait mourir par sa faute... Elle ferma les yeux, respirant doucement, tentant tant bien que mal de calmer le flot d'émotions qui la tiraillaient. Son arc entre ses mains, elle se mit en position, tremblant comme une feuille. Pouvait-elle tuer sa seule amie?

Il y avait une seule chose qui pouvait être pire que de tuer Lydia, ce serait de la décevoir. Elle encocha sa flèche, regardant au loin, se mettant en position. Il ne fallait pas qu'elle pense à Lydia. Ni même à Blanchefort, ou à sa quête. Il fallait qu'elle ne pense tout simplement à rien. L'arc se tendit, lentement, la jeune fille se concentrant uniquement sur les sensations.

Le bois contre sa paume, le chanvre entre ses doigts, le sol sous ses pieds ancrées, la brise fraiche, l'odeur de terre, le son de l'arc qui se tend. Lydia n'était pas là, il n'y avait que cette pomme et la trajectoire, rien d'autre. Il n'était pas question de manquer ou de réussir, de tuer ou d'épargner. Seule la trajectoire comptait, lentement dessinée entre les mains de Tisis.

La confiance. Tout n'était trajectoire, pas émotion. Pas de pensée. La trajectoire et le vide.

Tisis lâcha la corde, suivant des yeux le projectile qui fendait les airs, devinant la trajectoire qui se formait sous son regard captivé. Aucune émotion, aucune pensée, juste la flèche qui sifflait, fondant vers la cible. Lydia ne fut pas touchée, ne tomba pas en arrière, ne poussa aucun cri. L'adolescente resta tendue, dans la position qu'elle n'avait pas relâchée, tandis que lentement Lydia la rejoignait.

L'archère déposa la flèche, ainsi que la pomme, qui avait été coupée en partie par le projectile. Lydia posa alors la main sur l'épaule de son amie, lui confiant dans un murmure:

"J'avais échoué à cette épreuve."

Elle alla ensuite aider Millana à se relever, informant Tisis que la baronne voulait la voir avant son départ.

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 Sujet du message: Re: Château de Keresztur
MessagePosté: Mar 29 Mar 2011 03:30 
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Le laboratoire d'Erzébeth ressemblait à quelques détails près à une planque de sorcière. Son bureau vomissait de nombreux parchemins et l'équivalent d'une demie-bibliothèque à tel point qu'on ne pouvait deviner le bois qui servait à l'ouvrage. Elle y passait une partie de son temps, celui-ci donnait sur la fontaine et parfois, elle se perdait à espérer Mircalla, assise près de l'eau lisant paisiblement l'honneur au val des âmes perdues. Son absence se faisait lourde, elle manquait cruellement à Erzébeth qui ne faisait jamais plus qu'apprendre sur le tas les rouages vicieux de la politique. Katalina était d'une aide importante certes, mais elle ne riait jamais. Le rire cristallin de Mircalla apportait une atmosphère différente, tout était si calme et si suave...

Erzébeth et Katalina avaient mangé dans cette pièce, ensemble, en silence sans même se porter un regard ni dire le moindre mot. Katalina semblait de mauvaise humeur, presque autant qu'Erzébeth. Cèles était persuadée que la conseillère ne faisait qu'une pâle imitation de la Baronne dans l'idée de s'approcher encore plus d'elle. Le crochetage était selon la tueuse, un art négligé. Elle ouvrait quotidiennement dans son laboratoire de nombreuses serrures. Elle avait conviée Katalina à cet exercice qu'elle qualifiait d'art, très difficile parfois. Ensemble, l'une contre l'autre elles tentaient d'ouvrir une serrure le plus vite possible. Le faire sur une porte avait toujours été plus compliqué que de s'exercer sur une démontée à même la table. Katalina n'avait pas les doigts aussi habitués au crimes et délits que la Baronne. Elle avait affuté sa perception jusqu'à sentir les petites tiges métalliques et ouvrait toujours son loquet bien avant la conseillère.

« Encore... » Répétait-elle inlassablement lorsque son loquet cliqua et que la serrure se libérait. Elle n'avait pas la tête ce jour ci à s'amuser aux joies de la politique, l'exécution avait frappé les esprits de la population, elle s'ennuyait. S'occupant comme elle le pouvait. Elle avait le sentiment de tourner en rond, de lire les mêmes livres, contempler les mêmes illustrations, encore et toujours. Sur la table, un serpent rampait entre les parchemins; Cèles avait accepté de le faire apparaître pour qu'elle puisse avoir une compagnie similaire à celle de Katalina. Chose qui amusait la Faera au plus haut point était de s'imaginer la femme dans des situations impossibles. La trouver montant un âne à l'envers devant une armée d'orques ou bien la savoir accrochée au chevalier de bronze qui faisait office de girouette sur la plus haute tour de Keresztur tandis que les servantes, dansaient en rond sous elle avant de lui jeter des carottes.

La Baronne aimait sa petite Cèles, celle-ci le lui rendait bien en prodiguant de nombreux conseils qui venaient compléter ou détruire ceux de Katalina. Teresa vint apporter les fruits confits qu'elle venait de demander. La gamine timide fit en sorte de ne pas toucher Katalina lorsqu'elle se penchât pour déposer les fruits là où il y avait assez de place entre le désordre de parchemin.

« Un désordre soigneusement organisé, voyons ! »

Le temps était froid, le climat de Keresztur perdu entre les roches était différent de celui de Bouhen quelques lieux plus loin. Chose étrange, on avait l'impression que cette terre buvait la pluie et attirait les nuages. Pourtant, aux alentours du château, les herbes étaient de plus en plus tristes, la terre sèche même après la pluie et le soleil ne semblait pas, lorsqu'il se montrait, réchauffer ni même éclairer les pierres grises et noires de l'édifice.

Tisis allait partir. Malgré toutes les apparences, elle appréciait beaucoup cette enfant. En temps normal, elle aurait envoyée l'impudente mille fois hors du château si ses manières ne lui rappelaient pas les siennes quelques années plus tôt. Elle pensait que cette gamine, cette fille qui venait juste de sortir de l'enfance était promise à un avenir radieux. La Duchesse avait de la chance d'avoir un sujet comme elle. Elle n'ignorait pas que Lydia était un réel exemple pour elle, Tisis l'idolâtrait.

Le serpent rampait jusque sur les cuisses de la Baronne qui lâcha le crochet à serrure tandis que Katalina continuait à se battre avec, ses doigts malhabiles n'étaient pas faits pour le mouvement délicat, au moins, si quelqu'un devait tenter de l'égorger dans son sommeil, elle savait parfaitement que ce n'est pas elle qui saurait passer la porte sans y passer la nuit.

Le serpent éthéré glissait entre les doigts de la tueuse qui regardait sa langue fourchue sortir rapidement, il était si beau, elle qui appréciait les animaux, même si ce n'était pas le cas de tout le monde... Une idée lui vint. Cèles fut ravie que de l'exécuter à l'instant. Une lumière bleutée sortit du néant juste devant la conseillère qui tourna immanquablement se regard vers elle. En sortie une araignée de la taille d'une main, énorme bestiole velue montée sur ses huit pattes. Elle en lâcha son crochet à serrure pour reculer, faisant tomber la chaise. Elle craignait les araignées, d'ailleurs ce petit jeu ne l'avait pas amusée, elle en fit la remarque à sa compagne prétextant que ce n'était pas des jeux pour une Dame de son rang.

Peu importait à Erzébeth, elle était avec sa conseillère la quasi totalité du temps, elle pouvait bien la taquiner de temps en temps, surtout lorsque Cèles pouvait être de la partie, elle n'aurait manqué ça pour rien au monde, même si le pays avait été à feu et à sang...

Lydia arriva, on vit ses formes et son ombre de détacher de la salle des fontaines, visiblement accompagnée, on devinait facilement par qui...

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 Sujet du message: Re: Château de Keresztur
MessagePosté: Mar 29 Mar 2011 10:41 
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Le chemin du retour se fit dans le silence, un silence plein de sens. Cela faisait presque un mois que Tisis était sur les terres de la baronnie, les habitudes ayant commencé à naître. Elle savait où aller observer la montagne en silence, elle connaissait les bois environnant, le château lui paraissait familier... Tous ces détails qui avaient fait que, peu à peu, Tisis s'était sentie chez elle. Certes ce n'avait pas été un séjour de santé, jalonné d'épreuves difficiles, mais l'idée d'une nouvelle fois quitter tout ce qu'elle connaissait n'était pas évidente.

Millana ne se plaignait pas, tenant les rênes d'une seule main. Il ne s'en était pas fallu de beaucoup pour que sa vie aient été prise, mais les dieux en avaient voulu autrement. Dans un sens Tisis en voulait à Lydia, mais elle comprenait. Elle n'osa d'ailleurs pas demander ce qui était arrivé à l'archère quand elle avait échoué à cette épreuve, ne voulant pas faire ressurgir des souvenirs douloureux. En tout cas, elle n'oublierait jamais la confiance que lui avaient témoignée tour à tour Millana et sa protectrice, vraiment touchée par leurs actions.

Le sombre château fut bientôt en vue. Il n'était plus aussi difficile de faire monter la pente à Caelia, connaissant les différents nids de poule et pièges naturels.

Les femmes mirent pied à terre dans la cour, le palefrenier guidant les montures vers les écurie, sans desseller celles des deux invitées. Les hommes choisis pour le fratricide étaient aussi là, attendant le départ prochain. La servante se dirigea vers l'infirmerie, tandis que Tisis accompagnait son amie vers le bureau d'Erzébeth, passant par les belles fontaines d'eau claire.

La baronne et la future duchesse avaient eu leurs désaccords, mais Tisis avait appris à la connaître, admirant la capacité de son hôtesse à prendre rapidement des décisions difficiles. Elle n'était peut-être pas noble de sang et son règne était cruel, mais elle avait finalement bien plus de mérite que nombre d'individus de haute naissance. Elle ignorait ce que donnerait leur alliance, de même qu'elle ignorait la réaction qu'aurait la baronne en apprenant la véritable identité de Tisis, mais elle savait que peu de femmes l'auraient aidée dans une situation aussi défavorable. Malgré les apparences, sa réputation, voire peut-être même sa conviction intérieure, Erzébeth était quelqu'un de juste.

Tisis salua les deux femmes, qui à priori travaillaient le bois de petits coffres.

"Dame Erzébeth, je tenais à vous remercier pour votre aide et votre accueil. Sachez que ni moi, ni la duchesse ne l'oublierons et que l'amitié de Blanchefort vous est acquise. Cela a été un honneur que de mettre mes armes à votre service."

L'ironie de la situation, une jeune fille née duchesse qui s'était faîte le temps d'une lune Dame Chevalier d'une baronne née roturière. Le plus étonnant était peut-être que cela n'avait pas dérangé Victoire, qui avait beaucoup appris et se sentait désormais prête à passer à la suite des événements.

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 Sujet du message: Re: Château de Keresztur
MessagePosté: Mar 29 Mar 2011 18:47 
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Au fil du temps et des années passées, Erzébeth avait passé son temps à mépriser les humains, elle les jugeait inadaptables, paresseux, infidèles, trop faciles à corrompre. Son défi quotidien était de s'entourer de ces échantillons de vie instables. Elle en gagnait en paranoïa et en perdait en amour. Mircalla lui avait fait ses preuves, de même que Lydia, Katalina et Teresa, elle s'entourait de ces femmes comme pour mieux de se protéger des autres, c'était selon elle, sa plus grande faiblesse.

Tisis était une enfant, tellement jeune par rapport à elle. Elle ne doutait pas que cette enfant avait été réellement conçue quelques jours plus tôt. Lors de sa rencontre avec Lydia, ce qui avait été sa véritable naissance. Il suffit d'une journée pour bouleverser une vie entière de tranquillité. Voici cette petite fille devenue guerrière, côtoyant la mort et le danger au jour le jour, sans craindre ni fléchir. Si elle n'était pas affectée à Blanchefort, Erzébeth aurait beaucoup investi pour conserver un tel élément dans le domaine.

La jeune fille ne semblait pas particulièrement éprouvée après le test final de Lydia. L'archère était excessivement stricte avec ses troupes, les empêchant de manger ou de dormir jusqu'à ce qu'ils réussissent les épreuves complexes qu'elle imposait. Elle savait allier précision et travail mental, un soldat n'ayant que deux flèches pour tirer à cent pas un sac de victuailles pour sa journée n'avait pas d'autre choix que de s'appliquer et de réussir.

Erzébeth assistait régulièrement aux leçons et y participait parfois même, provoquant un soldat au corps à corps. Elle se travestissait, portait une tenue masculine capable de cacher ses formes et un casque pouvant dissimuler son visage et ses cheveux, une fois fait, elle s'insinuait dans la mêlée globale et combattait. C'était dangereux, Lydia le savait, s'amusant parfois à essayer de localiser la Baronne et son style de combat peu conventionnel.

Elle fit ses adieux à la Baronne, cependant, au fond d'elle, Erzébeth savait qu'elle ferait tout pour retrouver un jour cette petite perle au combat. Elle se souvenait que Tisis lui avait offert une bouteille de vin. Même si elle n'avait pas apprécié le breuvage, elle se voyait presque mal-avisée de n'avoir rien à lui offrir pour son départ. Elle farfouillait donc dans une étagère de son laboratoire, là où elle avait coutume de ranger poisons et potions. Erzébeth en tira deux petites fioles rondelettes, des potions qu'elle avait acheté lors une de ses aventures dans la boutique de Lilo à Kendra Kâr. Elles étaient un brin poussiéreuses, mais cependant toujours aussi efficace. Elles permettaient de soigner facilement les blessures légères une fois qu'on appliquait le liquide salvateur sur une plaie ou une contusion.

Elle prit amicalement la main de Tisis pour la clore sur les deux petites fioles. La Baronne n'en avait pas particulièrement besoin, elle qui restait loin de cette aventure. Même si son esprit souhaitait accompagner la jeune Dame chevalier dans sa dangereuse expédition.

Passant sa main sur son épaule, elle lui dit en souriant, presque sincèrement pour une fois :

« Soyez sûre que vous serez toujours la bienvenue sur mes terres. Je sais que ce qui se prépare sera très éprouvant pour vous. Alors soyez ferme. Ce petit présent vous sera je l'espère, inutile. »

[[[ - Hrp - offre deux fioles de soin + 3 Pv de mon inventaire - ]]]

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 Sujet du message: Re: Château de Keresztur
MessagePosté: Mar 29 Mar 2011 20:51 
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Le regard de la baronne était expressif et intense, Tisis sentant que ce n'était pas là la dernière rencontre des deux femmes. Non, leurs chemins se recroiseraient, autrement que par des convois et des hommes d'armes interposés. La jeune fille avait la conviction qu'elle avait su marquer l'esprit de son alliée, la réciproque étant vraie aussi, bien entendu.

Erzébeth fouilla dans son bureau, en sortant deux fioles remplies d'un mélange probablement alchimique à en juger par le soin apporté aux simples récipients. Se levant, elle s'approcha de Tisis, lui prenant la main qu'elle referma sur les fioles en question, un cadeau pour le départ de la jeune fille. Les potions étaient censées soigner les plaies les plus légères, ayant très probablement été infusées de magie.

En silence elle remercia la baronne, qui passa une main sur son épaule, comme l'aurait sûrement fait un professeur fier de son étudiante. La femme lui dit simplement qu'elle serait toujours bien accueillie à Keresztur, lui souhaitant bon courage, à sa manière.

"Et vous serez de même la bienvenue à Blanchefort, quand la victoire sera notre."

L'adolescente resta à la regarder dans les yeux quelques instants, avant de lentement se diriger vers la cour, où les six cavaliers, Millana et Caelia l'attendaient. Elle rangea les fioles avec soin dans la sacoche de sa monture, avant de monter en selle. Lydia fit de même, ayant décidé d'accompagner sa disciple sur quelques lieues. Il n'y avait pas de trace de Godrik et des autres gardes qui avaient été sous ses ordres pendant plus de deux semaines, Tisis ne les ayant pas averti que le départ était aussi proche.

"Longue vie à Keresztur! Longue vie à sa baronne! Longue vie à notre alliance!"

Tisis frappa son poing droit contre son écu dans un salut quasi militaire, avant de se diriger vers la grande herse, sans se retourner. Elle descendit en silence la pente sinueuse, aux côtés de Millana, qui, bien que pâle, tenait toujours bien en selle. Elle aurait pu rester dans le domaine, mais seuls les dieux savaient quand elle aurait retrouvé sa maîtresse ou dame Odeline. La jeune fille ne pouvait s'empêcher de culpabiliser, se demandant ce qui se serait passé si la flèche avait touché un peu plus bas que l'épaule.

Le château fut rapidement derrière la troupe, la Dame Chevalier ne se retournant pas la moindre fois. Vint alors le moment le plus douloureux, celui des adieux avec Lydia. Tisis laissa les hommes et la servante avancer un peu, restant un instant en retrait avec son amie.

"Je..."

Victoire avait envie de lui dire à quel point ce que Lydia avait fait comptait pour elle, de lui dire qu'elle n'oublierait jamais et qu'elle serait toujours là pour elle. Elle avait tant de choses à dire, mais la boule qu'elle avait à la gorge l'empêchait de s'exprimer. L'archère ne parla pas non plus, aucun mot n'étant nécessaire pour qu'elles se comprennent. Elle passa simplement sa main sur la joue de sa protégée, comme elle l'avait fait par le passé, quand la jeune fille était perdue et sans défense.

La future duchesse sentit une larme couler sur sa peau, tandis que Lydia commençait à fredonner quelques notes à voix basse:

"Erdő, erdő, erdő, marosszéki kerek erdő,"


Victoire prit la main de son amie dans la sienne, la serrant avec force, avant de s'en séparer. Elle lui fit un signe de tête simple mais plein de sens, avant de s'en retourner, sans mot dire.

"Madár lakik abban, madár lakik tizenkettő."


Une nouvelle fois, elle ne regarda pas en arrière.

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 Sujet du message: Re: Château de Keresztur
MessagePosté: Mar 7 Juin 2011 23:48 
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Elle avait les yeux verts. Qui aurait pu croire, en la voyant pour la première fois que cette femme eut été mauvaise. Elle n'était pas laide, mais en elle, c'était les abysses. Là où la candeur et la pureté des femmes pourrissait. Lors de nombreuses aventures, je n'ai jamais rencontré pareille chose. La beauté se voulait assassine, et elle l'était. Ses terres n'étaient qu'un immense champ de bataille. Je la damne et l'admire, car elle fait preuve de force, mais le fait à grand renfort d'une cruauté hors du commun.

Un garde de caravane marchande, de passage au château.


La nuit était tombée, depuis déjà de nombreuses heures. La nature s'était faite silencieuse. Le monde dormait, les oiseaux cessaient tous de piailler et enfin... Les nuages s'éclipsaient pour laisser apparaître l'astre de rêve. C'était ainsi que la Baronne nommait la lune. L'astre de rêve...
Le village de Börgo était un des plus riches de Keresztur. Il comptait près de cinq-cents âmes, fortes et travailleuses qui faisaient presque la fierté du commerce aux vues de sa productivité.

Le lieu se trouvait à la croisée de deux grands axes importants, très utilisés par les commerçants et les échanges de produits. Le marché y était grand, riche et attirait les vendeurs des terres voisines. Il était aussi le principal lieu d'attaque des hommes de montagne. Les exilés de Kendra Kâr qui venaient se réfugier vers Bouhen et qui profitaient de la nuit pour attaquer les moulins et les dépôts de nourriture. Dans le petit bosquet qui donnait une vue imprenable sur les roches descendantes du col de Börgo, se trouvait Erzébeth accompagnée de Lydia... Et de soixante cavaliers du contingent militaire de Zalina. Les montures crachaient la buée, les hommes patientaient, prêt à intervenir. Selon les éclaireurs, de nombreux hommes s'étaient rassemblés, armés de façon rudimentaire, prêts à venir piller une seconde fois le dépôt. Une petite bâtisse à l'allure d'une grange fermée éclairée de plusieurs torches en était la cible. Lorsque la nuit tombait, les paysans rassemblaient toute la production et partaient se coucher. Il n'y avait aucun garde, les lois étaient claires et les punitions se soldaient toutes par la mort. Aucun habitant du domaine n'aurait osé y toucher. En revanche, les exilés, les malades et les traîtres... Ceux des monts n'avaient aucune connaissance des sentences, pour la plupart. Il allaient de chemin en chemin, de villages en villages, s'alliaient parfois même avec des bandits de grands chemins.

« Erzébeth, je ne sais pas si c'est une bonne idée... »
« Comment pourrais-je paraître telle que je suis, si je ne montre pas qui commande. » 

La générale de l'armée n'était pas rassurée. Toutes deux connaissaient assez mal les forces contre lesquelles elles allaient être confrontées. Selon Katalina, restée au château, il n'était question que de bouseux armés de bouts de bois et de pierres taillées. La Baronne n'était pas de cet avis. Sa présence était une de ces raisons, elle voulait voir elle même comment agissaient les combattants adverses pour mettre en place un plan radical. Fallait-il les poursuivre dans les montagnes ? Les piéger ? Mettre quelques gardes pour les dissuader d'attaquer ? Toutes ces questions méritaient réponse. Quant bien même la menace soit faible, elle ne laisserait jamais une bande de sauvages s'attaquer à ses terres et ses ressources sans punir sévèrement les coupables.

Le pieu silence cessait, on entendait des glissements de pierres, des roches claquer. La pierre grouillait de mouvements et d'ombres, telle une grosse charogne dont les vers remuaient sans arrêt. Timidement, les hommes s'avançaient. Au bout de quelques heures d'attente, elles étaient enfin récompensées. Les armures noires des cavaliers d'Erzébeth cliquetaient. Le plus discrètement possible, ils s'approchaient de l'orée des bois pour contempler la menace. On voyait une quarantaine d'hommes armés s'aventurer, le dos courbé, vers le dépôt.

« Est-ce là tout ? »
« Les paysans s'effarouchent d'un rien, Lydia. » 

Tout en caressant le flan de Calpurnia, elle tira la Scélérate de son fourreau de daim. D'un geste de la main, la Baronne fit s'approcher une ligne de cavaliers. Elle n'allait pas tous les faire intervenir. Se gardant une réserver de soldats dissimulés au cas où les mécréants viendraient à se montrer plus nombreux.

« Le village est bien vide, comme je l'avais ordonné ? »
« Oui, Erzébeth, seules restent les lumières pour faire croire que les habitants s'y trouvent encore. Rien d'autre. »

Les hommes étaient maintenant bien visibles. On pouvait distinguer clairement qu'ils n'étaient pas si miséreux, contrairement à ce que pensait Katalina. Armés d'épées et de haches, ils étaient vêtus de combinaisons de tissus ou de cuir pour certains. Les mieux équipés portaient une arbalète à la ceinture et un bouclier de bois ou de fer. Tout ceci n'était probablement que le fruit de pillages et de larcins. Ses soldats à elle, étaient formés et équipés en conséquence. Une armure sombre pour se cacher la nuit, un long bouclier et une épée de facture Elfique, légère et tranchante, faite pour les attaques à cheval.

Les forces ennemies s'approchaient plus vite, ils abandonnèrent la discrétion et hurlèrent en courant pour effrayer les habitants disparus. Le piège se refermait et le claquement des doigts de la Baronne provoqua une première volée de flèches dont les pointes étincelantes allèrent pour quelques secondes remplacer les étoiles dans ce ciel devenu vierge de nuages. L'astre de rêve pleura ses nombreuses tiges tranchantes et cruelles qui allèrent frapper et ouvrir les chairs des miséreux. Il était trop tard pour fuir. Les montures rapides allèrent très vite couper la retraite des malfrats. Deux groupes s'étaient formés. Lydia galopait suivie de huit cavaliers jusqu'aux roches empêchant les bandits de se réfugier dans les pierres, là où les chevaux ne pourraient aller. Erzébeth quant à elle, conduisait quatorze soldats jusqu'au dépôt dont les alentours grouillaient de cette vermine. Certains d'entre eux allèrent même derrière le petit pont du moulin à eau pour empêcher les cavaliers d'approcher tant son bois était vieux et fragile. Désordonnés, les truands se rassemblèrent afin d'assembler les forces dans un dernier espoir. La Baronne sous sa cape avait la ferme intention de faire payer le prix fort à ces hommes. Elle n'était plus réputée pour faire de prisonniers, lors des raids, il n'y avait derrière ses soldats que des morts.

Le groupe de Lydia s'était déjà mis en position. Aucune retraite n'était possible et les cavaliers tirèrent leurs arcs sous les ordres de Lydia, canardant à distance les soldats rassemblés qui se protégeaient avec ce qu'ils trouvaient, couvercles de tonneaux, sacs de farine... Dès lors que les hommes d'Erzébeth vinrent, cette alternative n'était plus possible. Cependant, Lydia préféra faire cesser les tirs. Bien que sa confiance en ses soldats soit des plus grandes, elle ne souhait prendre aucun risque pour les troupes personnelles d'Erzébeth.

La Baronne s'arrêta à quelques mètres des hommes qui, agglutinés, l'attendaient, ayant tous tirés les armes hors des fourreaux. Elle se laissa tomber au sol. Ses soldats l'imitèrent. Elle n'avait jamais apprécié le combat à cheval, et ne voulait pas que Calpurnia soit blessée lors d'une attaque. D'autant plus qu'elle se montrait capricieuse parfois, un ordre mal interprété et sa monture pouvait la conduire à la mort. Elle n'appréciait pas cette ironie du sort et l'ignora. Son cœur palpitait, ses tempes se faisaient chaudes et ses yeux se plissèrent, comme avant tout combat, elle se demandait ce qu'aurait bien pu faire Hrist. La réponse vint de sa Faera qui lui avoua que Hrist aurait fait pleuvoir des centaines de flèches sur eux avant d'envoyer des hommes ramasser les corps. Elle avait toujours aimé les solutions simples, radicales et expéditives. Erzébeth quant à elle, s'ennuyait au château et cet affrontement si différent de l'entrainement était un moyen de passer le temps pour elle et que ses soldats prouvent leur force.

Les voleurs quittèrent les rangs et virent s'attaquer à eux. Erzébeth su parer le premier coup d'épée à l'aide de la Scélérate, mais un cran acéré de sa lame vint se coincer dans le métal abimé de l'épée du vaurien, ce qui fit perdre la garde des deux combattants. Elle n'eut pas le temps de dégager son arme qu'un de ses soldats lui administra un remarquable coup d'épée dans le menton. Le corps tomba immédiatement, la mâchoire ouverte, le nez absent, il ne fit qu'une compote de sons avant de s'éteindre définitivement dans ses fluides. Les pulsions se firent plus fortes. Ils étaient plus nombreux que ses soldats mais moins entrainés, c'était le moyen de prouver ce que valait des heures de combats par jour... Elle avait foi en son armée et en ses méthodes.

Lydia, observait anxieuse le manège funèbre à une centaine de pas de là, et décida d'envoyer cinq de ses hommes au combat, assister Erzébeth. Les soldats dissimulés dans les fourrés avaient envie d'intervenir, mais faute d'ordre autorisant cette manœuvre, ils ne purent que sortir les épées en attendant impatiemment qu'une des deux femmes en donnent l'autorisation.

Brutaux, dépourvus de tout entraînement à l'escrime martiale, ils s'attaquaient aux soldats comme des bêtes enragés. Donnant des coups d'épaule dans les boucliers, ils se montraient violents mais désordonnés. Le concept du combat chez la Baronne et ses soldats était qu'il y avait un attaquant et un défenseur. Un soldat protégeait les arrières d'un autre tandis qu'il était au combat. Un principe très complexe mais qui s'avérait des plus efficace lorsque les forces adverses étaient plus nombreuses.

Les duos se mettaient en place rapidement, les voleurs tombaient les uns après les autres. Erzébeth en tête, protégée par un garde progressait. Un immense barbu armé d'une hache fendit l'air juste en face de son visage, elle n'eut qu'à reculer pour esquiver l'assaut. Les manants étaient mal entrainés et se trouvaient vite en déroute. La Baronne cherchait le chef, l'homme qui dirigeait cet assaut. Car selon elle et son expérience, il y en avait toujours un. Au fil des estafilades, son choix se porta sur un homme qui semblait plus prompt au combat que les autres. C'était lui qui braillait quelques directives et qui poussait des hommes à se diriger à un endroit ou à un entre dans un semblant de retrait. Grande taille, visage mal rasé, cheveux longs et décoiffés, il portait une armure de cuir noire, rien de très original, si ce n'était son arme, une hache relativement bien ouvragée dont la lame se différenciait des autres de part son côté anguleux qui ressemblait plus à une lame de dague. Les regards se croisèrent. Le temps du combat semblait se ralentir, on entendait les râles des voleurs s'élever au cieux après le chuintement des épées noires des militaires de Zalina. Erzébeth et lui marchèrent parallèlement. Elle ne savait pas trop où il souhait aller, se dirigeant vers le pont, cela lui couperait toute retraite mais le rapprocherait d'un de ses hommes qui s'était protégé des tirs de Lydia contre la porte du moulin.

Le chef ne tarda pas à forcer le pas et s'en alla courir jusqu'à passer son compagnon derrière le pont. Les planches craquaient sous les bottes de la Baronne suivie de près par son garde. Néanmoins, celui-ci abandonna son poste lorsqu'il fut assaillit par deux truands. La tueuse se trouvait donc seule face à un homme armé d'une longue lame rouillée où quelques lanières de cuir brun s'enroulaient. Il se protégeait derrière un tonneau hérissé de flèches et attendait la femme qui s'approchait doucement. La cape noire brodée de pourpre cachait la majeur partie de son armure et de ses armes, en définitive, il ne pouvait voir que la Scélérate violette qui pointait sa lame ensanglantée vers le sol.

Il frappa d'un coup de pied le tonneau qui s'en alla rouler vers elle, elle l'évita en pas chassé et s'apprêta à se défendre. Le tonneau cessa de rouler lorsqu'il se coinça dans le passage étroit du petit pont du moulin. Ses attaques étaient fortes et désordonnées, son corset léger lui permettait des mouvements plus souples mais elle souhaitait dans son fort intérieur que le reste de son armure fasse de même. Ce que la Scélérate ne pouvait parer, c'était sa garde qui le faisait, malgré ses protections elle craignait le mauvais coup et attaqua à son tour. Une frappe latérale entailla le bras du malheureux qui recula, pressant sa main contre son biceps saignant, ses expressions changeaient. L'idée de se faire battre par une femme se voyait régulièrement dans les yeux des hommes. La femme aimait ces moments là, lorsque la victime réalisait que tout risquait de se finir. Parfois cela arrivait dès la première entaille, après, il y avait eu des spécimens plus téméraires qui s'acharnaient. Le riche boudin de Kendra Kâr et son harem de catins scandaleuses en était un souvenir des plus désagréables pensait-elle. Furieux, sa cible tenta de l'embrocher comme une vulgaire pintade à l'aide de son bout de métal rouillé, mais à avoir pris trop d'élan, il perdit l'équilibre et la Baronne se glissa comme un serpent derrière lui et lui plongea l'intégralité de sa lame sous l'aisselle, là où l'armure était des plus faibles.

« Avoue tout de même, que tes passes-temps sont peu communs ! »

Les interventions de Cèles étaient des plus inconvenantes lors des combats, perturbant parfois la femme. A supposer que dans la fièvre de la bataille elle n'y prêtait pas attention. Sa cible n'était pas encore morte mais il avait lâché son arme sur le plancher de la petite berge. Derrière le cours d'eau, la bataille faisait rage, les hommes de la Baronne se battaient avec rage contre les mécréants des moins en moins nombreux. Elle rangea son arme, presque satisfaite d'un combat aussi rapide. Il fallait considérer la surprise et le manque d'entrainement de son adversaire. Ses doigts se glissaient doucement sur sa nuque, caressant les cheveux de l'homme pour aller glisser jusqu'à sa gorge. Les doigts crochus allaient épouser la forme du menton tout en maintenant fermement la pression sur la gorge... Elle bascula le menton sèchement, brisant les cervicales de son infortunée victime venue pour une poignée de pain. Le corps eut un dernier sursaut lorsque les muscles se secouaient une dernière fois avant de plonger dans le sommeil éternel. Elle fit choir le tas de chairs mortes sur le sol poussiéreux et couvert de farine et entra dans le moulin. Ses yeux n'avaient pas à s'habituer à la pénombre, elle qui jouissait de cette facilité de sa race. L'air ambiant puait très clairement, c'était indéniable, l'homme patientait, en face d'elle, confortablement installé sur un sac de farine, l'arme servant de repose main tel un seigneur le fondement posé sur son trône.

« Erzébeth, la Baronne de Keresztur... Si je m'attendais à un tel adversaire, j'aurai fait mander plus d'hommes à ma cause. »

Elle ne dit mot, se contentant de balayer du regard la pièce dans l'idée de trouver de quoi bloquer la porte, elle ne souhait pas que ses troupes fassent irruption dans le moulin tandis qu'elle se battait. Le chef était à elle, et à elle seule. Tant pis si elle devait périr, elle n'arrêterait pas la course de sa propre destinée.

Il y avait une longue tige de métal qui était utilisée pour déboucher le silo lorsque l'humidité créait un bouchon de farine. Elle s'en saisit pour le planter profondément entre les planches juste derrière le pas de la porte, afin de l'empêcher de s'ouvrir. Ce n'était pas un excellent moyen de condamner une porte éternellement, mais ça devrait suffire à contenir les visiteurs quelques temps, tout en sachant bien sûr, que le bruit du combat qui faisait rage derrière la porte indiquait que ses hommes avaient d'autres priorités pour l'instant. Dans le doute et faute de savoir où était Erzébeth; Lydia donna l'ordre que l'on fasse venir vingt hommes en renfort.

« Votre réputation dans ces terres fait peur à voir pour des hommes comme moi. Votre imagination quant à la torture... Brrr. Comment donc ces idées morbides vous viennent-elles ? »

Il se leva, visiblement amusé de la situation et loin de tomber dans un stress ou une crainte quelconque, il engageait la conversation avec la femme dont les expressions de langueur indiquaient tout sauf une envie de causer entre deux sacs de farines et des rouages graissés à l'huile de poney des collines.

« Mettez-vous donc à la tête d'une Baronnie où vos sujets exaucent vos désirs, ça vous donnera le temps de penser à toutes ces choses là... »

Elle tourna doucement autour du jeune truand qui la taquinait, souriante, elle contractait ses muscles, prête à se défendre ou à bondir comme un serpent sur sa cible lors du moment propice. Elle continua d'une petite phrase assassine :
« Mais visiblement trop occupé à rassembler les clochards et mendiants des terres voisines, vous avez oublié de penser aux conséquences qui surviennent pour les voleurs. »

Il ria, toujours amusé de sa compagne ténébreuse, il tapota le creux de sa main avec son arme, l'air déjà plus menaçant. Il tournait sur lui même, suivant Erzébeth du regard, ne la perdant pas une seule seconde de vue, ne connaissant en rien ses talents à l'arme tranchante, il faisait en sorte d'éviter toute mauvaise surprise et tira de son second fourreau, situé au bas du dos, une petite dague nettement moins ouvragée que sa hache.

« Cette arme, elle me vient d'un officier de Kendra-Kâr, un homme bien, à n'en pas douter, il avait essayé de me tuer lorsque je pillais un marché avec quelques uns des hommes qui se trouvent dehors, dans la petite fête improvisée que donnent vos soldats. Une troupe de choc, j'admire. »

Tout en applaudissant doucement avec une certaine ironie, il montra la seconde arme, la dague au manche rouge :
« Celle-ci, elle vient d'un homme trouvé en venant de la cité blanche. Un homme humble. Laquelle préférez-vous que je plante dans votre poitrine ? »

La capuche d'Erzébeth tomba, les pans de sa cape s'ouvrirent et elle en tira la petite arbalète, envoyant un carreau entre les jambes écartées de son adversaire qui, par surprise, claqua des talons. Il envoya son regard en arrière, voyant le carreau planté au sol, l'homme grimaça devant la tueuse, visiblement déçu de ce manque de loyauté, il ne manqua pas de faire remarquer qu'il ne disposait que d'armes de corps à corps.

« Celle-ci me vient d'Omyre... Combien d'orques déjà... Une quinzaine ? Dont deux chefs de clans ont payés de leurs vies pour me l'offrir. Un bien maigre bultin vous ne trouvez pas ? D'ailleurs, elle a manqué aujourd'hui, de vous priver du peu de virilité dont vous faites exemple. »

Elle jeta son arme sur un sac, sa manœuvre d'intimidation lui avait offert malgré tout un désavantage, il avait sans doute remarqué la seconde lame dissimulée au fourreau à sa hanche. Son adversaire pointa sa hache vers elle et annonça d'un air solennel :

« Mon nom est Goldrik, et je jure devant Yuimen qu'en ce jour, je tuerai la Baronne de Keresztur et priverait ses terres d'une femme cruelle et cupide, et ce, pour le bien de toutes les âmes affamées qu'elle prive et étouffe ! »

Le sourire de la femme se fit grandissant, et enfin, le combat commença. Elle n'était pas spécialement douée pour les attaques à deux armes, préférant largement utiliser sa seconde main pour griffer le visage ou attraper les lanières de cuir qui serraient les armures, de façon à les détacher et distraire le combattant. Toutes ces petites choses sournoises qui faisaient qu'elle était toujours en vie malgré les dizaines d'affrontements à son actif.

Goldrik attaquait en alternant hache et dague, des enchaînements rapides mais répétitifs ce qui facilitait les parades, cependant selon la Baronne, ça semblait trop facile et cette technique était sans doute faite pour anesthésier l'attention du défenseur pour que l'attaquant puisse changer subitement de frappe et faire mouche, c'était en effet ce qui suivit. Il fondit sur elle prêt à lui trancher le crâne à l'aide de la hache dans une frappe ascendante. Elle réussit à éviter ce coup mais ne pu parer le coup de botte qui suivit la frappe et qui alla se perdre dans son abdomen, lui coupant le souffle et la faisant reculer.

« Pas trop mal pour une femme que j'imagine assise à longueur de journée à observer les mendiants et les nécessiteux souffrir de la faim. »

En réalité, les villages de Keresztur n'étaient en rien aussi pauvre, il faisait allusion à la grandissante population de mendiants qui venaient sur ces terres pour profiter d'une halte entre les chemins de Kendra-Kâr et de Bouhen...

« Qu'êtes-vous donc alors, un bon samaritain qui vient tuer les nobles pour le grand plaisir des pauvres. Vous faites fausse route. »
« Vous apprendrez Baronne, que moi, Goldrik pour ne pas vous servir, a parcouru le monde entier en qualité de mercenaire et de marchand. Et que ce que j'ai pu voir, entendre au fil de mes voyages n'a pu alimenter que ma haine lorsque je vois des gens comme vous. Vous terrorisez la population. Vos habitants sont partagés entre mourir sous les raids Orques ou sous votre justice au moindre faux pas ! »
« C'est tout l'art de gouverner, à leurs yeux, je suis pire que les Orques. N'ai-je pas fait preuve de clémence envers eux, en envoyant mes troupes ravager vos rangs tandis que vous voliez leurs ressources ?»
« Par Yuimen, comment osez-vous parler de clémence ? Il n'y a aucune clémence dans la barbarie, mes hommes ses font trucider par vos guerriers pour le seul crime d'avoir faim et de vouloir y remédier ! »
« Laissez donc votre Yuimen régner sur ses sujets et moi sur les miens ! Vous n'êtes en rien les bienvenus sur mes terres ! »

Elle attaqua et jetant un chiffon farineux au visage de Goldrik qui en eut les yeux atteint. Elle frappa en montant la lame au ciel, la pointe en avant et entailla son armure sur la poitrine. N'ayant probablement pas touché les tissus de l'homme, elle frappa de nouveau mais cette fois-ci, il su parer l'attaque à l'aide de sa dague. Se protégeant en repoussant la tueuse d'une frappe latérale à l'aide de la hache, il recula et manqua de se prendre les pieds dans une marche. Sans pour autant en perdre l'équilibre, il se rattrapa à l'une des nombreuses cordes qui pendaient en l'air. Chacune d'elle était relié à un sac de facile. Un moyen inventé par les paysans pour verser de la farine dans les silos et dans les engrenages sans avoir à monter à chaque fois tout en haut du moulin et gagner à la fois temps et productivité.

En tirant dessus, il fit tomber une pluie épaisse de farine entre lui et la Baronne. Les armures sombres des deux protagonistes se teintaient de gris à la pénombre de la nuit. Les seules lueurs venaient de l'extérieur, par les nombreuses crevasses du moulin. L'aspect en était presque terrifiant. Le maraudeur grimpa dans les escaliers, l'équivalent d'une dizaine de marches et attendit Erzébeth en la provoquant.

« Quelle Baronne digne de ce nom torturerait ses sujets pour en gagner le respect ?! »
« Rhalala, qu'il est pénible. Tu as vraiment le chic pour tomber sur des phénomènes de foire toi, ma belle. »

La situation changeait. Si elle s'aventurait dans les escaliers, elle se trouverait immédiatement dans une position de faiblesse car son arme avait moins de portée que la sienne. Elle se souvint de combat avec Tisis lorsqu'elle était montée elle même dans les escaliers pour handicaper la combattante. Cette fois-ci, elle était l'handicapée. Rien ne lui servirait dans les alentours à faire descendre l'homme. Résignée à tomber dans son piège, elle grimpa les marches et vit son agresseur tenter un coup de pied tout en se tenant à la rampe des escaliers. L'instant d'une fraction de seconde, elle fut partagée entre l'idée de frapper la jambe à l'aide de son arme, au risque de frapper trop juste et qu'elle ne se retrouve projetée hors de portée, et celle d'éviter simplement le coup de botte. C'est d'ailleurs ce qu'elle fit, elle sautilla sur le côté, regrettant de ne pas avoir préféré grimper quelques marches pour se trouver à sa hauteur. La réaction de l'homme fut étonnante pour elle, car au lieu de profiter de la situation dominante, il continua à gravir les escaliers, lui tournant même le dos dans un manque de respect et de loyauté martiale des plus acerbe.

Au dehors, les mécréants se trouvaient dans la déroute la plus totale. Décontenancés et perdus, ils s'étaient rassemblés et avaient déposés les armes dans l'espoir futile d'une clémence. Lydia avait galopé jusqu'à eux, s'assurant elle même que chacun d'eux avaient été fouillés et que personne ne dissimulait une arme...

Le second étage du moulin était déjà plus occupé. C'était ici que les machines broyaient le grain de blé et qu'il tombait dans les sacs avant d'être collecté dans le silo. Goldrik attendait au milieu de la pièce, le grincement des engrenages cassait le silence pesant dès lors que le vent soufflait. Les immenses palmes du moulin tournaient lentement dans un grincement de bois.

« Imaginez quel héros, quelle légende je serais lorsque vous serez morte sous mon arme... »
« Quant bien même vous me tuiez, vous ne sortirez pas de ce moulin vivant, à moins de vous tourner en oiseau et de voler à des lieux de mes soldats qui vous attendent dehors... »
« On peut être une légende même morte, savez-vous ? »
« En garde ! » conclue la petite Cèles, amusée par les conversations de deux enragés. Le sang lui montait à la tête et Erzébeth sentait de la rage et de la fureur, cet inconnu pouilleux qui venait lui faire des leçons de morale. Tout juste bon à se battre, il était d'une impertinence des plus immonde, il la répugnait...

Les échanges de frappes continuaient dans la pièce poussiéreuse. Esquivant la plupart des assauts de l'adversaire, les deux venaient à comprendre que finalement, ils étaient l'un et l'autre d'un niveau d'escrime presque égal. Seule différence était le sadisme de la Baronne qui préférait frapper plus précisément mais moins régulièrement et Goldrik qui aimait à faire pleuvoir les coups dans l'espoir que l'un d'eux touche sa cible. Il projeta Erzébeth au sol d'un furieux coup d'épaule qu'elle ne réussit à anticiper. Sur le dos, elle se releva juste à temps, la hache terrible vint éclater le bois et souleva la poussière au moment où elle s'extirpait du danger. Dans un excès de rage et d'adrénaline, elle réussit à planter sa lame dans le haut de la cuisse de Goldrik qui de douleur, lui envoya son coude dans le menton. Elle fut projetée contre un engrenage géant, obligée de se tenir au mur pour ne pas tomber. La tête lui faisait mal et sa vision était légèrement troublée à cause du choc. L'homme quant à lui hurlait de rage et de douleur avant de sauter sur elle malgré la blessure, lui agrippant les épaules des deux paluches dans l'espoir de lui projeter la tête contre la machine et lui briser le crâne.

« Laisse toi tomber ! »

Suivant le conseil de Cèles, c'est ce qu'elle fit, elle abandonna ses muscles et laissa son corps sans énergie, comme un cadavre. Surpris de cette action peu considérable, Goldrik tomba avec elle. Cependant; malgré cette astuce qui lui avait évité de mourir la tête dans un mur, Erzébeth se trouvait encore en position de faiblesse, il était sur elle, elle de dos et lui, lui tirant les cheveux pour relever sa tête et l'égorger. Dans un effort soudain, elle réussit à se rouler sur le côté, lui faisant de nouveau perdre l'équilibre mais dans sa chute, il avait entaillé sa gorge. Aucune veine n'était ouverte mais le sang coulait. La plaie avait provoqué une douleur rare, un picotement intense s'en suivait et, colérique comme jamais, elle se releva avant lui et lui administra un violent coup de botte dans les parties.

Goldrik fut plié de douleur. L'arme de la Baronne était toujours à terre, tombée lors du combat à côté de la hache du maraudeur. Elle tira la lame elfique, bien plus légère mais moins cruelle que sa bien-aimée-Scélérate. Elle se jeta sur lui, les genoux lui écrasant la poitrine, la lame longue et fine, droite et claire plongée doucement vers la gorge. Il avait attrapé ses bras et poussait de toutes ses dernières forces pour empêcher la mortelle descente de l'arme sur sa gorge. Son armure absente sur cette partie du corps offrait une cible juteuse. La pomme d'adam bougeait, il avait peur, il avalait sa salive d'une crainte sans nom, les yeux rivés sur la pointe étincelante du métal glacé qui n'attendait plus que de se réchauffer dans un linceul de chair et de sang bouillant de combattant dominé.

Elle appuyait de toutes ses forces, la lame descendait peu à peu, le genou droit pressait sa blessure à la cuisse, lui arrachant de terrible grimace. Il abandonna une main pour la lancer vers le menton de la femme, lui soulevant le visage pour essayer de l'aveugler. Rien n'y fit. Elle continuait sa pression, elle même étonnée de la force qu'elle exerçait dans ce combat...

Elle appuya trop fort de son genou sur sa coupure, si bien qu'il réussit au dernier moment à se défaire de l'emprise mortelle de la Baronne. Usant de sa jambe pour la faire passer au dessus de lui. Elle tomba à la renverse mais n'en perdit pour autant pas son arme. Toujours en possession de la lame elfique, elle fit volte-face et frappa directement le visage de son ennemi qui se retournait sur elle, lui ouvrant la face du menton à la joue. Un hurlement de plus dans le moulin, en bas, la porte éclata, dans le feu de l'action, elle n'avait pas entendu les soldats se presser derrière la porte. Une fois défoncée, ils accoururent à l'étage. Exténuée de l'affrontement, elle vit deux hommes en armure noire relever le corps au visage ensanglanté. L'un d'eux lui envoya son poing directement dans le ventre.

« Assez. Tuez le sans plus attendre, tranchez lui la tête ! »

L'ordre était donné, il fut jeté au sol, l'un des soldats tira une dague, l'autre son épée, le premier ne l'égorgea qu'à moitié juste avant que le second ne fasse tomber son épée sur sa nuque, désolidarisant le visage lacéré du corps meurtri.

C'était la fin de Goldrik, le maraudeur qui alla rejoindre les Dieux.

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La petite ombre de la Mort à Elysian.

Alors, j'ai établi ma couche dans les charniers,
Au milieu des cercueils,
Où la Mort Noire tient le registre des trophées qu'elle a conquis.


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 Sujet du message: Re: Château de Keresztur
MessagePosté: Mar 7 Juin 2011 23:54 
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Les hommes arrêtés par les troupes de Lydia étaient tous attachés par pair. Les armures avaient été retirées, ils n'étaient plus vêtus que d'une tunique de lin pour certains, rien pour d'autres. Ils attendaient dans la nuit et le froid terrible qu'on décide de leur sort, sort qui solderait très probablement leur existence si Erzébeth venait à le prendre dans l'état de fureur où elle était. Le sang de Goldrik coulait sur les planches, s'avançant vers Erzébeth qui en fut à la fois surprise et terrifiée. Elle songeait à une malédiction ou quelque chose de menaçant... Le sang glissait à grande vitesse vers elle et imprégna sa cape. Dès lors que le tissus brodé fut en contact avec le liquide tiède, elle ressenti une sensation de chaleur douce lui couvrir le dos et emplir sa poitrine. Erzébeth se sentait étrangement bien et demanda la cause de tout ceci à sa Faera qui lui expliqua que par un phénomène prodigieux, sa cape buvait le sang des victimes pour le restituer en énergie vitale. Probablement un ancien « truc » d'elfes. Elle en tenait pour cause, la coupure à sa gorge s'était estompée, n'étant que l'ombre de ce qu'elle fut, une discrète rougeur sur le blanc laiteux de sa peau. Erzébeth ramassait son équipement tandis que la carcasse sans vie du maraudeur était trainée dehors. Lorsqu'ils passaient le corps devant ses compagnons, on vit tous les regards fixés sur l'armure privée de sa tête et de sa vie...

Une expression de crainte inconsidérée naissait en grandissant sur les visages des truands. Livrés aux griffes d'une justice implacable, ils voyaient pour la dernière fois l'astre de rêve.
Tous furent traînés derrière les chevaux jusqu'au château. Erzébeth ordonna que l'on organise un combat, chacun des hommes se voyait jeté dans une arène improvisée faite de palissades. Ils s'entretuaient pour gagner leur liberté, et lorsqu'il n'en restât plus qu'un, elle lui offrit personnellement une pièce d'or, et lui ordonna de raconter son histoire aux autres parias, afin qu'à l'avenir, ils ne considèrent plus les terres de Keresztur comme un marché à ciel ouvert, et que le rique de mourir après un vol relevait de la certitude.

La journée passait enfin, elle n'avait pas la tête à grand chose, elle n'était pas fatiguée physiquement, seul son esprit se sentait las. Elle vivait maintenant depuis cent vingt ans, son âme s'effritait doucement, elle perdait peu à peu ses dernières parcelles d'humanité, elle qui fut si douce et attentionnée autrefois. Elle se souvenait de la fois où elle avait débarrassé un vieil homme de Tulorim de deux malfrats. Le regard des petites filles lorsqu'elles comprirent qu'elles étaient enfin délivrées du danger... Elle s'ennuyait à mourir, et elle n'était que morte intérieurement. Elle regrettait quelque chose. Cette chose n'avait pas de visage, mais un nom. Une ancienne escapade nocturne dirigée par son ancienne compagne éthérée : la Frémissante Hrist.

Les pièces du château semblaient vides. Les longs couloirs aux peintures sombres et aux tapisseries anciennes se couvraient de poussière. Erzébeth s'arrêtait parfois aux fenêtres. Observant l'horizon, scrutant le paysage dans l'espoir d'y trouver un jour le salut qu'elle méprisait mais attendait tant. Devenue dépressive et paranoïaque, elle ne trouvait plus de réconfort que dans les raids militaires. Elle ne se sentait chez elle que sur Calpurnia à ordonner à ses hommes de raser les campements de vauriens.

Son temps, elle le passait maintenant dans son laboratoire. Elle faisait rouler la fiole de poison le long de sa table jusqu'à ce qu'elle chute dans le vide pour la rattraper silencieusement. Et ce pendant des heures, spectacle répétitif qui se stoppa soudainement... Le laboratoire de la tueuse était désordonné, à tel point que personne n'aurait su trouver un document ou une fiole de quoique ce soit si ce n'était Erzébeth. De son assise, elle ne pouvait pas voir la porte, mais le parchemin enroulé qui se trouvait par terre, lui n'était pas à cet endroit il y avait quelques secondes... Elle serrait le spiritueux mortuaire entre ses doigts graciles et de l'autre main, caressait le coupe-papier qui se trouvait sur le bureau. Il n'y avait aucun bruit, seulement le doux parfum inconnu d'une présence dissimulée dans l'ombre de la salle obscure.

Un chuintement retentissait soudainement, alertant les sens de la Baronne qui, à l'image d'un serpent lança sa main en arrière pour saisir le poignet meurtrier qui tenait l'arme responsable du bruit. Le piètre assassin bascula tomba sur les genoux de la femme. Le coupe-papier doré alla se coller sur la gorge de nacre. L'étrange tueuse ne revêtait en rien une toilette appropriée pour la discrétion. Sur le corsage rouge, qui mettait en valeur la poitrine de la femme, pendait de nombreux petits colliers d'or et d'argent sertis de pierres bleutées comme une mer sans fond. Erzébeth caressait du bout de sa lame cette gorge à la couleur si pure.

« Quel accueil... »
« Bienvenue au château... Mircalla. »
« Assurément, elle a un sens de l'humour très approximatif ! »

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 Sujet du message: Re: Château de Keresztur
MessagePosté: Mar 7 Juin 2011 23:56 
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Riche de nombreuses nouvelles, Mircalla était de retour. Les servantes étaient folles de joie, car Katalina n'était plus la première conseillère d'Erzébeth. Elle lui avait accordé le contrôle de ce terrain mais en restait pour autant chez elle. Mircalla, la jeune brune observait les changements, sans dire mot; à l'image d'un oiseau curieux elle semblait curieuse, appréciait certaines choses, désapprouvant d'autres. Néanmoins, les chiffres parlaient d'eux même, Keresztur était devenu plus riche. Son retour changerait probablement de nombreuses choses.

« La Baronne semblait réellement enjouée du retour de la Noble Mircalla. Pour ma part, je n'avais jamais connu cette femme. Je ne doute en rien de sa bonté, elle est aimée de beaucoup et son charisme semble lui être un avantage indéniable. Elle ne semble pas intéressée par les troupes. Ses principaux intérêts tournent autour des fleurs, des fontaines et de la lecture. Une quintessence de femme.
Journal de Lydia. »


Les deux femmes bavardaient pour la première fois depuis très longtemps dans la bibliothèque. Mircalla racontait comment était la ville, les réunions lentes et ennuyeuses à mourir pleines de nobles doté d'un snobisme à tout épreuve. Comment son Oncle la gâtait en lui offrant bijoux et robes. D'ordinaire, la Baronne trouvait ce genre de conversations stériles. Or, c'était Mircalla. Les choses prenaient un sens nouveau, les tournures créaient une importante imaginaire d'elles mêmes.

De nombreux mois étaient passés et Mircalla lui avait tant manqué. Elles cédaient l'une et l'autre aux moindres caprices de chacune tant l'euphorie, habilement dissimulée, était vive. Mircalla souhaitait ardemment avoir une personne à élever. Cependant, et elle le savait, il aurait été bien malavisé de choisir une enfant de servante. Pour se faire, elle en parla à Erzébeth. Mircalla était persuadée que d'élever un enfant aidait l'âme à grandir. La Baronne était tentée de lui dire que la sienne, d'âme, était morte depuis déjà des lustres... Mais elle n'en fit rien, gardant ses propos mélancoliques pour elle, Erzébeth se contenta de céder à l'expérience, qui d'une façon ou d'une autre n'aurait pas été inintéressante. Et ça aurait été également pour elle, un excellent moyen de passer le temps. Elle qui était incapable de garder son savoir pour elle même. L'idée de récupérer une pauvre âme dans un orphelinat tomba d'elle même. Mircalla s'en chargeait personnellement. Accompagnée de Katalina – pauvre femme – elle fit le tour des nombreux hospices qui abritaient les enfants qui avaient perdus leurs parents lors des attaques d'Oaxaca. Tant d'enfants dans les environs rendaient Katalina malade, elle n'aimait en rien les rejetons pouilleux des paysans, pas plus que les snobinards minables hauts comme trois pommes tout droit arrachés des entrailles d'une aristocrate poudrée. Elle détestait tant cette corvée qu'au bout de trois visites, elle avait préféré se trouver une autre tâche que d'accompagner Mircalla. Erzébeth restait au domaine pour les affaires.

C'était un soir, lorsque la lune se tenait au beau milieu de sa fenêtre et qu'Erzébeth se perdait une fois de plus dans ses souvenirs, que cette nuit terrible lui revint à l'esprit. Les hurlements de la mère, les jumelles nées dans le sang et la pluie, sous la tempête à côté du lac de Kendra Kâr. L'animal qui vint se repaître de la chair d'une des enfants... Et la survivante, la petite Roséa que feu Silmeria avait protégée et sauvée d'une mort certaine au risque de sa propre vie... Elle savait que pour sa propre sécurité, elle avait abandonné l'enfant il y avait de ça six ans dans un chariot de fluides de lumière qui se dirigeait au temple de Yuimen. Qu'était-elle devenue ? Était-elle seulement en vie ? Erzébeth souriait naïvement avant de tremper ses lèvres dans son vin sucré.

Pour elle, l'astre de rêve lui avait donné une réponse. L'enfant à éduquer serait la petite Roséa. Et selon elle, l'arracher aux vertus du temple de Yuimen ressemblait plus à un service à rendre...

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 Sujet du message: Re: Château de Keresztur
MessagePosté: Mar 14 Juin 2011 01:25 
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Il hurlait. L'armure de cuir usée retenait la lame perdue au plus profond de son ventre. Erzébeth dû pousser à l'aide de sa botte le corps gigantesque du barbare pour défaire l'emprise acérée de sa Scélérate. Elle lui avait administré une bonne dizaine d'estafilades, mais le mastodonte était resté debout vaille que vaille. Enfin, il glissa lentement le long de la cloison de bois, tâchant le matériau clair de son sang. Ses yeux, dirigés vers la Baronne luisaient d'une pénombre profonde. Elle sentait la puissance de son regard, la rage du berserk s'éteindre, lentement à mesure que son sang s'étalait au sol. Le liquide divin fut rapidement aspiré par la cape pourpre d'Erzébeth.

La chaleur magique alla jusque dans sa chair ensanglantée. Elle aussi avait été blessée lors du duel épuisant avec le colosse. Son bras avait été victime d'une triste erreur de coordination de mouvements et sa parade n'était pas aussi efficace qu'elle l'eût souhaité quelques instants plus tôt. Les chairs se refermaient et la douleur, les picotements n'étaient plus qu'un souvenir dérangeant, à l'allure d'une rougeur sur son bras, sous le tissus ensanglanté.

Son regard s'éteignit enfin. L'homme était mort et desserrait pour la dernière fois la pression de ses doigts sur la poignée en cuir de son épée lourde. L'endroit où le combat s'était arrêté était relativement étroit, c'est dans cette ambiance confinée que son enchaînement bestial avait coincé son épée, sa seule arme, dans un mur, ce qui avait offert à la tueuse l'occasion d'en finir une fois pour toute avec ce qui était le dernier barbare du combat. Au dehors, ses hommes achevaient les blessés ennemis et ramenaient les blessées Kereszturiens.

Les barbares avaient débarqués des plages. Les navires étaient des constructions ô combien précaires. Ce n'était pas le genre d'embarcation avec laquelle on pouvait défier les tempêtes et organiser de longs voyages. Lydia dans le doute et pour comprendre plus avant à cette histoire, avait ordonné que l'on garde vivant une poignée d'adversaires, ceux qui avaient des blessures assez profondes pour qu'ils souffrent assez pour parler immédiatement dans l'espoir d'une mort rapide. L'archère avait des frissons dans le dos rien qu'à penser au carnage qui venait d'avoir lieu. Les guerriers venus de la mer avaient fait preuve d'une telle férocité... Lydia était contente d'être en vie. Ce n'était pas une chance que tous les soldats de l'armée avait eu ce soir là. Beaucoup étaient morts sur la plage. Erzébeth craignait une nouvelle vague meurtrière de ces géants déchaînés. La pluie de flèches, les lances, les épées tranchantes... Ils fallait au moins ça pour les déranger. Certains se battaient encore avec cinq flèches dans la poitrine. Ils ne semblaient même pas sentir la douleur. Ce qu'elle craignait maintenant, c'était la peur chez ses hommes. L'armée pouvait craindre de nombreuses choses, à commencer par les châtiments d'Erzébeth destinés aux lâches. Mais ces colosses méritaient un coup de sueurs froides rien qu'à entendre leurs tambours au loin.

La mer était calme, c'était la douceur, le silence avant la tempête, après avoir vomis des nuées de guerriers monstrueux, la plage était rougie du sang des vaincus. On trainât comme de coutume les perdants par les cheveux à l'arrière des chevaux. Il fallait les faire parler. Et peu d'entre eux le firent.

Erzébeth s'occupait personnellement de la torture. Pinces, aiguilles, rasoirs, fers et tisons. L'acier se mêlait aux muscles, au sang et à la sueur de l'homme qui beuglait de douleur à en faire trembler les murs du château. Il confia enfin, à l'aube que les guerriers de son peuple se retrouvaient sur une petite île déserte grande comme une vingtaine de champs de blé. C'était un point de ralliement, avant de reprendre le large. Quelques jours de quoi manger, se reposer et réparer les bateaux de fortune. Ils accostaient sur les berges de Keresztur car elles se trouvaient entre Kendra Kâr et Bouhen, bien mieux gardées et difficile d'accès. L'île en question ne figurait pas sur les cartes dont disposait Erzébeth, à son grand daim, d'ailleurs. Elle fit exécuter l'homme dès qu'elle eut terminé d'écouter ses propos.

Mircalla, quant à elle, vint lui annoncer que le groupe des prêtres de Yuimen étaient enfin arrivés au domaine, apportant avec eux, l'enfant. Roséa...

La conseillère Mircalla était d'une douceur effarante. Elle sautillait gaiment au grès des couloirs. Prenant souvent Erzébeth devenue trop dure et stricte par le bras long de longues promenades sur les remparts. Selon beaucoup, Mircalla était une femme qui rendait la Baronne plus humaine, bien qu'elle ne l'eut jamais été. Katalina accueillit les prêtres. Tous lui accordaient un certain talent pour tenir des propos douteux aux prêtres de Yuimen qu'elle n'appréciait en rien. Un soir, elle avait dit au prêtre barbu qui lui faisait la morale que s'il se trouvait une quelconque sagesse derrière une barbe, toutes les chèvres du monde vaudraient mieux que les disciples de Yuimen. Inutile de dire comment la remarque fut perçue par l'homme, qui outré, quitta le château en claquant la porte.

La brune vicieuse, Katalina au regard perfide alla conduire le cortège jusque dans la grande salle où se tenaient Mircalla et Erzébeth, toutes deux accompagnées d'un contingent de servantes.

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