Cette nuit fut pour Ezak l'une des plus agréables depuis bien longtemps. Certes, le divan n'était pas ce qu'il y avait de plus adapté pour reposer ses muscles, mais après plusieurs jours passés à Omyre, à dormir sur de la paille humide, et sous un toit fuyant, cela lui apparaissait comme un luxe. Il semblait loin le temps ou le D'Arkasse se plaignait de vivre dans un environnement morne et sans faste. Ce n'était pas que ce descendant de grandes lignées s'était habitué à son sort, loin de là. Mais il avait fini par savoir profiter des petites choses que lui offrait sa vie d'aventurier. Il prenait son mal en patience, et sa faim de reconnaissance et de pouvoir s’était tu. Dans le silence, elle se préparait à exploser, à dévorer tous les obstacles sur son passage. Cette famine était la source de sa haine grandissante, aujourd'hui dirigée - pour un temps sûrement - vers Oaxaca.

Ezak ouvrit doucement les yeux sur le plafond de la pièce. Tout était calme, du moins, aussi calme que pouvait être une ville qui vrombissait sans cesse. Il en arriva presque à oublier qu'il était dans un monde en guerre qui lui était complètement étranger, enfoui des centaines de mètres sous terre, en espérant qu'un foutu dragon mauve ne les fassent pas tuer.

Le regard brumeux toujours fixé sur le plafond, le sergent sentit une sensation étrange dans le creux de son ventre. La peur... Loin de son armure qui annihilait tout sentiment de terreur et de son masque plein de suffisance, il ressentait à présent la pression de la tâche qu'il s'était confiée. Il avait peur d'échouer, peur de se perdre à nouveau, peur de mourir. Après tout, qu'était-il de plus ou de moins qu'un humain ? Il était normal que ces choses l'inquiète, le contraire aurait été sûrement synonyme de troubles mentaux. Bien qu'il ne se jugeait pas totalement sain d'esprit.

Mal à l'aise, Ezak jeta un coup d'œil vers Simaya. Il s'attendait à la voir encore endormi dans le lit, ou même peut-être réveillée, à réfléchir silencieusement à leur problème commun : Oaxaca. Mais elle n'était pas dans le lit, pas même assise à réfléchir, elle n'était nulle part. En tout cas, pas ici. Lorsque l'Orano-Kendran se rendit compte de la désagréable vérité, ses membres se raidirent pour redresser totalement son corps sur le divan. Le cœur battant, l'esprit flirtant entre incompréhension et crainte, il jeta un nouveau regard circulaire pour confirmer cette étrange vérité.

Où pouvait-elle bien être ? Peut-être avec Val' Crooh, ou peut-être qu'elle était tout simplement partie seule. Ça aurait été là, une grossière erreur de sa part. Car en se mettant en danger, elle mettrait nécessairement le maitre d'armes dans une situation peu enviable. Il n'y avait de toute façon qu'une chose à faire pour avoir une réponse.

C'est pourquoi Ezak se releva et alla vérifier si la porte était toujours fermée à double tour. Si oui, Val Crooh l'avait sûrement emmenée, grâce à ses pouvoirs magiques et il n'y avait pas d'inquiétude à avoir. Si non... Il aviserait.

La porte était fermée de l'intérieur, ce qui conforta Ezak dans le fait que Simaya était bien partit avec Val Crooh. De plus, ses effets avaient disparu, elle était donc partie de son plein gré, et ne comptait pas revenir. Si le D'Arkasse était soulagé qu'elle ne soit pas partie seule, il était complètement vexé d'avoir été ainsi abandonné. Il prenait cela comme une trahison, elle qui avait promis de l'aider. Elle devait être retournée à Esseroth, elle qui voulait tant rentrer pour aider. Plus rien ne les liais désormais. Sa ville pouvait bien sombrer dans les flammes, cela ne l'intéressait plus désormais. Oui, il était quelque peu susceptible.

Le métisse entreprit de remettre son armure avec soin, l'esprit accaparé par ses nombreux problèmes. Alors qu'il remettait chaque pièce, il pouvait sentir la peur s'en aller pour ne devenir qu'un lointain souvenir. C'était assez troublant, et il ne s'y était toujours pas habitué. Le dragon mauve original était encore plein de surprises, longtemps après l'avoir pourtant vaincu. Cependant, le nouveau dragon mauve restait un autre problème. Leurs âmes étant liées, il ne pouvait le détruire, sinon il signerait également sa propre mort. Il était dans une situation peu enviable. Il devait détruire Oaxaca, mais Shaam devenu capitaine de l'armée Oaxienne, devait vivre. Devait-il tenter de rallier les troupes marchant vers Fan-Ming et convaincre Shaam de se détourner de la Reine ? Où trouver un moyen de détacher leurs vies ? Cet elfe commençait réellement à lui taper sur les nerfs. Le destin semblait le mettre constamment sur sa route, et franchement, cela lui déplaisait. S'il avait abandonné l'idée de le tuer depuis le bagne, cela le dérangeait qu'il ait en quelque sorte le droit de vie ou de mort sur sa personne.

Ezak vérifia une dernière fois les attaches de son armure et récupéra ses effets, après avoir attaché ses armes à sa ceinture. Sans plus attendre et fin prêt, il sortit de ses appartements. Il était temps de quitter cette ville, mais avant il devait récupérer une carte, et établir une fois pour toute son plan d'action. Mais cette fois, il était seul.

Quelle ne fut pas la surprise d'Ezak lorsqu'en ouvrant la porte, il découvrit l'étrange assemblée réunit dans la Salle Ronde. En effet, tout autour de la table s'était réuni le conseil des affreux. Avec un air dubitatif collé sur ses traits, il referma doucement la porte derrière lui en observant chacun des membres de la réunion. Quatre Garzok dont la beauté rivalisait avec celle des plus laides femmes d'Ombre. Deux gobelins dont les oreilles proéminentes renforçaient leurs traits tout aussi grossiers, et trois humains dont le regard semblaient être la source de toutes les forces obscure.

Parmi eux, il y avait Elath, mais tous les autres étaient pour lui aussi familier que le dernier des ermites perdu dans sa cambrousse. Il y avait donc là, huit individus peu engageants et lorsque le borgne à l'œil d'or l'invita dans ce qui était un conseil de guerre, il comprit qu'il était le neuvième membre. Heureusement qu'il était là pour remonter le niveau.

C'est donc implicitement qu'il accepta l'invitation, en prenant l'un des sièges libres aux côtés du Sergent. Il n'était plus si pressé que ça de quitter la ville. Les choses devenaient intéressantes ici. Et c'était l'endroit parfait pour prendre place de manière effective dans l'organigramme des forces Oaxienne. Il était pressé d'entendre ce qui allait s'y dire, et d'y participer.

L 'air blasé, Ezak appuya négligemment sa main contre sa mâchoire. Il était content d'être au cœur de tout ça, d'entendre et de participer aux plans de l'armée de cette putain qui se prenait pour une reine. Mais il l'était beaucoup moins de devoir partager une table avec ces affreuses peaux vertes et leurs visages disgracieux. Rien que de les observer faisait monter en lui une sorte de frissons désagréable. Pas de ceux qui provoquent en vous l'effroi, mais de ceux qui réveillent en vous des pulsions meurtrières. Le guerrier à l'armure d'écailles préféra alors éviter de les regarder pour tenter de calmer ses passions, et de sa main libre, il commença à jouer avec ses mèches rebelles. À l'observer, dans cette attitude déconcertante mélange d'ennui et de concentration sur ses cheveux blonds, on aurait pu croire qu'aucun mot sortit de cette assemblée, ne percuterait son ouïe.

Et pourtant, le parjure ne rata pas une syllabe, pas un de ces sons désagréables qui sortait de la gueule des Garzoks quand Elath demanda à ce qu'ils reprennent leur réunion la ou ils l'avaient laissée. Ainsi, il en apprit plus sur la situation de la Lande Noire. Arthim'Olth allait bientôt devoir subir un siège, mais du côté de la tour d'Orsan, ils semblaient avoir du mal avec des modifications de chaire sur certains humains. S'en suivit un cours débat assez houleux entre l'un des officiers Garzoks et un humain sur la faiblesse de la race humaine. Mais Elath à force de coups sur la table ramena l'ordre parmi les membres du conseil. À cet instant seulement les yeux du maitre d'armes quittèrent la vue de ses cheveux qu'il trouvait bien mal entretenue, pour se fixer sur l'humain qui venait de défendre avec tant d'ardeur la race humaine. Avec curiosité, il observa cet homme pâle avec ses cheveux blancs et son regard si sévère. Il apprécia son attitude, celle de défendre sa race, et il se demanda pourquoi des hommes qui auraient pu être libres servait la pro-Garzok, Oaxaca. Pour lui, il y avait un non-sens. Mais il se dit aussi que s'il devait s'entourer de personnes dans cette armée, c'est de ce genre d'hommes dont il avait besoin. De ceux qu'il pouvait rallier à sa cause. Ne disait-on pas : « Diviser pour mieux régner ? »

Mais alors qu'Ezak était bloqué dans son observation de l'homme les paroles du Garzok à la peau vertes vinrent écorcher ses oreilles. Ils étaient au courant pour l'arrivée des Yuimenien et il était bon qu'ils ne s'en inquiètent pas. Mais ce qui provoqua l'énervement dans le cœur du jeune homme était son petit commentaire sur la stupidité des Ynoriens. L'Orano-Kendran ne put que diriger un regard brillant de haine vers la créature alors qu'Elath le questionna, sur sa présence ici, alors qu'il était censé être à Fan Ming. Mais le sergent s'en foutait royalement et c'est pourquoi il répondit sans quitter le Garzok des yeux.

« J'ai perdu ma couverture, et ils savent pour mon rôle au sein de l'armée de la reine noire. J'ai été emprisonné et j'ai dû m'échapper. Nul ne peut tenir un D'Arkasse en cage. Mais n'ayez pas d'inquiétude, l'un des nôtres est parmi eux, il se nomme Azra. »

Ces mots étaient sortis avec un calme qui jurait avec la froideur meurtrière qui naissait dans son regard. Et sans laisser le temps à Elath le soin de rétorquer, Ezak apostropha le Garzok dont il avait tant envie d'arracher la mâchoire inférieure en guise de punition.

« Quant à vous... Vous m'avez insulté n'est-ce pas ? Vous avez bien dit « les Ynoriens sont stupides » ? Donc si je suis votre raisonnement, étant donner que je suis moi même à moitié Ynorien, je suis un sot ? Ou même un demi-sot ? Soyez clair dans vos propos. Êtes-vous en train de dire devant toutes ces personnes, que moi, Ezak D'Arkasse en ma qualité de sergent, que je suis stupide ou à moitié stupide ? Je ne comprends pas. Peut-être suis-je trop stupide pour comprendre. »

Sa main tenait déjà la garde de Mongoor, il ne comptait pas laisser une insulte impunie. Il l'avait appris à Omyre, il fallait savoir se faire respecter de ces peaux vertes. Et il comptait bien tous les faire marcher au pas.

Ezak ne put s'empêcher d'avoir un sourire malin et victorieux lorsque le Garzok lui répondit avec un certain sarcasme. Il n'était pas rentré dans le jeu du D'Arkasse, et en plus, il s'en sortait avec une incroyable adresse. Mais au final, il n'avait pas eu le malheur d'affirmer ses propos, et son énervement était perceptible. L'Homme avait vaincu le Garzok.

Le sergent, desserra la main de la poignée de son sabre et s'enfonça de nouveau dans sa chaise alors que Elath les rappela calmement à l'ordre du jour. Azra semblait l'intriguer, et il ne comprenait pas en quoi. Un gamin maigrichon à la mine affreuse, qui à une mauvaise tendance à aimer jouer avec des morts. Quoi de plus banale ?

Ezak fronça les sourcils dans un effort de réflexion intense lorsque le borgne lui demanda quelques informations sur le nécromant. Il essayait de se rappeler ce qu'ils s'étaient dit, mais cela avait du mal à lui revenir. De plus il devait faire attention à ne pas trop en dire, pour éviter de le griller.

« Je ne sais pas. Omyre l'envoi, mais je ne sais pas exactement de qui il dépend, ni qu'elle est son rôle. Il avait l'air de dire qu'il devait attendre des ordres ou quelque chose comme ça. »

Elath sembla perturbé par le cas Azra, mais il passa rapidement à autre chose. Vint alors une autre question mais celle-çi eut le don de surprendre Ezak, qui ne put cacher son étonnement. En effet, le borgne voulait savoir si Ezak avait vu Karz qui était apparemment lui aussi présent sur Aliaénon.

Les sourcils relevés, il répondit :

« La pleureuse de Karz est ici ? Je n'étais pas au courant, non. Jusqu'à ce qu'un de nos soldats me renseigne, je ne savais même pas que Shaam était parmi nous, et qu'il était devenu capitaine. Alors non, je ne suis au courant pour aucun de mes compagnons du bagne. »

Mais vint alors la réflexion de l'humain, aux yeux, qui ouvrit la bouche pour la première fois et qui s'étonne qu'Ezak soit arrivé aussi vite. En effet, si Ezak se rappelait bien de ce qu'il avait vu de la carte, la Lande Noire était complètement à l'opposer de Fan Ming, bien qu'il n'avait aucune idée des notions de distance sur ce monde qui lui était inconnu. En tout cas, il ne pouvait se résoudre à dire que c'était l'Archi-Sorcier qui l'avait aidé. Pas maintenant, pas alors qu'il n'y était pas obligé. C'est pourquoi il répondit quelque chose de totalement énigmatique avant de changer brutalement de sujet.

« On a tous nos petits secrets et la façon dont je suis arrivé ici, n'a de toute façon rien d'intéressant pour notre assemblée. Ce que je constate, c'est le laxisme dans la stratégie employée. Envoyer trois espions, pour ne connaître aucun de leurs mouvements et n'avoir aucun moyen de les contacter. Si je ne m'étais pas aidé moi-même qui l'aurait fait ? Je ne sais pas qui s'occupe de la stratégie dans cette armée, mais si ça ne tenait qu'à moi sa tête se retrouverait déjà sur une pique. »

Puis sans laisser personne l'occasion de prendre la parole, il enchaina :

« Heureusement, je suis là maintenant. Je saurais peut-être retrouver Azra et dès lors, nous aurons un coup d'avance en connaissant les intentions de nos ennemis. Mais avant... »

Il était temps d'affirmer le pouvoir de son grade parmi ces gens, et s'il avait été passif depuis le début de la conversation, il était maintenant temps d'avoir un rôle central dans cette guerre. Pour ça, il devait jouer son rôle à fond.

« Je ne connais aucun d'entre vous et je ne connais pas vos rôles au sein de l'armée. Présentez-vous et faites moi un rapport de vos activités. »

Puis Ezak se tourna vers Elath brièvement.

« Pourriez-vous faire venir une carte de ce monde pendant que je fais connaissance avec nos collègues, je pense qu'il est temps de parler de stratégie. Je voudrais un rapport sur les mouvements de nos troupes. Pas seulement ceux qui se trouvent dans la Lande noire. Étant libre dans mes mouvements, je voudrais savoir là ou je pourrais être le plus utile. »

Puis à toute l'assemblée :

« Bien, on peut y aller. »

Lucian ne sembla pas très d’accord avec son homologue. Pour lui Ezak en tant que sergent aurait du briller par son esprit d’initiative. Ezak leva les épaules, plus pour passer à autre chose que pour s’avouer vaincu. Il savait que cette discussion n’aurait rien de productive, il avait autre chose à faire que de se chamailler.

Le conseil reprit donc son cours et les membres de l’assemblée se présentèrent. Le jeune officier les écouta un à un sans les interrompre en essayant de retenir leurs noms et leurs fonctions dans l’armée, puis le sergent Elath qui lui fit un topo sur les différentes troupes présente. Ainsi, il eu la confirmation de l’armée menée vers Fan-Ming par Naral Shaam. Il devait trouver un moyen de leur envoyer un message, pour qu’ils se prépare. Bien qu’il avait un désamour grandissant pour cette cité, la sauvegarde de l’Ynorie, la vie de sa famille dépendait d’eux.

Ezak posa son front sur son poing et réfléchit quelques instants. Il devait placer ses pions au bon endroit. Avoir l’air d’être utile mais tout en préparant la défaite de «sa reine». Il devait avoir un coup d’avance sur eux, et pour ça il avait sa petite idée. Si il s’occupait seul de prise de certaines ville, il pourrait s’assurer d’avoir les armées à ses côtés plutôt qu’aux côtés de celles d’Oaxaca. Et lorsque que le moment serait venu, ils allaient se faire poignarder dans le dos. Il fallait juste qu’il règle quelques désagréments, et ce n’était pas une mince affaire. Mais d’ici la il avait encore le temps de réfléchir aux détails.

En relevant les yeux vers ses comparses il dévoila ses intentions.

«Je m’occuperais de ces cités excentrés. Je vais ouvrir le terrain pour nos armées. Mais pour ça, il me faudrait quelques hommes d’armes. Un petit groupe, efficace et capable de se déplacer rapidement et des montures. Juste de quoi nous défendre, en cas de bandes armées. Mon but n’est pas de prendre ces cités par la force, mais par la parole. Je vais faire miroiter monts et merveilles à leurs dirigeants, et les associer à nous. Cela évitera bien des pertes d’hommes et de temps. Qu’en pensez vous Elath ?»

Mes homologues semblaient ravi. Mon plan, à leurs oreilles sonnaient comme la promesse de l'extinction de race Ynorienne. Mais il ne savait pas qu'il était le poignard dissimuler dans mon dos. Le chef des éclaireurs et l'instructeur des troupes d'Escarloth me proposèrent même de mettre des troupes à ma disposition. Je n'eus pas le temps de réfléchir aux differentes proposition, qu'Elath étala une carte semblable à celle que j'avais eu l'occasion de voir à Fan-Ming.

Tout en me penchant pour observer les cibles désignés par le sergent, je livrai ma réponse aux peaux vertes.

« Je ne travail qu'avec des humains sous mes ordres, alors celui d'entre vous qui pourra m'en livrer sera mon choix. »

Avant de pointer du doigt la cité de Neo-Masalia.

« J'irais la-bas. Quand est-il des autres villes de l'Ouest ? Et quel chemin emprunte Naral et ses troupes ? »