Sans même un mot de plus de la part de l'Unique, je suis pris d'une sensation que je commence à connaitre. Celle de me dématérialiser une fraction de seconde, avant de réapparaitre ailleurs, et à vrai dire, je commence à me lasser de ce genre de voyage. Ca commence vraiment à être redondant, à tel point que je pense m'être téléporté plus souvent que je suis monté à cheval. Mais je dois me reprendre et accepter le fait que je ne suis pas du genre à voyager comme tout le monde, car en face de moi se tient la ville d'Elscar'Olth, une grande tour aux allures fantomatiques qui ne manque pas de me faire penser à la grande Tour Noire d'Omyre. Une tour, mais aussi une silhouette connue, une personne que je ne pensais pas revoir de sitôt. Sirat. La boule de poils aux cotés de qui je me suis battu sur l'île volante.

" Ton dieu semble avoir lié nos destins, voyons où cela va nous mener. "

Je me rends compte que l'Unique n'a pas accepté de me déposer dans un endroit discret où personne ne peut me voir et du coup, je doute qu'il ait prévenu Xël et Glanaë de ma présence en ces lieux. Et lorsque une groupe étrange vient nous accueillir, je me dis que ma seule chance d'avoir un réel allié dans la cité, c'est Sirat. Alors j'attends, et je laisse le touffu prendre la parole. Mais...La réponse n'est pas réellement celle que j'attendais. Ill est visiblement du coté d'Oaxaca. Il est peut-être dans la même situation que moi, mais dans l'absolu, malgré notre passé commun, je ne peux en aucun cas lui faire confiance. Faisant quelques pas en avant, je me présente à mon tour.

"Je suis Karz, Sergent de la Grande Armée d'Oaxaca, Champion de Cwedim le déchainé. J'aimerais voir les responsables du QG."

Si je veux accomplir la mission que je me suis imposé, je vais devoir jouer à fond mon rôle de sergent et être malin. A partir de maintenant, je n'ai plus le droit à l'erreur.

Je retiens quelques détails de ce qui vient d'être dit: Sirat veut tuer ceux que je cherche à sauver - ce qui le met plus tôt que je ne le pensais dans la liste de mes ennemis - et l'archisquelette sorcier n'est visiblement en bon terme avec les collaborateurs de l'armée oaxienne, ce qui quand à lui, le propulse définitivement dans la liste de mes alliés. Du moins en apparence pour le moment. Mais surtout, j'apprends rapidement le nom de la personne que je veux voir et comment je suis supposé le rejoindre.

C'est donc sans un mot de plus, esquissant juste un signe de tête à l'intention du poilu et des sept gonzes face à moi que je prends congé et que je passe la grande porte. Après quelques secondes, je croise sans surprise un garzok. M'approchant du verdâtre, je me tiens face à lui.

"Karz, Sergent de Cwedim, mène moi à Lucien Elath."

Autant que possible, je dois faire attention à ne pas trop en dire, même si je dois m'adresser à un verdâtre aussi laid que stupide.

Obéissant sans broncher, le verdâtre me guide à travers nombreux tunnels dans les entrailles de la cité. Et je me prends à sourire en analysant la situation. Je suis là à arpenter d'obscures galeries, étroites ou larges, mais cela me donne l'impression d'avoir été avalé par la ville et de parcourir ses intestins...les odeurs en moins. Quoique le garzok qui me précède ne sent pas vraiment la rose. Mais ce qui me fait vraiment rire intérieurement c'est que ce bref voyage est relativement semblable à mon objectif quand on y réfléchit. M'infiltrer et détruire ma cible de l'intérieur, m'immiscer dans son intimité pour atteindre le cerveau et le cœur de mon ennemi. Mais je décide d'arrêter mes réflexions quand des mots et des images que la bienséance réprouve font leur apparition.

Le verdâtre s'arrête alors et me laisse entrer dans une pièce où siège une table ronde. Et de l'autre côté de cette table se tient un homme. Un borgne portant une tenue de cuir brun, entouré de la fumée de sa propre cigarette. Me fixant de son unique œil jaune, il s'adresse à moi sans me laisser le temps de souffler. Je dois réfléchir vite et bien, mais la réponse que je sors presque malgré moi n'est sans doute pas la meilleure.

"Je suis déçu, vous ne savez même pas à quoi ressemble vos propres espions. Vos propres alliés. Dois-je m'inquiéter du futur des armées d'Oaxaca sur Aliaenon ? "

Ah bien y réfléchir après coup, ce n'est clairement pas la bonne réponse...

Le chevalier défia le zélote de ses yeux azur. Il se présenta comme un natif d’Elscar'Olth se nommant Elurien d’Assamoth. Il n’approuvait pas les choix de Sirat mais cela lui importait peu. Cependant il y avait dans l’attitude du commandeur une fougue et un feu insolent qui plaisait à l’humoran. Il esquissa un sourire railleur. Il aimait les défis c'était dans sa nature.

Je vais pas faire de courbe pour tirer droit l’ami, mais tu me plais. On se reverra.

Il prit le chemin de la tour le pas pressé alors que Karz prenait la porte. Il devait en apprendre plus et vite.

En restant calme, le borgne me sermonne, en quelque sorte remettant en cause mes qualités d'espion...Et il ne sait pas à quel point il a raison. Mais c'est à mon tour de jouer avec les mots, de lui rendre la pareille. Je ne dois pas me laisser démonter.

"Le propre des dirigeants d'une armée n'est-il pas de connaitre toutes les pièces en jeu de leur coté de l'échiquier ? Et vous n'aviez nul besoin de vous présenter, puisque j'ai demandé à vous voir, j'ai osé supposer que l'on ne m'a pas conduit face à un vulgaire faire valoir."

M'asseyant face à lui, à l'autre bout de la table je poursuis, restant calme.

" Mais bref, je ne suis pas venu ici pour le tourisme, la bouffe et les putes. J'ai besoin qu'on m'explique un peu mieux ce qui se passe sur cette foutue planète et j'ai aussi quelques infos à transmettre."

La porte s’échappa au coup de Sirat, s’ouvrant seule, lentement mais sans grincement. Derrière l’humoran découvrit une pièce plongé dans les ténèbres. Un silence mortuaire s’en échappait. Une voix caverneuse qu’il reconnu pour être celle du sorcier l’invita à entrer. Il passa le pas de la porte et plongea dans l’obscurité, non sans une certaine prudence.

Par Zewen, il fait aussi noir que dans le terrier d’un lombric.

Il ne pouvait discerner Thensoor, la lumière n’existait pas, il n’y avait qu’une noirceur opaque qui enveloppait l’endroit et qui semblait étouffé toute chose, jusqu’au son même de la cité. Ici, Sirat ne ressentait plus les vrombissements incessants de la citadelle.

Vous saviez que je venais, n’est ce pas. On n'entend plus le vrombissement ici, est-ce de votre fait?

Il prit un instant et repris, il préférait aller droit au but.

J’ai vue Vallel, il veut que je tue les derniers Esserothéens qui se cachent à Nagorin. Je pense qu’il à peur de la prophétie, même s’il s’en défend. C’est pour cela que je suis là, Elath m’en à vaguement parlé, mais je doute qu’il maitrise réellement l’histoire d’un monde qui ne la pas vue naitre. J’aimerai apprendre la prophétie, elle est surement la lueur d’espoir que vous attendiez.

Il tâtonna légèrement pour se rapprocher d’un mur et d’en caresser la rassurante présence.

J'ai l'étrange impression de parler avec Ezak, le plaisir et l'affection dissimulée en moins. Ce Lucien, je ne peux pas le sentir, mais je ne peux pas me permettre de me le mettre à dos, pas encore. Je continue donc la discussion le plus naturellement du monde.

" Le simple fait d'être un espion m'oblige à bluffer et prendre des risque, mais soit, il est inutile de débattre plus longtemps sur le sujet."

Me penchant un peu en arrière, croisant les bras, je tente de prendre le regard le plus sérieux possible avant de poursuivre.

"Pour ce qui est de mes informations, j'en ai vaguement parlé avec Sire Vallel, mais je suis plus rapide qu'un messager j'ai donc décidé de venir vous les transmettre également."

Je n'aurais peut être pas du mentionner l'un des ces tarés de Lieutenant d'Oaxaca, mais bon, il faut bien donner un peu de poids à mes paroles et la simple évocation de leur nom peut m'aider...Enfin je l'espère.

" Je sais de source sûre que les têtes pensantes de Fan-Ming ont envoyé une demande de renfort aux Kendrans. Je ne sais pas combien d'hommes vont débarquer ni quand, mais ils vont arriver. Pour ce qui est de ma demande...Je veux passer le fluide."

Je n'en dis pas plus pour le moment. ll faut que j'arrive à me rapprocher du fluide, ne serait-ce que pour le localiser et le meilleur moyen est sans aucun doute de demander à le traverser. Maintenant, il faut juste que je trouve un moyen de le saboter une fois de l'autre coté.

De cette ombre opaque, inextricable s’échappa une voix gênée, asthmatique, fatiguée. Le timbre de Thensoor était reconnaissable, sa litanie mortuaire s’extirpa de sa cage thoracique cachectique pour se propager dans les ténèbres et répondre à Sirat. Il s’était construit en cet endroit un cocon coupé de tout. La prophétie raisonna aux oreilles de celui qui devait l’entendre, teinté du sifflement malade de son compteur.

« À l’heure où l’heure où le Sans-Magie sera plus puissant que tous, à l’heure où l’ombre ploiera sous le nombre, à l’heure où les peuples se seront perdus, la mort déferlera sur le monde. Une mort sinistre, une mort sanglante, une mort impitoyable, qui ravagera les landes du Sud au Nord. Une poignée de Mages Libres sauront défier l’ombre, à l’aide d’Étrangers. L’astuce les mènera à la victoire sur la mort, mais ils n’auront pas le droit à l’erreur… »

Sirat n’apprenait donc rien de plus, mais un nom s’arracha finalement au souffle égrotant. Un nom teinté d’une profonde tristesse et d’une angoissante peur, Simaya. Thensoor semblait tenir à cette Simaya et cela se ressentait, cette femme semblait liée qu’elle le veuille ou non à la prophétie. C’était un signe assurément pour le zélote qui ne pouvait décevoir son dieu.

La prophétie ne se prononce donc pas sur leur réussite. Zewen saura en décider.

Il avait parlé plus pour lui-même, mais reprit cependant s’adressant au roi-mage déchu.

Je vais la retrouvé et les amenées sur la voie de la prédiction. Sachez qu’il ne vous sera jamais donné l’occasion de contempler le tertre de sa sépulture.

Il se retourna ouvrit la porte et attrapa son sifflet et l’apporta jusqu’à sa bouche afin de l’utiliser. Il ne pensait plus à Elath ou au jeune chevalier aux yeux céruléens, sont seule but était cette Simaya. Quand le cheval apparu il savait déjà sa destination.

A Nagorin…