"Encore faudrait-il que tu puisses entrer en fait... Sinon, parle-moi de ton plan, je le lui expliquerai."

Filgaren me répondit aussitôt, visiblement enclin à la conversation. Visiblement, il était très curieux de savoir ce que nous avons vu sur cette deuxième île, et en mon for intérieur, je ne peux m’empêcher de penser que s’il avait vraiment voulu savoir, il serait venu. Il m’empresse de raconter tout ce qu’on a vécu, et insiste tout particulièrement sur les dragons que nous aurions pu rencontrer.

Ha les dragons… Pour sûr qu’on en a rencontré. Rerencontré même, pour certains. Et les souvenirs affluent dans mon esprit sous forme d’images fixes qui reviennent avec violence à la surface, me rappelant mes accès de folie, me rappelant la douleur, la peur, l’abandon total à ces immenses créatures…

Je ferme les yeux, troublé par ces pensées qui elles non plus ne sont pas complètes, je le sais. Et je reste un instant sans rien dire avant de rouvrir les yeux vers Filgaren, reprenant mon sourire pour ne pas l’inquiéter. Je lui réponds, sommairement, mais avec sympathie.

« Nous avons vécu tant de chose qu’il faudrait un livre pour tout raconter. Des grandes batailles, des orcs, des traîtrises, des morts… Et oui, nous avons vu des dragons. Le géant de glace, que nous avions croisé dans les montagnes… C’est devenu mon ami, après que je me sois fait glacer la gueule par son souffle alors qu’il était assis sur mon corps. On a revu aussi celui de feu, qui avait failli nous griller. Il était moins agressif, cette fois, j’ai trouvé… Preuve en est que nous sommes toujours vivants. On a aussi croisé la route d’un dragon d’eau, dont les massages hydro énergétiques m’ont complètement renversé. Sinon, il m’a semblé apercevoir au loin volant dans les cieux éclairés un dragon de cristal… Tu as raté quelque chose, si tu veux mon avis ! »

J’entends alors Lothindil rire derrière moi, avec Lillith, et je ne peux masquer ma surprise.

(Elle ? Rire ? On aura tout vu !)

Alors qu’ils continuent à parler, je fais signe à Filgaren de me suivre et je m’approche du duo qu’ils forment, m’immisçant dans la discussion.

« Voilà de fort beaux éclats de rire, Lothi ! Que se passe-t-il ici qui t’ai fait jaillir cette soudaine bonne humeur ? »

Je souris en lui posant la question, n'ayant rien entendu de leur conversation...

Je suis un peu déçu, mais j'avais compris depuis un moment qu'elle ne me laisserait pas aller voir Cheylas. Je m'apprête à lui expliquer les détails de mon plan quand Cromax arrive dans mon dos avec Filgaren et rejoins la discussion, nous demandant l'origine de nos rires.

"Cromax !"

(Il est encore plus revenchard envers Cheylas que je ne l'était. Il serait contre mon idée à coup sûr.)

Pour gagner du temps, je le rejoins pour l'embrasser, tout en réfléchissant activement quoi dire. Mais l'inspiration est mauvaise et mon excuse trop proche de certaines de mes pensées.

"On évoquait la mise en scène dans le camp orc pour récupérer les cartes. Ils avaient vraiment été bluffés !"

Cromax vient interrompre notre discussion. Mais avant que je n'ai pu répondre, Lillith embrasse son compagnon et parle alors de la stratégie du camp orque. Je ne peux m'empêcher de rétorquer à sa suite.

"Puis de comment Fizold avait failli me crâmer réellement la tronche avec son sort de feu d'ailleurs... Heureusement, que la protection de Lillith était forte, j'ai quand même eu chaud."

Je ris alors de bon coeur, me souvenant de cette idée de fou, qui malgré les apparences avait été très efficace l'air de rien.

C’est Lillith qui me répond le premier, visiblement très surpris de me voir. Il s’avance vers moi pour m’embrasser, et j’accepte son baiser avec le sourire, malgré l’horrible odeur nauséabonde de vomi qui s’en échappe. Je mets rapidement court à ce baiser, pour l’entendre parler du campement orque et de la mise en scène que nous avions effectuée pour bluffer ces ahuris de peaux-vertes. Je souris moi aussi à ce souvenir cocasse, qui l’était moins sur le moment, et je me rappelle aussi du stress, de la peur, et du sang sur mes lames, des flèches que je tirais avec l’arc de Lothi pour défendre la vie de Seldell, et la mienne…

C’est alors au tour de Lothindil d’intervenir, et elle me parle de Fizold, et de ses maladresses. Ha Fizold, ce traître égoïste que j’ai tué un peu malgré moi. J pousse un gloussement rieur à ces propos, me mêlant à l’hilarité ambiante, mais un appel sonne en moi comme une alerte rouge… Lysis m’interpelle, visiblement en colère.

(Ils te mentent, naïf que tu es ! Ils te trompent tous les deux ! Ne te laisse pas duper par ces simagrées, pas toi, Cromax !)

Mon sourire disparait alors d’un coup, sur ma face qui se masque d’un air soudainement lointain, comme si une ombre passait sur mon visage… Elle ne pourrait mentir, elle, Lysis, et pourtant j’ai confiance en Lillith, et en Lothindil. Je ne vois pas pourquoi ils me mentiraient…

(Ils te cachent quelque chose ! Ne vois-tu donc rien ?)

Cette fois, mon regard se fait sévère, et je regarde Lothindil, puis Lillith, avec un mépris surprenant. Je sais que ma Faera, elle, ne peut me tromper… D’une voix qui crache, sans lever le ton, je m’exclame alors.

« Je me demande ce qui est le moins bon, finalement. Des ennemis orques, Fizold le traître avoué, ou vous, qui vous dites mes amis, mon amant… »

Cromax rit un instant avec nous, partageant ce moment, puis devient froid tout d'un coup. C'ets presque viollement qu'il nous lâche à la figure un sous-entendu à peine caché.

(Il aurait deviné ??)

"De quoi tu parles ?"

Cromax rit un instant avant de se refroidir d'un coup. Il ne me faut que peu de temps pour comprendre ce qui se passe.

"Il se passe qu'il sait que nous parlions d'autres choses."

Je m'accoude au bastinage et d'un ton badin, je lance au maître d'arme:

"Nous nous demandions si la prison était réellement la meilleure chose pour Cheylas."

Lillith, soudainement choqué, nie par sa question mes doutes, et je recule un instant, hésitant sous mon accusation peut-être un peu violente. Mais aussitôt m’a-t-il parlé que Lothindil avoue la vérité, sans résistance, me délivrant le vrai sujet de leur conversation. Hélas, je ne vois vraiment pas pourquoi ils riaient du sort de cette elfe grise qui au final, a juste pensé trahir pour sauver, sans réussir à faire son mal.

Je regarde Lillith avec des yeux glacials, qui devraient plaire au cryomancien en lui, et qui lancent des éclairs accusateurs alors que je me retourne vers l’elfe grise. Ma mine est neutre, et le ton de ma voix aussi, avec un brin d’incompréhension…

« Mais pourquoi ne me l’avoir pas dit ? Tu sais comme moi que la prison, elle ne la mérite pas. La mort non plus. Elle a suffisamment payé pour ce qu’elle a fait, ou n’a pas fait plutôt… Mais que pouvons-nous faire ? Elle est enfermée dans une pièce sur ce bateau, et personne ne peut la voir ! Elle est blessée, faible. Que crois-tu qu’on puisse changer à son destin ? »

Je me retourne alors vers l'océan, un petit rire vide et creux à nouveau, plutôt un ricanement qu'autre chose.

"On ne t'a rien dit juste parce qu'un plan secret a plus de chance de rester secret si on en parle pas."

J'enchaîne alors pour continuer à répondre à propos de Cheylas, on est plus à ça prêt...

"Elle est loin d'être faible, et n'est plus blessée. Depuis hier son bras est guéri et elle peut s'en servir. Et contrairement à ce que tu sembles penser, je peux la voir, mais tu étais trop occupé durant le repas d'hier pour me voir récupérer de la nourriture pour deux. Ce qui m'inquiète le plus, c'est que si ta faera a pu te prévenir... celle de Bogast pourra faire de même."

Lothindil finit par lui révélé tout, ou presque. Il s'offusque alors de notre silence, et surtout du mien. Lothindil lui explique donc le problème

"C'est pour ça qu'on voulait éviter le sujet. Si tu es au courant, tu encours le risque d'être pris dans une tourmente qui en suivra."

(Seul, je n'aurais eu aucune suspicion sur moi... J'avais des arguments suffisamment persuasifs pour faire croire que je n'y suis pour rien...)

Après un court moment d’absence, le maître d’arme finit par me répondre, passant rapidement sur la majeure de leurs aventures, mais détaillant un peu plus la partie touchant aux créatures reptiliennes qui me font tant d’effet. D’après lui, deux nouveaux dragons se seraient rajoutés aux deux premiers que nous avions vus sur l’autre île.

« Effectivement, j’ai pas mal loupé de choses ! C’est vraiment injuste… Bogast aurait pu désigner quelqu’un d’autre pour aller à la chasse à ma place…Enfin bon, tant pis… des dragons, y-en a partout de toute façon… »

A peine avais-je fini de parler que Cromax me fit signe de le suivre et nous rejoignîmes le cryomancien et Lothindil qui furent surpris de nous voir arriver. Peut-être nous cachaient-ils quelque chose… Détournant le regard devant le baiser que se donnèrent les deux amants, je restai légèrement en retrait pour écouter attentivement tout ce qui se disait et je pus en apprendre un peu plus long sur ce qui s’était passé pendant que moi, je glandais sur le bateau. Puis d’un coup, l’attitude de Cromax changea, visiblement déçu par le glaçon. En effet Lothindil venait de briser la glace en révélant le vrai sujet de la conversation et je jubilai intérieurement.

Comment ce cher Cromax allait-il réagir ? Pencherait-il du coté de son amant ou de sa maîtresse ? Surtout que la druidesse avait de bons arguments, même si faire tout un plat d’une toute petite trahison de rien du tout était vraiment stupide. Faisant passer mon regard sur les différents protagonistes, mes yeux s’arrêtèrent sur l’elfe grise qui décidément paraissait moins bourrue que lors de notre première rencontre et surtout plus plaisante à regarder. Enfin, toutes les bonnes choses ont une fin et préférant éviter de me faire arracher le cou d’une simple baffe, je scrutai l’onde d’un bleu éclatant, mon attention toujours dirigée sur la conversation en cours.

La réaction de Lothindil, railleuse et sarcastique, me hérisse un peu le poil. Elle parle de plan secret comme si elle avait le profil pour œuvrer dans l’ombre et le silence, avec ses manières de fanatique religieuse envers son dieu terreux de la vie. Poursuivant dans sa lancée, elle m’indique la situation actuelle de Cheylas, ne manquant pas de lancer une nouvelle pique dans son discours, destinée cette fois autant à moi qu’à Lillith, qui finit aussi par me répondre, malgré le fait que je ne lui ais rien dit… Sans doute est-ce à mon regard qu’il répond… Il fait passer habilement la situation de son côté, comme si c’était pour me défendre et m’éloigner de tout ça qu’il m’a menti. Je pousse un soupir blasé… Que de machinations obscures dans le monde. Ça n’est vraiment pas drôle, si on n’y participe pas…

Je les regarde, tour à tour, un peu las, avant de sourire, moqueur de cette situation qui m’embarrasse et qui les dérange.

« Écoutez, ne dit-on pas que l’Union fait la Force ? Si nous restons unis, nous aurons tous ce que nous voulons. Nous ne pouvons pas aider Cheylas à s’enfuir sans nous même nous exposer à un danger, celui d’être à notre tour vus comme des traîtres. Mais ce qu’on peut faire, c’est ne pas l’empêcher de fuir, et empêcher que d’autres l’empêchent de fuir… ça vous dirait qu’on organise une petite fête d’adieu juste avant notre arrivée à Kendra Kâr ? »

Et je souris malicieusement, laissant mon idée sous-entendue percuter leurs méninges…

Je soupire, il ne lui suffit pas d'être au courant, mais en plus il veut participer... je le regarde et lui répond:

"Je ne comptais pas l'empêcher de fuir... sinon, j'aurais replacer sa gange de boue autour de son bras. Pour le reste, je vous fais confiance, la seule chose que je demande, c'est que nul ne soit blessé dans cette affaire."

(T'es d'une humeur changeante toi.)
(Peut-être parce que j'ignore ce que je veux?)
(Tu avais l'air si décidée tantôt.)
(Je sais bien...)

Je doute encore, à la fois j'ai envie qu'elle parte, mais à la fois, je ne veux pas prendre le risque, ni de blesser, ni de nuire à quelqu'un d'autre.

Nous arrivons enfin au navire, j’ai cru pendant un instant que je ne le verrais plus jamais. Le soleil baisse à l’horizon au fur à mesure de l’approche. Soudain je vois qu’il y a de l’activité sur le navire sûrement tout le monde qui s’excite de nous revoir. Ils ont préparé un magnifique festin mais je me sens exténué. Je fais signe au revoir à mes compagnons et vais dans ma cabine.

Une fois à l’intérieur, je retire mes armes une à une et commence à les nettoyer minutieusement. J’apprécie de voir mon reflet à l’intérieur mais le problème est que j’y vois joie et souffrance. La joie d’être avec des compagnons comme il y a ici et souffrance de mon côté sombre que je ne maitrise pas encore.

Je dépose les lames à côté de ma couche puis je retire mon armure qui est toujours étincelante.

(J’ai fait une bonne acquisition, pas besoin de la nettoyer au moins)

Je me déshabille ensuite et me couche, je regarde le plafond quelques instants puis m’endors comme un enfant.

Je suis face à Flora, elle a un aspect macabre, elle est blanche, translucide, elle est sous forme fantomatique

Je me tourne et retourne dans mon lit, des rêves étranges envahissent mon esprit. Je transpire à grosses gouttes.

Je combats des hordes de morts vivants mais il y en a toujours autant

Mes poings se serrent comme si mon corps combattait dans ce rêve.

Je me vois en train de dire que je laissais Flora en enfer

Je me réveille en sursaut, des gouttes de sueur sur tout mon corps. Mes mains tremblent, ai-je rêvé ou Lothi a-t-elle raconté la vérité ?

J’attrape mon pantalon et sors sur le pont avec le katana, que j’ai en ma possession, à la ceinture. Je peux voir au soleil qu’il est environ midi, je peux voir que mes compagnons semblent discutés, du moins je le suppose vu ma distance.

Je me promène un peu sur le pont et profite de l’air frais mais ces rêves me font toujours réfléchir. Je décide d’aller voir Bogast pour lui poser la question.

Une fois à côté de lui, je lui dis :

« Enchanté Bogast, belle matinée n’est ce pas. Je suis désolé de venir te déranger mais je n’ai pu trouver un sommeil réparateur cette nuit. J’ai quelques questions, l’enfer était bien réel n’est ce pas ? Puis dans un rêve, j’ai vu Flora puis je l’abandonnais, je n’arrive pas à me résoudre d’avoir fait sa mais dis moi la vérité. Même si celle-ci est dure parfois, il vaut mieux l’entendre que d’apprendre par soi même qu’un ami a menti n’est ce pas ? »

Je le regarde avec des emplis d’émotions.

Sans broncher, concentré sur les voiles, il te répond.

" Suffisament belle pour qu'on puisse avancer correctement, c'est tout ce qui m'importe. Je suis assez blasé de l'extérieur... Je pense que je vais profiter un peu de mes appartements une fois rentré... et de mon fils. "

Lorsque tu évoques l'enfer, son visage se durcit. Il reste sans répondre quelques instants.

" Hmm... Hé bien... oui. Elle y était. Ou nous avons crus la voir. Il ne faut peut être pas porter attention à tout ça. Ce n'était peut être qu'une sorte d'illusion ou de rêve collectif... Ou quelque chose comme ça. "