Cromax a écrit:
Mon baiser semble appeler de nouvelles caresses, et l’attirance de nos bouches, de nos peaux se font à nouveau sentir, pressantes et vives. Une nouvelle fois, nous nous abandonnons l’un à l’autre, unissant nos corps, laissant parler cette flamme en nous qui nous pousse à nous étreindre passionnément. Puis, doucement, dans un calme revenu naturellement, les caresses s’espacent, deviennent légères et douces, lentes. Et elles finissent par disparaitre, alors que seule la surface de ma peau contre celle de Lillith laisse le souvenir de ces doux attouchements.
Mon amant s’endort vite, épuisé de ces moments coquins partagés enfin sans être perturbés par de trop vifs aventuriers, ou sévères ennemis, ou étroits esprits. Je remarque avec amusement la faible résistance des humains au sommeil salvateur. Ils sombrent si rapidement dans l’obscurité inconsciente de la nuit, et pendant tant de temps… Je l’observe longtemps, nu à mes côtés, glissant mon regard sur ces formes musclées, et je me laisse imaginer les parcourir encore, comme un aventurier en terres inconnues, à la recherche de nouvelles tendresses sur ce sol accueillant, tiède et moelleux. Et le temps passe…
Mais alors que le sommeil me gagne, un petit bruit me parvient de la porte, et instinctivement, malgré l’obscurité ambiante, je vois la poignée descendre, sans que la porte ne s’ouvre, et ce à plusieurs reprises, chaque fois un peu plus bruyantes, tout en restant discret. Je jette un regard curieux à Lillith, à mes côtés. Visiblement, il dort toujours. Ses oreilles humaines ne sont pas aussi sensibles que les miennes, et même s’il pourrait entendre ces bruits dissimulés, en y faisant attention, il ne les repère pas dans son sommeil paisible.
Alors, je me lève doucement, silencieusement, m’enveloppant dans une couverture superflue au sommeil de mon compagnon et avec la plus extrême délicatesse, pour ne pas ôter à son repos d’ange sa beauté et sa pureté. Une fois debout, à pas feutrés, je m’approche de la porte, dont je remarque directement la serrure obstruée par la clé. Je souris en pensant que Lillith s’est assuré un calme et une discrétion sans pareille, en entrant. Poussé par la curiosité, je tourne la clé et abaisse la poignée le plus silencieusement possible, ouvrant la porte de ma cabine pour tomber nez à nez avec une silhouette nocturne qui me fait sursauter, et qui sursaute tout autant en me voyant. C’est Prunelle. Je n’ai pas le temps de réagir qu’elle pousse un murmure soufflé comme un soupir de soulagement…
« Cromax… »
Et elle fond sur moi, vive, bouche en avant, pour déposer sans me demander mon avis, un baiser humide et tiède sur mes lèvres surprises. Ce contact est si doux que je ne peux le refuser, et je l’embrasse fougueusement, comme si je retrouvais des anciennes sensations, si différentes de ce que j’ai avec Lillith, cette rudesse virile, mais tendre. Ici, c’est la sensualité féminine mêlée à un grain de passion éperdue qui me frappe et me touche. Je la plaque contre le mur du couloir, à l’extérieur de la cabine, nu, ayant depuis quelques secondes laissé choir au sol la couverture qui me couvrait vainement.
Là, les mains de Prunelle me touchent, me caressent, alors que je la sens sangloter contre ma peau nue. Je lui ai manqué, et ça me touche énormément de voir à quel point on peut tenir à moi. Mais alors que ces mains douces et tremblantes veulent aller plus loin que ce qui leur est permis, je me recule doucement, la laissant troublée contre le mur du couloir. Je la voix me regarder, paniquée, et je la distingue nettement plus nettement qu’elle ne peut me voir. Je vois ses yeux paniqués chercher les miens dans l’obscurité, alors que ses paumes cherchent mes doigts.
Je lui murmure à mon tour, joignant ses mains contre mon buste :
« Pas maintenant, Prunelle. Pas comme ça… »
Puis, après un triste soupir de surprise déçue, elle reprend possession de ses membres et après un dernier regard, disparait à pas de loups dans les couloirs, tressautant sous les larmes qui noient ses yeux à son départ. Une fois Prunelle disparue, curieuse apparition nocturne que je ne m’explique pas, si brève et si intense pourtant, j’entre dans ma chambre en ramassant la couverture trainant sur le sol. Je rejoins alors Lillith, toujours endormi, après avoir fermé la porte en négligeant de la verrouiller, et je m’allonge sur mon lit sans perturber le sommeil du cryomancien. À mon tour, je ne tarde pas à m’endormir, et d’étranges cauchemars, étonnement plus précis que ceux de la veille, viennent envahir mon somme.
Le monde rouge parsemé de tombe se garnit à présent d’une horde de mort, qui sortent de terre en poussant des cris atroces. Ils sont décharnés, purulents et tellement nombreux. Une véritable marée de morts avançant en boitant d’un pas lent et cadencé. Mais un rire cruel retentit, et soudain, tous les morts hurlent ensemble dans un boucan infernal. Leurs corps disparaissent et leurs têtes se rejoignent pour n’en former plus qu’une, immense, plaintive et agressive, semblant toute proche de me manger. Puis, le noir, puis, la lumière du jour…
Le soleil commence à perler par le hublot, par-dessus les flots éclairés de la faible lueur matinale. Je me sens oppressé par mon rêve, mais je ne cherche pas à savoir ce qu’il signifie. Je reste néanmoins pensif, sans bouger, les yeux grands ouverts, comme si cette abomination onirique était réelle, comme si je l’avais déjà vue, sans m’en rappeler avec précision.
Un temps après, mon amant se réveille, et mes pensées s’échappent. Pour ne pas qu’il remarque mon trouble, aussi bien dû au cauchemar qu’à la visite nocturne, je lui fait don d’un tendre baiser, aux suites duquel, visiblement atteint d’un malaise intérieur, il se lève en disant qu’il va faire un tour. Je le laisse aller à ses humeurs pressées, avant de flemmarder un peu dans le lit, tel un paresseux refusant de se lever et profitant plus que nécessaire de la chaleur de ses draps.
(Haaa qu’il est bon de profiter d’une vie simple et sans tourment. Ça faisait longtemps.)
(Profites, mon amour, profites… Que ton esprit soit serein et reposé, et que ton corps retrouve ses forces d’antan…)
Je regarde alors l’état de la chambre en désordre en soupirant, tout en me grattant la tête, faisant frissonner ma longue chevelure noire aux mèches blanches. Mes vêtements, mes armes, mon armure gisent sur le sol, dans tous les sens. Il en va de même pour l’équipement de Lillith, plus rassemblé près du lit, néanmoins. C’est par une chance miraculeuse que je ne me suis pas planté cette nuit en marchant dans ce bordel indescriptible. Je ramasse et rassemble sommairement ce qui m’appartient dans un coin de la cabine avant de me vêtir légèrement d’un simple pantalon clair et d’une chemise ouverte sur mon torse svelte, gardant pourtant à mon coup la précieuse chaîne du prêtre de Rana, qui ne me quitte jamais et sert d’abri, de maison à Lysis, qui s’y complait.
Je quitte alors la cabine en souriant, prêt pour aller prendre un petit déjeuner bien mérité de cette nuit mouvementée, mais ô combien reposante.
Bientôt, j’arrive dans la salle à manger où je trouve Seldell seul. Je salue le rouquin d’un signe de tête et m’assied à côté de lui en m’emparant d’un petit pain tout frais posé sur la table, ainsi que d’un pot de miel qui traîne par là. Alors que je tartine abondement la mie de cette pâte ensoleillée, je parle à Seldell d’une voix amicale.
« Alors, Seldell… Ta joue va mieux ? Je voulais m’excuser pour ce geste déplacé. J’ai agi sous l’impulsion de la colère et je n’aurais pas dû. Tu verras, tout sera bien vite arrangé. Je ne crois pas qu’il faille attendre une peine trop lourde pour Cheylas. Après tout, nous sommes les témoins. Je ferai mon possible pour que son jugement de soit pas trop dur. Quand aux habitants de Lebher, ils seront aidés. Je t’en fais la promesse. Mais ils le seront par des voies plus conventionnelles. »
Je le regarde avec un sourire, espérant qu’il me pardonne mon coup de poing comme je lui ai pardonné le sien envers Lillith. Attendant sa réponse, je mords dans mon pain mielleux avec délice… Savourant les arômes sucrés de ce suprême petit déjeuner.