Une créature nommée Cèles
« C'est ainsi que nous sommes sorties de ce temple infernal. Nous nous précipitions avec Roséa dans les couloirs manquant de tomber à chaque marche. L'air du dehors était nocturne et frais. La nuit venait de tomber et au loin, dans le ciel on pouvait trouver du rose et de l'orange céleste. Un spectacle grandiose.
Le temple continua de brûler, peut être pas entièrement, la charpente elle était tombée quelques minutes après notre sortie. Hrist voulait s'assurer que personne n'en sorte. Je crois que je pouvais la comprendre, après tout, elle était ma compagne éthérée, et elle m'avait plus qu'écouté, elle m'avait aidé et par cette aide, m'avait montré à quel point elle tenait à moi. D'amour, j'en ai versé bien des larmes.
La bâtisse n'est maintenant présente qu'à l'aide de murs sombres et encore fumants. Quelques ombres courraient ça et là quand nous sortions, mais de toutes évidences, il était inutile de chasser ces chimères, nous étions en vie et je n'avais jamais été aussi joyeuse d'entendre les trépignements de ma petite Roséa.
Au bout de quelques instants, nous descendions la petite route de terre qui se trouvait en face de nous pour arriver dans un petit bosquet où coulait une rivière. J'avais de quoi me laver, boire et me reposer. Je dois avouer qu'il était temps, ce brasier et ces combats avaient épuisés mon corps et l'âme de Hrist. Mais au matin, il se passa quelque chose de tout simplement unique. »
SilmeriaLa lune tombait, au loin, l'aube naissait comme à son habitude, éclairant les forêts de l'ouest et réveillait les oiseaux chanteurs. L'heure à laquelle les loups entrent dans leurs tanières et les lapins gambadaient joyeusement sans se soucier des pièges posés la veille par des chasseurs. Une paire d'yeux observait en s'amusant la Sindel qui dormait adossée à un arbre, tenant dans ses bras l'enfant pour une fois silencieuse. L'arbre sous lequel elle se reposait était fait d'un tronc large et massif aux racines qui cherchaient toujours plus loin de quoi se nourrir, ses feuilles étaient réputés pour parfumer les viandes d'une note poivrée lorsqu'on les mettait dans les flammes d'un foyer. Elles étaient surtout souples et dès que la pluie tombait, elle faisaient office de petits bassins. La créature qui observait Silmeria volait allégrement telle une libellule en haut de l'arbre et vint s'appuyer à une de ces feuilles qui coula, faisant déborder d'autres jusqu'à créer une petite pluie qui réveilla Silmeria.
Les yeux encore brouillés par sa nuit, elle émergeait lentement en sentant des goutes couler le long de ses cheveux d'or. Un petit bruit inconnu fendait l'air au dessus de sa tête avant de se réfugier derrière l'arbre dans un couinement étrange qui ressemblait de loin à un rire.
(Sans doute un lutin imbécile...)C'était la première phrase de Hrist au réveil, pour bien commencer la journée, rien ne valait une vulgarité. Silmeria déposa l'enfant calme dans le nœud de racines qui lui servaient de repose-jambes lors de son sommeil de sorte qu'elle ne bouge pas, et s'en alla voir derrière le tronc massif ce qui s'y tramait, armée de sa dague.
Elle tomba nez à nez avec ce qui ressemblait à une petite fée aux ailes noires vêtue d'une petite robe qui laissait tomber de petites paillettes violettes. Dans un étonnement soudain, elle leva le sourcil exprimant ainsi toute sa surprise.
« Bouh! »Dit la petite chose entre deux couinements de rire.
« Heum... Bouh? »« Bouh bouh bouuuh!»La petite créature sombre parlait avec une voix toute douce, semblable à celle d'une petite fille avec une note étrange, comme si elle parlait à des lieux d'ici, la voix était presque troublée.
(Mais... C'est quoi cette mouche causante? Prend une branche, écrase ça et retournons dormir veux-tu.)La petite créature fit un
« hoo! » d'exclamation et tourna autour du visage de la femme encore sous le joug du sommeil. La tête qui flottait, elle fronçait les yeux et essayait de chasser ce qui semblait être une fée.
« Je ne suis PAS une mouche! »Silmeria peu à peu, reprenais assez d'esprit pour se permettre de lui poser une question,
« Mais... Tu es quoi alors? »(Ça ressemble à une fée noire. Pas vilaine d'ailleurs.)« Et bien et bien et bien, je suis une... »« Une? »« Oui, une? »(Dites... Il va durer longtemps ce petit jeu?)« Rho, une Faera, vous n'avez aucune culture décidément. »(Je sais! Les Faera sont de petits êtres faits de fluides magiques. Son maître doit être dans le coin.)« Mais qu'est ce qu'elle dégoise la dame dans ta tête? Une Faera ne se montre pas lorsqu'elle a un maître. Elle ne connaît que la moitié de l'histoire. Je suis venue te proposer quelque chose. Je t'observe depuis deux jours et je souhaiterai me lier à toi... Vous... Non toi. Enfin elle aussi. »Silmeria restait bête face à l'audace de cette petite créature noire qui flottait en l'air d'un battement d'ailes magiques. Elle avait une forme délicate et sa beauté éblouissait la Sindel. Hrist cessa alors de parler et pris le contrôle de la jeune femme pour continuer la conversation. Silmeria préférait sa place de spectatrice dans ce genre de situation nouvelle.
« Quelle belle couleur violette! »Couinait la petite Faera en s'approchant des yeux de Hrist, elle lui touchait le bout du nez de ses doigts humides. La peau grise de cette dernière semblait s'éclaircir légèrement et les yeux qui étaient jaunes devinrent violet à leur tour. Elle imitait la femme qui se trouvait en face d'elle comme pour la déconcerter.
Hrist ne connais pas bien les histoires au sujet des Faera, aussi elle lui demandait
« Nous n'avons pas coutume de voyager accompagnées. Que veux-tu en échange? »
La Feara basculait la tête sur le côté à l'image d'un oiseau curieux et lui répondit en esquissant un petit sourire plein de malice
« Je veux... Un nom, et une fois une ma possession, à jamais nos esprits seront liés. »La Frémissante aimait ce genre de pacte, avoir une nouvelle âme en sa possession en l'échange d'un simple mot la séduisait au plus haut point.
« Tu es une ravissante créature, et ta beauté céleste sera récompensée... Cèles. »
Un frisson indicible parcourait le corps de la femme, sa vue était brouillée le temps d'une fraction de seconde d'un éclair blanc. L'esprit de Cèles occupait maintenant une petite taille à côté de l'esprit de Silmeria.
(Je me sens toute étrange... C'est une sensation que je n'avais pas connu depuis longtemps.)(Moi aussi, je me sens, plus calme... Il est donc vrai que les Faera influent grandement leurs maîtres.)(Sur ce point oui, mais comme un vieux principe de l'univers veut que toute action crée une réaction égale et opposée, je suis également sous le joug de ta... Euh. Votre … Tiens comment ça marche comme vous êtes deux, c'est rigolo ça. En réalité je sais, mais ça serait compliqué et j'entends votre saucisse humaine brailler dans les feuilles...)(Ha... Cette enfant.)Silmeria s'empressa de rejoindre Roséa qui était réveillée à cause de petites feuilles qui lui tombaient sur le visage. Une fois les feuilles décollées de sa petite face potelée, celle-ci beuglait toujours autant.
(Mais pourquoi l'avoir emportée? Vous les collectionnez?)(Pas en réalité, Silmeria est pleine de bonnes intentions...)(On ne peut pas laisser un enfant mourir, il ne s'agit pas d'une bonne intention.)(En tout cas... Vous sentez pas une odeur bizarre?)(C'est vrai que...)(Vous croyez qu'elle a...?)(Ho non...)Roséa cessait de pleurer, et face à la mine à la fois dégoutée et outrée de la Sindel, tirait un large sourire niais en couinant de bonheur.
(Bon, laquelle de nous deux s'y colle?)(En parlant de coller... Ça promet la dedans.)Tout en soupirant profondément avait de saisir la gamine sous les aisselles pour ne pas se salir. La cargaison était puante et il fallait se diriger vers le petit cours d'eau qui chantait dans les herbes folles. L'odeur lui prenait le ventre et elle lui donnait envie de vomir un repas qu'elle n'avait pas avalé depuis la visite dans le temple. En dénouant le linge qui lui entourait les jambes, les trois âmes manquèrent de défaillir.
(Mais comment un petit orifice de la taille d'un Yu peut être plus productif qu'un porc? C'est quand la dernière fois que vous l'aviez changée?)(Jamais.) (Vous voulez dire que ça fait des jours qu'elle se retient?!)Sans trop savoir ce qu'elle faisait, Silmeria laissait le tissus crotté dans l'eau pour débarrasser le surplus brun. Elle essorait le linge, le retrempait et recommençait la manœuvre devant la gamine en pâmoison dans les herbes parfumées.
(Chez certains peuples, il est coutume de mettre des plantes parfumées pour le confort du bébé.)(Oui, on doit bien trouver des orties dans le coin...)(Ho mais non! Non non non je parlais de plantes parfumées voyons.)(C'est déjà trop parfumé pour moi, entre la morve, la bave et les excréments.)(Je peux pas me concentrer avec vos bavardages...)Après avoir nettoyé l'enfant et camouflé au mieux l'odeur nauséabonde, Silmeria reprit sa route en compagnie de Hrist et Cèles. Toutes deux étaient passionnées l'une envers l'autre; laissant à Silmeria l'orientation pour retourner à la ville qui était visible de part les petits bosquets.
Cèles venait de la forêt, c'était elle avait dérobé le casque de la jeune femme pour l'attirer auprès de la souffrante. Elle ne s'attendait en premier lieu à ce qu'elle s'empare de la jeune survivante pour continuer sa route, mais elle était satisfaite de cette décision dans un sens.
« Cèles? Est-il vrai que les Faeras ne supportent pas que leur maîtres fassent le mal? »Elle marquait une soudaine hésitation et dit soudainement de sa petite voix cristalline :
« Et bien... Si tu avais vécu aussi longtemps que moi, tu saurais que je n'attends plus rien du bon côté de la vie. Les gens sont plus portés vers le mal que le bien. Or! Or or or ! Il faut avouer que, de rèèèègle générale, j'aime bien quand on évite de trucider tout ce qui bouge. Mais quand il faut le faire pour sa vie... »La Faera avait un côté désespéré qui semblait plaire à la Frémissante. Cèles déteignait sur l'esprit de Hrist devenue presque subitement plus posée. L'humour douteux de la petite créature amusait les deux femmes de cette fraîcheur nouvelle. Un petit bout de femme à la robe noire et aux ailes changeantes qui fredonnait d'étranges chansons inconnues et commentait la vie comme si elle venait de naître, ironie pour celle qui vivait par delà le mur des âges.
Kendra Kâr se rapprochait, elles arrivaient vers les premières maisons, là où vivaient les pauvres gens.
« J'ai vu le sombre univers béant
Où les noires planètes roulaient sans but,
Où elles tourbillonnaient, dans leur horreur inaperçues.
Sans connaissance, lustre ou nom. »« C'est... Plutôt poétique. »