Bien que pleine de bonne volonté à terminer le combat, il n’en restait pas moins que ce n’était pas Sibelle qui établissait les règles. Et l’esprit de la fillette ne se priva pas pour le lui rappeler. Un claquement de doigt plus tard et un chevron en moins, les aventuriers furent entourés d’une aura blanche et la confiance de Sibelle monta de quelques crans, elle était encore plus prête à en découdre et ce n’était pas le reptile gris à la longue queue qui allait l’arrêter. Ce nouveau regain d’espoir et d’énergie, tel un virus, semblait avoir également touché ses compagnons d’armes.

Suite à un surprenant et agile saut, le blondinet à fière allure, rejoint son arme blanche et coupa d’abord la langue du Langoran avant de renverser la bête affaiblie.
Stimulée par l’aura Sibelle tente de s’approcher du reptile gris, mais elle s’arrête brusquement pour ne pas être happé par de puissants geysers qui viennent subitement de jaillir du sol. Sibelle immobile regarde la scène. Le reptile gris est à peine déstabilisé aux premiers assauts de l’elfe grise. Mais celle-ci redouble d’efforts et ne cesse d’attaquer la bête, lui projetant des jets d’eau sans arrêt. Le monstre gris finit par perdre complètement l’équilibre et tombe sur son flanc gauche.

Sans perdre une seconde, Sibelle courut vers la bête agonisante prête à prendre le relais. Après avoir ramassé sa deuxième épée en chemin, la maître d’armes arriva à la hauteur du gigantesque reptile. Sans aucune pitié, c’est à deux mains qu’elle transperçait le flanc de la bête, sans arrêt, jusqu’à ce qu’il rende son dernier souffle.

Finalement, Alice se fit entendre. L'enfant pleurait presque, les suppliant de la délivrer. Ils avaient le droit à deux question chacun. Comme Keynthara semblait assommée, cela faisait un total de six questions. Bien employé, cela pourrait être suffisant ! Mais avant toute chose, tandis qu'il ramassait ses flèches éparpillées :

« Point de précipitation mes amis, peut-être devrions-nous mettre en commun ce que nous savons ? Je suis au regret de vous annoncer que je ne connais presque rien d'Alice, si ce n'est qu'elle n'a pas été tuée par un monstre tel qu'elle nous envoie... Mais vous, en savez vous davantage ? »

Elylia avait fait la même remarque, hélas, elle savait aussi peu de choses, si ce n'est qu'elle était morte il y a deux cents ans à l'age de 12 ans.

Rage et frustration. Sentiments que la guerrière avait connus plus qu’à son tour et qu’elle ne manquerait pas de ressentir dans un futur peut-être pas si lointain. Cependant cette fois, c’est la petite fille et non la guerrière qui exprimait sa colère en un violent cri qui retentit dans toute la pièce. Le visage entre ses mains, elle épongea d’abord sa peine avant de supplier les quelques compagnons de lui venir en aide afin de la sortir de ce cercle vicieux qui n’avait plus de fins. Pour ce faire, elle leur autorisait deux questions chacun.

La guerrière impassible haussa d’abord un sourcil. Elle n’éprouvait aucune pitié pour cette fillette, pas plus qu’elle en avait éprouvé pour la tête de clown. Cependant, elle voulait à tout prix sortir de ce manoir et pour ce faire, elle n’avait d’autres choix que de trouver la solution pour libérer l’esprit antipathique.

D’un accord commun, suite à la proposition d’Alice, les autres compagnons décidèrent d’abord d’échanger les informations qu’ils possédaient afin de ne pas gaspiller leurs précieuses questions. Ainsi, Elylia leur apprit que la fillette était morte par empoisonnement il y a deux-cent ans alors qu’elle avait douze ans. Faëlis pour sa part rajouta qu’il avait su que la fillette n'avait pas été tué par un monstre tel que ceux qu’ils venaient de combattre.

Sibelle prit la parole à son tour.

« Je ne peux malheureusement pas vous aider davantage, je n’avais pas encore rencontré cette fille, je n’ai donc aucune information. »

Finalement, le seul détail intéressant était connu de la sindel : Alice avait été empoisonnée. Des gens l'avaient accusés d'un crime, semblait-il, et ils avaient décidé de l'empoisonner plutôt que de la faire brûler sur un bûcher. Cette histoire horrible éveilla d'étranges échos en lui : n'était-ce pas justement le sort de Dolly, d'avoir été brûlée ? Il ignorait si cette immonde coutume était répandue chez les humains, et cela semblait hasardeux de demander, mais il n'avait guère d'idée...

Il fit remarquer ses pensées :

« Voilà qui est bien surprenant, car être brûlé fut précisément le sort de Dolly, l'aniathy du manoir... Se pourrait-il qu'il y ait un lien avec elle ? Hum... alors voici ma question : De quoi étais-tu accusée pour devoir subir un tel châtiment à ton âge ? De magie noire ? Car après tout, les pouvoirs ténébreux peuvent se manifester très tôt, dit-on... »

Sibelle qui n'éprouvait aucune sympathie pour l'esprit, demeurait tout de même attentive à la discussion qui avait lieu. Mais il n'y de doutes sur ses intentions. Elle se prêtait au jeu des questions afin de pouvoir sortir de ce manoir. Le sort de cet esprit malfaisant lui était totalement indifférent.

C'est ainsi qu'elle apprit que la petite avait été empoisonnée parce qu'elle était considérée trop jeune pour mourir sur un bûcher. L'empoisonnement fut exécuté par des membres qu'elle considérait comme sa famille. Ce qui intriguait la guerrière, c'était la raison de ce dur jugement. Mais avant qu'elle n'eut le temps de poser sa question, le séduisant Faëlis la devança. La réponse de la fillette ne se fit point attendre. On l'accusait d'avoir tué sa mère, ainsi que quinze autres personnes.

Ce fut autour de Sibelle de poser sa première question.

"Si je comprends bien. Des gens que vous considériez comme votre famille, vous ont empoisonnées afin de vous éviter la mort sur le bûcher telle qu'il avait été décidé. Vous avez été accusé de meurtre, mais cette accusation était-elle fondée ? En d'autres mots, avez-vous réellement et volontairement tuée tous ces gens ?"