Le vieux gérant d'auberge répondit affirmatif aux deux demandes de son client, à sa grande satisfaction. De plus, il accompagna le tout d'une demande de consommation ; Le genre de tirades que l'ont pouvait entendre dans à peu près tout les établissements du genre, à chaque fois que l'on y prenait une chaise.

Par habitude, mais également par nécessité, le voyageur céda sa commande au patron. Priorisant sa soif à sa faim pas si prononcée que ça, le consommateur répondit sur le même ton amical qu'auparavant.

« Je vais prendre... une boisson non-alcoolisée. N'importe laquelle. »

Sur ces mots, le maître des lieux fit quelque pas derrière lui dans la direction de la réserve de bouteille qui était entreposée contre le mur. Pendant ce temps-là, Seth se faisait tout petit sur sa chaise, pointant son regard en direction du bar et gardant ses mains bien pour lui. A ce moment précis, un individu encapuchonné vint s'installer dans le plus morbide des silences sur la droite du jeune alchimiste, pile entre lui et le grand costaud.

Le premier réflexe du brun fut de vérifier la table en coin qui était auparavant occupée par un individu au gabarit similaire, désormais vide. Ensuite, il porta son attention sur le visage voilé de l'individu à l'aura lugubre qui révélait vaguement des traits fins, ainsi qu'une pilosité faciale inexistante.

Un reniflement plus tard, Seth refit face au bar, l'air grave. Il se demandait pourquoi. Pourquoi avait-elle changée de siège maintenant ? Pourquoi avait-elle décidée de s'installer ici en particulier ?

C'est alors que Seth était prit d'une paranoïa qu'il pensait être justifiée que la femme en question lui adressa la parole, accentuant un poil sa crise de panique. Néanmoins, son visage restait neutre, légèrement surprit d'être interpellé par une inconnue, mais ne trahissant en aucun cas son désordre interne.

Avant de répondre à son interlocutrice, Seth révisa mentalement les cours que lui avait inculqués Rick au sujet de ce genre de situation ; Se faire interpeller par un inconnu représentait un risque, pour moi plus que pour les autres. Ce type de rencontre avait autant de chance de se révéler être prolifique que fatale. Il devait donc rester sur ses gardes. Puis, tout en évaluant la situation, il devait tenter d'en apprendre davantage au sujet de son interlocuteur, ainsi que ses aspirations.

C'est donc dans cet état d'âme tordu que l'homme aux nombreux secrets fit face à la femme voilée. D'un regard amusé, il décida de relever le défi.

« En effet, je viens d'arriver à l'instant même. Je ne suis pas encore sûr du temps que mon séjours va durer, malheureusement. » Il marqua un court silence, le temps de se remettre bien droit, avant de reprendre sur un ton neutre. « Et vous ? Vous êtes ici pour le plaisir ou pour le travail ? »

Sur le coup, Seth n'avait pas réfléchit plus que cela à la question. Il avait répondu plus par spontanéité qu'autre chose, reprenant mot par mot ce qu'il avait entendu Rick dire à un étranger il y a fort longtemps de cela. Ce n'est qu'après coup qu'il se rendit compte de la profondeur que représentait cette question par rapport à sa situation actuelle.

Après tout, il n'avait réellement aucune idée du temps qu'allait durer son séjours ici. Cela pouvait bien durer un jour comme un an. Il n'en savait strictement rien. D'ailleurs, qu'allait-il bien pouvoir faire afin d'accomplir la mission que lui avait confié Rick ? Où se situait le point de départ et où se trouvait la ligne d'arrivée ? Tout cela lui échappait encore.

L'unique donnée qu'il avait en sa possession était que quelque part dans cette gigantesque ville se trouvait une porte capable d'être ouverte par la clé qui lui avait été léguée par Rick. A part ça, rien du tout. Cependant, Seth avait foi en son maître, il ne l'aurait certainement pas mit devant une énigme impossible à résoudre. Il n'avait qu'à chercher au bon endroit et alors seulement allait-il enfin...

(Je vais quoi... ? Qu'ai-je bien à gagner au bout du compte ?)

Encore une question dont il ignorait la réponse. Seulement, à l'opposé, il savait qu'il ne pouvait pas se permettre de quitter cette voie. Car, ailleurs, il ne pouvait voir que du brouillard. Rien ne l'y attendait, rien ne l'attirait. Il n'avait donc pas d'autre choix que de continuer son petit bout de chemin sans queue ni tête.

Patient, Seth ne brisa pas le silence que s'imposait son interlocutrice. Il se contentait simplement de jauger sa réaction en coin d’œil avant de refaire face au bar, à son image à elle. Il se demandait si elle allait se servir de son droit de silence afin d'ignorer son interrogation. Ce serait culotté de sa part, pensait-il. Mais, soit, cela lui accorderait à lui aussi un joker. La prochaine fois qu'elle lui posera une question inadéquate, il allait tout simplement mimer son signe de tête, puis se taire.

Ce n'est qu'après plusieurs longues secondes de silence que le brun eut enfin droit à une réaction de la part de la femme. Mais, pas celle à laquelle il s'attendait, devait-il avouer. Car, les mots qui s'élevèrent dans l'espaces à ce moment-là n'en étaient pas uns. C'était plutôt à des miaulements affectueux qu'il avait affaire. Appartenant, à priori, à un chat noir, installé depuis une durée de temps indéterminée sur les cuisses de la femme voilée.

Ensuite, comme mit en marche par le son animalier, la femme repris la parole tout en caressant son félin.

L'alchimiste ne put s'empêcher de lever un sourcil en entendant les paroles de l'individu mystère. Ses mots laissaient sous-entendre qu'elle en savait d'avantage sur lui et sur sa situation qu'elle ne le devrait. Même si Seth préférait croire que c'était tout simplement une façon bien à elle d'aborder les hommes dans les tavernes.

Pour le moment, il allait continuer à jouer le jeu.

Il se tourna un moment en direction de l'aubergiste afin de le remercier d'un signe de la tête pour le verre qu'il venait de lui servir. Après quoi, il reporta à nouveau son attention en direction de son interlocutrice qui semblait avoir dans l'idée de picoler du thé à ses dépends.

Pris au dépourvu, l'alchimiste resta silencieux un petit moment avant de se retourner en direction du tavernier.

« Euh... On dirait bien que c'est moi qui paie. » Dit-il avant de refaire face à la femme. « D'habitude, ce sont les clients qui me payent, pas l'inverse. »

Après quoi, il se retourna une dernière fois en direction de l'aubergiste avant qu'il ne s'éloigne, mimant dramatiquement l'homme dont on coupait la tête. Puis, lui signalant des lèvres : Je ne la connais pas ! Je ne la connais pas !

Finalement, il reprit sa contenance avant de refaire face à la maîtresse du chat noir. Une fois la voix éclaircit, il essaya de prendre une posture sérieuse afin de négocier les termes de son contrat.

« Du coup, mademoiselle, à quelle sorte de problème avez-vous affaire ? »

Après un clin d’œil douteux, le gérant des lieux s'approcha du duo afin de lever le voile du mystère sur l'identité de l'encapuchonnée ; La présentant auprès du voyageur sous l’appellation de "sorcière". Pas mage, pas divine, pas ensorceleuse, mais sorcière.

Sur le coup, l'alchimiste ne savait pas trop quoi en penser. Le mot 'sorcière' avait été jeté avec tellement d'aise et d'assurance qu'il en ressemblerait presque à un titre honorifique. Mais, n'était-ce pas là la désignation des êtres aux milles et unes entourloupes ? Ceux dont les envoûtements et les maléfices n'avaient d'égales que les ambitions ?

Seth ne put s'empêcher d'arquer un sourcil alors que le tavernier lui recommandait de suivre les consignes de la demoiselle. Celle-là même dont il lui recommanda de surveiller ses paroles en sa compagnie.

Pendant un moment, l'alchimiste cru entendre la légende d'un génie aux capacités surnaturelles, avec lequel il devait faire attention à la manière dont il formulait ses voeux. Sauf qu'après réflexion, le jeune homme se rendit compte qu'il lui avait déjà posé deux questions à la bonne femme et que pourtant, ses sous se trouvaient toujours dans ses poches.

(Une arnaque ?) Pensa-t'il avant de se raviser. (Non... C'est beaucoup trop tiré par les cheveux.)

En réponse à l'introduction du tavernier, Seth étira progressivement ses lèvres, hésitant. Puis, tout en affichant une mine mi-amusée, mi-inquiète, il répondit faiblement à l'homme.

« Sérieux... ? J'attends de voir pour y croire. »

Ayant d'autres chats à fouetter, le gérant des lieux s'éloigna du bar afin d'aller servir une autre table. Pendant ce temps-là, la maîtresse du félin reprit sa présentation là où elle s'était achevée. Proposant cette fois-ci ses services guide en échange de certaines décotions.

Abruti par le nombre conséquent d'information à assimiler, le jeune paumé resta bouche bée durant un long moment, avant de finalement prendre la parole tout en levant hectiquement sa main droite devant son visage.

« Minute, papillon. Pourquoi est-ce que j'aurais besoin d'un guide ? »

(Finalement, c'est p'tête bien une arnaque.)

Les sourcils arqués, le voyageur ne fit même pas attention au tavernier alors que celui-ci revenait pour servir du thé à la demoiselle. Il écouta néanmoins attentivement celui-ci alors qu'il proposait de lui offrir gratuitement la boisson afin de couvrir une dette passé. Et là où d'autres verrait un vieil homme de bonne foi, Seth voyait une couche de plus se poser sur cette toile de mensonge.

Sans afficher ses soupçons à l’égare des deux individus, le nouveau en ville continuait à braquer ses yeux en direction de la demoiselle voilée. D'ailleurs, pourquoi serait-elle habillée de la sorte si elle n'avait rien à cacher ?

L'homme, espérait au fond de lui n'avoir affaire à rien de plus qu'une arnaque quelconque. Car, si ces deux-là se révélaient être au courant de quelque chose à son sujet, alors il allait ultimement devoir rendre ses droits à la nature.

La troisième question de Seth reçut le même traitement glacial que ses devancières. Au moins, il y avait de la continuité dans ses actions, à cette "sorcière".

La femme voilée se leva donc sans perdre de temps, répondit sèchement à son camarade de boisson, puis quitta les lieux sans demander son reste.

L'alchimiste, lui, haussa ses épaules avant de tourner son attention en direction du bar. Ensuite, il guida silencieusement le contenu framboisé de son verre jusqu'à ses lèvres, dégustant calmement le goût sucré et mielleux de sa boisson.

Cette fille était vraiment quelque chose à part. Sortie de nul part pour y revenir aussitôt. Mais, au final, quelle réaction s'attendait-elle à recevoir en le brusquant de la sorte ? Était-elle simplement à la recherche d'une personne paumée à pigeonner ? Ou bien, était-elle réellement ce pourquoi elle se faisait passer : Une sorcière omnisciente offrant ses services de guide aux touristes... On aurait dit le début d'une blague. En tout cas, Seth n'allait certainement jamais avoir le fin mot de cette histoire.

Toute réflexion faite, louer les services d'un guide n'était pas une si mauvaise idée que ça en avait l'air, surtout quand on prenait en compte la condition dans laquelle se trouvait le Wielhenois. Seulement, les principes de Rick étaient clairs ; Il ne faut jamais se fier aux personnes qui vous ont dans le collimateur. Car, c'était la meilleur façon de se faire griller.

Seth était fier d'avoir pu mettre en pratique les enseignements qu'il avait reçu de la part de son paternel. Il était également certain de l'effet salvateur que ses actions allaient avoir sur sa destinée. Seulement, Rick disait aussi qu'il ne fallait rien laisser au hasard et qu'il fallait toujours revenir sur nos pas afin de nous assurer que rien ne pouvait faire remonter jusqu'à nous.

C'est avec cette directive en tête que l'homme à la barbiche noire relança la discussion auprès du barman.

« Au faite, c'est quoi son nom à la cocotte ? »

Avachi sur le dossier de son siège, l'alchimiste prêtait une attention toute particulière aux informations qui fusaient depuis la bouche du tavernier. Cette fois-ci, le vieux commerçant semblait être bien plus ouvert à l'échange d'information qu'auparavant, faisant part à son client des mille et une rumeurs dont il était savant sur le sujet.

Se laissant immerger dans l'histoire du vieil homme, le regard du brun se faisait de plus en plus nébuleux alors qu'il sirotait silencieusement sa boisson couleur de feu. Son cerveau assimilait une à une les données qu'il jugeait digne d'intérêt, à commencer par les deux types d'animaux que la demoiselle trimballait avec elle. Un couple de corneille, ainsi qu'une horde de loup domestiqués ; Voilà qui était prometteur, pensa-t'il. Cependant, aussi impressionnantes qu'étaient ses capacités d'éleveuse, l'atout majeur de cette inconnue était sans aucun doute sa pseudo-omniscience.

Peu de gens pouvaient se vanter d'avoir conscience d'évènements ayants lieu durant leur absence. Car, d'habitude, les êtres vivants se contentaient d'user de leurs yeux, ainsi que leurs oreilles afin d'alimenter leurs connaissances. Seulement, le monde était bien plus vaste que cela, car il abritait en son sein certains individus qui se dotaient artificiellement d'un sixième sens qui les rendaient capable de certaines prouesses... Dans le milieu, on appelait ça un réseau d'espionnage.

A cette pensée, le regard de Seth survola rapidement les trois individus qui étaient installées dans la pièce, avant d'achever sa tournée sur la silhouette étirée de la bestiole noire. Oui, cela pouvait être absolument n'importe quoi, à commencer par le tavernier, les soulards, voire même les animaux de compagnie. C'était une sorcière, après tout.

Laissant de côté ses soupçons, Seth vida d'une traite le contenu de son verre avant de lentement croiser les bras devant son torse, l'expression satisfaite.

Information ou désinformation, les connaissances acquises par le brun étaient largement suffisantes pour qu'il puisse faire le tri de lui même, lorsque l'heure en viendrait à cela. De plus, il était pratiquement certain de la justesse d'au moins une de ces informations, celle-ci étant le lieu d'habitation de l’élément perturbateur. Le tavernier risquait fort peu de lui mentir sur un sujet aussi basique et facile à vérifier que la location d'une baraque. Seth pouvait au moins être sûr de cela.

Une fois que l'histoire était arrivée à sa conclusion, l'aubergiste invita une seconde fois son client à commander à manger. En réponse à quoi, Seth refusa poliment d'un hochement de tête avant de poursuivre la discussion autour de l'animal à la fourrure sombre.

Celui-ci semblait être un habitué des lieux, se pavanant solitairement dans les parages, ainsi que possédant une attache très claire avec sa maîtresse.

Les pièces du puzzle s'emboitaient un peu trop bien au goût du voyageur. Mais, ce n'était pas pour lui déplaire. Il continua donc à écouter les réponses du gérant des lieux. Celui-ci lui expliquait cette fois-ci que c'était la toute première fois qu'il voyait sa sorcière nationale aborder un inconnu d'elle-même. Un nouveau détail qui vint titiller la curiosité du brun. D'après ses dires, cette femme serait donc au courante de quelque chose à son sujet. Qu'est-ce que cela pouvait bien être ? Les réponses possibles s'enchainaient à une vitesse hallucinante dans l'esprit du jeune homme, sans qu'aucune n'en ressorte victorieuse.

Finalement, Seth décida de mettre un terme à cette séance de question-réponse, voyant bien que son interlocuteur commençait à se poser des questions à son sujet. Il décida donc de procéder au payement de la boisson ainsi que de la première semaine de son séjours, ajoutant à la toute fin un petit bonus pour la « discussion ».

Après un salut respectueux à l'attention du gouverneur de l'établissement, le vagabond se leva promptement de son siège afin de se diriger mollement vers son lieu de confort, la chambre 8.

Après quelques marches grinçantes, ainsi qu'un long couloir étroit, le nomade se retrouva finalement face à face avec l'entrée de son asile temporaire. Avec l'aide de la clé qui lui avait été fournie, le client de l'auberge se retrouva bien vite à l'intérieur des entrailles de son logis. Petite table carrée, chaise avec dossier, petit meuble en bois sur le côté du lit douillet et pour finir, une fenêtre donnant sur la grande rue. A vue d’œil, la pièce était équipée de tout ce dont un routard aurait besoin lors de son séjours à Tulorim. Pour ce qui était du reste, soit il l'avait déjà sur lui, soit il allait s'en procurer plus tard.

Pour le moment, l'éreinté décida de laisser de côté toutes ses réflexions encombrantes afin de se jeter tout entier sur le meuble en draps blancs qui le séduisait depuis le moment où il avait posé les pieds dans la pièce. Sac à dos, bottes et pèlerine furent emportée avec lui dans son mouvement.

Sa conscience s'évaporait petit à petit, alors qu'au même moment, son inconscient se mettait paradoxalement à réviser toutes les données qu'il avait amassé au sujet de cette soi-disant sorcière.

(Laide, chat noir, deux corneilles, meute de loup, polyvalente, réservée, samaritaine, grippe-sou...)

Seth se leva d'un seul coup, comme emporté par une puissance surnaturelle.

C'était donc ça ? C'était donc elle ? Pourquoi n'y avait-il pas pensé plus tôt ? Cette description, cette façon d'opérer. Il n'y avait pas de doute à avoir ; C'était Rick ! Cette description lui correspondait point pour point.

Mais, avait-elle réellement un lien avec son paternel ? N'était-il pas plus envisageable que tout cela ne soit qu'une énorme coïncidence rendue probable par son esprit endolori par la fatigue ? Il n'y avait qu'une seul moyen pour le découvrir et c'était de différer sa nuit de sommeil afin de mener à bien son enquête.

Heureusement pour lui, il savait où la trouver, cette fameuse sorcière.

Encore bien haut dans le ciel, le soleil guettait tous les faits et gestes du pèlerin à travers la petite ouverture qui les séparaient. Par conséquent, ce dernier jugea bon de laisser le temps s'écouler tout en restaurant son énergie vitale à travers une sieste bien méritée.

Six heures plus tard, l'astre jaune s'était vu remplacé par le blanc.

Un pied après l'autre, Seth quittait son état de semi-torpeur afin de regagner la terre ferme. Son regard se posa tout d'abord sur ses affaires, qu'il avait retiré plus tôt afin de se coucher dans des conditions optimales. Une fois levé, le jeune homme s'empressa à remettre son équipement sur lui, jusqu'à retrouver une forme identique à celle qu'il avait eut au moment où il était entré dans la pièce.

Après quoi, il décida de fermer à double tour la porte d'entrée de sa chambre, qu'il n'allait évidemment pas utiliser dans le but d'éviter de se retrouver nez-à-nez avec les autres résidents de l'établissement. Cela fait, il piocha de ses poches un petit Yus tout neuf qu'il déposa précautionneusement au-dessus de la dite porte, pointant son visage dans la direction du plafond. Un système de sécurité rudimentaire qu'il avait prit l'habitude d'employer lorsqu'il quittait son lieu de vie et qui, malheureusement, ne marchait qu'une seule fois sur deux. Car, la logique voudrait que lorsqu'une personne souhaite garder son entrée par effraction secrète, celle-ci remettra la totalité des objets déplacés là où elle les avaient trouvés à la base, ce qui incluait évidemment les pièces accrochées aux portes. De ce fait, ils avaient une chance sur deux de la remettre sur le bon côté.

Une fois les préparatifs menées à bien, la silhouette voilée du vagabond se hissa furtivement à l'extérieur de la fenêtre. Puis, après un bon nombre de mouvements hasardeux, l’acrobate en herbe qu'il était retomba sur ses pieds dans le dos du bâtiment. De là, tout en longeant les murs de la ville, l'homme en vert sombre entama une course silencieuse en direction de la forêt adjacente. Celle-là même où il avait entamé son voyage en solitaire, dix jours auparavant.

Je poussai la porte de l'auberge du Pied Levé, morose en ce début d'après-midi. Après être arrivé à Tulorim, je m'étais enquis des prochains bateaux vers Yarthis. On m'avait répondu que je devai attendre le lendemain si ce n'était plus, le capitaine ayant eu apparemment des "soucis techniques". Je savais que ça ne devait pas être évident de gérer parfaitement un transport maritime mais on aurait pu au moins avoir eu la décence de me dire que la capitaine s'était saoulé à mort la nuit dernière et qu'il n'avait pas eu le courage de se lever au lieu de me sortir des excuses pétées...

J'avais dû zigzaguer dans la ville que je ne connaissais pas. J'avais quand même l'impression que Tulorim était plus tranquille que Kendra-Kâr...Les personnes de chez moi qui avaient connu l'ancien conflit m'avaient décrit la cité comme un fourbi à la gestion douteuse rempli de personnes mal élevées mais je la trouvais au contraire assez jolie et, avec l'aide de passants bien sympathiques, j'avais assez facilement pu me rendre au Pied Levé. C'était Titouan qui m'avait conseillé l'établissement avant que nos chemins ne se séparent à la sortie du bateau.

L'odeur de graillon et de sueur s'échappant de l'antre trop chauffée des plaisirs de Tulorim me fit sourire. J'aimais cette ambiance un peu sale, conséquence d'une concentration massive de passants de toute espèce et toute profession en quête d'un peu d'alcool et de quelqu'un avec qui parler. C'est à l'auberge que les langues se délient, et parfois offrir un verre ou partager une pipe peut vous offrir de meilleures informations que n'importe quel intriguant à la cour d'un roi.

« -Bonjour mon bon Monsieur ! Me héla le tavernier. Qu’est-ce que je peux faire pour vous ?
- Bonjour à vous ! Je viens de faire un long voyage et je vous avoue que, bien que le porc salé ait ses adeptes, je goûterais bien le ragoût que je vois cuire derrière vous, accompagné d’une petite mousse de la maison !
- Ah oui, vous devez venir de Kendra-Kâr. Le bateau est arrivé ce matin.
- Tout à fait, je vois que je parle à un connaisseur »

(Toujours flatter un aubergiste…Ils sont systématiquement au fait des dernières nouvelles et en plus on peut avoir des ristournes)

- « Ah vous savez, c’est mon métier de savoir qui sont mes clients et quand ils arrivent ! Dit-il en souriant. Je suppose que vous voulez aussi rester pour la nuit ?
- Vous ne perdez pas le nord vous dites donc ! Oui je vais aussi vous prendre une chambre en attendant mon prochain bateau demain.
- D’accord, revenez me voir après le repas et je vous montrerai vos quartiers. »

Il me servit alors une bonne portion de viande et une chope. Après l'avoir remercié, je partis m’assoir à la première table vide que j'avais pu repérer.

Il y avait du monde autour de moi, le brouhaha ambiant et quelques notes de musiques jouées par un groupe local au fond de l’établissement me rappellaient de bons souvenir du temps où je faisais le tour des tavernes avec mes compagnons d’arme pendant ma formation militaire.

Rêveur, j’observais les différentes tablées en portant ma bière à mes lèvres. Avec un peu de chance je pouvais grapiller des informations intéressantes.