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J’étais de bonne foi. Les yeux fermées, assise sur le bras de Sirat, j’avais pris toutes les dispositions pour être à l’écoute de ce qu’elle avait à nous révéler, et cette immature fille ailée m’a une fois de plus ri au nez. Alors que moi et Sirat étions tout ouïe, elle avait prononcé quelques mots futiles, nous révélant tout simplement qu'elle ne portait pas de petite culotte.
Mon geste fut impulsif et spontané. Dès qu’elle eut prononcé ces quelques mots, j’ouvris grands les yeux, j’arquai les sourcils et je descendis de mon perchoir poilu.
Avant que je n’eus le temps de la rejoindre, elle cria d’une façon vulgaire et déplacée qu'elle nous avait bien eus.
Je sentais la chaleur m’envahir le visage et je savais bien sans avoir besoin de me voir dans un miroir que ma petite face rousselée ainsi que mes oreilles étaient rouges dus à l’afflux de sang provoqué par ma colère. Pour sa part, l’immature aldryde était couchée sur le comptoir et se tordait de rire.
C’en était trop, je ne me contrôlais plus. D’ordinaire je suis une gentille lutine et j’ai horreur de la violence, mais j’avais et j’ai toujours un vilain défaut : je ne peux supporter les moqueries à mon égard. Et cette impertinente, par trois fois c’était jouée de moi. Je pris donc une grande respiration, puis m’élança vers elle. Je n’écoutais que ma rage et j’étais bien décidée à lui flanquer tout un coup de pied, espérant que ma force serait aussi grande que mon irritation et que le choc la ferait tomber du comptoir.
(Si elle se blesse, ce sera bien fait pour elle, c’est tout ce qu’elle mérite !)
On a beau croire ou non au destin, on ne peut nier que le hasard fait souvent bien les choses. En effet, cette fois-ci la coïncidence l’avait sauvée de mon tempérament impétueux. Alors que j’étais à proximité de ma cible et que mon pied avait déjà entamé son mouvement, quelqu’un héla la serveuse sans pudeur. Ce qui fit qu’elle se leva brusquement et partit à la table concernée. De mon côté, mon pied poursuivit son élan, mais n’ayant plus aucune obstacle à frapper, il m’entraîna dans sa course et je me retrouvai couchée sur le comptoir. Le choc sur les fesses, bien que douloureux, me fit le plus grand bien puisqu'il me redonna un peu de plomb dans la cervelle. Je m’étais emportée, non sans raison, mais emportée tout de même, et ma réaction avait été exagérée. Maintenant assise sur le comptoir, je compris l’immaturité de mon geste.
(Et moi, qui l’ai trouvé immature)
Pendant ce temps, le propriétaire des lieux avait redescendu des nues et m’adressa la parole en me précisant qu'elle était insupportable, mais adorable. J'avoue qu'à ce moment là, je partageais seulement la première partie de son avis.
Un peu honteuse de mon propre comportement, je ne fis aucune remarque à propos de son employée. Je me contentai de sortir quelques yus de ma bourse et de lui payer son dû.
« Voici pour la délicieuse bière qu’on m’a servie et je vous remercie de votre hospitalité. »
Ces paroles prononcées, je tournai les talons. J’avais honte de mon comportement enfantin, mais j’étais toujours de mauvaise humeur. J’en avais assez de demeurer ainsi ignorante.
(Et bien, je trouverai seule les réponses à mes questions.)
D’un geste agile, je sautai sur un petit banc près du comptoir puis sur le sol et me dirigeai vers la table de Lilo.
Mes petits pieds n’eurent pas le temps de me mener bien loin. Tout d’abord, la dame blonde passa en trombe devant moi pour changer de table, elle semblait elle aussi irritée. Puis la gracieuse Elfe bleue se leva et entama un petit discours. Dans ce dernier, elle nous reprochait notre inaction pour aider les autres ainsi que notre égoïsme. Et elle nous encourageait à coopérer entre nous.
Elle avait raison, il fallait aller chercher les autres. Je n’eus pas le temps de lui donner mon appui, qu’elle se rétracta, donna quelques ordres à l’employée incompétente, ramassa son sac et sortit de l’auberge.
Je savais que rien ne servait de courir, je ne réussirais pas à la rejoindre. Cette grande elfe franchissait à chaque foulée une distance impressionnante.
Je n’abandonnai tout de même pas mon idée de quitter ce lieu. Je me tournai donc vers cette passagère vêtue d’une élégante robe verte. Nous n’avions pas encore fait connaissance et c’est donc timidement que je lui adressai la parole :
« Pardon madame, je me nomme Guasina Roquin. »
Je la regardai un bref instant me disant que je ne m’étais sûrement pas adressée à la bonne personne. C’était par contre trop tard, j’avais entamé la conversation et je devais aller au bout de mon idée.
« J’avais l’intention de rejoindre cette elfe toute bleue, mais elle est partie trop rapidement. Et puis, j’ai cru remarquer que cet endroit vous exaspérait vous aussi. Je vous propose donc de m’accompagner dehors afin que nous explorions un peu ces lieux. À deux, c’est plus sécuritaire que de s’aventurer seule. »
Je m’attendais à essuyer un refus, mais je ne perdais rien à demander. Lilo était partie et Sirat semblait se plaire en compagnie de cette serveuse sans petite culotte.
_________________ Guasina, protectrice d'âme
Dernière édition par Guasina le Sam 6 Nov 2010 20:29, édité 1 fois.
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