|
Je quittai donc les rues de la ville en passant par ses larges portes, et me dirigeai vers ce manoir que m’avaient indiqué ces trois badauds. J’arrivai facilement sur place, suivant quelques autres curieux qui se sentaient de tenter la létale expérience. La bâtisse était grande, comme ça m’avait été indiqué, et dans un état plutôt miteux. Peu entretenue, le lierre rongeait la façade et les jardins étaient parcourus de hautes herbes. La mare, autrefois peut-être plaisante, n’était sans doute plus qu’un vaste marais plein de vase.
Plusieurs personnes étaient déjà présentes sur place. Plusieurs personnes, et un lion, d’ailleurs. Je n’étais pas aisément impressionnable, mais il fallait avouer que cela avait de quoi étonner. Un fauve d’une telle taille en bordure d’une grande ville… C’était plutôt rare. Il semblait néanmoins plutôt paisible, pour l’heure, et je me promis de garder un œil dessus. Trois autres étaient amassés assez proches du porche aux trois marches de couleurs différentes – ce qui dénotait d’un manque de goût certain – et dissertaient apparemment sur la manière d’entrer dans cette bâtisse soi-disant rouverte au public.
Enfin, deux des personnes discutaient réellement. La troisième était un grand elfe aux cheveux blonds et à la peau claire, un Hinion, sans doute possible. Il manquait cependant de la classe de ses pairs, puisqu’il venait de prendre un petit bain de boue forcé, et rageait contre ces salissures malvenues, de manière plus qu’ostensible. Les deux demoiselles, donc, étaient un peu plus à l’écart. L’une d’elle était une elfe à la peau pâle également, mais légèrement grisâtre. Des cheveux légèrement marécageux, des oreilles plusieurs fois pointues et une haute stature. Son armure de cuir était finement ciselée de filaments dorés. Elle conversait avec une humaine assise à la peau bien plus sombre, en partie dissimulée par une capuche de lin. Une femme du désert, sans doute. Ou l’une de ces mythiques Gardiennes du Roi de Yuimen du Naora, comme pourrait l’indiquer son regard clair. Rien n’était impossible, puisqu’elle devisait avec une sindel. Le lion était allongé près d'elle... Sans doute en était-elle la propriétaire, pour peu qu'on puisse posséder une telle bête.
Je m’approchai du duo en silence, observant la grande demeure sans chercher à trop m’en approcher pour le moment. Mes yeux d’émeraude se posèrent sur les deux femmes dans un salut silencieux, accompagné d’un léger hochement de tête poli, mais plein de réserve. Le spectacle que j’étais venu voir allait peut-être commencer… Et déjà, je me satisfis de l’elfe qui se relevait de sa gadoue dégoulinante, repartant pataud d'où il était venu, déçu de n'avoir pas pu chercher les mystères de la maison abandonnée autrement qu'allongé dans une flaque de boue.
_________________
- Selen Adhenor -
|