L’obscurité était omniprésente, fumeuse et dense. Elle m’avait pris de cours, alors que je discutais. Mais là encore, je n’arrivais pas à déterminer quel était le rêve et la réalité. Ce manoir, ces esprits frappés, ces lieux sans sens qui se ressemblaient tous, et se suivaient en enfilade comme s’ils avaient été placés là exprès pour nous contraindre. Ou cette obscurité, ces ténèbres. Mon sens logique m’indiquait la présence du manoir comme celle d’un cauchemar un peu glauque, qui n’a ni queue ni tête, ni explication logique… Mais ne parvenait pas à voir cette nuit intense comme quelque chose de plus rationnel. Un rêve dans le rêve ? Peut-être. Un changement de ton, de décor… Un autre point illogique. Peut-être étais-je mort. Mais là encore, je n’y croyais guère. La mort est la perte de toute sensation, de toute émotion, de toute pensée. Les cadavres périssent sous terre ou finissent en cendres, ou au sein d’une armée de nécromanciens… Mais ils n’ont plus aucune volonté propre, aucune lueur dans le regard, aucune… pensée.
Hors, là, je pensais. Je pensais encore. Je ne savais faire que ça, d’ailleurs. Et dans cette obscurité, je sentis qu’on me bousculait. Qu’on tiraillait mes côtés. Je ne pus réagir de suite, ne sachant plus bien comment on faisait. Je gardai les yeux fermés un instant, me laissant emporter par les voix qui m’entouraient : je n’étais pas seul. Et je n’étais pas dans un rêve.
Une voix mâle, une voix féminine, qui évoquaient le sort d’êtres inconscients. J’en faisais partie… J’attendis que la voix mâle s’éloigne pour ouvrir les yeux sur une elfe aux yeux noisette, et aux cheveux d’un roux flamboyant. Une belle femme, dont le charme était rehaussé par un bustier rouge. Ma voix sortit de ma bouche un peu plus rauque qu’à l’accoutumée. Combien de temps avais-je passé endormi ?
« Pourquoi vous soucier du sort d’inconnus dont vous ne connaissez rien ? »Je jetai un regard vague vers le manoir… J’étais allongé là où je me trouvais lorsque j’eus l’impression d’entrer. Comme si rien ne s’était vraiment passé, et que j’étais tombé là, endormi comme une bouse dans un jardin. Mon regard émeraude glissa vers l’elfe.
« Que s’est-il passé ? »Mon ton était neutre, serein… ce qui pouvait paraître étrange, peut-être, compte-tenu de la situation. Mais ainsi étais-je : analyste et patient, peu démonstratif. Je devais comprendre les choses pour acquérir plus de pouvoir sur elles. Sans paniquer, sans perdre le contrôle.
[HJ : Selen est un semi-elfe, pas un elfe gris
]