Pendant que je combattais mon adversaire invisible avec ma claymore qui lui portait des coups mortels, d’étranges évènements se manifestaient autour de moi. La jeune femme criait d’étranges choses en direction des quatre points cardinaux. La mageresse avait ôté son corset qui cachait avec beaucoup de mal son buste aux formes généreuses et ses chaussures. Je remarquai qu’elle avait tracé sur sa peau découverte un signe étrange et complètement inconnu qui partait de son bas-ventre pour finir sur ses seins qui ne m’avaient jamais été autant dévoilés.
Je vis la jeune femme planter son sceptre de bois au sol et le tenir de ses deux mains bien cramponnées à celui-ci. Une lumière aveuglante apparut à l’extrémité de son accessoire de bois. À la limite de la peur et de l’admiration la plus totale je m’étais éloignée, piétinant de mes bottes la verdure. La mageresse criait à présent des paroles à cette forme magique ou ce pouvoir qu’elle venait d’invoquer. Isulka lui demandait son pouvoir et sa force afin de terrasser ses adversaires.
Le ciel parut changer d’humeur, s’assombrissant de plus en plus autour de nous jusqu’à devenir sombre et menaçant. Une petite pluie finit par tomber et s’accentua de plus en plus jusqu’à devenir un torrent d’eau et d’éclairs qui frappaient autour de ma coéquipière. Prise par la peur et, par les évènements, je reculai craintive et complètement inculte dans le domaine magique. La pluie continuait de s’abattre sur nous se transformant en une grêle violente. L’arme dans la main, l’extrémité pointue de celle-ci posée sur le sol j’essayai de distinguer la mageresse, la pluie refroidissant mon corps et mouillant mes cheveux.
Les évènements se déroulèrent très rapidement et sans que je ne puisse comprendre, les nuages sombres venaient de dissiper en un instant faisant à nouveau apparaître l’astre solaire au-dessus de nous, laissant la mageresse à genoux, le corps sale et épuisé. Elle eut malgré tout la force de lever son pouce tout en que nous allions abattre ce monstre avec succès dans son langage, mais qu’elle avait simplement besoin de dormir pour le moment.
Je me grattai la tête, me disant ce que je pouvais faire ce corps à moitié nu et exténué. Rapidement j’entrai dans la maison ou j’aperçus la servante sur le bord de l'entrée, les yeux figés sur le corps affalé sur le sol. Quand elle m’aperçut, elle sortit de cet état de fixation et partit chercher un linge sec sans dire un mot. Riko me tendit un pour moi et partit précipitamment vers la mageresse afin de l’emmener dans notre chambre. Je le remerciai d’un signe de tête agrémenté d’un sourire.
Le linge devint rapidement sale et trempé. Quand mes cheveux et mes vêtements devinrent un peu plus acceptables, je laissai sur le sol de la terrasse de pierre le linge. Le soleil, à nouveau éclatant allait s’occuper de la finition. La boue sur le sol de terre était beaucoup moins agréable pour la pratique, mais je me dis rapidement que nous ne combattions pas tout le temps sur le même sol. De plus, je devais bien m’habituer à pratiquer sur les sols glissant puisque notre itinéraire était centralisé sur les embarcations qui étaient la plus grande partie du temps un sol humide et délicat.
Levant les yeux au ciel un instant, je tins la larme droite, la faisant naviguer devant moi, mes deux mains tenant fermement la garde. Je la vis au gré de mes envies s’élancer dans l’air silencieux, frappant en piquer ou s’abattant en direction du sol pour que finalement je l’arrête d’un coup sec, la pointe de la lame à quelques centimètres de la terre. Je souris, j’aimais beaucoup cette arme et je crois que j’avais beaucoup plus de plaisir à la manier que ma simple arme de moins de cinquante centimètres qui traînait dans mon sac.
Des paroles refaisaient surface dans mon esprit qui ne voyait de cette arme de fer. Des paroles, des bribes de conversation me détournaient peu à peu de cet adversaire imaginaire qui était à nouveau apparu devant moi. La voix douce et cristalline d’une de mes sœurs s’élevait, je pouvais presque l’apercevoir devant moi, une longue lame tenue de ses deux mains. Une claymore beaucoup plus sombre et menaçante que la mienne, elle l’a maniait, me montrant et démontrant certains artifices que je pouvais utiliser contre mes adversaires. Elle revint sur me deniers affrontements et m’expliqua d’une voix calme et posée que je ne pourrais plus jamais procéder de la même manière. J’avais une lame beaucoup moins tranchante, mais beaucoup plus imposante et meurtrière que ma simple dague. Il me fallait apprendre à apprivoiser ce nouvel animal, le dresser à ma manière et l’écouter à sa façon.
À mes côtés, elle se montra quelques coups intéressants qui seraient bon que j’apprenne à effectuer. Le premier était de prendre appui sur ma jambe gauche, placée en arrière et de m’élancer plus vivement avec la droite et ainsi pouvoir frapper un quelconque adversaire avec force. Elle se mouvait avec beaucoup plus de souplesse que moi et malgré ma vue qui se brouillait parfois l’a rendant encore plus invisible qu’elle ne l’était, je perçus quand même les principaux points de cette attaque en puissante.
Elle me montra plusieurs fois, voulant faire imprégner dans mon esprit l’importance et l’efficacité de ce coup. J’approuvai ses paroles d’un signe de tête répétitif avant de tenter de l’imiter. Le pied gauche bien posé sur le sol boueux, l’autre flexible afin de me lancer avec agilité et le premier essai fut abominable. La boue avait fait glisser mon pied d’appui, heureusement la pointe de la lame s‘était plantée dans le sol, me retenant dans cette chute. J’entendis la voix sereine de ma sœur qui me disait de recommencer tout de suite si je ne voulais pas être privée de nourriture. Elle m’évoqua les hommes qui m’entouraient et qui auraient très bien pu profiter de moi dans ce moment de faiblesse. Je me relevai, la lame lourde sur mes mains que je fis glisser nerveusement afin de trouver le meilleur contact.
À nouveau mon pied d’appui se positionna un peu à l’arrière de mon corps, l’autre légèrement plié chercha nerveusement le point optimal pour me lancer subitement afin de transpercer l’adversaire invisible qui venait d’apparaître. Un homme équipé d’une arme courte, le regard malhonnête et les yeux pervers. Un petit sourire détestable se dessinait sur ses lèvres rosées et il s’avançait, marchant comme un canard. Je me répétai inlassablement cette même phrase : « Tu ne m’auras pas, personne ne le pourra ! »
Mon point d’appui peut-être mal positionné ne me donna pas assez de force pour transpercer cette chose répugnante qui venait de se stopper. Une nouvelle fois la voix de mon mentor vint se faire entendre, elle devenait de plus en plus agressive. Ma sœur cherchait mon point faible qui était celui de toutes les personnes de la Sororité, les hommes libres. La douleur était encore plus grande pour ma personne, puisque chaque seconde dans cette vie paraissait m’entourer toujours plus de ces choses répugnantes et inférieures.
Sans plus attendre, je me remis à la même place, tentant une nouvelle fois de m’élancer sur mon adversaire qui se déhanchait avec dégoût vers moi. Je poussai encore un peu plus sur ma jambe servant d’appui et pliai un peu plus ma jambe flexible. Je sentis celles-ci se séparer du sol, montant un peu plus dans les airs, l’arme à la main, tendue pour le détruire, le tuer, le pourfendre au mieux cette chose qui ne méritait que la mort. Le coup réussit, transperça l’être inférieur. Une grimace de douleur se dessina sur son visage humide de transpiration.
Je souris de plaisir pour sa douleur et d’un coup sec je retirai l’arme. Mon imagination fit disparaître l’homme et une voix de cristal me rappela à l’ordre pour me prévenir d’un danger à droite. Un autre être chauve et abject s’avançait sur moi rapidement, un couteau de cuisine à la main. Curieux objet pour se battre. Malgré son arme, je fonçai à sa rencontre, mon arme s’élevant au-dessus de moi pour tenter de s’abattre sur l’être. Mon coup fut paré par je ne sais quel miracle. Je me libérai et m’éloignai de mon adversaire d’un saut en arrière. Un sourire, le même qui avait dû illuminer mon visage il y a peu de temps, se dessinait sur cette face affreuse et exécrable.
Je sentais ma sœur rire à gorge déployée, elle avait parfois une manière perverse d’entraîner ses sœurs, c’est peut-être cette attitude qui nous rendait si bonne à la fin de chacun de ses cours. Elle m’ordonna de recommencer le coup qu’elle m’avait appris. La voix me cria de recommencer jusqu’à ce que mes mouvements atteignent la perfection, jusqu’à ce que mes doigts puissent mériter la claymore.
Je recommençai donc, mes jambes se plaçant, se pliant et s’élançant pour à nouveau transpercer mes adversaires. Je ne sais combien de fois je dus renouveler cet exercice. Mes jambes ne me soutenaient presque plus quand ma sœur me demandant de recommencer encore de nombreuses fois, je dus chercher dans chaque recoin de mon être de la force pour continuer. Tout mon corps transpirait affreusement, mes yeux étaient à demi-ouverts, ma bouche essayant tant bien que mal de trouver l’air qui ne voulait plus passer dans mon être. Cela faisait bien longtemps que je ne m’étais pas senties dans un tel état à la fois de faiblesse et de plénitude. Malgré la souffrance, malgré la fatigue, mes jambes et mes mains paraissaient réussir l’impossible, la perfection demandée par ma chère sœur.
Mon corps haletant, je me rendis d’un coup compte du silence qui régnait dans ce lieu. Je paraissais sortir d’une autre dimension. Le petit clapotis de l’eau était la seule chose que pouvait entendre mon ouïe. Pas de sœur, pas d’hommes répugnants, rien, à par moi-même et ma lame. Je me tournai, chancelant sur la terre qui avait un peu séché par le soleil. J’eus juste le temps de me tourner pour apercevoir Riko la servante qui me regardait, les yeux brillants. Je lui souris.
J’ai réussi, enfin.
- Apprentissage Estoc droit -