Aglaeka n'avait pas perdu ses moyens et se mit assez rapidement à l'œuvre. Quant à moi je la regardai un long moment battre l'air de sa grosse épée. C'était à se demander comment elle arrivait à agiter cette chose avec autant de célérité. Il me fallut plusieurs minutes pour me remettre de la sensation douloureuse des fluides, mais au final mon corps les intégra et je me sentis plus vigoureuse, plus forte. C'était une sensation assez exaltante que cette nouvelle puissance qui circulait dans mes veines.
Et cette puissance allait être mise à profit. J'ouvris donc mon sac et en sortis quelques herbes et racines que je mis dans ma petite tasse de terre cuite. J'allai ensuite chercher une servante, lui faisant comprendre à l'aide de signes plus ou moins clairs qu'il me fallait de l'eau chaude ainsi qu'un petit bâton d'encens et un peu de sel. Elle ne fut pas longue et j'eus tout ce qu'il me fallait. Aglaeka était toujours aussi studieuse, criant parfois tout en abattant sa claymore sur la tête d'un gars imaginaire.
Je pris mon sceptre et commençai à tracer un cercle sur le sol. Je repérai le nord, et j'y plaçai le sel que j'avais réussi à négocier. Je me retournai vers le sud, y plaçant une de mes bougies que j'allumai au silex. A l'est je plaçai le bâton d'encens, allumé grâce à la bougie et dont l'odeur commença très vite à se répandre. Enfin à l'ouest ce fut la bouilloire avec le reste d'eau que je mis, pour compléter le cercle mystique.
J'ôtai mes chaussures, ainsi que mon corset, me retrouvant les seins nus, les cheveux libres. Je pris alors la petite tasse que j'avais laissée de côté et complétai la mixture par de la terre et un peu de mon sang. Je mélangeai bien, et des deux doigts je pris un peu de la pâte terreuse et herbacée. J'en mis sur mon front, pour ouvrir ma perception au monde mystique. Je traçai ensuite le symbole d'
Algiz sur mon corps. La base étant à mon nombril, remontant le long de mon plexus jusqu'à mes seins. Les deux embranchements partaient de sous la poitrine, finissant au bout de mes seins. Ainsi j'allai donner la vie à un nouveau sortilège, la rune me protégeant.
Une fois prête, je pris mon sceptre, me mis à l'est, l'encens, avant de saluer et de réciter:
"J'invoque la présence du Gardien de la Tour de l'Est, celui qui garde les cieux et gouverne l'air. Nous t'invitons à te joindre à notre célébration et à nous prodiguer tes influences bénéfiques."Je me tournai ensuite, me dirigeant vers la chandelle au sud, répétant le salue et la prière:
"J'invoque la présence du Gardien de la Tour du Sud, celui qui garde le feu sacré et qui gouverne cet élément. Nous t'invitons à te joindre à notre célébration et à nous prodiguer tes influences bénéfiques."Le même manège continua cette fois-ci à l'ouest en direction de la bouilloire:
"J'invoque la présence du gardien de la Tour de l'Ouest, celui qui garde les eaux sacrées et gouverne cet élément. Nous t'invitons à te joindre à notre célébration et à nous prodiguer tes influences bénéfiques."Enfin je me mise face au nord, là où j'avais versé du sel, et une dernière fois j'invoquai les gardiens des éléments:
"J'invoque la présence du gardien de la Tour du Nord, celui qui garde la Terre et gouverne cet élément. Nous t'invitons à te joindre à notre célébration et à nous prodiguer tes influences bénéfiques."Je sentis un léger picotement à la base de la nuque. Rien de tout ceci n'était visible à l'œil nu, mais je savais que le rituel avait commencé. La magie le savait elle aussi, et plus rien d'autre n'avait d'importance à cet instant. C'était un acte de communion, le monde n'existait plus et n'avait plus sa place. Seule la force mystique rayonnait, bloquée par les parois invisibles du cercles que j'avais tracé.
Je raffermis ma prise sur le sceptre, plantant celui-ci dans le sol. Les yeux clos je laissai ma magie jaillir de mes mains, sentant la différence depuis l'absorption des fluides: ma puissance s'était décuplée, et c'était une force électrique impressionnante même pour moi qui se répandait autour du bâton. Le mur magique crépitait alors que les légères décharges tentaient de s'échapper. Mais le cercle tenait bon, reflétant ma magie qui ne se perdait pas du coup.
L'air se chargea ainsi autour de moi, criant presque sous les morsures de la foudre, me faisant frissonner de toute part et me faisant même mal parfois. Mais je n'arrêtai pas, libérant toujours plus de mon énergie, celle-ci se débattant férocement pour échapper à l'oppression des quatre gardiens élémentaires. Moi-même je sentais que mes jambes faiblissaient, manquant une ou deux fois de se dérober sur moi.
Quand je fus satisfaite de la quantité d'énergie qui volait tout autour de moi j'ouvris les yeux. L'air était devenu bleu, parcouru de nombreux arcs électriques qui vociféraient bruyamment, comme un petit orage. Les parois invisibles ne l'étaient plus tant que ça, la foudre se heurtant à elles à chaque instant et reflétant ainsi leur force. Le barrage n'était que spirituel bien entendu, n'importe qui pourrait entrer et sortir du cercle, mais l'efficacité contre la magie statique était prouvée.
Je levai mon bâton, avant de l'abattre avec violence sur le sol, attirant en lui toute la magie ambiante. Je dus mettre les deux mains pour le retenir, l'énergie accumulée le faisant vibrer comme un diable enragé. Il brilla ainsi de plus en plus violemment, avant de devenir d'un bleu éclatant et presque aveuglant. Je n'allais pas pouvoir le contrôler bien longtemps, aussi passai-je la main sur la crosse sculptée, me concentrant sur l'énergie de toutes mes forces.
Je la visualisais, toutes cette électricité me parlait, me disant qu'elle voulait être libre, qu'elle voulait éclater dans l'air. Je murmurai à son encontre, crispée sur le sceptre:
"Ô esprit de la foudre et de l'orage, prête moi ta force et je te libérerai. Passons ce pacte, accorde moi tes pouvoirs et la liberté sera tienne. Passons ce pacte et toujours je te donnerai la foudre à l'intérieur de moi. Protège moi de mes ennemis, détruis mes ennemis, accorde moi ta force et liberté sera tienne. Et toujours plus de foudre j'offrirai."Comme pour répondre, une petite pluie fine commença à tomber, avant d'assez rapidement se transformer en averse violente. Les nuages étaient passés de blancs à noirs en quelques instants, juste et seulement au-dessus de nous. Le tonnerre gronda, et un premier éclair zébra le ciel.
L'eau céleste éteignit la bougie, noya l'encens et dispersa le sel. Toute mon énergie fus happée comme si un vortex venait de s'ouvrir, mon corps tout entier rayonnant de pouvoir. Seule la rune tracée sur ma poitrine m'empêcha de frire sur place. L'électricité ne partit pas cependant, ne prenant pas immédiatement sa liberté. Au contraire même, elle se rapprocha de moi, m'entourant, formant comme un voile aux fils d'éclairs tout autour de moi. Je sentais la force de la foudre, qui pourtant me protégeait.
Et j'appris. La magie libérée, j'observai son mouvement alors que l'esprit de la foudre me faisait ce cadeau. De tout mon être je sentais les mouvements des éclairs liés entre eux dans ce voile dangereux. Mon esprit absorba l'information, alors que mentalement je retraçai rapidement chaque ondulation pour être sûre de pouvoir accomplir ce sort de mon chef. L'énergie demeura un long moment statique, de la grêle tombant à présent tout autour de nous. Mais la force magique ne demeura pas éternellement, et quand je pensai avoir compris je cessai ma concentration. Le nuage de foudre s'envola alors, libre, rejoignant les nuages loin au-dessus de moi.
Je tombai à genoux dans la terre à présent plus proche de la boue, totalement épuisée. La grêle me faisait mal, mais je n'avais la force de bouger. Heureusement celle-ci se fit peu à peu averse, puis simple pluie avant de disparaître totalement. Le soleil reprit sa place loin dans le ciel. Je restai là, sur le sol, immobile. Mon esprit retraçait encore et encore la toile complexe du sortilège, un sort bien au-delà de tout ce que j'avais pu voir jusqu'à présent. Je me rendais compte de l'immensité de mon ignorance, mais aussi de tout ce que j'allais pouvoir apprendre par le futur.
Mon regard se posa finalement sur Aglaeka, qui elle aussi avait dégusté un peu d'eau et était trempée jusqu'aux os. Je levai une main, mon pouce pointant le ciel:
"On va se le faire ce monstre!" Je rajoutai cependant:
"Mais demain, là j'ai juste besoin de... dormir..."Je m'allongeai sur le sol, exténuée, laissant mes yeux se fermer.
(hrp: Apprentissage du sort Protection électrique supérieure)