Aglaeka me serra toujours plus fort, prononçant par moment mon prénom avec douceur. Elle ne tenta pas de forcer le dialogue, se contentent juste de m'entourer. Ses doigts fins caressaient mes cheveux alors qu'elle me faisait me rallonger tout contre elle, me protégeant toujours. Je n'aimais pas me sentir faible, mais je n'avais pas le courage de me montrer forte à cet instant.

Finalement le sommeil revint, et entre les bras d'Aglaeka il fut plus doux, me laissant sombrer dans le doux oubli du monde sans conscience.

Les rayons de soleil pénétrèrent dans notre chambre, s'échouant sur mon visage encore endormi. La chaleur douce me ramena peu à peu à moi, les sens reprenant possession de mon être. J'étais toujours blottie contre mon amie, encore assoupie. Elle respirait calmement, sa poitrine se gonflant à chaque inspiration. J'étais bien, les démons de la nuit avaient disparu avec l'arrivée de l'astre jaune. Aucune bête n'était venue, je n'avais pas perdu Aglaeka.

Ma main passa doucement sur son visage fin, caressant sa peau délicate. Je me sentais bien contre elle, et je n'avais pas envie de bouger d'un pouce. Je la regardai juste, innocente tandis qu'elle rêvait probablement. J'allai finalement l'embrasser doucement, d'abord sur la joue puis sur les lèvres qui bougèrent lentement, comme pour répondre instinctivement à mon affection.

Cela ne suffit pas pour la réveiller. Je souris, allant murmurer à son oreille un merci sincère. Je me dégageai ensuite de son étreinte, pour aller m'habiller de la robe de soie. J'eus un peu de mal à nouer la ceinture, et finalement ne fit qu'un nœud plutôt vulgaire. Je sortis de la pièce, me dirigeant vers l'entrée ou je croisai la servante à qui je fis signe de la main que j'avais faim. Je lui demandai aussi où étaient mes vêtements, et devant son incompréhension dus mimer de manière saugrenue un pantalon qu'on enfile et un corset que l'on lace. Elle mit un peu de temps mais finit par comprendre, me faisant signe d'aller attendre dans la chambre.

C'est à ce moment que notre hôtesse entra dans la demeure, une petite ombrelle à la main ainsi qu'un paquet dont l'odeur trahissait des plantes médicinales. Je m'adressai à elle:

"Bonjour madame. Comment va votre fille?
-Elle a toujours fièvre, et a parlé beaucoup cette nuit.
-Pas de signe de l'inugami?
-Non. Akiru a veillé toute la nuit, il a rien vu.
-Tant mieux. Ce soir nous accomplissons le rituel. Est-ce qu'il serait possible d'emprunter des chevaux?
-Oui bien sûr. Pour ce soir?
-Oui. Merci madame."

Elle s'inclina avant de disparaître dans la chambre de Mitsuko. Je retournai vers la chambre, attendant juste devant l'arrivée de la servante. Celle-ci ne tarda en effet pas et me donna un petit plateau ainsi que mes vêtements. Je la remerciai, faisant ensuite coulisser silencieusement la porte. Je déposai la nourriture du côté d'Aglaeka, posant ensuite ma main sur son épaule découverte, lui parlant doucement:

"Aglaeka, réveille toi. Nous avons à manger!"

Je m'éveillai pour la seconde fois de la nuit ou plutôt de la journée. Puisque dès que mes paupières s'étaient levées, je perçue une lumière claire et aveuglante. Je ne fus pas étonnée de notre réveil tardif étant donné la nuit que nous venions de passer l'une contre l'autre. Je réalisai après un instant que ce fut la voix de la jeune femme qui m'avait réveillée. Celle-ci était déjà habillée de ce curieux accoutrement local et m'informa de l'arrivé du repas.

J'observai autour de moi, les yeux ouverts qui peinaient à vraiment analyser le monde extérieur. Une main sur la tête, je me rendis rapidement compte de ma nudité que je comblai en enfilant ma tunique qui gisait encore sue le sol de bois.

Mon regard se porta à nouveau sur la mageresse, je lui adressai un sourire naïf, avant de humer le bon plat. La servante n'avait pas beaucoup d'imagination pour ce qui était de la nourriture, ce devait être pour la troisième fois consécutive que nous mangions ces mêmes boules blanches.

"Bonjour Isulka."

Je me rapprochai encore un peu plus du plateau, mon amante de la nuit à mes côtés. Je lui embrassai tendrement la joue, ne savant si j'étais permise de toucher à nouveau ses lèvres délicieuses. Son attitude paraissait tout à fait normale pour le moment, je restai tout de même septique, attendant la suite des évènements.

Après avoir mangé ma part du repas, je m'essuyai d'un revers de manche et regardai la douce finir sa nourriture.

"Comment allons-nous profiter de cette journée avant ce soir ?"

Je laissai la jeune femme émettre ses hypothèses avant de rajouter d'une voix beaucoup plus incertaine la suite :
"Pour ce soir ... Si nous utilisons bien des chevaux, je crois que nous allons devoir pratiquer. Je ne suis pas très experte pour ce qui est de monter à cheval Isulka ..."

Les armes étaient peut-être ma matière de prédilection, mais les équidés restent des animaux sauvages et ma pratique n'avait jamais été excellente.
J'imaginai dans mon esprit les différentes tournures que pourrait prendre cette nuit à cheval. Moi tombant en arrière, tombant sur les fesses ou la tête la première. Des milliers voire une infinité de possibilités se présentaient sur la façon dont ma chute certaine allait se produire. Je déglutis lentement, consciente de mes lacunes.

Aglaeka émergea, visiblement de bonne humeur. Elle s'habilla presque aussitôt, enfilant sa longue tunique. Son visage s'approcha du mien, puis elle m'embrassa sur la joue. Je lui souris, m'installant à ses côtés pour déguster le repas, qui bien qu'identique aux précédents semblait bien meilleur vu l'effort de la nuit.

Une fois repue je me levai, allant chercher mes vrais habits. Leur robe était jolie mais pas très pratique, et puis je me sentais plus à l'aise en pantalon. Je me débrouillai donc à défaire le nœud, dos à la belle, celle-ci émettant des doutes sur la course à cheval.

J'enfilai mon pantalon, sautillant un peu sur place pour bien l'ajuster avant de lui répondre:

"Ah oui je n'avais pas pensé à ça. Si tu risque de tomber ça ne vaut pas le coup. Bon si tu veux je l'attirerai moi même et tu attendra au port, pas de problème comme ça."

En enfilant mon corset je remarquai que le bracelet s'était défait pendant la nuit. Un petit regard en arrière et je le vis effectivement posé à côté de la natte. Monsieur le prêtre frigide n'avait probablement pas aimé les rapports lesbiens et avait préféré abandonné son ancre. J'espérais juste qu'il ne me hanterait pas de nouveau, mais je voyais pas pourquoi ce serait le cas.

"Tu veux bien m'aider à serrer le corset? Pas trop fort que je puisse respirer!"

Je ne voulais pas qu'elle se sente mal à l'aise au lendemain de nos ébats. J'avais passé une nuit merveilleuse, mais elle restait une amie. C'était un peu bizarre, et rien que de penser à ses caresses me rendait toute chose, mais je n'étais pas prête à voir autre chose que de l'amitié pour le moment. Je ne voulais pas non plus qu'elle se sente rejetée ou quoi que ce soit, et j'assumais pleinement ce qui s'était passé, il me fallait juste du temps pour faire le tri.

Je ne pus m'empêcher de frissonner en sentant ses mains dans mon dos. Je relevai mes cheveux pour ne pas la gêner, sentant ses gestes habiles contre ma peau.

"Donc tu en pense quoi pour le cheval? Tu préfère t'entrainer ou attendre au port?"

Une fois que la jeune femme fut repue de son repas, celle-ci s'empressa d'enfiler quelque chose de beaucoup plus pratique qu'un simple accoutrement de soie tenu par une ceinture satinée. Je l'a regardai ou plutôt l'admirai pendant que celle-ci tentait tant bien que mal d'enfiler son pantalon serré. Tout en s'habillant, la mageresse répondit à ma remarque sur les chevaux. Elle se proposa de faire le chemin seule et qu'ainsi, nous puissions nous retrouver au niveau de port, une future chute de ma part serait donc évitée.

Je ne répondis pas tout de suite à sa remarque, laissant mon esprit cogiter encore quelques minutes. Elle enfila son corset et me demanda finalement de l'aider à le serrer doucement. Je me levai et me rapprochai d'Isulka. Une de ses mains tenaient sa chevelure rousse afin de ne pas me gêner dans la manœuvre.

Un fil dans chaque main, j'ajustai son corset, son corps s'entraînant par moment en ma direction sous l'effet de l'effort. Quand la tâche fut terminée et la mageresse satisfaite de mon travail, je revins face à elle lui exposant mon idée, une main sur une hanche, l'autre au niveau du menton.

"Je crois qu'avec des chevaux ça sera trop risqué. Je ne dis pas que mon idée n'ait ps risquée, mais je crois que nous devons avec ou sans chevaux ralentir l'Inugami. Un vilain dans les pattes ça devrait faire l'affaire ... Ensuite, on l'emmène au port à pied."

Je l'a regardai pendant que ma bouche lui contait mon point de vue et d'un oeil impatient, j'attendis sa réponse.

La servante revint à ce moment, nous saluant, mes vêtements secs et propres à la main. Je l'a remerciai avant que celle-ci ne reparte avec le plateau dans le reste de la maison. A mon tour, je profitai m'habiller de manière plus pratique. Dos à elle et au fond de la pièce, je lui émis le choix de nous entraîner, ou simplement faire une balade à cheval dans la ville.

Aglaeka, décidément dubitative quant à l'emploi de chevaux me fit une autre proposition dangereuse et épique mais plutôt bien pensée. Je me frottai un instant le menton, pesant le pour et le contre avant de lui donner une réponse qu'elle semblait attendre:

"Et bien si tu t'en sens capable c'est une très bonne idée. C'est vrai qu'à cheval le risque de tomber est grand, et une chute vaut la mort. Et puis ça fait mal même si on survit."

La servante apporta alors la tenue de voyage de la guerrière, qui la remercia avant de se changer. Elle me tournait le dos presque pudiquement tout en me demandant ce que j'aimerais faire de la journée, en attendant de régler son compte au monstre.

"Malheureusement si on s'entraine je serais à sec ce soir, c'est pas évident de lancer pleins de sorts dans la même journée. Et pour les chevaux j'en ai demandé pour ce soir, mais ça peut s'arranger."

Je me sentais encore un peu mal à l'aise, les restes de ma crise de larmes de la nuit, mais je le masquais au mieux. Je ne voulais pas inquiéter mon amie qui de plus n'y était pour rien et n'y pouvait pas grand chose.

"Aglaeka? Je... Je..."

J'avais envie de lui parler mais ce n'était pas évident. Dire que j'étais tellement bavarde et dès que j'avais quelque chose de personnel à dire je ne parvenais qu'à fermer ma grande bouche. C'était stupide. Et puis elle savait sûrement que je tenais à elle maintenant, pas besoin d'y mettre des mots. Je fis semblant de tousser, reprenant:

"Hum pardon. On y va? Où tu voudras."

Isulka me fit la remarque qu'elle ne pouvait pas lancer des sorts à l'infinie. Il était vrai que ma proposition était assez bête, cela ne servait à rien de se fatiguer alors que ce soir chaque parcelle de notre corps allait devoir montrer ce qu'il valait. Je redoutais de plus en plus cette soirée qui s'annonçait déjà longue et douloureuse.

La mageresse rajouta qu'elle avait demandée des chevaux pour ce soir, mais qu'ils seraient sûrement possible de s'arranger pour les avoir plus tôt. J'acquiesçai d'un hochement de tête tardif et terminai de m'habiller. Une fois mon pantalon et mon haut d'aventurière noué, j'entendis la douce voix délicate de la jeune femme prononcer mon nom.

Je portai mon regard en sa direction afin d'entendre la suite de ses paroles. Curieusement, celle-ci toussa et finit par me proposer de partir. Je ne compris pas bien, et d'un hochement d'épaule discret je me mis en route vers la sortie.

Nous traversâmes à nouveau la pièce principale éclairée par la douce lumière du soleil. Nous marchâmes en quête de la maîtresse de maison afin que celle-ci puisse demander à préparer les chevaux pour l'après midi. Cette dernière vint à notre rencontre après quelques minutes de pas hésitant en direction des autres pièces. Nous lui exposâmes notre plan et avec un léger sourire, elle nous annonça que les chevaux pouvaient être prêt quand bon nous semblait. La disponibilité fut prise pour le début de l'après midi.

En attendant, nous passâmes un moment à jouer avec les cartes d'Isulka, une manière très amusante de décompresser. La mageresse me montrait les techniques de bluff qui pouvaient être utilisées face aux adversaires. Je ne croyais qu'à moitié quant à ses talents puisque curieusement, elle se retrouvait toujours à court d'argent à la fin de chaque soirée.

Comme le voulait Aglaeka nous fîmes préparer les chevaux pour le début de l'après-midi. En attendant je proposai une partie de cartes, démontrant mon génie du bluff à la jeune femme. Je lui appris quelques trucs, et elle se débrouilla plutôt bien même s'il n'était pas évident de reproduire immédiatement des techniques aussi longuement travaillées.

Nous n'eûmes cependant pas tant que ça à attendre, la servante nous annonçant quelque chose que je compris être le départ possible à cheval. Et en effet deux belles montures étaient harnachées. Deux grand chevaux, de très bonne qualité et sur lesquels simplement se hisser était une épreuve. Finalement ce n'était peut-être vraiment pas une bonne idée que la course contre le monstre à dos de canasson, et casser les pattes de la bête semblait presque plus aisé. Presque.

Nous partîmes ainsi explorer les rues d'Oranan, en profitant vraiment pour la première fois. Autour de nous tout était spectacle, surtout vu du dessus. Les couleurs chatoyantes des atours, les étals pleines de bonnes choses, les bruits exotiques... Je proposai ensuite à Aglaeka d'aller faire un tour dans les environs de la ville, là où nous pourrions profiter de la vue sur l'océan qui devait être bien plus agréable une fois sorties de l'enceinte de la ville. Quelques friandises locales nous alourdirent alors qu'ainsi nous nous dirigeâmes vers un endroit ma foi bien joli. J'étais pas trop du genre à contempler les vues, mais là nous avions le temps. Et puis mine de rien depuis qu'Aglaeka était avec moi les yus étaient nombreux et je n'étais plus obligée de chercher la moindre occasion de me renflouer la sacoche. A moins que ce ne soit le manque de jeu d'argent...

L'après-midi passa ainsi, s'écoulant rapidement comme à chaque fois que l'on partage une bonne compagnie. Aglaeka n'était peut-être pas la plus expérimentée des aventurières mais elle avait beaucoup de connaissances et avait de la discussion, du moins lorsque je lui laissais la parole. La preuve qu'un milieu sans hommes était bien plus adapté à la culture qu'un milieu masculin.

Finalement nous finîmes par rentrer, un peu plus sereines et prêtes à accueillir les dangers de la nuit.

Après les nombreuses parties de cartes avec Isulka, la servante vint finalement frapper à notre porte pour nous annoncer que les chevaux étaient prêts. Bien sûr nous n'avions pas compris ses paroles, mais nous nous doutâmes et après qu'elle celle-ci nous ait menée dans la cour, nos soupçons se confirmèrent. En effet, deux beaux chevaux marron se tenaient dans la rue calme. Déjà équipés, nous nous contentâmes donc de monter dessus, tâche pas si simple que cela puisqu'une aide était nécessaire étant donné la grandeur de ces équidés. Je me demandai un instant pourquoi ces petits êtres avaient de si grandes bêtes.

Après un bref signe de la main à la servante, nous partîmes nous balader dans les rues de la ville, la mageresse me proposant finalement d'aller dans les alentours afin de profiter de l'horizon marin. J'eus un instant un souvenir sur le voyage en bateau que nous avions passé, la jeune femme avait très vite annoncée la couleur en vomissant par-dessus bord.

Après de longues discussions perdues par le vent marin et exotique, nous finîmes par rentrer, la nuit s'annonçant peu à peu dans l'horizon lointain. J'eus un instant une boule au ventre et me fis que la réflexion que je vais rédiger une lettre à mes soeurs. Depuis le voyage en navire, je n'avais pas encore donné de mes nouvelles.

Nous rentrâmes dans la demeure, la servante venant à notre rencontre pour faire ramener les chevaux. Immédiatement, je retournai dans la chambre afin de rédiger une lettre à mes sœurs. Je sortis de mon sac le nécessaire à écrire ainsi que les lettres « magiques » qui avaient été trouvées dans le bateau.

Nous nous préparâmes pour la bataille du soir. Cette fois pas question de laisser les chaussures à l'extérieur, et la maîtresse de maison ne nous fit pas de remarque. Je préparai quelques baumes pour les blessures probables, les glissant dans ma sacoche. Je relis mes notes sur les derniers sorts que j'avais appris à maîtriser, attendant avec inquiétude que le soleil ne disparaisse.

Lorsqu'enfin l'astre nous quitta, et que la lune monta dans les cieux sombres nous nous dirigeâmes vers la chambre de Mitsuko. Nos hôtes comme les serviteurs avaient quitté les lieux, nous laissant champ libre pour exorciser la jeune femme. Les portes furent laissées ouvertes, afin de pouvoir nous dépêcher de suivre l'esprit jusqu'à la créature maligne.

Mitsuko était dans un très mauvais état. Sa blessure s'était infectée et suintait, nous délivrant une puanteur immonde. Elle se laissa attacher sur le lit sans résistance, délirant presque. Je vérifiai ses ongles, noirs et bien plus tranchants qu'ils auraient du être. Je fis de même avec sa bouche, découvrant des dents fines et pointues. La possession ne faisait plus aucun doute à cette heure tardive.

"Est-ce que je peux aider?"

C'était la voix du jeune frère, qui venait de franchir la porte. Je me retournai vers lui, et après avoir lancé un regard à Aglaeka je lui répondis:

"Si vous voulez. Restez à côté de votre sœur et tenez lui la main pendant le rituel. Attention, elle risque de serrer très fort.
-Très bien. Merci."

J'allumai les quelques bougies de cire tandis que le jeune homme prenait place de l'autre côté du lit, s'agenouillant auprès de sa sœur. De ce qu'avait indiqué le prêtre, libérer la fille de l'esprit ne prendrait que peu de temps, et toute la difficulté serait de traquer la bête puis de la tuer. Je jetai un regard vers Aglaeka, et avec résolution j'allumai le bâton d'encens de yakubarai. Une fine fumée grisâtre s'éleva dans la pièce, une odeur particulièrement forte se répandant lentement.

Je m'approchai de la couche, passant le bâton près de Mitsuko, soufflant sur la fumée pour que celle-ci aille dans sa direction. Pendant un moment elle resta silencieuse, ne bougeant pas, pâle comme la mort. Il fallut attendre que son corps soit recouvert d'encens pour la voir ouvrir la bouche, découvrant des dents de carnivore. Sa tête tourna brusquement dans ma direction, et tel un animal elle me montra ses gencives, crachant et sifflant vers moi en mordant le vide. Ses mains se débattirent et son corps se prit de convulsion alors qu'elle criait dans sa langue. Son frère ne lâcha pas, et je ne m'éloignai pas un instant.

Dans ses yeux je lisais une colère sauvage et violente, son visage quant à lui était tellement crispé par la douleur et la rage que l'on ne reconnaissait qu'à peine les traits fins et délicats de la jeune femme. Elle se cambra avec férocité, manquant de se casser les poignets sous la pression et poussa dans un hurlement terrible. La fumée de l'encens sembla se condenser au-dessus de sa bouche, prenant peu à peu une couleur noire ainsi qu'une forme canine. Il fallut quasiment une minute pour que l'esprit ne prenne forme, dissipant la fumée bénie.

La créature sombre se déplaça, et sous mes yeux surpris se dirigea vers le jeune homme. Celui-ci n'avait soufflé mot de tout le rituel, des larmes coulant même sur son visage. Le chien noir entra en lui, sans qu'il n'émette la moindre résistance. Je restai un instant dubitative, ne comprenant pas si le monstre venait de le posséder ou si...

"Je crois que nous avons trouvé l'hôte..."

Akiru lâcha la main de sa sœur, se redressant lentement. Peut-être n'était-ce qu'une illusion, mais il me paraissait bien plus imposant que lorsqu'il était entré dans la pièce une dizaine de minutes plus tôt.

Je fis glisser ma plume sur le papier, rédigeant avec rapidité les quelques mots qui défilaient dans ma tête à vive allure.

« Mes Sœurs,

Nous sommes arrivé dans une ville d’êtres étranges, aux yeux étirés et à la taille petite. Ce soir n’est pas le bon moment pour vous conter avec détails mes dernières aventures. Cette nuit va être difficile, nous allons devoir combattre un esprit qui maudit une personne. Nous avons déjà rencontré cette bête atroce et puissante. C’est avec une peur au ventre et pourtant mon arme en main que je vous écris, pour croire à nouveau que ces dernières lettres ne seront pas mes dernières.

Je puise tout mon courage de vous et espère de toute mon âme vous revoir très vite, dès mon retour sur le continent »

J’inscrivis une nouvelle fois le nom de la Sororité ainsi que celui d’une des sœurs avant que cet étrange papier se plit et file dans les airs de la nuit étoilée. Je ravalai ma peur et me lever afin de ma diriger dans la pièce que Mitsuko. Éclairée par deux lampes, la jeune femme était dans un état effroyable. Isulka prit directement en main, et avec mon aide nous attachâmes l’être qui délirait, ses lèvres laissant échapper dans paroles dans sa langue.

La mageresse vérifia ses yeux d’un regard presque expert lorsque le frère de la maudite vint proposer son aide. La voix de ma compagne s’éleva alors dans la pièce dominée par la pénombre. Le petit être prit la main de la sœur comme conseillée par la mageresse. Elle fit ensuite brûler un bout d’encens que le vieux prêtre nous avait donné afin de libérer quelques instants la jeune femme de la malédiction et de trouver le porteur de la bête.

Quand le bâton d’encens eut agit, l’être attaché si calme et si consentante devint une bête beaucoup plus féroce. La jeune femme ou plutôt la chose qui devait la posséder agitait nerveusement la tête, la bouche ouverte, dévoilant des dents redoutables. La maudite continua en mordant l’air de sa bouche, agitant ses bras afin de se libérer de l’emprise. Je l’observai, les yeux ronds. Je n’avais encore jamais assisté à un tel moment et je fus pendant quelques seconds paralysés par cette tournure pourtant si prévisible.

La main sur la garde de ma Claymore solidement attachée, je me préparai à attaquer plus par réflexe que par réflexion.

C’est alors qu’un évènement étrange survit, en effet, la masse qui semblait posséder la jeune femme il y a encore quelque instants se déplaça en direction du jeune homme qui continuait de tenir fermement la main de Mitsuko. Je l’observai un peu plus et vis sur sa tête penchée des larmes perler sur son visage déplaisant. Sous l’étonnement et l’incompréhension, je restai un instant paralyser par ce que j’étais en train de voir. Serait-il possible que l’être qui nous avait poursuivit dans les rue de la ville était ce jeune homme petit et aux yeux étirés ? Une personne si proche de sa sœur qu’il était prêt à la blesser à mort ?

L’homme sembla quitter la main de sa sœur pour se relever, le visage en notre direction. Sa taille paraissait beaucoup plus imposante qu’il y a de cela quelques minutes. Je sortis la longue lame de mon dos, la faisant grincer dans l’air chaud et pesant de ce début de soirée. La transformation parut s’opérer sur cet être puisque sa musculature jusque-là insoupçonné devint de plus en plus imposante jusqu’à déchirer ses petits vêtements.

Je ne cherchai pas plus comprendre et fonçai arme à la main en direction de l’être maléfique. Sa main métamorphosée m’envoya quelques mètres plus loin, touchant mon ventre avec dureté. Cette première défaite s’annonçait mal et je mis sur le coup de ma naïve cet échec. Me relevant malgré le coup insoupçonné de la bête, je vis Isulka se faire toucher à son tour.

La colère de l’Inugami était manifestement dangereuse et bientôt je retentai ma chance face à l’être encore mi-humain qui se métamorphosait toujours plus. J’essayai de toucher ses jambes devenues poilues qui prenaient encore plus de volume. L’arme en main et une volonté encore plus forte, je m’avançai vers lui à grandes enjambées décidée. La largeur de ma lame toucha tandis que mes lèvres n’avaient pas pu réussir à garder un cri nerveux.

Un hurlement de douleur de bête et d’homme retentit dans la pièce, je vis son corps se transformer encore plus tandis que mes jambes et celle de la mageresse prenaient la fuite en direction de la sortie.

Les ombres se balançaient sous la lumière des bougies agitées, rendant le garçon plus inquiétant encore. Aglaeka fit glisser la lame de la claymore hors de son fourreau alors que les yeux du jeune homme étaient posés sur nous. Des yeux que je crus voir jaune un instant. Il poussa alors un gémissement de douleur, sa main se posant sur son épaule. En effet sous le vêtement quelque chose semblait bouger, pousser même. Il jura, l'ombre derrière lui grandissant toujours plus.

Ses atours le continrent de moins en moins, craquant d'abord au niveau de son torse. Une main à présent sombre se posa sur sa poitrine, ses ongles à moitié éclatés déchirant le tissu. Aglaeka n'hésita plus et franchit le peu d'espace la séparant du monstre. Elle n'eut pas le temps de porter un coup, la main à présent recouvertes de poils bruns de la créature la cueillant au passage, la projetant contre le mur qui manqua de se déchirer sous la pression.

Les mains, ou plutôt les griffes du jeune homme se posèrent sur ses tempes et il se mit à pousser un hurlement sinistre et aigu. Il tomba à genoux, me laissant contempler ses omoplates qui semblaient pousser dans son dos, déchirant les chairs au passage alors que lentement il prenait une forme inhumaine. Son visage un instant caché se redressa, pas encore tout à fait bestial mais déjà complétement malade et dangereux. Je me jetai vers le corps de Mitsuko, la décalant pour qu'elle ne se fasse pas blesser. Le monstre ne le prit pas aussi bien et ses crocs claquèrent à quelques centimètres à peine de mon visage.

Je me reculai violemment par réflexe, heurtant la petite table basse sur laquelle étaient posées les cierges. L'inugami ne continua pas sa charge, souffrant bien trop de la transformation. Aglaeka en profita pour se relever, toujours en un seul morceau. Heureusement qu'il avait frappé avant que ses ongles ne soient remplacés par les serres noirâtres qu'il avait à présent.

Toujours concentrée la guerrière usa de sa lame, dessinant un coup circulaire violent qui percuta les jambes, ou plutôt les piliers de chairs, qui soutenaient la créature. Un craquement d'os brisé se fit entendre, mais la lame ne trancha pas la chair. Akiru poussa un cri d'animal blessé terrifiant, tombant sur le sol à quatre pattes. Sa mâchoire s'ouvrit en grand, nous révélant deux rangées de dents acérées.

Ses muscles se contractèrent alors, et je sus que c'était le moment. Je sortis par la porte en courant, suivie immédiatement par Aglaeka. A peine avions nous fait deux mètres dans le couloir que le mur de toile se déchira avec fracas alors que la créature monstrueuse nous suivait. Je sautai pratiquement dans la rue par la porte laissée ouverte, tenant fermement le bâton dans ma main.

La bête passa juste après nous, éclatant les gonds de bambous qui volèrent dans la rue. A présent Akiru avait presque fini sa transformation, et n'avait plus rien d'humain. Lui faisant face je serrai le sceptre, infusant le plus rapidement possible ma magie. Le monstre prit appui sur ses pattes blessées, émettant un sifflement de douleur avant de sauter. Je tendis le bâton devant moi, poussant un cri de guerre tout en libérant l'énergie.

L'air éclata alors que des éclairs jaillirent, illuminant la ruelle une fraction de seconde. Atteint de plein fouet le monstre fut projeté en arrière, s'écrasant lourdement sur le sol. Je ne m'en sortis qu'à peine mieux, étant moi-même tombée sous le choc. Je me relevai cependant, avant de commencer la folle course qui devait nous mener vers le port. La créature se remis sur pattes, et malgré toutes ses blessures qui auraient terrassé n'importe quel homme se lança à notre poursuite en rugissant, complètement furieuse.

A son tour, Isulka tenta de ralentir la bête en lançant un sort qui éclaira une seconde lieu d'une lumière claire. La chose qui auparavant était un jeune homme petit et aux yeux étirés et qui à présent était plus un affreux monstre répugnant fut touché et projeté par l'éclair. Je fus la seule épargnée puisque la mageresse tomba en arrière sous le choc de la magie. Rapidement elle se releva dans la ruelle et ses jambes se mirent rapidement à courir en ma direction.

L'arme à la main, je remis rapidement dans son fourreau d'un geste maladroit pour tenter de survivre à cette course folle contre un Inugami furieux. Cette chose n'avait pas aimé le fait d'avoir attiré les foudres sur lui, et il nous le fit clairement comprendre avec des cris de rage incessants.

Le cœur battant je m'enfuis dans les ruelles aux côtés de ma coéquipière et remerciai encore une fois intérieurement la jeune femme pour avoir marqué les croisements avec des traits de craie. Dans un tel moment, il était difficile de penser alors qu'il nous fallait solliciter nos jambes à l'extrême. Rapidement nous nous trouvâmes au premier tournant, mes jambes tournèrent brusquement à droite.

Je sentis rapidement la présence de la chose aux dents féroces courir en notre direction. Je tournai un instant les yeux afin de me rassurer et constatai furtivement que le gros chien aux poils sombre s'avançait dans la nuit avec beaucoup plus de mal. Le coup que j'avais réussi à lui asséner paraissait avoir véritablement eut de l'effet.

Malgré ce contentement, je continuais d'avancer de toutes mes forces en direction de l'horizon marin qui nous attendait après une succession de ruelles et de grandes rues. L'astre lunaire et quelques lampes éclairaient notre passage, pendant que résonnait les cris furieux de la bête que nous venions de titiller.

Nous arrivâmes au premier tournant, prenant immédiatement sur la droite. La bête nous suivit mais ne prit pas correctement le virage allant s'écraser lourdement contre la devanture d'un magasin. Cela ne sembla même pas la ralentir alors que déjà je sentais mon souffle devenir court. Le second virage se présenta, la bête toujours sur nos talons. Aglaeka le prit en premier, allant bien plus vite que moi.

Nous étions à peine sorties du quartier et avions tous le chemin à parcourir jusqu'au port. Le monstre n'aima pas non plus ce tournant, grognant alors qu'il souffrait probablement de sa blessure. Il fut cependant malin, et je pus l'entendre monter sur les murs, ses griffes étant toujours intactes elles, et toujours aussi grinçantes.

Une nouvelle fois nous nous engageâmes dans une ruelle. Notre itinéraire était aussi fait pour éviter les gardes qui en plus de leur vie auraient risqué de faire fuir l'horreur qui nous suivaient. Mes jambes se firent de plus en plus lourdes alors que je faisais de mon mieux pour suivre le rythme effréné de la belle guerrière. Au-dessous de nous la chose courait, renversant tout un tas de foutoir sur son passage.

C'est alors que nous débouchions sur une artère un peu plus grande que la bête bondit, atterrissant sans souplesse devant nous, ses pattes de derrière s'écrasant sous le poids de la chute. Je freinai, manquant de glisser alors que la gueule béante de la créature était pointée dans notre direction, prête à nous déchiqueter.

"Distrais là!" lançai-je sans plus d'explication à Aglaeka tout en reprenant mon souffle. Le monstre prenait moins d'initiatives depuis qu'il avait rencontré le fer, il commença même à nous tourner autour tel un prédateur qui attend la moindre opportunité.

Je plantai le sceptre dans le sol, canalisant ma magie dans celui-ci. Il me fallait à présent visualiser les fibres de foudre, refaire en une fraction de seconde un cheminement complexe. Les deux adversaires s'observaient toujours, tandis que je me sentis prête.

Je libérai l'énergie qui aussitôt commença à former une combinaison complexe dans les airs, obéissant à mon commandement. Je fis plus gros que d'habitude, le bouclier de protection devant servir à la fois à me protéger et à protéger la jeune femme. Finalement le sort fut prêt et je le dirigeai sur nous deux, nous couvrant de la toile mystique. Juste à temps, la créature bondit vers la guerrière avec férocité.

La bête continuait de nous poursuivre dans les rues, ses pattes martelant le sol avec férocité et colère. Après avoir passé dangereusement le premier tournant de la ruelle une seconde présenta, avant nous n'ayons tourné j'entendis la bête monter sur les murs d'une battisses qu'elle cassa sur son passage. Sur les toits de la ville, elle continuait de nous poursuivre, ses pattes poilues cassant, poussant, balançant de nombreuses choses durant son avancée. Le fracas était très sonore et nous fit rapidement prendre conscience de sa rapidité.

Je déglutis difficilement, Isulka sur mes talons. Le poids de ma claymore était handicapant pour ce genre d'exercice grandeur nature, mais par je ne sais quel miracle, la mageresse ne parvenait pas à me rattraper complètement. Nous débouchâmes bientôt dans une rue, la bête profitant alors de cette occasion pour sauter devant nous, nous bloquant par la même occasion le passage de sa masse imposante et féroce. Sa gueule démesurée semblait prêtre à nous recueillir vivante entre ses dents pointues et sa langue qui ne cessait de ses mouvoir nerveusement.

Je fis stopper mes jambes brusquement, glissant sur le côté avant de me redresser maladroitement. Le corps essoufflé je regardai l'Inugami qui se mouvait tranquillement faisant tout d'abord des demis cercles dans la rue déserte. Isulka me demanda de distraire la bête qui s'avançait de manière circulaire de plus en plus dangereusement. Je fus légèrement à court d'idée pour ce qui était d'occuper ce gros chien de mauvais poil. Je ne savais pas combien de temps de je devais tenir cette et me contentai donc de bouger le long de la rue, la main sur ma claymore à présent libérée de son fourreau.

Je voulais faire croire à ce monstre que je m'apprêtais à l'attaquer, mais me contentait plutôt de l'esquiver latéralement. Plutôt agacée par mon attitude, elle ne resta pas passive bien longtemps. D'une patte griffue, elle se lança vers moi voulant certainement en finir avec moi dans un coup de grâce. Pas franchement décidée pour mourir ce soir, et malgré une peur au ventre permanente, je bloquai l'Inugami ou plutôt la patte de ce être avec la longueur de ma claymore. Une main fermement accrochée à la garde, l'autre se déplaçant en direction de la pointe de l'arme je tins bon un instant, la bête poussant fermement avec sa patte, sa tête cherchant même par instant à ma happer la tête que j'esquivai en rentrant ma tête dans mes épaules.

Sentant mes bras faiblir, je tentai de me dégager par un saut en arrière. L'être maléfique essayant une nouvelle fois de me toucher de sa serre qui se contenta de battre le vide.

La griffe gigantesque s'abattit sur le plat de la lame d'Aglaeka, faisant plier cette dernière qui ne céda pas cependant, le visage tiré par l'effort et la fureur. Le monstre tenta de lui arracher le visage, mais la jeune femme encore une fois parvint à frôler une mort horrible. Elle ne tint cependant pas la force hideuse de l'inugami et dut se dégager, sautant en arrière alors que la seconde griffe manqua de nouveau de l'éventrer.

"Par là!" Criai-je en m'engouffrant dans la ruelle d'où nous venions. Nous ne pouvions semer la bête par le chemin prévu et nous devions innover. Aglaeka me suivit tandis que la créature poussait un râle de frustration, ses griffes s'ancrant de nouveau sur les murs alors qu'elle se hissait sur les toits.

Je n'avais pas le plan de la cité en tête, mais il nous fallait longer l'artère que nous venions de quitter. La chose s'avéra difficile, la ruelle s'arrêtant bientôt, nous laissant le choix de rejoindre de nouveau la grande rue ou de nous perdre toujours d'avantage. Les cris de la créature se rapprochaient toujours plus, elle semblait même moins être gênée par ses pattes blessées.

Sans plus réfléchir je pris sur la droite, m'éloignant du chemin que nous avions tracé la veille. Nous devions être à la moitié du parcours et il faudrait le reste le faire sans points de repère. Le rythme effréné commençait d'ailleurs à avoir raison de moi. Mon cœur tambourinait comme un forcené dans une pièce close, mon souffle était court et un point de côté me déchirait à présent l'abdomen.

J'entendis un rugissement plus proche que les autres, et me retournant je vis l'horreur dans les airs, ses deux serres aiguisées dirigées vers moi. je n'eus pas le réflexe de me jeter à terre et une douleur intense me saisit au niveau des omoplates alors que je m'écrasai sur le sol, la lourde créature sur mon dos. Je pensais être morte, mais à mon étonnement la chose poussa un cri plus aigu que les autres et sauta en arrière. Ses pattes gardèrent quelques secondes une teinte bleu électrique, le monstre s'agitant pour que cela disparaisse. La membrane protectrice m'avait sauvé la vie.

Je me relevai difficilement, posant un regard terrifié sur Aglaeka.