Sous-Chapitre deux: De l'art de s'attirer des ennuis.
Quelques jours s'étaient écoulés depuis ses premiers exploits de voleur, et l'extase qui avait suivi commençait déjà à s'évanouir. Il tournait en rond dans la maison vide des bas quartiers de Tulorim où il s'était établi, de manière tout à fait illégale, ne sachant trop quoi faire... La sensation d'inconnu et d'interdit qu'il avait ressenti lors du cambriolage commençait déjà à lui manquer...
(Je me demande... je serais pas déjà en train de devenir accro au vol, si?)La sentiment d'être sur ses gardes en permanence, de devoir jouer de sa ruse et de son agilité pour déjouer les obstacles lui avaient ouvert un monde qu'il ne connaissait que peu... Son premier larcin, dans son village d'origine, était mû par le désir de recouvrir ce qui était sien: il savait ce qu'il cherchait, et connaissait en outre bien la maison du vendeur qu'il avait volé. Mais son dernier cambriolage n'avait rien à voir: il avait évolué en territoire inconnu, après de longs efforts pour dénicher sa cible. Le sentiment de pénétrer dans un endroit où il n'était ni attendu ni bienvenue, d'enfreindre plusieurs interdits, et en fin de compte d'évoluer dans un monde plus libre que l'ordinaire, l'avait définitivement marqué. La gratuité de l'acte était importante: il ne cherchait pas à récupérer un bien, simplement à s'approprier celui d'autrui. Puisqu'il ne s'agissait plus d'une vengeance, ses motivations étaient donc plus que personnelle: avait-il trouvé là sa voie?
Pendant qu'il réfléchissait, il regardait distraitement la bague qu'il avait dérobée ce soir là. Elle était plus complexe qu'il ne l'avait vu au premier regard, et semblait avoir plus de valeur: l'anneau de la bague semblait être en or, et les motifs qui l'ornaient fins et habillement taillés. Elle était sertie d'une pierre transparente, dont s'échappaient des reflets arc-en-ciel lorsqu'elle attrapait la lumière du soleil sous le bon angle... malgré son intention première de la revendre le plus vite possible, il n'était pas parvenu à s'en défaire. Lorsqu'il observait le bijou il ressentait quelque chose d'étrange, qu'il ne parvenait pas à s'expliquer. Une aura mystérieuse semblait s'en échapper, ni bienveillante ni malveillante. Simplement... curieuse. Il avait l'impression que la bague le poussait à s'interroger sur des choses dont il ne saisissait pas le sens. Elle le plongeait dans un état de profonde perplexité, et il lui fallait à chaque fois faire un gros effort de volonté pour arracher son regard à la contemplation du bijou. Il la rangea dans sa bourse avant de dissimuler celle-ci dans une poche qu'il avait lui même cousu dans sa tunique, à l'abri des regards indiscrets. Il faisait nuit dehors, et il se dirigea d'un pas décidé vers une fenêtre qui donnait sur la rue. Il n'empruntait jamais la porte, dont l'accès était bloqué par deux planches en bois clouées, afin de laisser penser que la maison était inhabité. Ainsi les visites désagréables étaient peu probables...
L'air frais de l'extérieur au contact de sa peau l'éveilla un peu. Il avait passé les deux derniers jours dans un torpeur inexplicable, et une promenade dans les ruelles de la ville pourrait sans doute le revigorer quelque peu. Et qui sait, peut-être tomberait-il sur un ivrogne à délester de sa bourse... Lorsqu'il marchait simplement, il ne rabattait pas sa capuche sur son visage... Croiser une patrouille tout en étant encagoulé ne lui aurait sans doute pas facilité les choses, et de plus il aimait bien sentir les courants d'air qui parcouraient les ruelles dans ses cheveux...
Il marchait sans but, dans ces ruelles qu'il avait rapidement appris à connaitre: en quelques jours seulement il avait exploré une bonne partie de la ville, et il s'était découvert un mémoire des lieux étonnante: après sa mésaventure dans les rues de Tulorim après son cambriolage, il ne s'était plus jamais perdu lors de ses errances occasionnelles. Heureusement, car les rues de Tulorim étaient de vrai coupe-gorges la nuit... Il avait pu éviter les mauvaises rencontres jusqu'ici, mais ne doutait pas d'en faire une un de ces jours, et une connaissance poussée de l'environnement ne pourrait que l'aider dans une telle situation... Après tout, à quoi bon s'enfuir par une impasse?
La nuit était fraîche pour la saison, et il commençait à se demander s'il ne ferait pas mieux de mettre sa capuche, histoire de ne pas attraper un rhume. Un voleur éternuant pendant un cambriolage rencontrerait sans doute deux ou trois bricoles avec le propriétaire, probablement mécontent de se trouver nez à nez avec un cambrioleur, et surtout d'être réveillé en plein milieu de la nuit par le malotrus kleptomane... Il chercha à tâtons dans son dos pour relever sa capuche, jouant avec les rebords de son vêtement... N'y arrivant pas, il finit par tourner la tête. Il passa les instants suivant à remercier sa capuche d'avoir été aussi revêche à cet instant: en regardant au dessus de son dos pour l'attraper, il aperçut la silhouette menaçante qui s'était glissée en silence dans son dos. Il fit volte-face immédiatement, les poing levés.
(Il m'a fait peur le couillon! J'ai comme l'impression que mon cœur a loupé un battement... Moi qui priais pour pas tomber sur quelqu'un de louche dans la rue ce soir... Ça vous aurait fait mal, là-haut, de m'exaucer hein?)L'ombre mystérieuse leva les mains en signe de paix, attitude étrange pour un brigand... Intrigué Rasliak baissa sa garde, et l'autre prit la parole. Il avait un voix rauque qui sonnait fausse: sans doute la modifiait-il volontairement...
"Je ne te veux pas de mal... Enfin a priori. Je cherche juste la bague que tu dois avoir avec toi."Surpris, Rasliak demeura interdit.
(Euh? Comment peut-il être au courant?)"Je... Vous... Comment est-ce que...?""Peu importe, donne la moi, et il ne t'arrivera rien."Rasliak allait obtempérer, après tout sa vie valait plus qu'une bague et il n'avait pas du tout envie de la risquer pour ce bijou, aussi intriguant soit-il, lorsqu'il leva les yeux vers l'homme - en était-ce vraiment un? Il semblait trop fin et trop petit - en hochant négativement la tête...
" Je vois pas pourquoi je ferais ça... cette bague est à moi, je l'ai gagné en travaillant. La silhouette mystérieuse demeura silencieuse, ne s'attendant visiblement pas à cette réponse. D'ailleurs, Rasliak ne s'y attendait pas non plus.
(Mais qu'est-ce que je raconte? Pourquoi je lui ai pas donné tout simplement, qu'on en finisse?)"En travaillant?" le ton était empli d'ironie,
" Étrange travail que tu t'es trouvé là... J'ignorais que les voleurs considéraient leur activité comme telle... Mais soit, si tu refuses de me la donner, alors je me servirai! "La silhouette fondit sur le jeune homme, qui, prit au dépourvu, encaissa un violent coup de poing à l'estomac. Il tituba en arrière, tandis que son agresseur mystérieux se redressait:
"Ne soit pas stupide, donne la moi!" Le ton était ferme, et n'aurait su souffrir aucune contradiction.
Rasliak était rarement content d'avoir subît un entrainement de combattant durant son enfance, mais cette fois ci, il l'était réellement... Il avait l'habitude d'encaisser des coups en tout genre, que ce soit de bâton, de pied ou de poing... Et si l'inconnu avait une bonne puissance de frappe, un coup comme celui-ci ne suffirait pas...
Plusieurs idée germèrent dans son esprit afin de venir a bout de cet adversaire... Un combat à la loyal était bien trop aléatoire: il ne connaissait ni l'expérience ni le métier de son agresseur... La ruse lui semblait beaucoup plus attirante...
Alors que l'inconnu avançait vers lui, Rasliak tomba à genou, tenant son ventre, et feignant de ne pas pouvoir récupérer sa respiration...
"Regardes-toi... Tu es courageux, mais cela ne vaut rien si tu ne peux assumer tes paroles... Maintenant donne moi cette bague!" L'ordre claqua dans le silence de la nuit, résonnant sur les parois humides de la ruelle.
"Je crois pas non..." murmura Rasliak, comme si le souffle lui manquait...
L'agresseur avançât jusqu'à se tenir juste devant lui, et Rasliak agit au moment précis ou une dague chuinta hors d'un fourreau dissimulé dans la manche de l'inconnu. Prenant appui sur ses coudes, il se jeta violemment en arrière, remontant la jambe gauche qui vint heurter avec force l'entrejambe de l'assassin. Celui ci laissa tomber sa dague, tombant à genou sous le coup...
Rasliak se releva en tremblant... il venait d'échapper à une mort peu agréable, il le savait... Son agresseur ne semblait pas reculer devant le meurtre pour récupérer son dû...
Malgré le danger de la situation, le jeune homme ne pouvait s'empêcher de penser à cette bague...
(Qu'est-ce qu'elle a de si important? S'il est prêt à me tuer, c'est que c'est pas juste un bibelot sans valeur... Si ca se trouve, ce que je ressentais en la regardant c'était pas juste mon imagination...) Son esprit fusait, les hypothèses fourmillant, mais il du interrompre sa réflexion en voyant que son agresseur se relevait, sans trop de difficulté...
"Petit crétin... Tu vas le regretter...""Tu vas le regretter? Comme réplique pour une menace de mort, on fait mieux... Je sais pas moi: je vais t'étriper et répandre es entrailles sur les pavés après m'être baigné dans ton sang, ça sonne mieux non?"(mais bordel, mais qu'est-ce que je raconte moi? Je pouvait pas la fermer non?)"Si tu y tient tellement, je vais me faire un plaisir d'exaucer ton souhait..."L'inconnu remonta sa manche droite, dévoilant un gant de cuir qui remontait jusqu'au coude... Rasliak fut intrigué par une série d'encoche métallique au niveau du poignet, et redouta ce qui allait suivre: l'inconnu tira trois longues tiges pointues de fer, qui luisait d'un éclat malsain, avant de les insérer avec un cliquetis sinistre dans les trois encoches réservées à cet effet... Rasliak dégluti en regardant le gant qui venait de se transformer en une griffe mortelle...
"Euh, on doit pouvoir discuter hein... Pas le peine de s'énerver comme ça!" lâcha-t-il, avec une voie que la peur faisait hésiter...
(Ça fait pas super viril... J'aurais préféré dire ça avec une voie de basse....)"Un peu tard, je ne le crains..." lui répondit l'inconnu, avant de se lancer en avant, toutes griffes sorties, c'était le cas de le dire.
Rasliak plongea sur le côté, effectua un roulé boulé pour se redresser, et n'eut que le temps de se jeter à terre, sous un second assaut. il se retourna, toujours à terre, pour voir son agresseur qui le surplombait, le bras plié, prêt à frapper. Il roula sur le côté au moment ou les trois griffes allaient transpercer son visage: elles se plantèrent dans l'interstice entre deux pavés, et Rasliak profita de ce qu'elles étaient coincés pour frapper le coude de son agresseur dans le sens inverse de l'articulation. Le craquement douloureux qui suivit fit sourire le jeune homme... Difficile de ne pas apprécier la souffrance de quelqu'un qui cherche expressément à vous tuer...
Rasliak senti un puissant courant d'air, qui rabattit sa capuche sur son visage, tandis qu'il dévoilait celui de l'agresseur... À sa grande surprise, il découvrit une chevelure fine qui tombait sur les épaules de son agresseur, encadrant un visage fin de... femme. Elle le regarda d'un air mauvais, le bras coincé tordu et coincé par ses griffes, plantées dans le sol...
"Je t'ai sous-estimé. Ou alors tu es juste chanceux... Peu m'importe: ton manque d'expérience va te couter la vie!"Avec une vitesse et une rapidité époustouflante, elle défit les attache de son gant, libérant son bras, se releva et fit un bond en arrière. Fixant Rasliak d'un regard lourd de signification, elle empoigna son avant bras, serra les dents, et d'un geste brusque suivit d'un craquement désagréable, remit son bras en place...
"Tu manques de précision, et du coup tu ne peux infliger que des cassures nettes... faciles à remettre en place!"Rasliak, bouche bée, regardait la femme sans savoir que faire... Un sentiment d'impuissance, mêlée de surprise et d'incompréhension l'envahit... Il secoua la tête, regagnant le sang froid habituel qui le caractérisait...
(et bien, contre un adversaire qui peut remettre son bras en place, je ne vois qu'une chose à faire...)Souriant, affichant un air confiant, Rasliak se rua sur son agresseur, le bras plié, comme pour lui porter un coup au visage. La femme eut un rictus moqueur, et changea ses appuis afin d'accueillir ce jeune écervelé comme il le méritait... Sauf que l'impact n'eut jamais lieu. A moins d'un mètre d'elle, Rasliak changea soudainement de direction, s'engouffrant dans la ruelle d'où il venait.
(La fuite!!)Il n'eut le temps de faire que quelques mètre avant d'être rattrapé. Avec une adresse fulgurante, la femme lui faucha les jambes d'un coup de pied agiles, l'envoyant s'écraser au sol. Il se réceptionna du bras droit, et une douleur froide lui mordit l'avant bras. Il retint un cri de douleur, ses yeux tomba sur la cause de sa douleur... Son cœur battait la chamade, mais il tenait peut-être là son salut... Il se retourna sur le dos, faisant face à l'assassin mystérieux, sa main droite tâtonnant dans l'obscurité...
Elle s'accroupit, enfonçant ses genoux dans son ventre, afin de l'immobiliser, et, d'une voix froide, murmura à l'oreille du jeune voleur:
"Tu aurais du m'obéir tout de suite, au lieu de jouer les braves... Ce n'est pas du courage dont tu as fais preuve, mais de la bêtise.... Et je vais m'assurer que tu en meurs!" lui susurra-t-elle. Froide promesse de mort.
Il sentit ses main froides s'emparer de son coup et commencer à serrer. Il sentit que l'air allait rapidement lui manquer, lorsque sa main droite se resserra sur un objet froid. Il sût qu'il avait trouvé ce qu'il cherchait.
Le rictus de l'assassin se figea sur ses lèvres. Ses mains lâchèrent le cou de Rasliak et se portèrent à son coup, percé de part en part par sa propre dague, qu'elle avait laissé tomber plus tôt, sans la ramasser... Les yeux de Rasliak clignaient au rythme du sang chaud qui gouttait sur son visage. Il lâcha la dague et poussa le corps de la femme sur le côté. Son buste se soulevait alors qu'elle essayait de reprendre son souffle, gorgeant ses poumons d'un peu plus de sang à chaque inspiration. Son dernier regard fut pour Rasliak: un regard froid, sans émotion qui fit frissonner le jeune homme...
Il s'affaissa à côté du corps de la femme. Qui était-elle? Pourquoi voulait-elle cette bague à tout prix? travaillait-elle seule? Les question s'enchainait dans son esprit à un rythme effréné, tandis que sa conscience fuyait... Les yeux dans le vague, il resta immobile plusieurs minutes, avant de lentement reprendre conscience. Il passa la main sur le visage de l'assassin, lui refermant les yeux. Il glissa ensuite la main sous sa tunique, cherchant un indice éventuel, et sentit quelque chose de doux au touché... Il ressortit la main, tenant une enveloppe de velours noir, orné d'un sceau de cire déjà brisé. Il l'ouvrit et en sortit le parchemin qu'elle contenait...

Requête de Lyuben
Voici nos informations sur votre cible: Il s'agit d'un voleur résidant dans une des maisons abandonnées des bas quartiers de la ville. Il nous a volé un objet, une bague, qu'il nous faut à tout prix récupérer.
Vous n'êtes pas encore habilitée à en connaitre les raisons, mais nous vous savons dévouées a notre cause. Réussissez, et nous saurons vous récompenser a la hauteur de vos services.
Utiliser tous les moyens nécessaires à l'obtention de la bague. Il nous la faut a tout prix.
XIIè Chevalier Sublime de Lyuben(Lyuben? C'est quoi ça? En tout cas, ça sent pas bon, ça veut dire que non seulement elle bossait pas seule, et qu'au contraire c'est toute une organisation, mais qu'en plus ils doivent avoir un paquet d'autres tueurs.... Surement plus compétents... Déjà que je m'en suis tiré qu'avec un gros coup de chance...repensant à la façon dont il avait pu clore l'incident, il frissonna: Si jamais elle avait eu l'idée de ramasser sa dague, nul doute qu'il y serait passé... Sans ce semblant d'intervention divine, il ne serait déjà plus de ce monde... Regardant le cadavre encore chaud, il se mit à trembler.
( Bon, c'est pas tout ça, mais est-ce qu'elle aurait pas encore un ou deux trucs sur elle?)Replongeant la main sous les vêtements de l'assassin, il en extirpa cette fois ci un bout de parchemin déchiré, qu'elle dissimulait dans les bandes qui lui entourait la poitrine. Quelque chose y avait était griffonné en hâte, et la faible luminosité de la ruelle ne lui permettait pas de tout déchiffrer.
Trainant son cadavre jusque dans un recoin de la ruelle, afin d'en retarder la découverte, il s'éloigna en silence des lieux. Son bras droit saignait là ou la dague l'avait entaillé, et ses deux jambes étaient endoloris du coup qu'il avait reçu...
Il effectua rapidement en sens inverse le chemin qui le séparait de sa maison. Là, il pourrait réfléchir tranquillement et essayer de déchiffrer ce que tout cela signifiait. Sans oublier l'étrange morceau de parchemin qu'il avait trouvé sur la femme.
vers les ruelles