[Depuis l'auberge du pied levé]La nuit était fraiche, et Rasliak pouvait voir sa respiration flotter hors de sa capuche. Il connaissait la route du tripot de Franche-Saurette pour être passé quelques fois devant, mais se refuser d'entrer par la porte principale. S'il voulait affirmer son efficacité auprès de son mystérieux employeurs, il lui fallait commencer à bâtir une réputation. Et une réputation de voleur, cela ne commence pas par "Il est entré par la porte.."
Non, Rasliak ne se contenterait pas d'une porte. Ni d'une fenêtre dans ce cas précis. Cela revenait à peu prés à la même chose. Toutefois, nul besoin d'avoir terminé des études de comptable pour savoir qu'un tripot ne survit pas grâce aux parties de cartes et autres paris tenus dans la grande salle principale, mais bien grâce aux activités illégales souvent menées en arrière salle ou en cave. Et nul besoin d'avoir fait des études d'huissier pour savoir que de temps en temps, la garde venait y faire une patrouille afin de vérifier que tout se déroule bien en toute légalité. De même qu'il n'était nul besoin d'avoir fait des études d'architectes pour comprendre que le meilleur moyen de faire rapidement disparaitre toute trace d'activités illégales, c'est d'évacuer les clients peu recommandables par une sortie discrète lors des rafles de la garde. Une sortie de cave donnant sur la rue eût été trop évidente et trop en vue pour convenir, celle du tripot menait donc sans doute à une véritable cave à vin.
Par contre, après avoir questionné quelques passants, Rasliak put apprendre que le dénommé Yvanov, dont la fonction officielle était chef de la sécurité du tripot, vivait dans la maison dorsale du tripot. Il aurait suffit de traverser la paroi de sa maison pour débouler en plein dans le tripot... Voilà qui avait de quoi éveiller quelques soupçons. En insistant un peu auprès de ses informateurs providentiels, le jeune voleur découvrit que la garde n'avait pas été dupe quant à cette éventualité, et avait fouillé la maison d' Yvanov à plusieurs reprise, mais n'avait rien trouvé indiquant qu'il puisse exister une cloison vide. Sauf que si cela suffisait à refroidir les soupçons de la garde, Rasliak lui s'en trouvait de plus en plus intéressé par l'histoire. Il n'y avait aucun doute qu'un tel passage était nécessaire pour les activités du tripot, et la localisation de la maison d' Yvanov ne pouvait être une coïncidence. Surtout lorsque l'on connaissait sa véritable fonction au sein du tripot. Car si la missive lui adjoignait de forcer Yvanov à clarifier ses comptes, c'est qu'il était sans aucun doute chargé de superviser le bon déroulement et la rentabilité du côté plus officieux du tripot...
C'est là qu'avoir fait des études -ou ce qui s'en rapprochait le plus- de voleur devenait utile: Il lui suffisait de s'introduire dans la maison d' Yvanov pendant que celui ci était au tripot, donc jusqu'à la fermeture de l'établissement, de trouver le passage reliant les deux bâtisses, si tant est qu'il exista vraiment, puis de surprendre Yvanov, sans garde, pour avoir une petite discussion avec lui.
( Une véritable promenade de santé quoi. Surtout que... Je vois pas pourquoi il accepterait de rendre des comptes à Longinus et Lyssena, quand bien même j'arriverais à entrer en contact avec lui. Enfin, on verra ça en tant utile... D'abord, il faut entrer. Et pas par la porte!)Rasliak venait d'arriver en vue du tripot. La maison d'Yvanov devait se trouver juste derrière. Profitant de ce que la ruelle soit déserte, à l'exception du gorille chargé de surveiller l'entrée de tripot -occuper à soulager sa vessie sur le mur d'en face- Rasliak se hissa rapidement sur le toit d'une des maison de la rue. Il passa rapidement de toit en toit, jusqu'à atteindre le tripot. De là, il passa en silence sur le toit de la demeure d'Yvanov. L'adrénaline commençait à faire son effet: il commençait à vraiment aimer cette sensation. Tout l'intérêt de la chose tenait en ce qu'un voleur est invulnérable tant qu'il ne commet pas d'erreur: impossible sinon de le repérer, ni même de soupçonner sa présence. Mais la moindre erreur, et c'était terminé. La fragilité de cette situation d'impunité et de liberté faisait battre son cœur d'excitation.
[Vers les habitations]
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Watch the shadows, watch the walls,
For there he lurks, and there he crawls
His dagger quick, his dagger sly,
To cut your throat, to pierce your thigh.